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Chant sur la naissance de Jean

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Chant sur la naissance de Jean
Traduction par Charles Fontaine.
Sensuyvent les Ruisseaux de FontaineA Lyon, par Thibauld Payan. 1555. Avec privilege du Roy (p. 58-60).


S’ENSVYVENT LES CHANTZ DIVERS.

ET PREMIEREMENT,


Chant ſur la naiſſance de Ian, ſecond filz de l’auteur.


Mon petit filz qui n’as encor rien veu,
A ce matin ton pere te ſalue :
Vien t’en, vien voir ce monde bien pourueu
D’honneurs & biens, qui ſont de grant value :
Vien voir la paix en France deſcendue :
Vien voir François, nostre Roy, & le tien,
Qui a la France ornee, & deffendue :
Vien voir le monde ou y a tant de bien.

Vien voir le monde, ou y a tant de maux,
Vien voir ton pere en proces, & en peine :
Vien voir ta mere en douleurs, & trauaux,
Plus grands que quand elle eſtoit de toy pleine :
Vien voir ta mere, à qui n’as laißé veine
En bon repos ; vien voir ton pere außi,

Qui a paßé ſa ieuneſſe ſoudaine,
Et à trente ans eſt en peine & ſouci.

Ian, petit Ian, vien voir ce tant beau monde,
Ce ciel d’azur, ces eſtoilles luiſantes,
Ce Soleil d’or, cette grand terre ronde,
Cette ample mer, ces riuieres bruyantes,
Ce bel air vague, & ces nues courantes,
Ces beaux oyſeaux qui chantent à plaiſir,
Ces poiſſons frais, & ces bestes paiſſantes :
Vien voir le tout à ſouhait, & deſir.

Vien voir le tout ſans deſir, & ſouhait,
Vien voir le monde en diuers troublemens,
Vien voir le ciel, qui ia la terre hait,
Vien voir combat entre les elemens :
Vien voir l’air plein de rudes ſoufflemens,
De dure greſle & d’horribles tonnerres :
Vien voir la mer noyant villes, & terres.

Enfant petit, petit & bel enfant,
Maſle bien fait, chef d’œuure de ton pere,

Enfant petit en beauté triomphant,
La grand lieſſe, & ioye de ta mere,
Le ris, l’esbat de ma ieune commere,
Et de ton pere außi certainement
Le grand eſpoir, & l’attente proſpere,
Tu ſois venu au monde eureuſement.

Petit enfant peux-tu le bien venu
Eſtre ſur terre, ou tu n’apportes rien ?
Mais ou tu viens comme vn petit ver nu ?
Tu n’as ne drap, ne linge qui ſoit tien,
Or, ny argent, n’aucun bien terrien :
A pere & mere apportes ſeulement
Peine & ſouci : & voila tout ton bien.
Petit enfant tu viens bien pourement.

De ton honneur ne vueil plus eſtre chiche,
Petit enfant de grand bien iouiſſant,
Tu viens au monde außi grand, außiriche
Comme le Roy, & außi floriſſant.
Ton Treſorier c’eſt Dieu le tout puiſſant,
Grace diuine eſt ta mere nourrice :
Ton heritage eſt le ciel ſplendiſſant :
Tes ſeruiteurs ſont les Anges ſans vice.