Cheikh Nefzaoui - La Prairie Parfumée - 08

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La Prairie parfumée où s’ébattent les plaisirs (الروض العاطر في نزهة الخاطر)
Traduction par Baron R***.
(p. 8-33).

Chapitre Ier

Concernant les hommes dignes d’éloges

Séparateur

Apprends, ô Vizir, que la bénédiction de Dieu soit sur toi ! que les hommes et les femmes sont de diverses espèces ; que parmi eux il y en a qui sont dignes d’éloges, comme il y en a qui méritent des reproches.

Lorsqu’un homme méritant se trouve près des femmes, son membre grossit, devient fort, vigoureux et dur, il est lent dans son éjaculation et, après le tressaillement causé par la sortie du sperme, il est prompt à l’érection.

Un pareil homme est goûté et apprécié par les femmes, parce que la femme n’aime l’homme que pour le coït : il faut donc que son membre soit riche dans ses dimensions, qu’il soit long pour la jouissance ; que cet homme ait en outre la poitrine légère et le derrière pesant ; qu’il soit maître de son éjaculation et prompt à entrer en érection ; que son membre arrive au fond du canal de la femme, le bouche complètement et y adhère dans toutes ses parties. Celui-là sera le bien-aimé des femmes, car le poète a dit :

« J’ai vu les femmes rechercher dans l’adolescent
les qualités durable qui distinguent l’homme fait,
la beauté, la fortune, l’abnégation, la force,
un membre de grande dimension fournissant un coït prolongé,
puis une croupe pesante jointe à une éjaculation non précipitée,
une poitrine légère paraissant nager sur elles,
une émission de sperme lente à se produire, de façon que, chaque fois,
la jouissance soit indéfiniment prolongée,
qu’ensuite son membre revienne promptement à l’érection
et qu’il plane[nde 1] ainsi à plusieurs reprises sur leur vulve.
Tel est l’homme dont le coït fait le bonheur des femmes
et qui jouit auprès d’elle de la plus grande estime. »


Qualités que les femmes recherchent chez hommes

On raconte qu’un certain jour Abd el Melik ben Merouane[1] alla trouver Leïlla sa maîtresse[2], et lui posa des questions sur beaucoup de choses : entre autres il lui demanda quelles étaient les qualités que les femmes recherchaient dans les hommes.

Leïlla lui répondit : « Ô mon maître, il faut qu’ils aient des joues comme les nôtres. » « Puis quoi ensuite ? » dit ben Merouane. Elle ajouta : « et des cheveux semblables aux nôtres ; enfin il faut qu’ils soient pareils à toi, ô prince des croyants ; car certes ! l’homme, à moins qu’il ne soit puissant et riche, n’obtiendra rien des femmes. »

Diverses longueurs du membre viril

Les membres virils, pour plaire aux femmes, doivent avoir en longueur, au plus, douze travers de doigts, c’est-à-dire trois poignées, et au moins, six travers de doigts ou une poignée et demi.

Il y a des hommes dont le membre atteint douze doigts ou trois poignées, d’autres dix doigts ou deux poignées et demi. D’autres, enfin, ont huit doigts ou deux poignées. L’homme dont le membre reste au dessous de cette dimension ne peut être agréable aux femmes.

Utilité des parfums pour le coït et histoire de Moçaïlama à ce sujet.

L’usage des parfums, pour la femme comme pour l’homme, excite à l’acte du coït. La femme, en respirant la senteur dont s’est parfumé l’homme, entre en pâmoison, et souvent l’emploi des odeurs a été un puissant auxiliaire pour l’homme et lui a permis d’arriver à la possession de la femme.

On raconte, à ce sujet que Moçaïlama[3] l’imposteur, fils de Kaïss, que Dieu le maudisse ! prétendait avoir le don de prophétie, et il imitait le Prophète de Dieu, que la bénédiction et le salut soient sur lui ! À cause de cela lui et un grand nombre d’Arabes ont encouru la colère du Tout-Puissant.

Moçaïlama, fils de Kaïss, l’imposteur, dénatura en outre le Coran par ses mensonges et par ses impostures et, au sujet d’un Chapitre du Coran que l’ange Gabriel, que le salut soit sur lui ! avait apporté au Prophète, que la miséricorde de Dieu et le salut soient sur lui ! des gens de mauvaise foi étaient venus trouver Moçaïlama, qui leur avait dit : « À moi aussi, l’Ange Gabriel[4] m’a apporté un chapitre pareil. »

Il tournait en dérision le chapitre intitulé l’Éléphant[5]. Il disait : « Dans ce chapitre l’Éléphant, je vois l’éléphant. Qu’est-ce que l’éléphant ? Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que ce quadrupède ? Il a une queue, et un bout de queue et une longue trompe. Certes ! c’est une des créations de notre Dieu le magnifique. »

Le chapitre du Coran nommé le Kouter[6] était également l’objet de ses controverses. Il disait : « « Nous t’avons donné des pierreries pour que tu les choisisses pour toi-même et de préférence à tout autre, mais garde-toi d’en tirer de l’orgueil. »

Moçaïlama avait dénaturé ainsi divers chapitres du Coran par ses mensonges et ses impostures.

Il était encore occupé de cela lorsqu’il entendit parler du Prophète, que le salut et la miséricorde de Dieu soient sur lui ! Il apprit que, lorsqu’il avait posé ses mains vénérables sur une tête chauve, les cheveux repoussaient aussitôt ; que s’il crachait dans un puits, l’eau arrivait en abondance et que si elle était salée, elle devenait à l’instant bonne et douce à boire, que, s’il crachait dans un œil borgne ou atteint d’ophtalmie, la vue lui était immédiatement rendue ; que s’il portait ses mains sur la tête d’un enfant en lui disant : « Vis un siècle », l’enfant vivait cent ans.

