Chansons populaires du Canada, 1880/p306
Il n’y a qu’un seul Dieu
Je connais depuis bien longtemps cette ancienne ronde que l’on pourrait parfaitement appeler une ronde religieuse. L’exécution en est très-simple :
Les danseurs se comptent d’abord à haute voix, de façon à ce que chacun d’eux se trouve être désigné par un nombre pair ou impair. Le chant commence ensuite et la chaîne se met à tourner. On tourne ainsi constamment, tantôt à droite, tantôt à gauche ; mais quand les chanteurs en sont au sixième couplet, et chaque fois que ce sixième couplet se répète, tout le monde s’arrête, et, pendant que l’on chante : Six urnes placées, remplies, les danseurs désignés par un nombre pair se tournent, d’abord à droite, puis à gauche, et font à leurs voisins de profonds saluts. Ceux que désigne un nombre impair font la même cérémonie en sens inverse : le tout avec la gravité d’une cérémonie religieuse. Puis lorsque l’on chante : À Cana, en Galilée, les danseurs recommencent à tourner.
Tout cela n’est guère dans le goût des jansénistes. Tandis que ceux-ci, sous prétexte de respect, bannirent Dieu de tout ce qui n’est pas le ciel ou le sanctuaire, les catholiques véritables ont le bon sens de parler de Dieu partout, même dans leurs amusements. « On a remarqué dès longtemps, dit d’une manière charmante M. de Sainte-Beuve, cette gaieté particulière aux peuples catholiques ; ce sont des enfants qui, sur le giron de leur mère, lui font toutes sortes de niches et prennent leurs aises. »
Cette ronde est la traduction à peu près littérale d’une des Imitations des Séries druidiques que composèrent les missionnaires qui établirent le christianisme dans les Gaules. On s’en convaincra par cette citation partielle de deux chants publiés par M. de Villemarqué (Barzas-Breiz, pages 1-28) :
Tout beau, enfant blanc du druide ;
Réponds-moi, tout beau, que veux-tu ?
Que je chanterai-je ?
— Chante-moi la série du nombre un,
Jusqu’à ce que je l’apprenne aujourd’hui.
Pas de série pour le nombre un :
La nécessité unique ;
Le trépas père de la douleur ;
Rien avant, rien de plus....
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La série du nombre deux ?
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La série du nombre douze ?
Il y a douze mois et douze signes ;
Onze bélek armés,…
Dix vaisseaux ennemis,…
Neuf petites mains blanches,…
Huit vents,…
Sept soleils,…
Six petits enfants de cire,…
Cinq zônes autour de la terre,…
Quatre pierres à aiguiser,…
Trois parties du monde, …
Deux bœufs…
La nécessité unique, le trépas…
— Dic mihi quid unus ?
— Unus est Deus
Qui regnat in cœlis.
— Dic mihi quid duo ?
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— Die mihi quid duodecim ?
— Duodecim apostoli ;
Undecim stellæ
A Joseplio visæ ;
Decem mandata Dei ;
Novem angelorum chori ;
Octo beatitudines ;
Septem sacramenta ;
Sex hydriæ
Positœ
In cœna Galileæ ;
Quinque libris Moysis ;
Quatuor evangelistæ
Tres sunt patriarchæ ;
Duo testamenta ;
Unus est Deus.
Il n’ya qu’un seul Dieu.
Il n’ya qu’un seul Dieu.
Dis-moi pourquoi deux, (bis)
— Il y a deux Testaments,
Il n’ya qu’un seul Dieu. (bis)
Dis-moi pourquoi trois, (bis)
— Il y a trois grands patriarches,
Il y a deux Testaments,
Il n’ya qu’un seul Dieu, (bis)
Dis-moi pourquoi quatre, (bis)
— Il ya quatre évangélistes,
Il ya trois grands patriarches,
Il y a deux Testaments,
Il n’ya qu’un seul Dieu, (bis)
Dis-moi pourquoi cinq. (bis)
— Il ya cinq livr’ s de Moïse,
Il ya quatre évangélistes,
Il ya trois grands patriarches,
Il y a deux Testaments,
Il n’ ya qu’un seul Dieu, (bis)
Dis-moi pourquoi six. ( bis)
— Six urn’ s placées, remplies,
À Cana, en Galilée,
Il ya cinq livr’ s de Moïse,
Il ya quatre évangélistes,
Il ya trois grands patriarches,
Il y a deux Testaments,
Il n’ya qu’un seul Dieu. (bis)
Dis-moi pourquoi sept. (bis)
— Il y a sept sacrements,
Six urn’ s placées, remplies,
À Cana, en Galilée,
Il ya cinq livr’ s de Moïse,
Il ya quatre évangélistes,
Il ya trois grands patriarches,
Il y a deux Testaments,
Il n’ya qu’un seul Dieu. (bis)
Dis-moi pourquoi huit. (bis)
— Il ya huit béatitudes,
Il y a sept sacrements,
Six urn’ s placées, remplies,
À Cana, en Galilée,
Il ya cinq livr’ s de Moïse,
Il ya quatre évangélistes,
Il ya trois grands patriarches,
Il y a deux Testaments,
Il n’ya qu’un seul Dieu. (bis)
Dis-moi pourquoi neuf. (bis)
— Il y a neuf chœurs des auges,
Il ya huit béatitudes,
Il y a sept sacrements,
Six urn’ s placées, remplies,
À Cana, en Galilée,
Il ya cinq livr’ s de Moïse,
Il ya quatre évangélistes,
Il ya trois grands patriarches,
Il y a deux Testaments,
Il n’ya qu’un seul Dieu. (bis)
Dis-moi pourquoi dix. (bis)
— Il ya dix commandements,
Il y a neuf chœurs des anges,
Il ya huit béatitudes,
Il y a sept sacrements,
Six urn’ s placées, remplies,
À Cana, en Galilée,
Il ya cinq livr’ s de Moïse,
Il ya quatre évangélistes,
Il ya trois grands patriarches,
Il y a deux Testaments,
Il n’ya qu’un seul Dieu. (bis)
Dis-moi pourquoi onze. (bis)
— Il y a onz’ cents mill’ vierges.
Il ya dix commandements,
Il y a neuf chœurs des anges,
Il ya huit béatitudes,
Il y a sept sacrements,
Six urn’ s placées, remplies,
À Cana, en Galilée,
Il ya cinq livr’ s de Moïse,
Il ya quatre évangélistes,
Il ya trois grands patriarches.
Il y a deux Testaments,
Il n’ya qu’un seul Dieu. (bis)
Dis-moi pourquoi douze. (bis)
— Il y a les douze apôtres,
Il y a onz’ cents mill’ vierges,
Il ya dix commandements,
Il y a neuf chœurs des anges,
Il ya huit béatitudes,
Il y a sept sacrements,
Six urn’ s placées, remplies,
À Cana, en Galilée,
Il ya cinq livr’ s de Moïse,
Il ya quatre évangélistes,
Il ya trois grands patriarches,
Il y a deux Testaments,
Il n’y a qu’un seul Dieu. (bis)