Chansons populaires de la Basse-Bretagne/La chanson des patates

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LA CHANSON DES PATATES
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   Si je pouvais savoir la manière, j’aurais composé
Une chanson pour faire l’éloge des fruits bénis
Qui portent le nom de patates,
Recours du peuple tout entier, en ville et à la campagne.

   C’est d’elles qu’on engraisse les porcs, les vaches et les chevaux ;
Les gens, deux fois par jour, en font leur pension régulière.
Bien embarrassés nous nous trouverions, les jours de carnaval,
S’il fallait se passer de patates, le soir et à midi.

   (Mais) nous pouvons nous consoler, car, quand (le carnaval)
___________________________________________sera passé,
Viendra le carême, et on les pèlera (les patates),
Deux fois par jour en certaines maisons, et trois, en d’autres.
Pâques à son heure arrivera, au temps réglementaire.

   C’est un temps de plaisir, (celui) où l’on change de soupe,
Où (l’on a) un énorme morceau de lard (à manger) avec une patate.
(Patates) vous donnerez force et courage au pauvre cher laboureur,
Pour labourer la terre et en faire sortir de belles patates.

   Il n’y a rien en terre, qui pousse comme elles ;
A peine les anciennes viennent-elles à manquer que
_________________________________les nouvelles arrivent ;
Je ne saurais faire d’elles un plus bel éloge (que celui que voici) :
Elles sont pour moi le fruit souverain entre toutes les productions du pays.

   Autrefois, c’était le froment qu’on prisait par dessus tout ;
Maintenant, les patates l’emportent sur lui.
Le froment n’est pas encore mûr, qu’il faut déjà le faire sécher ;
Mais, fit-il pluie, vent, quand l’époque est venue d’arracher (les patates),
On les peut mettre à l’abri et les sauvegarder,
Tandis que le blé, une fois mouillé, ne fait pas de bonne nourriture.

   Moi, j’ai entendu un homme, en chemin, dire
Qu’il avait semé de patates l’espace d’un cent de blé.
Quand il les a fait arracher et charroyer,
Il en a eu neuf pleins tombereaux.

   Peut-être prétendrez vous que je raconte des fables ;
Tous les gens de ma maison sont prêts à rendre témoignage
___________________________________(que je dis la vérité) ;
Car, j’ai trois garçons et aussi deux servantes,
Qui tous ont aidé à loger les patates.



   Laissons la patate reposer en paix :
Le matin, on la cuit, à midi et le soir ;
Disons qu’elle est notre recours, en ville et à la campagne.
Tous seront malheureux, si les patates viennent à manquer.

   Les paysans, avec du lait, les avalent telles quelles.
Pièce à pièce, (ils se les fourrent) dans le corps, celles d’entre elles
___________________________________qui peuvent se manger ainsi.
Les gentilshommes, dans les villes, les préparent délicatement,
Les envoient cuire au four, avec un morceau de bonne viande.

   Chantons à voix haute: Honneur aux patates,
Que l’on pose sur la table avant le plat de crêpes !


Chanté par Marie-Jeanne Marzin à Pédernec,
septembre 1888.
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