Lorsque les disciples de Moçaïlama virent ces faits ou en entendirent parler, ils vinrent vers lui et lui dirent : « N’as-tu pas connaissance de Mohammed et de ce qu’il fait ? » Il leur répondit : « Je ferai mieux que cela. »

Or, Moçaïlama était un ennemi de Dieu et, s’il posait sa malheureuse main sur la tête de quelqu’un qui avait peu de cheveux, celui-ci devenait chauve à l’instant ; s’il crachait dans un puits où il y avait peu d’eau, de douce qu’elle était elle devenait salée, et cela par la volonté de Dieu ; enfin, s’il crachait dans un œil malade, cet œil perdait la vue à l’instant, et s’il posait la main sur la tête d’un enfant en lui disant « Vis cent ans », l’enfant mourait au même moment.

Voyez, ô mes frères, ce qui arrive à ceux dont les yeux restent fermés à la lumière et qui sont privés du secours du Tout-Puissant.

Et ainsi a agi cette femme des Beni Temim nommée Chedjâ el Temimia, qui se prétendait prophétesse : elle entendit parler de Moçaïlama, et de même ce dernier entendit parler d’elle.

Cette femme était puissante, car les Beni Temim formaient une troupe nombreuse. Elle disait : « La prophétie ne convient pas à deux personnes. Il faut que lui soit prophète, et alors je suivrai ses lois ainsi que mes disciples, ou bien moi je serai prophétesse, et lui et ses disciples suivront mes lois. »

Ceci arriva après la mort du Prophète de Dieu, que le salut et la miséricorde de Dieu soient sur lui !

Chedja écrivit alors à Moçaïlama une lettre dans laquelle elle lui disait : « La prophétie ne peut convenir à deux personnes simultanément, mais seulement à une seule : nous nous réunirons et nous nous examinerons mutuellement, nous et nos disciples. Nous discuterons sur ce que Dieu a fait descendre sur nous (le Coran) et celui qui sera reconnu pour être le véritable prophète, nous suivrons ses lois. »

Elle ferma ensuite la lettre, la donna à un courrier en lui disant : « Rends-toi avec cette missive à el Yamama et remets-la à Moçaïlama ben Kaïss ; quant à moi je marche sur tes traces avec l’armée. »

Le jour suivant la prophétesse monta à cheval avec son goum[7] et marcha sur les traces de son envoyé. Lorsque ce dernier arriva près de Moçaïlama, il le salua et lui présenta la lettre.

Moçaïlama l’ouvrit, la lut et il en comprit le contenu ; il fut consterné de ce qui arrivait et se mis à prendre conseil des gens de son goum les uns après les autres : mais il ne vit rien dans leurs avis ou dans leurs idées qui put le tirer d’embarras.

Comme il était ainsi dans la perplexité, voilà qu’un des hommes considérables de son goum s’avança vers lui et lui dit : « Ô Moçaïlama, calme ton esprit et rafraîchis ton œil[8]. Je vais te donner le conseil d’un père à son fils. »

Moçaïlama lui dit : « Parle et que tes paroles soient sincères ! »

Il dit alors : « Dans la matinée de demain, élève hors de la ville une tente de brocarts de diverses couleurs et ornée de meubles de soie et de toutes espèces[9]. Remplis la ensuite de parfums délicieux de diverses natures, d’ambre, de musc et de toutes les odeurs, comme la rose, la fleur d’oranger, la jonquille, le jasmin, la jacinthe l’œillet et autres plantes semblables. Quand cela sera fait, tu placeras dans la tentée des cassolettes d’or remplies de parfums divers, comme l’aloès vers, l’ambre gris, le Nedde[10], et autres odeurs suaves. Cela fait tu lâcheras les cordons de la tente de manière que rien ne sorte au dehors de ces parfums. Puis, lorsque tu verras leur vapeur devenue assez intense pour en imprégner l’eau[11], assieds-toi sur ton trône et envoie prévenir la prophétesse, afin qu’elle vienne te trouver dans ta tente où elle sera seule avec toi. Quand vous serez ainsi réunis tous les deux, et qu’elle sentira les parfums, elle se délectera, tous ses os se relâcheront dans un mol abandon, enfin elle se pâmera. Quand tu la verras dans cet état, tu lui demanderas ses faveurs : elle te les accordera sans hésiter. Lorsque tu l’auras possédée, tu seras délivré de l’embarras qu’elle te cause avec son goum. »

Moçaïlama s’écria : « Tu m’as dit une bonne chose. Par Dieu ! ce conseil est favorable et l’avertissement salutaire. » Il fit ensuite tout ce que lui avais dit le cheikh.

Dès qu’il vit la vapeur des parfums devenue assez intense pour imprégner l’eau qui se trouvait dans la tente, il s’assit sur son trône et fit prévenir la prophétesse. Lorsqu’il la vit s’avancer vers lui, il ordonna de la faire entrer dans sa tente ; elle entra et il resta seule avec elle. Il l’engagea à parler.

Pendant que Moçaïlama lui adressait la parole, elle perdait toute présence d’esprit ; elle était interdite et comme stupéfaite.

Lorsqu’il la vit dans cet état, il comprit qu’elle désirait le Coït ; il lui dit : « Allons, lève-toi pour que je te possède, cet endroit a été préparé à ton intention. Si tu le désires tu te coucheras sur le dos, ou bien tu te placeras à quatre pattes, ou enfin tu prendras la position de la prière, à genoux, le front courbé dans la poussière et le derrière en l’air, formant ainsi le trépied[12]. Quelle que soit la position qui te convienne, parle, tu seras satisfaite. »

La prophétesse répondit : « Je veux de toutes les manières. Fais descendre sur moi la révélation de Dieu, ô prophète du Tout-Puissant ! »

Dans ce moment il se jeta sur elle et il en jouit à son gré : puis elle lui dit : « Dès que je sortirai d’ici, Demande-moi en mariage à mon goum. »

Lorsqu’elle quitta la tente et qu’elle se rencontra avec ses disciples, ceux-ci lui dirent : « Quel est le résultat de la conférence, ô prophétesse de Dieu ? » Elle répondit : « Moçaïlama m’a montré ce qui lui avait été révélé et j’ai trouvé que c’était la vérité, ainsi obéissez-lui. »

Moçaïlama la demanda alors en mariage à son goum qui la lui accorda. Lorsque le goum l’interrogea sur la dot de la future épouse, il lui répondit : « Je vous dispense de la prière de l’aceur (qui a lieu à 3 ou 4 heures) » C’est depuis cette époque que les Beni Temim ne prient plus à ce moment de la journée, et lorsqu’ils sont interrogés à cet égard ils répondent : « C’est à cause de notre prophétesse : elle seule connaît le chemin de la vérité, » et, en effet, ils ne reconnaissent d’autre prophète qu’elle.

