Chansons populaires de la Basse-Bretagne/La chanson du capitaine

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LA CHANSON DU CAPITAINE
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   Un capitaine de Morlaix
A sa maîtresse décédée,

   A sa maîtresse décédée,
Il y a (de cela) huit jours et huit nuits.

   Voilà huit jours et huit nuits
Que lui en est parvenue la nouvelle :

   Quand vint la nouvelle jusqu’à lui,
Il était à table, qui soupait.

   Le jeune capitaine disait
A sa compagnie, cette nuit-là :

   — Si j’étais où je souhaiterais,
Ce n’est pas ici que je serais ;

   Si j’étais où je souhaiterais,
Dans la ville de Lannion je serais.

   Là il y a une héritière
Qui dans mon cœur est reine ;

   J’irai là la demander (en mariage)
A son père et à ses proches ;

   S’ils me refusent
Je ferai faire une barque neuve,

   J’irai avec elle à la mer blanche,
A la mer bleue et à la mer jaune,

   J’irai avec elle à la mer noire
J’irai avec elle de tout côté.

   Il n’avait pas son mot achevé,
Que messager dans la chambre est entré,

   Messager dans la chambre est entré,
Dans sa main, lettre de noir cachetée.

   — Tenez, capitaine, et lisez ;
Prenez une chaise et vous asseyez.


   — Point n’est besoin de s’asseoir sur une chaise,
Pour lire un bout de papier ;

   Y eût-il en lui dix-huit feuilles,
C’est debout que je le lirai tout du long.

   Il n’avait pas ouvert la lettre tout à fait,
Que l’eau était sur ses deux yeux ;

   Il n’avait pas entièrement lu la lettre
Qu’elle était trempée de ses larmes :

   — Adieu, ma mère ! adieu, mon père !
Plus jamais ne vous verront mes deux yeux ;

   Adieu, proches et amis !
Je ne viendrai plus désormais vous voir.

   Adieu, filles de Saint-Malo !
Vous ne compterez plus mes pas ;

   Vous l’avez fait, souventes fois,
Tandis que vivait mon héritière.


(Jeanne Le Morvan. — Rospez)