Chefs d’œuvre lyriques (Malherbe)/48

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L’Été de Rome


QUELLE étrange chaleur nous vient ici brûler ?
Sommes-nous transportés sous la zone torride ?
Ou quelque antre imprudent a t’-il lâché la bride
Aux lumineux chevaux qu’on voit étinceler ?

La terre, en ce climat, contrainte à panteler,
Sous l’ardeur des rayons s’entre-fend et se ride ;
Et tout le champ romain n’est plus qu’un sable aride
D’où nulle fraîche humeur ne se peut exhaler.

Les furieux regards de l’âpre canicule
Forcent même le Tibre à périr comme Hercule,
Dessous l’ombrage sec des joncs et des roseaux.

Sa qualité de dieu ne l’en saurait défendre,
Et le vase natal d’où s’écoulent ses eaux
Sera l’urne fatale où l’on mettra sa cendre.