C’est à ce sujet qu’un poète a dit :


« Je veux de toutes les manières. Fais descendre sur moi la révélation de Dieu, ô prophète du Tout-Puissant. »

« A surgi pour nous un prophète femelle ; nous suivrons ses lois. Mais pour le reste des humains les prophètes qui ont paru sont des mâles[13]. »

La mort de Moçaïlama fut annoncée par la prophétie d’Abou Beker[14] que Dieu lui soit favorable ! Il fut, en effet, tué par Zeïd ben Khettab ; d’autres disent que ce fut par Ouhcha, un de ses disciples. Or Dieu sait que ce fut, en effet, Ouhcha. Celui-ci a même dit à ce sujet : « J’ai tué, dans mon ignorance, le meilleur des hommes, Hamza ben Abd el Motaleb[15], et j’ai ensuite tué le plus mauvais des hommes, Moçaïlama. J’espère que Dieu me pardonnera une de ces actions en considération de l’autre. »

Le sens de ces paroles : « J’ai tué le meilleur des hommes dans l’ignorance », est que lorsque Ouhcha n’avait point encore reconnu le Prophète, il avait tué Hamza, que Dieu lui soit favorable ! et, après avoir embrassé l’Islamisme, il tua Moçaïlama.

Quant à Chedjâ el Temimia, elle se repentit par la grâce de Dieu très élevé ; elle devint musulmane, et elle épousa un des sectateurs du Prophète, que Dieu soit favorable à son mari !

Ainsi se termine l’histoire.

Le méritant parmi les hommes, aux yeux des femmes, est celui qui sera empressé auprès d’elles. Il faut que, recherché dans sa tenue, il se distingue par sa beauté de ceux qui l’entourent, qu’il ait la taille gracieuse et la tournure séduisante ; que, véridique auprès des femmes, il soit toujours sincère dans ses paroles ; qu’il soit généreux, brave ; qu’il ne tire point vanité de lui-même et que son commerce soit agréable. Il doit être esclave de sa parole ; s’il fait une promesse, il doit n’y point manquer ; il doit dire toujours la vérité et ne point faillir à ce qu’il a annoncé.

Celui qui tire vanité de ses relations avec les femmes, de leur connaissance et de leur amitié, celui-là est un homme méprisable. Il sera question de lui dans le Chapitre suivant.

On raconte qu’il y avait autrefois un roi nommé Mamoun[16], qui avait un bouffon que l’on appelait Bahloul[17], lequel servait d’amusement aux princes et aux Vizirs.

Un certain jour, ce bouffon se présenta chez Mamoun, qui était occupé à se divertir. Le roi lui ordonna de s’asseoir, et après qu’il se fut assis devant lui, il lui dit en détournant la tête : « Pourquoi es-tu venu, ô fils de la débauchée ? » Bahloul lui répondit : « Je suis venu pour savoir ce qui est arrivé à notre Seigneur, que Dieu le rende victorieux ! »

« Et que t’est-il arrivé, à toi, reprit le roi, et comment te comportes-tu avec ta nouvelle et ton ancienne femme ? ». Car Bahloul, ne se contentant pas de sa première femme, en avait épousé une seconde.

« Je ne suis heureux, ô notre maître, dit-il, ni avec l’ancienne, ni avec la nouvelle ; en outre, la pauvreté m’accable. »

Le roi lui dit : « Peux-tu me réciter quelques vers à ce sujet ? »

Le bouffon lui ayant répondu affirmativement, Mamoun lui ordonna de réciter ce qu’il savait, et Bahloul commença ainsi avec la parole de la poésie :

« La pauvreté m’enchaîne, la misère me tourmente : ce fléau m’a atteint avec tous les malheurs, il m’a jeté dans le trouble et dans le péril et m’a attiré le mépris des hommes. Dieu ne bénira pas une pauvreté pareille à la mienne, c’est certainement une cause d’opprobre aux yeux de tous.

« Si se prolongent l’infortuné et la misère qui m’étreignent, il ne peut y avoir de doute, mon habitation deviendra vide de moi. »

Mamoun lui dit : « Où iras-tu ? »

Il répondit : « Vers Dieu et son Prophète, ô prince des croyants. »

« C’est bien ! » reprit le roi. Celui qui se réfugie vers Dieu et vers son Prophète, et ensuite vers nous, nous l’accueillons. Mais, peux-tu me dire encore quelques vers au sujet de tes deux épouses, et sur ce qui t’est arrivé avec elles. »

« Assurément », dit Bahloul.

« Eh bien ! fais-nous entendre ce que tu sais », dit le roi.

Bahloul commença alors ainsi, avec la parole de la poésie :

« Par suite de mon ignorance, j’ai épousé deux femmes.
« Et de quoi te plains-tu, ô mari de deux femmes ?
« Je me disais : je serai entre elles deux comme un agneau favorisé.
« Je prendrai mes ébats sur les mamelles de mes deux brebis.
« Et je suis devenu comme une brebis souffrant nuit et jour entre deux louves[nde 2] acharnées.
« Les jours succèdent aux jours, et les nuits aux nuits,
« Et leur joug m’oppresse également pendant les jours et pendant les nuits.
« Si je suis aimable avec l’une, l’autre s’emporte.
« Et ainsi, je ne puis échapper à ces deux furies.
« Si tu veux vivre en homme généreux, le cœur libre et les mains ouvertes, reste célibataire ;
« Si tu ne le peux, ne prends qu’une femme, car une femme à elle seule peut satisfaire deux armées. »

Lorsque Mamoun entendit ces paroles, il se prit à rire au point de se renverser en arrière. Puis, voulant donner à Bahloul une preuve de sa bonté, il lui fit présent de sa robe dorée, le plus beau des vêtements.

