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Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Marie Bonbec

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MARIE BONBEC
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Si vous avez envie, amis,
De connaître une femme d’arrogance,
Je vous mènerai, quand vous voudrez,
En présence de Marie Bonbec.[1]

Tous les jours, vers une heure et demie,
Elle s’accroupit sur le seuil de sa porte,
Et aussitôt elle plante son derrière
Sur un escabeau ou une chaise,
Et tout le monde d’accourir à elle...
L’audience est ouverte.

Sur les genoux de Marie on voit
Une espèce d’énorme assiette,
Sur laquelle, chaque jour, on compte
Combien de commérages elle a inventés.

Là on compte combien il y a de filles licheuses
Qui vont chaque jour au café,
Combien il y a de filles qui ont trois amoureux,
Et combien d’autres qui sont vaniteuses,
Et combien il y a de maris ivrognes,
Et combien il y en a qui battent leurs femmes.


Marie Bonbec préside
Le conseil sans culotte,
Et sans avoir beaucoup d’égards,
Elle ouvre toute large sa bouche.

Du moment qu’elle n’a sur son visage
Ni moustaches, ni barbe,
Il faut (du moins) qu’elle ait cette supériorité
De décrier les gens du pays,
(Qu’elle ait pour elle) les mensonges, les soupçons,
_____________________________les médisances ;
Il y a des gens de toutes catégories.

Marie Bonbec est attifée
Comme la plus haute noblesse ;
C’est grand dommage qu’elle ne soit l’épouse
D’un homme riche de France,

Attendu qu’elle est princesse de l’oisiveté,
Comtesse des haillons,
Et duchesse pour la saleté,
Marquise des bavardes,
Gouvernante du charivari,
Et baronne des chiffons.

Les plus acharnées à décrier
Celles qui ont trouvé à se faire un sort,
Ce sont les vieilles fées édentées,
Les filles restées sans parti,

Les filles restées moisir,
Faute d’avoir mis la main sur un bout d’homme,
Et qui commencent, à cette heure, à se fâcher
De ce que personne ne fait choix d’elles ;
Et pourtant la plus vieille (d’entre elles)
N’a pas encore soixante ans !

Sitôt que l’on aura banni ,
Le mariage de deux jeunes gens,
Ds seront, le lundi matin, appelés
Au grand conseil par Marie.

Que de conseillers ne verra-t-on pas
Se mettre en route avec leurs sabots courts,
Pour découvrir le meilleur moyen
De couper court à l’affaire ?
La fille (dira-t-on) sera une gueuse,
Ou bien l’homme sera ivrogne.


Quand sera arrivé le monde de la noce,
Arrivé aux abords de l’église,
Marie, prestement, se précipitera,
Avec ses manches sales de chemise.

A peu près comme une vache qui s’affole,
Elle court en avant, par la rue :
— Holà ! Jeannette, Catherine, Perrine,
Françoise, Margot, venez tout de suite !
Je vois s’avancer la noce de Martin,
Venez passer la revue !

Remarquez, ma commère, celle-là,
(Avec) son tablier déteint,
Sa collerette sans empois,
Sa jupe trop courte ;

Et voyez-moi le jeune époux,
Combien chétif est son pantalon !
Son chapeau est plus grand que lui,
Et beaucoup trop grandes sont ses chaussures.
Il porte un vieux gilet
Sur une chemise en haillons ! —

Quand sera la pauvre femme accouchée
De son premier enfant,
Marie fera si bien l’étonnée !
— Comment? il y a déjà neuf mois ?

Il me semblait que la noce avait lieu
Le lundi après le pardon de Paul...
Hélas ! quand on ne se garde pas...
Allons! elle a fait le coup !...
Sans m’en avoir prévenue,
Voilà qui me paraît singulier !...

Quand Marie entend la cloche de l’église
Appeler pour le baptème,
Marie, un pied dans son sabot,
Se précipite devant le chantre :

— Par malheur, n’auriez-vous pas besoin,
Vous qui avez la voix si enrouée,
Qu’on vous aide à chanter le Te Deum

Pour l’enfant qui vient de naître ? —
Puis, avec ses commères, elle reste
Près de l’échalier du cimetière...

(Il manque quelques vers.)____________


Chanté par Catherine Le Berre, mendiante, à Pluzunet.
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  1. Mot-à-mot : Bec-en-avant.