Chant d’allegresse
CHANT
D’ALLEGRESSE
POVR L’ENTREE DE TRES-
CHRESTIEN, TRESHAVLT, TRES PVIS-
ſant, Treſexcellent, Treſmagnanime, &
Treſuictorieus Prince Charles ix.
de ce nom, Roi de France,
en ſa ville de Troïe.
A Meſsieurs de laditte ville.
Nequicquam clames opus vnius eſſe diei
Muſa, licet taceas ſatis hoc res ipſa loquetur.
Chez Gabriel Buon, au clos Bruneau,
à l’enſeigne S. Claude.
I. PASSERAT TROIEN
aux Muſes.
Illes de celuy la lequel éclaire & tonne
Si par moi vos vertus en cent papiers écrites
Vous font reſouvenir d’aucuns de mes merites,
Et vôtre frere außi, cher fardeau de Latonne :
Si mes ans les meilleurs à vous ſeules ie donne,
Si vous aués eſté touſiours mes favorites,
Cueillés Lauriers & fleurs au iardin des Charites
Pour faire à mon païs vne belle couronne.
Du noble ſang Troien renouuelés la gloire,
Conſacrés ſon honneur au temple de Memoire,
Faites voler ſon nom de Seine iuſqu’à Gange.
Le reſte de mes iours, connoiſſant cette grace,
Muſes ie vous promets de ſuiure vôtre trace :
Moins deſirans les biens que ie fai la louange.
Chant d’Allegreſſe pour l’en-
TREE DE CHARLES IX.
de ce nom Roi de France en ſa ville
de Troïe.
Vand le vent Thracien tout herißé de glace
Au mari de Chloris commence à faire place :
Quand les Fleuues coulans deſliés des glaçons
Reſcuillent d’un dous bruit leurs enfans les poiſſons :
Et du Soleil plus chault les ſagettes menües
Font la neige couler des montaignes chenües :
Alors qu’onapperçoit le Printems arriuer :
La triſteſſe ſ’enfuit compaigne de l’Hyuer.
Tous genres d’Animaus, hoſtes de ce grand Monde,
Qui habitent en l’ær, en la Terre & en l’Onde,
Chatouillés en leurs cœurs, ſentent que le plaiſir
Selon l’ordre du tems les retourne ſaiſir.
Nous voïons toutesfois redoubler leur lïeſſe
Quand Cybele du tout deſploïe ſa richeſſe :
Et que l’on oit du ciel les temples azurés
Refredonner le chant des Tarîns peinturés.
Que de cent mille fleurs la campaigne eſt couuerte ;
Que des hautes foreſts la cheuelure verte
Acheue de baſtir les maiſons des oiſeaus,
Et que mignardement gazoüillent les ruiſſeaux.
Ah combien on ſe plaint de la mere Nature
Qu’une telle ſaiſon plus longuement ne dure ?
Ainſi premierement quand au peuple Troïen
(Eſtant Mars enchainé par vn ſage moïen :)
Le Bruit, vrai Meſſager, apporta l’eſperance
Qu’ici viendroit bien toſt la Maiefté de France :
Le mal & le ſouci qui l’auoit tourmenté
Reſta, ſinon du tout à demi enchanté.
Il commença deſlors à eſſüier ſes larmes,
Voiant de toutes pars des mains tomber les armes :
La Crainte s’enuola auecques le danger
Duquel nous menaçoit le pariure eſtranger :
Qui oſoit esperer que nôtre Seine priſe
Obeiroit aus Lois de l’Angloiſe Tamiſe.
Apres qu’on veit außi, par un Roi vertueus,
Le gendarme qui boit le Rhin impetueus
Eſtre contraint rentrer dedans ſon Allemaigne,
Quel plaiſir, quelle ioie eut toute la Champaigne ?
Depuis ce iour heureus on n’ha tenu propos
Que de tranquillité, de pais & de repos.
Sous le gouuernement du plus grand Roi qui viue
Pallas au lieu d’Ægis porte en main ſon Oliue
Ore affranchis de pœur traffiquent les marchans.
Ore les Laboureurs r’enſemencent leurs chams.
Le berger aſſuré meine parmi la plaine
Tondre les prés herbus, ſon troupeau porte-laine.
Mais tout cela n’eſt rien, cela n’eſt rien, au pris
De l’extreme plaiſir dont nous ſommes épris.
Car quel plus grand plaiſir reçoit vne prouince
Que de voir quelquesfois la face de ſon Prince ?
Son port, ſon œil humain, ſes propos gracieus ?
Quel heur pourroit plus grand eſtre donné des Cieus ?
