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Chants populaires de la Basse-Bretagne/Guyon Quéré

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GUYON QUÉRÉ
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I

C’étaient trois hommes de la paroisse de Plufur,
Elevés dans les mêmes idées :
Le dimanche du sacrement (fête Dieu), comprenez bien,
Pendant qu’on était à la grand’messe,

Ils passèrent par une place,
Où ils se rencontrèrent.
Et ils se demandèrent l’un à l’autre :
— Où irons-nous, aujourd’hui ?

— Nous irons ce soir à Crec’h-Morvan,
Là, personne ne perdra sa peine.
………………………………………………………………………

II

Le toit était élevé de la terre,
Et personne ne pouvait l’atteindre.
— Allez chercher des échelles, pour les attacher bout-à-bout,
Afin que j’entre dans la maison, par le toit.

Quand ils entrèrent dans la maison,
Ils donnèrent un soufflet à la femme,
Et la forcèrent d’aller, promptement,
Ouvrir la porte aux autres.

— Tenez, Guyon, prenez les clefs,
Et emportez tous mes biens ;
Emportez tous mes biens,
Et laissez-nous la vie !

Avant de sortir de la maison,
Il mit la femme dans son lit ;
Il la mit dans son lit,
Et attacha l’un à l’autre, (le mari et la femme).

……………………………………………………………………

— Je ne sais si je ne dois pas retourner,
Pour leur ôter la vie.
— Hola ! hola ! camarade,
Ta conscience est ingrate ! (sans pitié.)


  Puisque nous avons eu tous leurs biens
Laissons-leur la vie.
— J’ai envie de retourner sur eux,
Pour souffler le feu sous leur lit.

III

  Le seigneur marquis se lève de bonne heure,
Pour aller chasser au bois,
Et quand il arriva dans la métairie,
Personne n’y était sur pieds.

  Quand le seigneur marquis vit (cela),
Il entra dans la maison :
— Qu’y a-t-il de nouveau dans cette maison,
Que personne n’y est encore sur pieds ?

  La femme de la maison répondit
Au seigneur marquis, quand elle l’entendit :
— On nous a mis dans notre lit,
Liés l’un à l’autre ;

  Liés l’un à l’autre,
Par le grand voleur Guyon Quéré,
Son camarade Jean Le Calvez,
Le grand Ollivier était l’autre.

  Quand le seigneur marquis entendit (cela),
Il entra dans la grande auberge :
— Hôtesse, dites-moi,
Qui avez-vous logé dans votre maison ?

  — Ma foi ! dit-elle, Guyon Quéré,
Le grand Ollivier et Jean Le Calvez ;
Le grand Ollivier et Jean Le Calvez,
Nous craignons beaucoup pour notre vie !

  Quand le marquis entendit (cela),
Il mit la main dans sa poche ;
Il mit la main dans sa poche,
Et lui donna une pistole.

IV

  Guyon Quéré disait,
Assis dans sa prison :
— Je vois d’ici le grand Ollivier
Qui n’est pas encore pris ;

  Il a un bœuf à quatre pieds blancs,
Qu’il conduit aux bouchers ;
Il le conduit aux bouchers,
Il sauvera sûrement sa peau.

  Je ne blâme personne, d’aucun côté,
Ni personne aussi de ma famille,
Si ce n’est le fils de Le Bris, de Ploubezre,
Celui-là, je voudrais le voir vis-à-vis de moi !

  Celui-là me dit un jour
De lui procurer un enfant non baptisé,
Et il m’apprendrait des secrets
Pour voler les gens sur les chemins.

  Et moi, dès que j’entendis (cela),
(De dire) à une jeune femme que je rencontrai :
— Jeune femme, dites-moi,
Combien de mois a l’enfant que vous portez ?

  — Il a huit mois et demi,
Mon temps est presque fini.
Et moi, dès que j’entendis (cela),
Je tirai mon coutelas ;

  Je tirai mon coutelas,
Et je la coupai par la ceinture ;
Et j’en retirai son fils,
Le plus beau qui fût sous le firmament.[1]

  Quand j’arrivai au bourg de Ploubezre,
Le fils de Le Bris n’était pas à la maison.
Dur eût été le cœur de celui qui n’eût pleuré,
S’il eût été au bourg de Ploubezre,

  En entendant le pauvre innocent,
Qui demandait l’huile du baptême ;
Qui demandait l’huile du baptême,
Et le sacrement (de l’extrême onction) pour sa mère.

  Je fis après cela un plus beau coup.
En tuant mon père dans son lit !
Il y avait trois ans qu’il était malade sur son lit ;
J’allumai le feu sous lui ;

J’allumai le feu sous lui,
Puisque l’Anko (la Mort) ne venait pas le prendre !
Ma mère me dit un jour,
En se levant de son lit :

— Vous n’êtes pas, mon fils, un homme complet,
Puisque vous ne me procurez pas un ciboire ;
Puisque vous ne me procurez pas un ciboire,
Pour mettre mon beurre.

Et aussitôt que j’entendis cela,
Je courus au bourg de Plougasnou ;
Je m’agenouillai sur les marches de l’autel,
Puis j’ouvris la niche du Saint-Sacrement.

Quand j’eus ouvert la niche,
J’entendis une voix du ciel
Qui me dit que je ne faisais pas bien,
Puisque mes mains n’étaient pas consacrées.

Quand je fus loin de l’église,
Je m’assis sur un tertre vert ;
Je m’assis sur un tertre vert,
Et je l’ouvris là (le Saint-Ciboire) ;

Il y avait dedans dix-huit hosties,
Et je les mangeai à mon déjeuner !
…………………………………………………………

J’ai fait un plus beau coup encore,
En attachant l’un à l’autre un prêtre et une femme,
En laissant courir trois pièces de vin,
Après en avoir bu mon content.

À présent, je n’ai plus autre chose à dire ;
Si ce n’est : — priez pour moi, mes amis ;
Priez pour moi, mes amis,
Lâchez-moi en bas, quand vous voudrez.


Recueilli dans la commune de Ploulec’h, — 1849.






  1. Ce passage se trouve mot pour mot dans « Kloarek Javre » qu’on trouvera plus loin.