Chants et chansons politiques/L’Écritoire d’argent

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G. Guérin, libraire (p. 55-57).


L’ÉCRITOIRE D’ARGENT

AIR : Rendez-moi mon écuelle de bois.


Quelle belle écritoire d’argent
 Quelle belle écritoire :[1]
Dit Laboulaye en y logeant
L’encre d’un pître de la foire ;
Quelle belle écritoire d’argent
 Quelle belle écritoire.

Je tiens cette écritoire d’argent
 Je tiens cette écritoire,
De Strasbourg, pays indulgent
Pour mon peu de verve oratoire ;
Je tiens cette écritoire d’argent,
 Je tiens cette écritoire.

Rendez-nous l’écritoire d’argent
 Rendez-nous l’écritoire,
Dit Strasbourg, car, en y songeant,
Votre civisme est illusoire ;
Rendez-nous l’écritoire d’argent,
 Rendez-nous l’écritoire.

Rendez-nous l’écritoire d’argent
 Rendez-nous l’écritoire,
Ollivier en vous protégeant
Vous a fait tourner, c’est notoire ;[2]
Rendez-nous l’écritoire d’argent,
 Rendez-nous l’écritoire.

Rendez-nous l’écritoire d’argent,
 Rendez-nous l’écritoire,
Car vous n’irez plus propageant
L’instruction obligatoire ;
Rendez nous l’écritoire d’argent,
 Rendez-nous l’écritoire.

Rendez-nous l’écritoire d’argent ;
 Rendez-nous l’écritoire,
Entrez au Sénat, c’est urgent,
Si vous voulez un auditoire ;[3]
Rendez-nous l’écritoire d’argent.
 Rendez-nous l’écritoire.

Rendez-nous l’écritoire d’argent
Rendez-nous l’écritoire,
Là, vous aurez en émargeant.
Trente mille francs de pourboire ;
Rendez-nous l’écritoire d’argent,
Rendez-nous l’écritoire.

Je garde l’écritoire d’argent
Je garde l’écritoire,
Répond Laboulaye en rageant,
Ma conduite est très-méritoire ;
Je garde l’écritoire d’argent,
Je garde l’écritoire.

Je garde l’écritoire d’argent
Je garde l’écritoire,
Sous l’empire on est arrangeant,
L’apostasis est une gloire !
Je garde l’écritoire d’argent,
Je garde l’écritoire.

  1. La ville de Strasbourg, pour indemniser M. E. Laboulaye des frais de sa candidature républicaine dans le Bas-Rhin, lui envoya un encrier en argent, véritable objet d’art, estimé 10,000 francs.
  2. M. Laboulaye, sur la promesse de devenir ministre de l’instruction publique dans une nouvelle combinaison ministérielle de M. É. Ollivier, fit une circulaire pour engager ses concitoyens à voter oui pour le plébiscite du 8 mai 1870.
  3. M. Laboulaye, après s’être rallié à l’empire, fut obligé de suspendre le cours qu’il faisait au collège de