I
J’ai semé dans la terre neuve
Du blé pour les miens et pour moi.
J’ai semé, sans savoir pourquoi,
Un baiser sur le bord du fleuve.
Et voici qu’une fille chante :
« Viens moissonner les blés dorés.
Viens cueillir aux rosiers pourprés
Le baiser d’amour qui m’enchante ! »
II
J’ai répondu : « L’amour au diable !
Au diable le baiser fleuri !
Dès ce soir, il sera flétri.
Mieux vaut du pain blanc sur la table. »
Et j’ai pris ma bonne faucille
Pour couper les blés jaunissants ;
Et j’ai laissé pour les passants
Le baiser, l’amour et la fille.
III
C’est l’hiver. On frappe à porte
La fille entre et me dit : « J’ai faim !
Si tu veux me donner du pain,
C’est ton baiser que je t’apporte. »
Or, la fille était si jolie
Qu’elle prit mon pain, tout mon bien,
Et mon baiser. Je n’ai plus rien
Plus rien, plus rien que ma folie.