Chants de l’Atlantique suivis de Le ciel des Antilles/01/01
I
LA MAISON DU RÊVE
À L’ATLANTIQUE
Beau prisme vert, miroir des plus beaux continents,
Atlantique, c’est toi qui colores mes rêves ;
D’un bord à l’autre bord de tes splendides grèves,
J’ai suivi la frégate et les fiers goélands.
Atlantique, sur qui les beaux avions blancs
Connaissent le désastre ou la gloire trop brève ;
Je te salue et veux que tes sauvages chants
Accompagnent le chant qui de mon cœur s’élève.
Le monde, chaque jour, change sous d’autres mains.
Du charmant Autrefois périssent les chemins,
Paris n’est plus Paris et Londres n’est plus Londres.
Mais toi, libre beauté ! rien ne peut te ternir,
Que t’importe demain que l’Europe s’effondre ?
Que t’importent passé, présent et avenir ?…
J’ai chanté mon poème au bord de tes deux grèves ;
Atlantique, merci, je te dois tous mes rêves !
LA MAISON DU RÊVE
Ainsi qu’un grand arbre blessé,
Le Passé tombe feuille à feuille.
Il faut que le cœur se recueille,
Pour ensevelir le Passé.
Avant que l’hiver n’ait laissé
Mourir de froid le chèvrefeuille,
Il faut que l’univers accueille
Le chant du poète lassé.
Bâtissons la maison du rêve ;
Elle dominera la grève
Que bat le flot du souvenir.
Par delà les vagues ridées,
Vers l’azur vous pourrez partir,
Vols des mots et vols des idées !
LE CHANT DES SIRÈNES
Vieux arbres, c’est le chant des Sirènes que j’aime.
Vos sanglots ne me touchent pas ;
Même quand vous pleurez, en un vaste poème,
De Marsyas l’affreux trépas.
Je préfère à vos cris les appels des Sirènes
Qui nous versent de beaux espoirs ;
Et savent évoquer, sous les lunes lointaines,
La splendeur des antiques soirs !
L’homme a surtout besoin de menteuse espérance
Pour s’évader de sa prison.
Grands flots, accompagnez d’une belle cadence,
Les Sirènes à l’horizon !
CHANT DE LA NOSTALGIE
Mon rêve est un vaisseau sans cesse ballotté
Qui cherche sur les mers l’Île de la Beauté.
Quand je suis dans New-York ardent et qui bourdonne,
Je songe à ta douceur, savane monotone.
Et quand dans la forêt aux colibris je vais
J’ai besoin de revoir l’hiver et le palais.
Sans cesse, loin de moi, volant de plage en plage,
Mon rêve est l’hirondelle à jamais en voyage !
LE POÈME
Il suffit d’un petit poème,
Frais comme l’air,
Ou radieux comme la mer ;
Pour que l’humanité vous aime.
Il y faut mettre un peu son cœur,
Un peu son âme ;
Et le charmant épithalame
Aura des siècles de bonheur.
Heureux celui qui peut écrire
Quelques beaux vers.
Il fera rêver l’univers,
Grâce à la lyre.
CHANSON SANS TITRE
Avion, Jazz et Cinéma,
C’est la nouvelle vie.
Il est mort le Panorama
Bleu de la poésie.
L’EXILÉ
Je suis celui qui chante au bord des flots légers.
Rien ne m’écoute, hélas ! ni le vent, ni la vague,
Ils passent et je suis le barde qui divague ;
Pourquoi t’ai-je laissé, Paris, aux étrangers ?…
Si j’habitais Paris, ville bonne entre toutes,
À ceux qui dans leur cœur portent un grand verger,
Ô vignes de mon cœur pouvoir vous vendanger,
Dans cette ville ardente et toujours aux écoutes !
Je suis celui qui chante au bord des flots légers,
Tandis que vous tombez, neiges des orangers !
AU CLAIR DE LUNE
Au clair de lune des Antilles,
Je compose mes chants.
— Dansez encor, petites filles,
Sous les soleils couchants.
Les anolis dans la broussaille
Ont des notes d’azur.
Jupiter luit. L’arbre tressaille,
Le ciel est frais et pur.
Les souvenirs dansent leurs rondes
Autour de ma maison ;
Et je songe aux aurores blondes
De ma jeune saison.
Qu’êtes-vous devenus, Ary
Et vous, douce Liane ?
