Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises/Madame de Liencourt

La bibliothèque libre.

MADAME DE LIENCOURT.


Cette dame, qu’il ne faut pas confondre avec la duchesse de Liancourt (Jeanne de Schomberg), ne nous est connue que par un quatrain de M. Guyonnet de Vertron, auteur de la Nouvelle Pandore, et par les trois pièces de vers suivantes, qui se trouvent dans le Parnasse des dames, 1773.


LA FUITE INUTILE.


En quel état me trouvai-je réduite,
Pour obéir à mon devoir ?
Je fuis Tircis ; mais que me sert ma fuite,
Qu’à m’ôter seulement le plaisir de le voir ?

Que me sert-il de ne le pas entendre ?
Je devine tous ses discours ;
Et mon cœur me redit mille fois tous les jours,
Ce qu’une fois il m’auroit dit de tendre.

Je m’imagine à tous moments
L’entendre m’exprimer ses plus doux sentiments ;
Et peut-être, hélas ! qu’à ma honte,
Quand de son entretien j’évite les appas,
Je m’engage à lui tenir compte
De cent mille douceurs qu’il ne me diroit pas.


L’AMOUR SOUMIS A LA VERTU.


Damon, dont j’ai toujours méprisé la langueur,
Ne pouvant l’autre jour supporter ma froideur,
Fit cent plaintes de moi, de l’Amour, de lui-même.
Mon cœur, en soupirant, lui répondoit tout bas
« Cesse de murmurer de ma rigueur extrême,
Toi que je n’aime pas :
Je ne traite pas mieux le seul objet que j’aime. »


SUR LE CHANGEMENT DE CHARGE

DE M. TALON,

Avocat-général au Parlement de Paris.


Après que de Talon la sublime éloquence
A consacré son nom à l’immortalité,
N’est-il pas tems qu’une autre dignité
Le contraigne enfin au silence ?
Dans cet illustre emploi dont son cœur est tenté,
Il trouve le repos joint à l’autorité ;
Et quand il n’y pourroit rien faire
Qui fût propre à le signaler,
Il est toujours beau de se taire,
Lorsque l’on sait si bien parler.