Bahloul partit, l’esprit joyeux, se dirigeant du côté de la demeure du grand vizir. Or, il arriva que Hamdouna[18], du haut de son palais, tourna ses regards de son côté et le vit. Elle dit à sa négresse : « Par le Dieu du temple de La Mecque ! Voilà Bahloul revêtu d’une belle robe dorée. De quel stratagème pourrais-je bien me servir pour me la procurer ? »

La négresse lui dit : « Ô ma maîtresse, cette robe, tu ne saurais la prendre. »

Hamdouna lui répondit : « J’ai imaginé une ruse à ce sujet, et je lui soustrairai la robe. »

« Bahloul est un homme rusé », reprit la négresse. « On croit généralement se moquer de lui, et, par Dieu ! c’est lui qui se moque des autres. Abandonne ton dessein, ô ma maîtresse, et crains qu’il ne te fasse tomber dans le piège que tu veux lui tendre. »

Mais Hamdouna répliqua : « Il faut que cela se fasse ! » Puis elle envoya sa négresse vers Bahloul pour lui dire qu’il eut à venir à elle. Celui-ci dit : « Par la bénédiction de Dieu ! celui qui t’appelle, réponds-lui, et il se présenta devant Hamdouna[19].

Hamdouna le salua et lui dit : « Ô Bahloul, je crois que tu es venu ici pour m’entendre chanter. » Il répondit : « Assurément, ô ma maîtresse. » Or elle avait un talent merveilleux pour le chant. Puis elle ajouta : « Je crois aussi qu’après avoir entendu mes chants, tu consentiras bien à prendre quelque nourriture. » « Oui » répondit-il.

Elle se mit alors à chanter d’une manière admirable, et tous ceux qui l’auraient entendue seraient morts d’amour.

Lorsque Bahloul eut entendu ses chants, elle lui fit servir des rafraîchissements ; il mangea et il but. Elle lui dit ensuite : « Je ne sais pourquoi je me figure que tu te dépouillerais volontiers de ta robe pour m’en faire don. » Bahloul répondit : « Ô ma maîtresse, j’ai fait le serment de ne la donner qu’à la personne à laquelle j’aurai fait ce que l’homme fait à la femme. »

« Quoi ! tu sais ce que c’est, ô Bahloul ? » reprit-elle.

« Comment ! je l’ignorerais, dit-il, moi qui instruis à ce sujet les créatures de Dieu ! C’est moi qui les fais accoupler par l’amour, qui leur enseigne quels sont les plaisirs de la femme, comment il faut la caresser, quelles sont les choses qui l’excitent et qui la satisfont. Ô ma maîtresse ! qui donc connaîtrait l’art du coït féminin, si ce n’est moi ? »

Cette Hamdouna était fille de Mamoun et épouse du grand-vizir. Elle était douée de la beauté la plus parfaite : elle éblouissait par sa taille et par l’harmonie de ses formes. Personne au monde, dans son temps, ne la surpassait en beauté, en éclat et en perfection. Si des héros la voyaient, ils demeuraient humbles et soumis, et ils baissaient les yeux vers la terre de crainte de tentation, tellement Dieu très élevé avait été prodigue envers elle de beautés et de perfections. Celui d’entre les hommes, qui fixait son regard sur elle, tombait dans le trouble et, à cause d’elle, combien de héros ont été mis en péril ! Bahloul avait toujours évité de la rencontrer, craignant de succomber à la tentation. Elle l’avait envoyé chercher pour qu’il vînt à elle, et, comme il craignait pour son repos, il n’y avait jamais été, si ce n’est dans la circonstance présente.

Bahloul se mit à converser avec elle. Tantôt il la regardait, et tantôt il baissait les yeux vers la terre, craignant de ne pouvoir commander à sa passion. Quand à Hamdouna, elle brûlait du désir d’avoir la robe, et lui ne voulait pas la céder sans en avoir reçu le prix. Elle lui demanda : « Quel est ce prix que tu exiges ? » à quoi il répondit : « Le coït, ô prunelle de mes yeux ! » « Tu connais cela, ô Bahloul ? » lui dit-elle. « Par Dieu ! s’écria-t-il, personne ne connaît les femmes mieux que moi : c’est l’occupation de ma vie. Personne n’a étudié ce qui les concerne autant que moi. Je sais ce qu’elles aiment ; car, apprends, ô ma maîtresse, que les hommes, dans ce monde, s’adonnent à diverses occupations, en raison de leur esprit et de leurs idées. Celui-ci prend, celui-là donne ; celui-ci vend, celui-là achète. Pour moi seul, toutes ces choses sont sans attrait. Ma seule pensée, c’est l’amour et la possession des belles femmes. Je guéris celles qui ont des maladies d’amour et j’apporte un soulagement à leurs vulves avides. »

Hamdouna s’étonnait des paroles de Bahloul et de la douceur de son langage. Elle lui dit : « Pourrais-tu me réciter quelques vers à ce sujet ? » Il lui répondit : « Certainement. » « Eh bien ! dit-elle, ô Bahloul, fais-nous entendre ce que tu as à nous dire. »

Bahloul récita les vers suivants :

« Les hommes sont divisés suivant leurs affaires et leurs occupations :
« Les uns sont dans les délices du monde et dans le bonheur, les autres sont dans les larmes.