Ah ! reverrai-je encor Paris,
Toulouse et le platane ?
SOLEIL DES PYRÉNÉES
Au frais soleil des Pyrénées,
Quand vibra la chanson
Qu’adoraient mes jeunes années
Aux mois du charançon,
Les alouettes, dans la brise,
Leurs aubades lançaient
Et deux chiens noirs dont le poil frise
Au bois nous devançaient.
Dans le blé noir chantait la caille,
Aux vignes le pinson.
À Castillon qui sent la paille,
J’avais un hérisson.
Louis abattait les perdrix grises,
Blotti dans les sentiers ;
Et cette « Chanson des Cerises »
Baron, vous la chantiez !…
De fredonner mes ariettes
Nulle ne prendra soin.
Vous êtes mortes, alouettes !
Dieu ! que ce temps est loin !
LES HIRONDELLES
Le printemps étant revenu,
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ÉLÉVATION
Au bord des mers chantait l’oiseau
Des grandes nostalgies,
Et moi, poète d’élégies,
J’ajustai mon roseau,
Ensemble, sous les cieux sans voiles,
Nous avons composé,
Dans la splendeur du soir rosé,
Un cantique aux étoiles.
L’oiseau pleurait l’oiseau resté
Sur le sable d’une île,
Et moi la splendeur inutile
De mon rêve insensé.
Nos deux chants purs battant des ailes
Voyagent dans l’azur
Et je songe au paradis pur
Des amours éternelles.
L’ÎLE DE LA ROSE ET DU COLIBRI
Le jeune arbuste est bourdonnant
D’oiseaux vifs et d’abeilles.
Livrez vos cœurs à tout venant,
Ô corolles vermeilles.
Demain, les ardents colibris
Iront vers d’autres branches.
Déjà vos pétales flétris
Tombent en avalanches.
Accueillez l’insecte et l’oiseau,
Et la brise volage.
Demain, la flûte du roseau
Chantera l’hivernage.
Quand revient l’humide hivernage,
Il pleut de l’aube au soir.
Dans le bois, le canard sauvage
Plonge dans l’étang noir.
Les beaux oiseaux de l’Orénoque
Arrivent sur la mer.
Dans le crépuscule équivoque,
Gémit le pluvier vert.
Les alizés, au ciel d’opale,
Sont plus frais que zéphirs ;
Et tes yeux, Marguerite pâle,
Semblent deux beaux saphirs.
Demain n’est pas encor en marche,
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Le couchant sur la mer dessine
Un rivage de feu.
D’un flamand, l’aile purpurine
Décroît dans le soir bleu.
L’oiseau va revenir, peut-être,
À la pointe du jour ;
Mais jamais plus ne doit renaître
Le bel instant d’amour !
Dans tes doux yeux d’azur flamboie
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Beauté, ne cesse pas d’offrir
À mes baisers tes lèvres,
Pour que sur la mer de saphir
Mon âme soit sans fièvres.
Pour aimer l’île et son ciel frais,
Je n’ai plus que cette heure.
Beauté, reviendrai-je jamais
Vers ta chère demeure ?
Le croissant argentait les voiles
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Beaux jardins loin de ces rivages,
Battus par d’autres mers,
Hantent-ils toujours vos feuillages
Les beaux colibris verts ?
Voit-on toujours le flamand rose
Sur la lagune d’or ?
Le ramier au mois de la rose
Roucoule-t-il encor ?
Le rameau du figuier sauvage
Est-il toujours fleuri ?
Ah ! reverrai-je le visage
Si tendrement chéri ?
On entendait dans le grand bois
Des milliers d’ailes.
C’était Mai, le magique mois
Des tourterelles.
L’étang reflétait la fraîcheur
De la prairie
Et tu t’endormais sur mon cœur,
Tête chérie.
J’ai pris le train puis le bateau,
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Une Rose, sur ton tombeau,
Imite encor ta grâce,
Aux temps où ton corps jeune et beau
Éblouissait ta glace.
Est-ce hasard, ou bien vraiment
La Rose est-elle née
Des restes de ton corps charmant,
Beauté morte et fanée ?
Tout le jour un chant de colombe
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L’arbuste est encor bourdonnant
D’oiseaux vifs et d’abeilles,
Car, c’est encor le temps charmant
Des corolles vermeilles.
Sous l’allégresse du beau soir,
Frémit le paysage.
Dans mon cœur c’est le pluvier noir
Et le grand hivernage !