Chants et chansons politiques/La Mort d’Armand Barbès

La bibliothèque libre.
G. Guérin, libraire (p. 61-62).

LA MORT D’ARMAND BARBÈS


28 Juin 1870


Un râlement lugubre au loin s’est fait entendre :
Sombre sanglot humain que ce cri de douleur !
Cette voix de l’exil au peuple vient d’apprendre
Qu’Armand Barbès est mort drapé dans son honneur.
Barbès, cher souvenir, grande et noble vaillance !
Le peuple fièrement, à ce deuil glorieux,
Leva la tête, et dit, en regardant la France
En fut-il dans l’empire un seul qui valut mieux ?

Barbès représentait la conscience humaine,
Il mettait haut l’honneur revendiquant le droit ;
Il dédaignait la peur, il méprisait la haine,
Et toujours sans broncher vers le but marcha droit.
Il affronta la mort et dompta la souffrance.
C’était, en politique, un preux de loyauté ;
Il était tête et cœur, tout entier à la France ;
Honnête homme il est mort ; pleure-le Liberté.

Tu ronges, ton frein, peuple. On rit aux Tuileries,
Maître Ollivier-Scapin, en bel habit de cour,
Joue à Néron goutteux, ses plates fourberies,
Du cirque de la honte il veut faire le tour ;
Et la France souillée à ce jeu s’associe,
Hercule n’a-t-il pas, un jour, tué Cacus ?
Attends. — Le Panthéon de la démocratie
Compte parmi ses morts un grand homme de plus.

Pour ne pas prolonger son valeureux martyre
La mort tendit les bras vers ce grand citoyen,
Et l’emporta tué par dix-huit ans d’empire
Mais superbe et fidèle au culte plébéien,
La fange impériale où le bourgeois se vautre,
Ne salira jamais ses hauts faits libéraux...
Barbès, républicain, nous honore ; il est nôtre !
La révolution en lui perd un héros.