Chant funèbre, en l’honneur des guerriers morts à la bataille de Marengo, précédé d’autres essais lyriques/Hymne à la Fraternité

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HYMNE

À LA FRATERNITÉ.[1]

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NOUS avons chanté la victoire,
À nos cœurs donnons un moment :
Quittons les scènes de la gloire,
Pour les plaisirs du sentiment.
Des rois, par nos faits héroïques,
Forçons les coupables remparts ;
Et par nos vertus domestiques,
Justifions nos étendarts.

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes
Plaçons la simple égalité ;
Jamais on ne goûta de fêtes,
Sans la douce fraternité.

Interprête de la nature,
Elle vient unir les humains.
Sa nudité fait sa parure,
L’olivier seul arme ses mains.
Sans être ému quel cœur farouche
La verrait marcher vers ces lieux,
Le baiser de paix sur la bouche,
Et le sourire dans les yeux ?

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes, etc.

Le souffle embaumé du Zéphyre,
L’eau qui murmure au fond des bois,
Les accords touchans de la lyre,
N’ont pas la douceur de sa voix.
Mars lui-même, épris de ses charmes,
Dételle ses sanglans coursiers ;
Il soupire et de douces larmes
S’échappent de ses yeux guerriers.

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes, etc.

L’ambition, le fanatisme,
L’orgueil qui rampe dans les cours,
Tous les monstres du despotisme,
Implorent en vain ses secours.
Tu fuis, Nymphe auguste et chérie,
Les rois et les flatteurs des rois,
Tu n’écoutes que la patrie,
Et tu l’affermis par tes lois.

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes, etc.

Quand sous les tentes de Bellone,
Tu t’assieds parmi les soldats,
De l’heureuse Lacédémone,
Tu réalises les repas.
Comme les périls de la guerre,
Partageant leur joyeux festin,
Ils boivent dans le même verre,
Et l’ambroisie est dans ta main.

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes, etc.

Les arts t’invoquent à la ville,
Tu charmes les travaux des champs.
Et des Dieux, par un luxe utile,
Tu légitimes les présens.
L’or versé par un roi perfide,
Est un poison contagieux,
Offert par le juste Aristide,
C’est un parfum qui monte aux Cieux.

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes, etc.

Chaste sœur de la Bienfaisance,
Tu répands tes dons en secret ;
Ah ! montre à la Reconnaissance
La main qui glissa le bienfait.
Sa vertu peut servir d’exemple ;
Mais non, le juste est sans orgueil ;
L’homme qui te bâtit un temple,
Ne met pas son nom sur le seuil.

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes, etc.

Vous, de Plutus geoliers avides,
Au nom de la Fraternité,
Prêtez-lui ces ailes rapides,
Qu’il reçoit de la vanité.
Bienfaiteurs de la race humaine,
Le pauvre bénit vos moissons,
C’est agrandir votre domaine
Que de multiplier vos dons.

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes, etc.

Plantez pour votre voisinage,
Ornez ce vallon d’un berceau ;
Sous la fraîcheur de cet ombrage,
Faites jaillir un clair ruisseau.
En siège façonnez ce marbre,
Le voyageur va vous bénir,
Pourra-t-il s’asseoir sous cet arbre,
Sans vous donner un souvenir ?

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes, etc.

Que le père, avec sa famille,
Vous mêle à l’hymne du matin !
De ce vieillard dotez la fille,
Donnez un champ à l’orphelin :
Que le besoin, de votre porte
Lève en souriant le marteau,
Qu’à votre mort chacun vous porte,
Et vous pleure sur le tombeau !

chœur.

Parmi nos plus belles conquêtes
Plaçons la simple égalité ;
Jamais on ne goûta de fêtes,
Sans la douce fraternité.


Separateur-13-Vaguelettes1
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  1. Lorsque la fête de la Concorde vient étouffer les haines de tous les partis, et que chaque citoyen s’empresse de lui offrir son tribut, il est bien doux pour moi de lui consacrer un hymne, qui, dans un tems de discorde, contribua peut-être à verser dans les cœurs aigris ces sentimens d’amitié, auxquels les sons de Polymnie prêtèrent tant de charmes.