N’ont pas donc les Troïens iuſte cauſe de ioie ?
Voïant l’illuſtre ſang de l’autre ancienne Troïe,
Leur Prince Naturel ? de celui deſcendu
Qui durant dix hyuers ſa ville à deffendu
Encontre mille naufs, que le pluſgrand Atride,
Groſſes de ſoldats Grecs, auoit conduit d’Aulide.
O tems fort deſiré, iamais ne viendras tu,
Et ſon âge croiſſant, & croiſſant ſa vertu,
Que d’Hector ſon aïeul enſuiuant la vaillance,
Dans le ſang ennemi voïons tremper ſa lance,
Au plus espais d’un camp qui l’aura outragé ?
Tel que iadis Hector s’en retournoit chargé
Des deſpoüilles d’Achille, ou ſuiui de ſes troupes
Iettoit les feus Troïens dedans les Gréques poupes.
Croiẞés ce tems pendant, ieune Prince, croiẞés :
Viſitant vos païs vos peuples connoiẞés.
Apprenés à porter en vôtre main Roïalle
Le ſceptre gouuerneur d’une gent ſi loïalle.
Tenés en amitié tous vos ſuiets vnis :
Les bons ſoient honorés, les mauuais ſoient punis.
Faites d’orenauant que par toute la France
On peſe les procés d’vne égale balance :
Et que le villageois plus ne füie égaré
Deuant l’aduanturier au ſaïon bigarré.
Ainſi dict tout le peuple, & quand vous paſſez, Sire,
Longue vie, & ſanté, & bon-heur vous deſire.
Les petits & les grans crïent, viue le Roi,
A qui deuons hommage & garderons la foi.
Puis iettant force fleurs des maiſons en la rüe,
En font plouuoir ſur vous vne odorante nüe.
Vous en verriés les vns vous regarder, bëans :
Autres ficher les ïeus ſur le Duc d’Orleans :
Dont le ſage maintien, & le port, & la grace,
Leur teſmoingnent aſſés qu’il eſt de vôtre race.
Viués, ce diſent ils, viués, freres germains,
Que le deſtin ordonne à regir les humains.
Puiſſe charles vn iour, l’aïant conquis en guerre,
A ſon frere donner le ſceptre d’Angleterre.
O dieus ? ô quelle ioïe aura ſur ſes vieus ans
Quand la Mere verra tous deus Rois ſes enfans ?
Qui enſemble ioingnans leurs bandes animées
Pourront de tous les Rois deffaire les armées.
Voïés vous ? la voila, diſent ils ébaïs,
C’eſt la mere du Roig & mere du païs.
Comme reluire on voit en la ſaiſon ſereine
L’aſtre Dionéan qui le iour nous r’ameine :
Ou tel qu’on apperçoit le beau chef du Soleil,
Quand au mois de Venus ſortant de ſon ſommeil
Le retire laué hors de londe marine,
Telle ou plus belle encor eſt noſtre catherine.
C’eſt par ſon bon conſeil que maintenant les Lois
Commandent es cités de Charles de Valois :
C’eſt elle qui nous tient aſſurés en nos villes :
Qui a eſtaint les feus de nos guerres ciuiles :
Qui a chaßé d’ici l’Anglois outrecuidé :
Qui a remis le frein au peuple desbridé :
Berecynthe en honneurs & Minerue en Prudence :
Qui fait que l’âge d’or au monde recommence.
Ces propos ſont tenus du peuple auẞi ioïeus
Que ſi en ſa cité deſcendoient tous les dieus.
La ſuite des Seigneurs regarde émerueillée
Quelle magnificence y est appareillée :
Les ſtatües des Rois, qui en guerre, & en pais,
Ont laiẞé immortel le renom de leurs faits.
Leſquels, preſque parlans, nôtre Charles inuitent
A prendre le chemin du ciel ou ils habitent,
Sus vn arc triomphal ils regardent ici
Du tonnant Iuppiter la mere & fille außi.
Là voïent les Vertus d’or luiſant estoffées.
Enceinte de ſoldats chargée de trophées,
Faiſant craindre de loin ſa graue maieſté,
La France lon contemple en vn autre côté.
Mais ſur tout les retient la ferme Pyramide,
Dont la pointe ſ’éleue au plus haût de l’ærvuide.
Voici (miracle grand) voici du ciel voler
Vne pucelle au Roi, qu’on oit ainſi parler.
En vn anneau tout rond & d’Or bien eſprouué
Ie vous offre le Cœur de la ville Troïenne
Quelque fois le voïant, Sire, qu’il vous ſouuienne
Que ſon Cœur eſt tout rond & tel ſera trouué.