« Ceux-ci sont dans les agitations de la vie et souffrent de la pauvreté ;
« Ceux-là, au contraire, sont comblés des faveurs de la fortune,
« De félicités sans nombre et de tous les bonheurs d’ici-bas.
« Moi seul, je n’attache aucun intérêt à tout cela.
« Que m’importent les Turcomans, les Arabes ou les Perses ?
« Ma seule ambition est dans le coït et dans l’amour des femmes, cela n’est susceptible ni de doute, ni d’erreur.
« Si la vulve tarde à mon membre, mon état devient intolérable,
« mon cœur s’enflamme d’un feu sans pareil, d’un feu inextinguible,
« Mon membre se redresse. Tiens, le voilà ! admire la beauté de sa création !
« Il calme les ardeurs d’amour et éteint les feux les plus ardents.
« Par son mouvement de va et vient entre les cuisses. Ô mon espérance !
« Ô prunelle de mes yeux ! fille de la noblesse et de la générosité !
« Si une fois ne suffit pas pour apaiser tes feux,
« Je continuerai, afin de te satisfaire ;
« On ne saurait te le reprocher, car cela arrive à tout le monde.
« Mais, si tu repousses ma flamme, éloigne-moi de toi
« Chasse-moi de ta présence sans

crainte et sans remords.
« Réfléchis, prononce-toi et n’augmente pas ma douleur.
« Mais, au nom de Dieu ! pardonne-moi et ne m’accable pas de reproches.
« Puisque je suis devant toi, que tes paroles soient des paroles de clémence et de pardon,
« Ne les laisse pas tomber sur moi tranchantes comme le glaive de la vengeance.
« Laisse-moi venir à toi, ne me repousse pas !
« Que je sois, pour toi, comme celui qui a approché des lèvres du malade le breuvage de la santé !
« Hâte-toi, que je plonge mes regards avides dans tes seins !
« Ne sois pas avare avec moi des jouissances du coït, lève-toi sans honte.
« Abandonne-toi à moi, parce que jamais je ne te donnerai un chagrin,
« Quand même tu me couvrirais de mal depuis la tête jusqu’aux pieds.
« Je resterai toujours ce que je suis, et toi ce que tu es.
« Je n’oublierai jamais que nous sommes les serviteurs et vous les maîtres, ô filles des généreux.
« Comment sera dévoilé notre amour ? Il sera à jamais caché,
« Parce qu’en fait de secret je suis muselé et muet.
« C’est par la volonté de Dieu que tout cela m’arrive ;

« Il m’accable d’amour, et aujourd’hui je suis dans l’infortune. »

Lorsqu’Hamdouna eut entendu ces paroles, elle se pâma et se mit à examiner le membre de Bahloul, qui était en érection entre ses cuisses comme une colonne. Tantôt elle se disait : « Je me donnerai à lui. » Tantôt elle se disait : « Je ne lui céderai pas. » Pendant cette incertitude, la jouissance se fit pressentir entre ses cuisses, et Eblis fit couler entre ses parties naturelles la liqueur avant-coureur du plaisir[20]. Elle ne résista plus alors au désir du coït, et se rassura en se disant intérieurement : « Si ce Bahloul, après avoir joui de moi, vient à le divulguer, personne n’ajoutera foi à ses paroles. »

Elle le pria alors d’ôter sa robe et d’entrer dans le cabinet, mais Bahloul lui répondit : « Je ne m’en dépouillerai que lorsque j’aurai assouvi mon désir, ô prunelle de mes yeux ! »

Hamdouna se leva alors, tremblante du résultat qu’allait avoir le tressaillement de plaisir qu’elle éprouvait ; elle dénoua sa ceinture et sortit de la chambre. Bahloul la suivit, se disant : « Suis-je bien éveillé, ou est-ce un songe ? » Il continua à marcher derrière elle jusqu’à ce qu’elle fut arrivée dans son cabinet de toilette. Elle se jeta alors sur un lit de soie, dont le dessus était comme une voûte élevée, puis elle leva ses robes sur ses cuisses en tremblant de toutes ses forces, et tout ce que Dieu lui avait donné de beauté se trouva dans les bras de Bahloul.

Bahloul examinait le ventre d’Hamdouna, arrondi comme une coupole élégante ; il arrêtait ses regards sur un nombril semblable à une perle au milieu d’une coupe d’or et, lorsqu’il descendit plus bas, il vit une création magnifique, et il s’émerveilla de la nudité de ses cuisses blanches et bien faites.

Il embrassa alors Hamdouna d’une étreinte passionnée et vit bientôt l’animation disparaître de son visage : elle semblait perdre toute connaissance. Elle n’avait plus la tête à elle, elle tenait le membre de Bahloul dans ses mains, elle l’excitait et lui faisait darder des feux.

Bahloul lui dit : « Pourquoi te vois-je ainsi troublée et hors de toi ? » Elle lui répondit : « Laisse-moi, ô fils de la débauchée. Par Dieu ! je suis comme la jument en chaleur, et tu continues à m’exciter encore par tes paroles. Et quelles paroles ! elles mettraient toute femme hors d’elle-même, lors même qu’elle serait la plus pure créature du monde. Tu veux donc me faire succomber par tes discours et par tes vers ! »

Bahloul lui répondit : « Ne suis-je donc pas comme ton mari ? » « Si, dit-elle, mais la femme entre en chaleur à cause de l’homme, comme la jument à cause du cheval, que ce soit son mari ou un autre, avec cette différence toutefois que, dans l’espèce chevaline, la jument n’est mise en chaleur par le cheval qu’à certaines époques de l’année et que ce n’est qu’alors qu’elle accepte l’étalon. La femme, au contraire, en tout temps peut être mise en chaleur par des paroles d’amour[21]. Ces deux dispositions se sont rencontrées chez moi et, puisque mon mari est absent, hâte-toi, car voici l’heure de sa rentrée. »

Bahloul lui répondit : « Ô ma maîtresse, mes reins me font souffrir et ne me permettent pas de monter sur ta poitrine : mais toi, place-toi sur moi, agis comme l’homme ; prends la robe et laisse-moi partir ensuite. »

Puis il se coucha avec elle dans la position que la femme prend d’habitude avec l’homme, et sa verge se dressait entre ses cuisses comme une colonne.

