Claudine Cabon disait
À sa mère, en arrivant à la maison :
— Je ne sais ce que j’ai fait aux jeunes filles
Pour qu’elles me regardent de la sorte[1],
En disant : — Voyez Claudine Cabon,
La plus jolie jeune fille qui soit en Léon !
Claudine Cabon disait
À son père, en arrivant à la maison :
— J’ai eu un tablier neuf,
Et c’est le cadet de Lesmeur qui l’a payé.
— Retournez lui votre tablier,
Et prenez garde qu’il ne vous coûte trop cher !
Claudine Cabon souhaitait le bonjour,
En arrivant à Lesmeur :
— Bonjour et joie à tous dans cette maison,
Le cadet de Lesmeur où est-il ?
— Il est allé au jardin, Claudine,
Pour attendre que le dîner soit prêt.
………………………………………………………
— Venez avec moi, Claudine, ma maîtresse,
Pour goûter les pêches ;
Pour goûter les pêches…
J’ai entendu dire que vous êtes enceinte ?
— Si je suis enceinte, vous le savez bien,
Nul autre n’en est cause que vous-même ;
C’est pour vous avoir touché et aimé,
Cadet de Lesmeur, vous le savez bien.
— Tenez, Claudine, prenez cent écus,
Pour le nourrir, quand il sera né :
Tenez, Claudine, prenez cent écus de plus
Pour lui avoir une lisière ;
Pour lui avoir une lisière ;
Je donnerai un berceau et un tapis blanc.
— Et quand j’aurais douze enfants,
Tous à l’aventure, (enfants naturels),
Je les habillerais tous de satin blanc.
Et les enverrais à l’école en groupe ;
J’ai trois frères au service du roi,
Et ils auront leur congé sans tarder ;
Et alors je serai épousée,
Ou le Cadet de Lesmeur sera décapité.
Dix-huit Cabon et une bonne Cabonne
Ils étaient allant à Léon (St-Pol de) en une bande ;
Il n’y en avait aucun qui, pour le moins,
N’eût cinq mille écus de rente.
Le Cadet de Lesmeur disait,
Assis dans la prison de Léon :
— Faites rôtir un Cabon,
Assez de Cabons sont dans ce pays !
Louis Cabon répondit
Au cadet de Lesmeur, quand il l’entendit :
— Bien que nous soyons nommés Cabon,
Nous ne méritons pas d’être rôtis ;
Bien que Cabon, nous ne sommes pas des poules,
Et nous ne serons pas rôtis à la broche.
Le cadet de Lesmeur disait,
Assis dans la prison de Léon :
Si j’étais où je voudrais être,
Ce n’est pas ici que je serais ;
Je serais dans la ville de Léon, dans la grande rue,
À discourir avec ma maîtresse ;
À discourir avec Claudine Cabon,
La plus jolie jeune fille qui soit en Léon.
servante, Plouaret. — 1851.
Claudine Cabon disait,
En montant son escalier :
— Que m’est-il donc arrivé ?
Mon corset ne lace plus !
Mon corset ne lace plus,
Je voudrais le voir dans le feu !
Je voudrais le voir dans le feu,
Et être aussi mince que quand il fut fait !
Claudine Cabon disait,
Disait un jour à sa mère :
— J’ai eu un tablier neuf,
Et c’est le cadet de Lezveur qui l’a payé.
— Retournez-lui le tablier,
Et prenez garde qu’il ne vous coûte trop cher !
Je vous achèterai des tabliers à fleurs,
Plus beaux que ceux du cadet de Lezveur.
Claudine Cabon disait,
En arrivant chez le cadet de Lezveur :
— Reprenez, Monseigneur, votre tablier,
Je suis venue vous le rapporter.
— Claudine Cabon, ma maîtresse,
Venez avec moi goûter les pêches ;
Venez avec moi goûter les pêches,
On m’a dit que vous êtes enceinte.
SI vous êtes enceinte, avouez-le,
Et jetez-en la faute sur mon jeune clerc.
— Si je suis enceinte, c’est de vous,
Nul autre n’en est cause que vous-même.
— Tenez Claudine, prenez cent écus
Pour nourrir votre enfant, quand il sera né :
Voilà encore deux écus de plus,
Pour avoir des lisières.
— Et quand j’aurais douze enfants,
Tous à l’aventure, (sans pères légitimes),
Je leur aurais des habits de satin blanc,
Et les enverrais à l’école en bande,
J’ai sept frères au service du roi,
Et bientôt ils auront leur congé ;
Alors Claudine Cabon sera épousée,
Ou le cadet de Lezveur sera décapité.
Le cadet de Lezveur disait
À sa mère, en arrivant à la maison :
— Laissez-moi épouser Claudine Cabon,
Pour que je ne sois pas conduit en prison.
— Il n’y a pas de Cabon dans le pays,
Mon fils, qui puisse vous arracher d’ici !
Elle n’avait pas fini de parler,
Que la cour était pleine de sergents.
Dix-huit Cabon et des bons,
Sont allés à Rennes en une bande ;
Et il n’était aucun parmi eux
Qui n’eût mille écus à son côté.
Le cadet de Lezveur disait,
Assis dans la prison de Rennes :
— Faites rôtir les Cabon,
Il y en a assez dans le pays !
Et les Cabon disaient,
En l’entendant, là, sur le champ :
— Bien que notre nom soit Cabon[2],
Ce n’est pas nous qui serons rôtis !
Le cadet de Lezveur disait,
Un jour, aux gens de la Justice :
— Faites sortir le cadet de Lezveur de sa prison,
Pour aller épouser Claudine Cabon ![3]
Loguivy Pougras, — Novembre 1863