Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Les adieux du soldat de la République
RÉPUBLIQUE
Ecoutez et vous entendrez, et vous entendrez chanter
Une chanson qui a été levée nouvellement, cette année-ci,
Qui est faite à deux jeunes gens de la paroisse de Peumerit
En l’an deux de la République,
En l’an deux de la République française.
Avant de dire davantage, je vais la commencer.
A vous je demande excuse, compagnie ;
Je ne parlerai de personne (autre) que de ma maîtresse ...
La nuit qui précéda son départ,
La nuit du pardon de Peumerit, il a dit :
— Viens avec moi, camarade, viens avec moi te promener,
Car il faut que je dise adieu à ma maîtresse, aujourd’hui ;
Il faut que je dise adieu, cette nuit, à ma maîtresse ;
Mon cœur se brise de tristesse.
Comme il arrivait près de la porte, il a remarqué (qu’elle était close)
— Seigneur Dieu ! dit-il, cœur désolé,
Les portes sont fermées, les gens sont allés se coucher !
— Tais-toi, dit son camarade, ne te désole pas ;
Tais-toi, dit son camarade, ne te désole pas,
Je frapperai à la porte, pour que l’on t’ouvre.
Et lui de frapper deux ou trois coups, pour demander qu’on ouvrit,
Et de venir la vieille ouvrir la porte.
En entrant dans la maison, « bonne nuit » il a dit,
Tout en demandant aux gens s’ils étaient toujours bien portants !
Et elle (la vieille) de lui répondre qu’ils étaient bien
portants, grands et petits,
— Et vous, dit-elle, jeunes hommes ? Approchez-vous du feu !
La peine, la tristesse lui emplissaient l’esprit,
Et il a demandé à entretenir sa maîtresse.
La vieille monte alors sur le banc du lit de sa fille :
— Ma fille chérie, dit-elle, levez-vous de là,
Ma fille chérie, dit-elle, levez-vous de là ;
Pour parler à un jeune homme qui est arrivé là,
Nul ne sait, sauf eux deux, et Dieu, qui est au ciel,
Le mal qu’ont à se séparer deux cœurs qui s’aimaient.
Il lui a dit, en une parole nouvelle :
— Quand je serai au milieu de la guerre et au milieu de l’armée ;
Quand je serai au milieu de la guerre et au milieu de l’armée,
Pour moi, je ne vous oublierai pas, ma douce, mon amour !
Avec la Réquisition, l’homme est parti,
Et la fillette désolée à la maison est restée ;
Et la fillette désolée à la maison est restée,
Et elle pleurait abondamment (de regret) à son temps passé.
Un jour, au matin, qu’elle se leva de bon matin,
Elle d’entendre un oiselet chanter dans le bois,
Et elle d’approcher du buisson où il chantait si gaîment :
— Volerais-tu, pour moi, jusqu’à la tête de l’armée ? (bis)
Pour savoir si est encore vivant mon doux (ami), mon amour.
L’oiselet, quand il a entendu, lui a dit:
— Ecrivez vos lettres, Fanchonnette, quand vous voudrez ;
Écrivez vos lettres, Fanchonnette, quand vous voudrez,
Et moi, j’irai les porter, aussitôt qu’elles seront faites.
Et les lettres ont été mises à l’oiseau dans le bec,
Dans la direction de Metz Saint-Laurent avec elles il est parti[1] ...
- ↑ Le poète aura compris, Metz Sant-Laurans au lieu de Metz en Lorraine.