Hamdouna se précipita alors sur Bahloul, elle saisit son membre entre ses mains et se mit à l’examiner. Elle s’étonnait de sa grandeur et de la magnificence de sa création, de sa force et de sa dureté. Elle s’écria : « Ceci est la perdition de toutes les femmes et la cause de bien des malheurs ! Ô Bahloul, je n’ai jamais vu plus beau membre que le tien ! » Cependant elle continuait à le tenir, elle en frottait la tête contre les lèvres de ses parties naturelles, et elle fit tant qu’il lâcha des gouttes gommeuses et devint tout larmoyant[22]. Dans ce moment la vulve semblait dire : « Ô membre, entre dans moi ! »

Alors Bahloul introduisit sa verge dans le vagin de la fille du Sultan, et celle-ci, abaissant en même temps son derrière sur cet engin, le fit pénétrer tout entier dans sa fournaise. Rien ne restait dehors, à ce point qu’elle n’en voyait, ni n’en apercevait la plus


… « Elle se livra ensuite à un mouvement de va et viens : elle remuait son derrière comme un crible, vers la droite et vers la gauche, en avant et en arrière…

petite trace, et elle disait : « Combien Dieu a rendu les

femmes débauchées et infatigables en ce qui a trait à leurs plaisirs ! » Elle se livra ensuite à un mouvement de va et vient ; elle remuait son derrière comme un crible en action, vers la droite et vers la gauche, en avant et en arrière. Il n’a jamais existé dans le monde de mouvement comme celui-là !

La fille du Sultan persévéra dans son mouvement de crible, sur la verge de Bahloul, jusqu’à l’arrivée de la jouissance, et l’attraction de sa vulve semblait pomper le membre et faisait croire qu’elle le suçait, comme tète le jeune enfant le sein de sa mère[23]. La jouissance leur vint en même temps et chacun prit sa part de plaisir.

Ensuite Hamdouna prit le membre pour le retirer, et elle le fit sortir doucement, doucement ; puis, le regardant, elle dit : « Tel est le fait d’un homme valeureux ! » Ensuite elle l’essuya et essuya ses parties naturelles avec un mouchoir de soie, puis elle se leva.

Bahloul se leva aussi : et voulut s’en aller ; mais elle lui dit : « Et la robe ? »

Il lui répondit : « Comment ! ô maîtresse, c’est toi qui m’as coïté et tu veux que je te fasse encore un cadeau ! »

« Mais, ne m’as-tu pas dit, répliqua-t-elle, que tu ne pouvais pas te mettre sur moi par suite de la douleur que tu éprouvais au dos ? »

« Peu importe ! » dit Bahloul ; la première fois a été pour toi, le second accouplement sera pour moi ; il sera le prix de la robe, et je m’en irai. »

Hamdouna pensa en elle-même : « puisqu’il a commencé, qu’il fasse cette action une seconde fois ! puis il s’éloignera de moi. »

Elle se coucha alors dans cette idée, mais Bahloul lui dit : « Je ne me coucherai avec toi que si tu ôtes tous tes vêtements. »

Elle se mit donc entièrement nue, et Bahloul resta en extase à l’aspect de la beauté et de la perfection de ses formes, il se prit à l’examiner membre par membre. Il considérait ses cuisses magnifiques et son nombril rebondi, dont la blancheur égalait celle de l’ivoire, son ventre voûté comme un arceau élégant et sa poitrine potelée de toutes parts, sur laquelle se dressaient majestueusement des seins semblables au calice de la jacinthe. Son cou était comme le cou de la gazelle, l’ouverture de sa bouche comme une bague, ses lèvres fraîches étaient rouges comme un sabre ensanglanté. On aurait pris ses dents pour des perles et ses joues pour des roses. Ses yeux étaient noirs et bien fendus et ses sourcils d’ébène ressemblaient au trait arrondi du Noun[24] tracé par la main habile de l’écrivain. Quant à son front, il était large comme la lune dans la nuit de sa plénitude.

Bahloul se mit à l’embrasser, à sucer ses lèvres, à baiser sa gorge et à promener sa bouche sur ses joues. Il mordait ses seins, aspirait sa fraîche salive et mordait ses cuisses. Il continua ainsi jusqu’à ce qu’il la vit se pâmer, pouvant à peine balbutier et les yeux mourants. Il se prit alors à embrasser sa vulve, et elle ne remuait ni pieds, ni mains. Il fixait amoureusement ses regards sur les parties naturelles d’Hamdouna semblables à un dôme blanc, d’une beauté à attirer tous les yeux, avec son milieu pourpre[25].

Bahloul s’écria : « Ô tentation des hommes ! » et cependant il ne cessait de la mordre et de l’embrasser jusqu’à ce que l’ardeur du désir se fit sentir. Elle redoubla alors ses soupirs, et précipitant sa main sur le membre de Bahloul, elle le saisit et le fit disparaître dans son vagin.

Il se mit alors à remuer ses fesses, et elle l’accompagnait dans ce mouvement avec une ardeur extrême, jusqu’à ce qu’enfin la jouissance leur arrivant simultanément vint calmer leurs ardeurs.

Bahloul se leva ensuite de dessus elle, il essuya son membre, et elle essuya sa vulve ; puis il voulut se retirer, mais Hamdouna lui dit : « Où est la robe ? te moques-tu de moi, ô Bahloul ? » Celui-ci lui répondit : « Ô ma maîtresse, je ne m’en séparerai qu’avec son prix. » « Mais quel est donc son prix ? » s’écria Hamdouna. Bahloul lui répondit : « Tu as ce qui te reviens et moi également : la première fois a été pour toi, la deuxième pour moi, et la troisième sera le prix de la robe. »

Cela dit, il s’en dépouilla, la plia et la remit aux mains d’Hamdouna qui, s’étant levée, se replaça sur son lit, en lui disant : « Fais aujourd’hui ce que tu voudras ! »

Bahloul se précipita aussitôt sur elle et, d’un seul coup, fit entrer complètement son membre dans son vagin, puis il se mit à travailler comme un pilon, et elle à remuer son derrière, et cela jusqu’à ce que les deux éjaculations arrivassent en même temps. Enfin il essuya son membre, se leva d’auprès d’elle, abandonna la robe et s’en alla.

