Chansons populaires de la Basse-Bretagne/L’avenue des romarins

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L’AVENUE DES ROMARINS
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   — Bonjour à vous, ma douce jolie !
— Et à vous aussi, jeune clerc !

   — Me voici venu vous voir,
Si je ne vous aimais, je ne serais pas (venu).

   — Si vous aimez, aimez toujours,
Si elle est ici, celle que vous aimez.

   — C’est dans cet espoir-là que je vis :
Elle est ici, celle que j’aime.

   Quand je passai (devant) la petite porte,
Vous chantiez et vous faisiez du feu ;

   Vous chantiez et vous faisiez du feu,
Vous aviez beau m’entendre, vous ne faisiez cas.

   — Si vous aviez voulu dire (que vous étiez là),
Je vous aurais ouvert la porte.

   — Moi, j’ai une maison et un courtil,
Un tas de fagots, à l’entrée de ma cour ;

   Étang et fontaine j’ai aussi,
Il ne me manque plus qu’une fille jolie.

   — Si c’est une fille jolie qu’il vous faut,
Ce n’est pas moi qui puis vous convenir :

   Moi, je suis par Dieu privée
De gentillesse et de beauté ;


   Moi, je suis privée par Dieu
De l’une et de l’autre.

   — Non, vous n’êtes par Dieu privée
Ni de gentillesse ni de beauté :

   Vous avez un visage ardent,
Qui me rendra l’esprit content.

   — Si j’ai un visage ardent,
Vous aussi vous êtes à mon goût.

   — Je ne me lève pas un jour de mon lit
Que je ne touche une boisselée de froment de rente ;

   De froment de rente, des plus beaux,
Ni pois sauvages ni charbon il n’y a en lui.

   — Cherchez un froment, des plus beaux,
Pois sauvages et charbon il y aura en lui ;

   Pois sauvages et charbon il y aura en lui, (parmi.)
Dans le vôtre, plus qu’en aucun autre.

   — Trois paires de chaussures j’ai usé,
Ma douce, à venir vous voir ;

   (J’ai) fait faire la quatrième paire,
Et, malgré cela, je ne sais pas votre pensée.

   — Quand vous serez las d’user des chaussures,
Venez sur les semelles de vos bas ;

   Ou bien restez chez vous,
Et vous ne perdrez pas votre temps.

   — Entre votre maison et la mienne,
Il y a une avenue (bordée) de romarin :

   La bordure de votre côté est flétrie,
Celle de mon côté (est) fleurie :

   Ce qui montre que vous ne m’aimez pas,
Ma douce, et que vous me délaissez.

   Je vous avais donné un couteau joli,
En même temps qu’une bague d’argent.

   — Votre couteau est usé, depuis longtemps
À peler des poires et des pommes.

   Si vous m’avez donné des bagues,
Moi, je vous avais donné de la monnaie ;


Je vous avais donné une bourse de soie,
Et, dans cette bourse, tout plein de monnaie.

Rapportez ma monnaie chez moi,
Et tenez votre bague, trompeur !


Keranborgne. — 1848.
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