Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Le clerc marié

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LE CLERC MARIÉ
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I

   (C’est) une jeune fille de Hengoat, laquelle a fait la vaniteuse ;
Comme elle était fille de bonnes façons, chacun la recherchait.
Il venait la voir des jeunes gens de toute condition,
Des meuniers, de jeunes clercs, des tailleurs d’habits.

Cette fille-ci a pour se vêtir des vêtements noirs, des vêtements blancs,
Des mouchoirs de Flandre à se mettre au cou ;
Des mouchoirs de Flandre à se mettre au cou,
Des coiffes de batiste pour enserrer ses blonds cheveux.

II

   — Maintenant que je suis mariée, un clerc j’ai eu,
Grâces en soient rendues au recteur, qui a fait nos bans !
Un tout jeune clerc, qui ne sait pas labourer...
Oh ! oui, par la grâce de Dieu, nous ferons bon ménage.

   Maintenant il vendra ses livres, partie de ses effets,
Et il achètera bêche et hoyau, pour apprendre à labourer.
   — Point ne vendrai mes livres, ni non plus mes effets ;
Je n’achèterai ni bêche ni hoyau, pour apprendre à labourer ;


   Moi, j’irai au lit, dès que j’aurai soupé,
Et vous, vous resterez filer, sans chandelle ni feu.
— Si je reste, moi, filer, vous resterez, vous, dévider,
Et si vous allez en votre lit, moi, j’irai dans le mien.

   — Moi, j’ai ici une gaule qui sèche à la fumée, dans l’âtre,
Et je vous en cinglerai, aux quatre coins de la maison.
Oh ! oui je vous en cinglerai, aux quatre coins de la maison,
Si bien que vous ferez pitié, ma douce, au chien.

III

   — Autrefois, quand j’étais jeune fille, j’étais une fillette de vanité ;
J’étais une fillette joyeuse, qui raffolait des ébats ;
Pour voir un jeune homme s’avancer vers moi,
Je ne faisais pas de lui grand état.

   — Autrefois, quand je passais devant la maison du vin (l’auberge),
L’hôte venait (à ma rencontre), son chapeau (baissé) jusqu’aux genoux ;
Maintenant, quand il me voit passer, il hoche la tête,
Il sait que j’ai fait danser hélas ! tous mes écus.

Autrefois, quand j’étais jeune homme, j’avais une haquenée,
Qui me portait jusque chez ma maîtresse et qui m’en ramenait ;
Vendue est ma haquenée, envolé tout mon argent,
Et me voici sans bas, nu-pieds, patouillant eau et boue !


Chanté par Marie Hulo, servante à Keramborgne. 1847.
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