Chasse et pêche au Canada/35

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N. S. Hardy, Libraire-éditeurs (p. 241-246).


LES DIVERSES ESPÈCES DE POISSONS AUTOUR DE MONTRÉAL


PAR


G. H. MATTHEWS


Secrétaire du Club de Chasse et de Pêche de Montréal


« Les environs de la capitale commerciale du Canada, présentent en été, de puissants attraits, à l’amateur de pêche. Ils sont au reste d’un accès fort facile : une heure de marche à pied, en voiture, en chemin de fer, ou sur les petits vapeurs côtiers, depuis mai à octobre, suffit pour vous déposer au sein de localités poissonneuses à l’excès.

Il faut choisir de préférence une journée sereine de juin, lorsque le vent souffle du sud, du sud-ouest ou de l’ouest ; le vent nord ou nord-est, est peu favorable.

Nombreuses sont les espèces de poissons : l’achigan, la truite, le maskinongé, le doré, le poisson blanc (la quaiche) une sorte de hareng d’eau douce, lequel sans être aussi savoureux au goût que son congénère d’eau salée, saute avidement à la mouche et exige du pêcheur qui en recherche la capture, une grande habileté ; il est facile de le perdre, il a la mâchoire si tendre. On pourrait ajouter à cette liste, bien d’autres espèces, dignes de figurer dans l’escarcelle et le panier du pêcheur, tels que le bar, le crapet, le brochet, la carpe de France, le mulet, etc.

L’ACHIGAN

Au nombre des espèces prisées par l’amateur, comme game fish, citons d’abord l’achigan : nul poisson de sa taille (le ouinnaniche excepté) n’est plus vigoureux, plus alerte etc.

Il y a deux variétés d’achigan, que l’on reconnaît à la grosseur de leur bouche. L’achigan pèse en moyenne d’une à deux livres : de temps en temps, il se rencontre des individus plus gros, de trois livres ; et l’on a capturé dans une saison, des achigans, un ou deux peut-être, qui ont atteint le poids de quatre et même de cinq livres, l’extrême limite de leur pesanteur en nos latitudes boréales ; ces colosses, on ne les prend pas dans l’eau courante, mais sur les bas-fonds, dans les lacs, ou autour des îlots, loin de terre.

Il est certains lacs, comme celui de Brome, canton de Brome, ou l’achigan est plus gros qu’ailleurs. En septembre 1881, j’en vis un, pris dans ce lac, de l’espèce dite achigan à petite bouche, dont le poids excédait 7¼ livres.

Ce ne sont pas toujours les individus les plus volumineux qui donnant au pêcheur le plus de jeu, les jouissances exquises de l’art. Quant à moi, je préfère pêcher un vivace et frétillant poisson de deux à deux livres et demi, dans le remous d’un limpide ruisseau, qu’un de ces colosses, dans l’onde dormante d’un lac.

L’achigan commence à frayer dans le St-Laurent, vers le 10 avril ; un peu plus tard, dans la rivière Ottawa, dont les eaux sont plus froides ; au premier juin, le temps du frai est passé. Peu de mères portent leurs œufs au-delà. Les amateurs verraient avec plaisir cette pêche commencer le 1er, au lieu du 15 juin comme à présent.

À l’ouverture de la saison, le goujon est l’appât préféré, le goujon noir, s’emploi dans l’onde claire du St-Laurent et du Richelieu, mais dans les eaux troublées de la plupart des petits lacs et de l’Ottawa, le goujou blanc ou ce qui est encore mieux, le goujon olive, quand on peut se le procurer.

À ce temps là, le poisson repose sous une couche de quatre à dix pieds d’eau ; à mesure que l’onde se réchauffe des rayons du soleil, ses habitants remontent vers la surface. Au cas où le printemps aura été chaud, les pluies en juin lui feront prendre ses quartiers d’été vers le 10 ou le 15, de ce mois. Cette date écoulée, il sautera à mouche prestement jusque vers le 10 juillet ; puis, ils gagnera l’eau profonde pour s’installer aux bas-fonds (mais non dans les rapides) vers le 1er août. À cette date, il saute encore à la mouche, bien que l’appât qui semble le tenter d’avantage, soit les sauterelles, que l’on fait jouer sur les cours d’eau.

La cuillère trainée à l’arrière d’un canot, trolling spoon, donne d’excellents résultats ; selon moi, c’est un mode de pêche peu digne d’un poisson d’aussi bonne capture — game fish, — que l’achigan.

LE DORÉ

On pêche quantité de dorés, au moyen de trous taillés dans la glace, en mars et au commencement d’avril, la période close ne dure qu’un mois ; du 15 avril au 15 mai.

