Chefs d’œuvre lyriques (Malherbe)/56

La bibliothèque libre.

Avis à un Poète buveur d’Eau


EN vain, pauvre Tircis, tu te romps le cerveau
Pour changer en beaux vers tes rimes imparfaites ;
Tu n’auras point l’ardeur des illustres poètes,
Si ton esprit d’oison se refroidit dans l’eau.

Va trinquer à longs traits de ce nectar nouveau
Que Lecormié recèle en ses caves secrètes,
Si tu veux effacer ces antiques prophètes
Dont le nom brille encor dans la nuit du tombeau.


Bien que les neuf beautés des rives d’Hippocrène
Exaltent la vertu des eaux de leur fontaine,
Les fines qu’elles sont ne s’en abreuvent pas ;

Là, sous des lauriers verts, ou plutôt sous des treilles,
Les tonneaux de vin grec échauffent leurs repas,
Et l’eau n’y rafraîchit que le cul des bouteilles.