Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Les conscrits de Loguivy
Ecoutez, et je vous conterai,
Je ne le puis nier,
L’habitude d’aimer, quand elle commence à vous prendre,
Il est rare qu’on la pusse rompre.
Moi, j’ai aimé fidèlement
Une fille sage, et prudente,
Et jolie par-dessus toutes les filles, sans en offenser aucune,
Là où elle marchait, je n’aimais qu’elle.
Moi, j’ai choisi une maîtresse jolie,
Une fille sage et prudente ;
Beauté ni bien, rien ne lui manque :
Quel plaisir de la contempler !
(Il est arrivé) parmi les bons gars,
(L’ordre) de tirer au sort pour le service du Roi.
Dieu console ceux à qui il écherra !
Quand nous étions en ville assemblés,
Quelque trois cents gars,
Là, il y avait soupirs, chagrin et mélancolie,
Pour savoir qui serait soldat pour la paroisse de Loguivy
Quand je fus dans la chambre, près de tirer,
Je me mis à trembler,
En songeant dans mon cœur, dans mon esprit,
Que je serais soldat ; et ma crainte s’est justifiée.
Quand m’échut le billet,
Moi de me désoler !
O Vierge Marie ! le billet m’est échu,
Me voilà conscrit pour la paroisse de Loguivy !
On nous donna quelque peu de congé
Pour aller à la maison, alors,
Dire adieu à nos parents et à nos amis,
Et faire nos adieux à nos maîtresses.
— Bonjour à vous, ma douce Marie,
Le billet m’est échu !
Le temps est arrivé où il faudra vous quitter
Et vous délaisser, peut-être pour (tout) de bon !
— Serait-il possible, mon serviteur,
Que c’en est fini de notre (beau) temps,
Et que notre bonheur se change en amertume !
Je voudrais m’abîmer dans le cœur de la terre !
— Marie, ne dites pas cela,
Vous, vous avez toute liberté
De choisir votre désir, dans la paroisse de Loguivy,
Et moi, je suis désormais sous leur autorité.
En quelque lieu que je marche,
Je me souviendrai de Marie ;
Ni nuit, ni jour, elle ne sortira de mon esprit ;
Quand vous, penserez le moins, je viendrai vous revoir.
Marie, en toutes vos prières,
Souvenez-vous de moi,
Et si je reviens encore au pays jamais,
Je me comporterai envers vous comme un chrétien.
Je ne vous verrai plus ;
Je n’aurai dorénavant le plaisir
De me promener devant vous, à côté de ma maîtresse
Adieu, port de Brest et Recouvrance,
Je vais quitter la France,
Et vous, La Roche, Landerneau, Saint-Pol, Morlaix,
Landivisiau, par où je passais souvent !
Adieu, parents et amis,
Vous, vous ne partirez pas ;
Chantez une chanson pour vous récréer,
J’en ferai autant, quand je serai aux Iles (Colonies).