Mais Muſe que fais tu ? veus tu conter l’arene
Que le vent fait voler es chams blons de Cyrene ?
Les Troïens à leur Roi ont porté tout l’honneur
Que lon peut inuenter pour faire à ſon Seigneur.
Oncques ce Scipion, d’Afrique la tempeſte,
Pour le iuſte loïer de ſi grande conqueſte,
Du peuple Martien ne fut tant honoré,
Trainé de cheuaus blancs dedans vn char doré.
Bien qu’il euſt renuerſé & Numance & Carthage,
Et le tiltre acqueſté qu’il auoit d’heritage.
Par le peuple Troïen tout autre eſt ſurmonté
Si ce n’eſt de puiſſance, au moins de volonté,
D’autant que ſon grand Roi, que l’honneur enuironne,
Oultrepaſſe tous ceus leſquels portent couronne.
Vous filles de la Nuit qui la vie filés,
Si le cours de mes ans allonger me voulés,
Et ſi le cœur neufuain ſon eau ne me refuſe
Que iadis feit couler le cheual de Meduſe :
Troïe, i’ai bon eſpoir de te baſtir des murs
Leſquels ne tomberont par les ſiecles futurs :
En ſorte qu’on dira que la lyre Troïenne
Aura plus de pouuoir que l’Amphionnienne.
Qu’enſemble tous les Grecs les viennent aßieger,
En vain trauailleront pour les endommager.
Ces murailles icj ne ſeroient pas deſiointes
De la main de Neptune, & du ſceptre à trois pointes.
Ie veus rendre ces murs de plus en plus puiſſans
Contre l’effort des dieus, des hommes, & des ans.
La ou ie grauerai, d’une plume acerée,
Des loïaus citoiens la conſtance aſſurée :
L’obeiſſance au Roi : l’inuincible vertu
Qui pour ſa Maieſté a touſiours combatu :
Par qui fidelement elle ſera ſeruie,
Sans iamais épargner ni les biens, ni la vie,
uans ſont du meſme autheur les
François du P. V.
POVR LA STATVE DE
Charlemaigne, vers Latins.
Nomen Alexandro Magni dedit inclyta fama,
Pompeióque comes triplicis fortuna triumphi.
Et mihi qui rexi Ligerim, Rhenúmque, Padúmque,
Nomen idem peperit gestarum gloria rerum.
Nunc tibi natus adeſt, mea Gallia Carolus alter
Imperij magni, Magni quoque nominis hæres.
Charles voici vôtre aïeul Charlemaigne,
Que la Victoire & la Fame accompaigne,
Pour demonſtrer que les fais glorieux
Des puiſſans Rois, tant ſoient victorieus,
Seruent bien peu, ſi leur gloire animée
Maugré le tems, ne ſuit la renommée.
Et ſi leur nom d’âge en âge ſuiuant,
Aprés la mort au monde n’eſt viuant.
Or ce grand Roi fut vaillant en ſa vie,
Außi ſa mort de l’oubli n’eſt ſuiuie :
Mais en forçant de la Parque l’effort
A ſurmonté les ſiecles de la mort.
(Vous Charles Roi) qui tenés ſa prouince,
Vrai heritier des honneurs de ce Prince,
Qui tant de fois amoureus de Vertu
A tant de Rois en guerre combatu :
Vous ſerés tel, ou ſerés plus encore,
Et vôtre nom depuis le ſablon More
Ira au Scythe, & iuſqu’ou le Soleil
Ouure ſes ieus & les ferme au ſommeil.
La renommee ira de vos loüanges
Remplir les cœurs des nations eſtranges.
Necto tuo capiti ſacras Victoria Lauros,
Carole, quæ ſemper merita cum laude virebunt.
Patrem, & Auum, & Matrem, téque, & tua, Carole, facta,
Nunquam defeſſo tollam ſuper altra volatu.
Regarde ici France victorieuſe
De ſes haineus, ſuperbe & glorieuſe,
Que maint trophee, & maintes ſortes d’armes,
Et maint harnois, deſpoüille de gendarmes,
De tous côtés haultement enuironnent.
Ce ſont les cieus qui tel honneur lui donnent,
Par la vertu qui conduit la puiſſance
D’un ieune Roi, du monde l’eſperance.
Des autres Rois les forces furent grandes :
Ils ont ſous eus fait marcher de grand’s bandes :
Ils ont acquis maint ſceptre par la guerre :
Mais celui ci a conſerué ſa terre :
Et jeune d’ans, auec ſa mere, a fait
Que l’âge d’or en France s’eſt refait.