La négresse dit à Hamdouna : « Ô ma maîtresse, n’est-ce pas comme je te l’avais dit ? Bahloul est un méchant homme, et tu n’as pas pu avoir l’avantage sur lui. Les gens en font un objet de moquerie, et par Dieu ! c’est lui qui se moque des autres. Pourquoi n’as-tu pas voulu ajouter foi à mes paroles. » Hamdouna se tourna vers sa négresse et lui dit : « Ne me fatigue pas de tes observations. Il est arrivé ce qui devait arriver, et toute vulve porte inscrit à son ouverture le nom de celui qui doit y entrer[26], que ce soit chose licite ou défendue, qu’il y ait amour ou haine, et si Bahloul n’avait pas eu son nom écrit sur ma vulve, il n’y aurait jamais pénétré, ni lui, ni un autre, m’aurait-il donné la totalité de l’Univers, avec tout ce qu’il contient. »

Pendant qu’elles causaient ainsi on frappa à la porte. La négresse demanda qui était là, et pour réponse entendit la voix de Bahloul disant : « C’est moi ! » Hamdouna, se demandant ce que venait faire le bouffon, fut prise de frayeur. La négresse demanda alors à Bahloul ce qu’il désirait et reçut la réponse suivante : « Apporte-moi un peu d’eau. » Elle sortit de la maison avec une coupe pleine d’eau. Bahloul but, puis il laissa tomber de ses mains la coupe, qui se brisa. La négresse ferma alors la porte, laissant dehors Bahloul qui s’assit sur le seuil.

Le bouffon était ainsi près de la porte quand arriva le Vizir, mari d’Hamdouna, qui lui dit : « Pourquoi te vois-je, ô Bahloul ? » Celui-ci répondit : « Ô mon seigneur, je passais dans la rue, quand je fus saisi d’une grande soif. Une négresse vint à moi et m’apporta une coupe d’eau. La coupe s’est échappée de mes mains et s’est brisée. Notre maîtresse Hamdouna m’a alors pris la robe que m’avait donné le sultan, notre maître, en paiement de la coupe. »

Le vizir dit aussitôt : « Qu’on lui rende sa robe ! » Hamdouna sortit en ce moment, et son mari lui demanda s’il était vrai qu’elle eût enlevé la robe dorée comme prix de la coupe. Hamdouna s’écria alors, en frappant les mains l’une contre l’autre, « Qu’as-tu donc fait, ô Bahloul ? » Celui-ci répondit « J’ai parlé à ton mari le langage de ma folie, parle lui, toi, celui de ta raison. » Et elle s’extasia de la ruse qu’il avait employée, puis elle lui rendit sa robe et il partit.

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  1. (A) Note de l’éditeur. L’expression يحوم signifie il vole, il voltige tout autour, il plane dans les airs en faisant des tours. C’est une image poétique difficile à rendre en français.
  2. (a) Note de l’éditeur. Le texte dit : « deux femelles de chacal. »
  1. (14) Abd el Melik ben Merouane était calife de Damas, il régnait sur l’Arabie, la Syrie et une partie de l’Orient. Il vivait vers l’an 76, car l’histoire rapporte que, dans cette année, il fit frapper des monnaies sur lesquelles on lisait ; Dieu est unique, Dieu est seul. Son nom se trouve, d’ailleurs, écrit sur quelques monnaies antérieures à l’année 75.
  2. (15) Leïlla est une femme poète qui vivait du temps du Calife Abd el Melik fils de Merouane. Elle fut surnommée Akhedalia, parce qu’elle appartenait à une famille arabe nommée les Enfants d’Akhedal. — Elle est célèbre par l’amour qu’elle inspira à Medjenoun et qui fut le sujet d’un grand nombre de romans.
  3. (16) Ce Moçaïlama fut un des compétiteur les plus sérieux de Mohammed. C’était un personnage marquant de la tribu des Houcifa, situé dans la province de Yamama. Une députation ayant été envoyé par sa tribu au prophète Mohammed, il en fut le chef et embrassa l’Islamisme l’an 9 de l’hégire.
  4. (17) Cet ange joue un très grand rôle dans le Coran et, par suite dans les livres orientaux. C’est lui qui apportait à Mohammed les révélations célestes. Il fait partie de cet ordre d’esprits que les musulmans appellent Mokarrabine, c’est-à-dire approchant le plus près de Dieu.
  5. (18) Il y a, en effet, un chapitre du Coran intitulé l’Éléphant. Ce chapitre qui est le 105e, a été motivé par une victoire que le Prophète a remporté sur un prince Éthiopien ; l’éléphant blanc, que montait ce prince se serait agenouillé, en signe d’adoration à la vue de la Mecque. De là le nom du chapitre qui perpétue le nom de cette victoire. C’est précisément ce nom que Moçaïlama cherche à tourner en ridicule, en affectant de n’y voir que le nom d’un animal et de ne pas en comprendre le véritable sens.
  6. (19) Le titre du chapitre 108 du Coran, intitulé el Kouter, signifie générosité, libéralité. Moçaïlama prétendait, dans sa controverse, que tous les biens que le premier verset de ce chapitre annonce avoir été donnés à Mohammed, avaient été préalablement mis à sa disposition, afin qu’il pût s’en réserver la meilleure part.
  7. (20) Goum, réunion de cavaliers formant l’escorte représentant quelquefois les forces belligérantes des grands et des chefs arabes

    Peut-être dans le sens employé par l’auteur ce mot devrait-il être rendu par Disciples.

  8. (21) On dit figurément : que Dieu lui refroidisse l’œil ! c’est-à-dire que Dieu rafraîchisse par le contentement son œil échauffé par les pleurs.
  9. (22) Il n’est peut-être point inutile de faire remarquer ici que, dans les usages des arabes Nomades, quand un homme veut cohabiter avec sa femme, il dresse au dessus d’elle une tente. Par suite de cela on appelle bani, bâtissant, tout homme qui se marie, et en parlant d’un homme qui vient de se marier on dit « Bena ala Ahlibi », ce qui signifie « il a bâti sur sa femme. »
  10. (23) Le Nedde est une composition de divers parfums, parmi lesquels prédominent le benjoin en l’ambre. Cette composition, qui est noire, a la forme d’un petit cylindre. Elle brûle sur des charbons, ou bien comme des pastilles du Sérail en allumant l’un des bouts. Suivant quelques auteurs le Nedde est simplement de l’ambre préparé.
  11. (24) C’est-à-dire que les vapeurs du parfum auront dû séjourner assez longtemps dans l’air et être assez intenses pour communiquer leur odeur à de l’eau placée dans la tente. Dans le texte, il y a seulement « lorsque l’eau sera mêlée à la fumée ».
  12. (25) Pour bien se rendre compte de ce passage, il est nécessaire de savoir que les Arabes, pour prier, se placent à deux genoux, la face contre terre, les paumes de la main touchant les genoux.

