Chansons populaires du Canada, 1880/p286

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Texte établi par Robert Morgan,  (p. 286-290).


perrette est bien malade —
chez mon père ya trois filles


La chanson de Perrette étant chantée dans toutes nos campagnes, et par les gens du peuple, j’ai cru devoir lui donner place ici, mais j’avoue que sa musique, aussi remarquable par sa distinction que par son caractère antique, semble accuser une origine peu populaire. Paroles et musique sont peut-être nées au milieu de « ces prés fleuris qu’arrose la Seine, » dans Lutèce la chantante elle-même, alors que l’école littéraire dite sentimentale peuplait le Louvre et Versailles de bergers et de bergères.

Dans tous les cas, les couplets de Perrette est bien malade, de même que ceux de Chez mon pèr’ ya trois filles, qui semblent en être une variante plus populaire, ne sont certainement pas canadiens. Les mots : aubade, musette, et tambour sont là pour le prouver.[1].

Chez mon père ya trois filles se chante sur la première partie (andante) de l’air noté ci-après. Cette variante m’a été chantée par une jeune fille du nom de Farly, de Saint-Barthélémy, comté de Berthier.





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% Ligne 1 
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% Ligne 2 
    a4 a8 a a4 b8 c | d4 g,8 g g4_\fermata c8[ d]
    e4. e8 e4 e\break 
% Ligne 3 
    e4( d) d e8[ d] | c4. c8 c4 b | a c g a | e4.e8 a4~ a8^\markup { \smallCaps "fin."} \bar "||"  \break
% Ligne 4
    \time 3/8 \tempo  4 = 120 \partial 8 e8^\markup { \musicglyph #"rests.3"} | 
    a4.^\markup {\hspace #' -5  \italic \bold "Presto."} c8 b a | g4. | g4 g8 | a4 a8 \break   
% Ligne 5  
    e fis gis | a4. | r4 e8 | a4. | c8 b a \break 
% Ligne 6 
    g4. | g4 e8 | f4 f8 | d8[ e] f | e e e \break
% Ligne 7
    d e f | e e e | d e f | e r8 e | a4 c8 \break
% Ligne 8
    \stemUp b4 \stemNeutral g8 a4 e8 | a4 c8 | 
    \stemUp b4 g8 | a4. | r4\fermata _\markup {  "D.C."}
    
   \bar "||" 
  
 }
\addlyrics { 
Per -- rette est bien ma -- la -- de, Tra la
la la la la Tra la la la la la, Per -- rette est bien ma-
la -- de, En dan -- ger de mou -- rir, En dan -- ger de mou -- rir. 
Son a -- mi la va voi -- re, Tra -- la la 
la la la la, Son a -- mi la va 
voi -- re: —Te lai’ -- ra -- tu mou -- rir? Be -- zin-
zi be -- zin -- zon, Be -- zin -- zon be -- zin -- zain’, Te lai’ ra-
tu mou -- rir? Te lai’ ra -- tu mou -- rir?
}

  
Andante..

Perrette est bien malade,
Tra la la la la la
Tra la la la la la,
Perrette est bien malade,
En danger de mourir. (bis)

Presto..

Son ami la va voire,
Tra la la la la la la,
Son ami la va voire :
— Te lai’ ra-tu mourir ?
Bezinzi bezinzon,
Bezinzon bezinzaine,
Te lai’ ra-tu mourir ? (bis)

Andante.

— Non, non, répondit-elle,
Tra la la, etc.
Non, non, répondit-elle,
Je ne veux pas mourir. (bis)

Presto.

Qu’on m’apporte ma flûte,
Tralalalalalala,
Qu’on m’apporte ma flûte
Et mon tambour joli.
Bezinzi, bezinzon, etc. (bis)

  
Andante.

Pour jouer une aubade,
Tra la la la la la
Tra la la la la la
Pour jouer une aubade
Et chasser les soucis. (bis)




 
Chez mon pèr’ ya trois filles,
Les voici, les voilà,
Tra la la tra la la,
Chez mon pèr’ ya trois filles,
Tout’ s trois à marier. (bis)

Mais yen a deux qui chantent,
Les voici, les voilà, etc.,
Mais yen a deux qui chantent
Et l’autre qui gémit. (bis)

Pourquoi gémir, la belle ?
La voici, la voilà, etc.,
Pourquoi gémir, la belle :
Nous somm’ s tous réjouis ! (bis)

Chantez, chantez la belle,
La voici, la voilà, etc.,
Chantez, chantez, la belle,
Nous chanterons aussi. (bis)

Qu’on m’apporte ma musette,
La voici, la voilà, etc.,
Qu’on m’apporte ma musette
Et mon tambour joli ! (bis)

 
Que je jou’ des aubades,
Les voici, les voilà, etc.,
Que je jou’  des aubades
Aux enfants sans souci. (bis)

— Les enfants sans souci, me dit-elle,
Les voici, les voilà, etc.
Les enfants sans souci, me dit-elle,
Ils sont bien loin d’ici. (bis)

Ils sont à la caserne,
Les voici, les voilà, etc.,
Ils sont à la caserne,
Après se divertir. (bis)

Ils boivent pots et pintes,
Les voici, les voilà,
Tra la la tra la la,
Ils boivent pots et pintes,
Vidant les verr’ s aussi. (bis)



  1. Il est important de remarquer que le peuple, en Canada, ne fait pas usage d’instruments à sons fixes, tels que la vielle et les différentes sortes de musettes ou cornemuses : le biniou, le bag-pipe, etc ; que le violon est le seul instrument dont se servent nos virtuoses campagnards ; et que, conséquemment, on ne saurait attribuer aux exigences d’instruments à sons fixes le fait que nos chants populaires appartiennent presque exclusivement au genre diatonique.

    Le tambour, dont nos paysans ne font pas non plus usage, était autrefois un instrument très en vogue en Canada, avant l’arrivée des blancs. On le regardait presque comme quelque chose de sacré, parce que les jongleurs s’en servaient toujours dans les chants qui accompagnaient leurs magies. C’est si bien le cas que les premiers missionnaires de la Nouvelle-France ne considéraient un sauvage bien converti que lorsque celui-ci avait brisé son tambour. Le Frère Gabriel Sagard dit, en parlant d’une coutume montagnaise : «  … Je m’oubliais de parler des violons ou instruments musicaux aux sons desquels, & des chansons des deux chantres, tout le branle alloit & se remuoit à la cadence ; c’estoient une grande escaille de tortue & une façon de tambour de la grandeur d’un tambour de basque, composé d’un cercle large de trois ou quatre doigts, & de deux peaux roidement estendues de part & d’autre, dans quoy estoient des graines de bled d’Inde, ou petits caillous pour faire plus de bruit : le diamettre des plus grands tambours est de deux palmes ou environ, ils le nomment en Montagnais Chichigouan ; ils ne le battent pas comme on fait par deça : mais ils le tournent & remuent, pour faire braire les caillous qui sont dedans, & en frappent la terre, tantost du bord, tantost quasi du plat, pendant que tout le monde danse.

    « Voyla tout ce qui est des instruments musicaux du pays. »

    « Sagard — Histoire du Canada, page 474, Paris, 1636.