La Pieté & la Iuſtice außi,
Sont les deus poincts qui font regner ici
Les Rois, qui font de Dieu l’Image ſainte.
La Pieté leur engendre la crainte
Et l’Eternel, qui remerque des cieus
Les Rois qui font vers lui deuotieus.
Et la iuſtice ordonne par les villes
Status, & lois, ordonnances ciuiles,
Er le proffit du peuple va cherchant,
Loïer du bon, la terreur du meſchant.
Brief tout ainſi qu’vn corps ne vit ſans ame,
Vn Roi ne peut, ſi Pieté ne l’enflame,
Et ſi Iustice eſt morte dedans lui,
Bien gouuerner ſoimeſmes ni autrui.
Vous nôtre Roy, Charles, qui de ieune âge
Aués du ciel ces deus biens en partage,
Vous regnerés ſeurement en ce lieu,
Faiſant iustice & deuôt enuers Dieu.
Imperij ſceptrum donec geſtabit auiti
Carolus, innumeris florebo ornata trophæis.
Carolus vt victor victum bene temperet orbẽ
Legibus, in terras Aſtræa relabor ab aſtris.
Iuſtitiæ Pietas volui comes eſſe ſorori.
Carolus è cœlo nuper reuocauit vtranque.
Cette Pallas qui l’Oliue inuenta,
Et l’inuenteur du cheual ſurmonta,
Cybele außi de tours enuironnée,
Montrent, ô Roi, que tu as ramenée
La paix tranquille, aïant de toutes pars
Veincu l’horreur de Bellonne & de Mars :
Et que la Terre au iourdhui recommence
A ſ’engroſſer d’vne heureuſe ſemence :
Et qu’Amalthée encores nous produit,
Pour t’honorer, ſon vaiſſeau plein de fruit.
Artibus antiquis patriam dum Carolus ornat,
Delphica Palladiæ concedat laurus Oliuæ.
Alma Phrygum Cybele, Phrygio de ſanguine creto
Effundo Regi pleno mea munera cornu.
Tu ſeras nôtre Hector, nous ſerons tes Troïens,
Tes treshumbles ſuiets, tes loïaus citoïens,
Et tes vaſſaus iſſus de la gent Priamide
Or tout ainſi qu’on voit ferme la Pyramide.
Sans iamais s’esbranler, nous aurons enuers toi
Vn cueur ferme & conſtant, digne d’vn ſi bon Roi.
Non hæc Niliaco moles inſana labore
Pyramis extructa eſt, quæ vertice ſidera tangat.
Eſſe ſuæ fidei populus monimenta Trecenſis,
Rex inuicte, cupit. nanque hæc vt marmora cernis
Stare loco ſemper, nec ab vlla parte moueri :
Sic conſtans & firma fides eſt noſtra futura,
Quàm nec vis hominum nec flecteret ira deorum.
Ici tu vois la Iustice & Prudence,
Dont ſainct Loys honora ſon enfance,
Qui des François fut couronné le Roi
Aïant atteint âge pareil à toi.
Or tout ainſi qu’il ſuiuit de ſa mere
Le bon conſeil, au tems de ſa miſere,
Sui le conſeil de la tienne, & enſui
La Sapience & Iuſtice de lui.
Hos olim populos primis Lodoicus in annis
Matris conſilio iuſtéque piéque regebat :
Cum tibi nunc eadem, Rex Carole, floreat ætas,
Contigerítque ſimul prudentia ſumma parentis,
Iuſtitia populos, populos Pietate gubernes.
Dieu eſt au Ciel gouuernant l’vniuers :
Qui a donné par les peuples diuers
Des Rois, portraits de ſon diuin image,
Auſquels il fault que l’homme face hommage,
Les connoiſſans venus en ce bas lieu
Pour commander, par le vouloir de Dieu.
Imitant donc la diuine ordonnance
De Dieu, qui a defur les Rois puiſſance,
Nous offrons tous à vôtre Roiauté,
Deuoir, honneur, ſeruice, & loiauté.
Vt reget æternùm cæli fulgentia templa
Iuppiter, Aetnæi metuendus fulminis ira :
Sic hominum turmis, ſceptro gladióque timendi,
Iura dabunt ſemper louis alto à ſanguine Reges.
carolvs his maior pietate, potentior armis,
Oceano eſt regnum, famam incluſurus Olympo.
Cui Regi nobis maior parere voluptas
Quàm terrarum orbem ſub noſtras mittere leges.
Par le portrait de cette bague ronde
Qui ſe commence & ſe finit en ſoi,
Nous vous offrons le ſeruice, & la foi,
Et ſi pouuions, tout l’Empire du monde.