    Le trépied dont il s’agit est donc formé par les deux genoux et le front qui reposent à terre. Il est facile de voir que cette posture fait ressortir la partie postérieure du corps excessivement en arrière, la manière de pratiquer le coït dans cette position est détaillée à la 6e manière Chapitre VI. « hoc mihi tradidit Deus : feminas Deus condidit rimosas viros que iis dedit maritos, qui mentulas in ipsas instans, cas que deinde simul ac volvunt retrahunt : quo facto illæ catulos nobis parium. »

  13. (26) Cette histoire de la rencontre de Moçaïlama et de Chedja dont le véritable nom serait Fedjah bent el Harents ben Souard, se trouve reproduite dans l’ouvrage d’Abou Djaferi Mohammed ben Djerir el Taberi, où elle est racontée dans les plus grands détails et avec tous les caractères d’un fait véritable et religieux.
  14. (27) Abou Beker est le père d’Aïcha, femme de Mohammed. Il succéda à celui-ci l’an 11 de l’Hégire. Par son autorité, appuyée de celle d’Omar, il parvint à détourner de leurs desseins un grand nombre de Musulmans qui voulaient apostasier. Il fut le premier Calife, et conserva le pouvoir malgré les prétentions des partisans d’Ali, gendre de Mohammed, lesquels soutenaient que le Prophète, bien avant sa mort, avait désigné Ali pour son successeur.
  15. (28) Ces faits concordent tout à fait avec ceux qu’a laissés l’histoire. Hamza, oncle du Prophète, fut bien tué à la bataille d’Ohod, l’an 4 de l’Hégire, par un nègre nommé Ouhcha, qui plus tard tua Moçaïlama.
  16. (29) Il est question ici d’Abdallah ben Mamoun, un des fils d’Haroun er Rachid. Après avoir fait longtemps la guerre à son frère el Amine, afin de lui disputer l’empire, ce dernier ayant été vaincu et tué dans une bataille près de Bagdad, el Mamoun fut unanimement proclamé calife, l’an 178 de l’hégire. C’était un des princes Abbassides les plus distingués sous le rapport de la science, de la sagesse et de la clémence.
  17. (30) Le mot Bahloul, qui vient du Persan, signifie rieur, moqueur, santon, espèce de fou de l’Orient.
  18. (31) Hamdouna vient de la racine Arabe hamd, qui signifie louer ; d’où vient Ahmed, le plus digne d’éloges. C’est de cette même racine que vient aussi le nom de Mohammed, dont on a fait Mahomet.
  19. (32) « Celui qui t’appelle, réponds-lui ! » Cette phrase sentencieuse est extraite des Hadits, ou traditions laissées par Mohammed. Elle est quelquefois employée dans la conversation dans le même sens que dans l’ouvrage, mais sa véritable signification est mystique. Les mots « par la bénédiction de Dieu ! » qui se trouvent à la tête de cette sentence, sont une formule d’acceptation, de consentement.
  20. (33) Mot à mot : « Eblis fit découler d’elle le coulement de la matière gluante (djera Eblis menha medjera el dem) », idiotisme employé en arabe pour exprimer qu’une femme entre en chaleur (ses parties sexuelles devenant humides).

    Eblis est un ange rebelle qui refusa de s’incliner devant Adam lorsque Dieu le lui ordonna. Eblis se prend aussi quelquefois dans le sens général de diable, Satan, démon.

  21. (34) Rabelais dit au sujet des femmes qui, contrairement aux lois de la nature, continuent à recevoir les caresses du mâle alors qu’elles ont conçu « Et, si personne les blasme de soy faire rataconniculer ainsi sus leur groisse, veu que les bestes sus leurs ventrées, n’endurent iamais le masle masculant, elles respondront que ce sont bestes, mais elles sont femmes, bien entendentes leurs beaulx et joyeux menuz droictz de superfetation. »
  22. (35) L’auteur joue sur le mot Demâa, qui signifie à la fois larme et goutte de suc ou de baume qui sort d’une plante. Il s’agit ici du liquide que sécrète la glande prostate, et dont l’émission précède l’éjaculation du sperme.
  23. (36) Le mot Djadeba, que j’ai rendu dans ce passage par attraction, vient de la racine Arabe djedeb, qui signifie attirer, entraîner, pomper, etc. Cette expression se reproduit plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage, et j’ai lieu de penser qu’elle répond tout à fait à une particularité qui se rencontre chez certaines femmes privilégiées et qui est désignée vulgairement sous le nom de Casse-noisettes.
  24. (37) Le Noun est une lettre de l’alphabet arabe répondant à l’n, sa forme arrondie et demi-circulaire ن explique pourquoi l’auteur se sert de cette comparaison pour désigner des sourcils formant un arc parfait.
  25. (38) Le mot, dont la signification propre est mordre indique aussi toutes espèces de caresses dans lesquelles agissent les lèvres, les dents et même quelquefois la langue. — On aurait tort toutefois de conclure de ce passage que Bahloul se livrait à l’exercice du cunnilingue.
  26. (39) Ces mots, « toute vulve porte inscrit à son ouverture le nom de celui qui doit y entrer (Koul ferdj mektoub ali esm Nakahou) » font allusion à cette phrase tirée des traditions laissées par Mohammed et souvent répétée par les Musulmans : « Tout homme porte inscrite sa destinée sur son front et nul ne peut l’en ôter. »