La première pêche du printemps, est celle du doré, et bien que cet habitant de l’onde n’ait ni la vigueur, ni l’agilité de l’achigan, comme prémices de la saison, on le prise : pour s’en rendre maître, il faut du savoir-faire, une touche fine.

Aux premiers jours de pêche, le doré se rencontre gégénérament, tassé près du fonds, dans des remous avoisinants des rapides, avec une profondeur plus ou moins grande, d’eau.

Une fois accroché et sorti du bassin, il fera prendre à l’amateur une course vertigineuse vers un autre bassin. Il saisit l’appât avec précaution ; un pêcheur émérite, pourvu d’un appareil de pêche de première-classe peut seul assurer cette riche prise.

L’appât préféré est un goujon vivant, assujetti à une ligne très fine et retenu sur le fonds par un plomb, variant en pesanteur de 8 onces à 2 ou 3 onces, selon la force du courant, le goujon circule alors autour de la ligne, en nageant.

Les pêches les plus fructueuses se font du 15 avril au 25 juin, époque ou le doré dit adieu aux rapides. En moyenne, il pèse deux livres ; mais il atteint jusqu’à dix livres.

Une de ses stations favorites, c’est le côté abrité d’un quai, d’une jetée, d’un pilier dans une rivière où le courant produira un remous.

LE MASKINONGÉ

Ce poisson pèse quelquefois de soixante à soixante-et-dix livres. J’ai vu un maskinongé, pris Rigaud, sur l’Ottawa, qui pesait soixante-et-deux livres : le poids ordinaire de ce superbe poisson est de dix, à vingt livres ; sa capture dans les rapides, cause des émotions aussi vives que celle du saumon et requiert une habileté aussi consommée.

La saison de cette pêche est la même que celle de l’achigan. On le rencontre, de juin à juillet, ou à la tête ou au pied d’un courant rapide, ou dans les passes entre les îles ou l’onde coule rapidement. À l’ouverture de la pêche, on le prend d’ordinaire avec la cuillère ; mais l’appât selon moi qu’il préfère, est un petit goujon de quatre à cinq pouces de long ; attaché délicatement à un hameçon qui lui permet de prendre librement ses ébats.

Au 15 juillet, le maskinongé quitte ces bas-fonds et le meilleur temps pour le capturer est depuis le 15 septembre à la fin d’octobre, quand il revient aux bas-fonds, pour se procurer les plies et autres petits poissons qui fréquentent ces parages.

Plusieurs de ces bas-fonds, sont coupés abruptement d’un côté et le maskinongé se tapit dans l’eau profonde guettant, pour le petit poisson qui s’aventure à sa portée, le maskinongé va par couple et le pêcheur, court bonne chance de capturer le couple sur le bas-fonds : à cette saison, l’appât qu’il préfère, est une moyenne grenouille verte, liée à l’hameçon, par un petit appareil qui lui perce la peau du dos, et la laisse libre dans ses mouvements.

Pour cette pêche, il faut un moulinet à saumon — salmon reel — avec soixante quinze à cent verges de ligne ; le maskinongé une fois capturé, il faut tâcher de l’attirer dans l’eau profonde ; là, avec de la patience et du savoir faire, on réussit facilement à le noyer.

Un gros poisson luttera peut être pendant deux heures, avant que vous puissiez le saisir avec l’épuisette : que de beaux maskinongés manqués par l’amateur impatient qui veut faire violence trop tôt au poisson en fureur !

LE POISSON BLANC

Le poisson, connu vulgairement comme la quaiche, est en saison depuis le 10 juillet au 10 septembre : le meilleur temps pour le prendre, est depuis quatre heures de l’après midi, jusqu’à la noirceur, bien qu’il mord à toutes les heures du jour, si la température et l’état de l’eau lui conviennent. Il faut un temps calme : ce poisson a habitude de remonter le courant quand la surface de l’onde est parfaitement tranquille. L’amateur aura meilleure chance, en jetant l’ancre de sa nacelle, là où deux courants se rencontrent. Il saute volontiers à la mouche ; une mouche blanche et grise, ou blanche et jaune, de grosseur moyenne, est préférable ; mais le poisson blanc, ne dédaigne pas une sauterelle.

LA TRUITE

Nous avons la grosse truite grise, qui atteint jusqu’à vingt livres en pesanteur, la truite saumonée, dite truite de lac qui pèse d’une demie à cinq livres, la truite de ruisseau ou de rivières, dont les plus pesantes n’excèdent pas trois livres.

L’historique de la truite a été si bien fait ; ses habitudes partout les mêmes, si bien décrites, que je me dispenserai d’entamer ce sujet ; j’ai cru utile de dire quelques mots, pour renseigner les étrangers qui viennent pêcher dans nos eaux, des stations de pêche où l’on prend l’achigan, le doré et le maskinongé.