Choses vues/Extraits des Carnets/Pendant le siège de Paris

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Ollendorf (Œuvres complètes. Tome 26p. 143-175).



1870.


PENDANT LE SIÈGE DE PARIS.


1870-1871.


Bruxelles. — 1er septembre 1870. — Charles part ce matin avec MM. Claretie[1], Proust[2], Frédéric[3], pour Virton. On se bat en ce moment près de là, à Carignan. Ils verront ce qu’ils pourront de la bataille. Ils reviendront demain.


2 septembre. — Charles et nos amis ne sont pas revenus aujourd’hui.


3 septembre. — Hier, après la bataille décisive perdue, Louis Bonaparte, fait prisonnier dans Sedan, a rendu son épée au roi de Prusse. Il y a un mois juste, le 2 août, à Sarrebrück, il jouait avec la guerre.

Maintenant, sauver la France, ce sera sauver l’Europe.

Des crieurs de journaux passent, portant d’énormes affiches où on lit : Napoléon III prisonnier.

Cinq heures et demie. Charles et nos amis sont revenus.

Neuf heures. Réunion des proscrits à laquelle j’assiste ainsi que Charles.

Question : Drapeau tricolore ou drapeau rouge ?


4 septembre. — La déchéance de l’empereur est proclamée.

À une heure, réunion des proscrits chez moi.

À trois heures, reçu de Paris un télégramme ainsi conçu : Amenez immédiatement les enfants. Ce qui veut dire : Venez.

MM. Jules Claretie et Proust ont dîné avec nous.

Pendant le dîner est arrivé un télégramme signé François Hugo nous annonçant un gouvernement provisoire : Jules Favre, Gambetta, Thiers.


5 septembre. — À six heures du matin, on m’apporte un télégramme signé Barbieux me demandant l’heure de mon arrivée à Paris. Je fais répondre par Charles que j’arriverai à neuf heures du soir. Nous emmènerons les enfants. Nous partirons par le train de deux heures trente-cinq.

Le gouvernement provisoire (journaux) se compose de tous les députés de Paris, moins Thiers.

À midi, comme j’allais partir de Bruxelles pour Paris, un jeune homme, un français, m’a abordé sur la place de la Monnaie et m’a dit : — Monsieur, on me dit que vous êtes Victor Hugo ?

— Oui.

— Soyez assez bon pour m’éclairer. Je voudrais savoir s’il est prudent d’aller à Paris en ce moment ?

Je lui ai répondu : — Monsieur, c’est très imprudent, mais il faut y aller.

Nous sommes entrés en France à quatre heures.

À Tergnier, à six heures et demie, nous avons dîné d’un morceau de pain, d’un peu de fromage, d’une poire et d’un verre de vin. Claretie a voulu payer, et m’a dit : — Je tiens à vous donner à dîner le jour de votre rentrée en France.

Chemin faisant, j’ai vu dans un bois un campement de soldats français, hommes et chevaux mêlés. Je leur ai crié Vive l’armée ! et j’ai pleuré. Nous rencontrions à chaque instant des trains de soldats allant à Paris. Vingt-cinq convois de troupe ont passé dans la journée. Au passage d’un de ces convois, nous avons donné aux soldats toutes les provisions que nous avions, du pain, des fruits et du vin. Il faisait un beau soleil, puis, le soir venu, un beau clair de lune.

Nous sommes arrivés à Paris à neuf heures trente-cinq. Une foule immense m’attendait. Accueil indescriptible. J’ai parlé quatre fois. Une fois du balcon d’un café, trois fois de ma calèche. En me séparant de cette foule, toujours grossie, qui m’a conduit jusque chez Paul Meurice, 26, rue de Laval, avenue Frochot, j’ai dit au peuple : — Vous me payez en une heure vingt ans d’exil. On chantait la Marseillaise et le Chant du départ. On criait : Vive Victor Hugo ! À chaque instant, on entendait dans la foule des vers des Châtiments. J’ai donné plus de six mille poignées de main. Le trajet de la gare du Nord à la rue de Laval a duré deux heures. On voulait me mener à l’Hôtel de Ville. J’ai crié : — Non, citoyens ! je ne suis pas venu ébranler le gouvernement provisoire de la République, mais l’appuyer. — On voulait dételer ma voiture. Je m’y suis opposé. Une femme a tenu tout le temps la bride d’un des chevaux. Un homme en blouse m’a dit les vers qui sont dans mon jardin :


Venez tous faire vos orges,
Messieurs les petits oiseaux,
Chez Monsieur le Petit Georges.


Il a crié : Vive le Petit Georges ! Et la foule a crié : Vive le Petit Georges !

Nous sommes arrivés à minuit chez Meurice. J’y ai soupé, avec mes compagnons de route, plus Victor. Je me suis couché à deux heures.

Au point du jour, j’ai été réveillé par un immense orage. Éclairs et tonnerre.

Je déjeunerai chez Paul Meurice, et nous dînerons tous ensemble à l’hôtel Navarin, rue Navarin, 8, où ma famille est logée.

Paris. — 6 septembre. — Innombrables visites. Innombrables lettres.

Rey[4] est venu me demander si j’accepterais d’être d’un triumvirat ainsi composé : Victor Hugo, Ledru-Rollin, Schœlcher. J’ai refusé. Je lui ai dit : Je suis presque impossible à amalgamer.

Je lui ai rappelé nos souvenirs. Il m’a dit : — Vous rappelez-vous que c’est moi qui vous ai reçu quand vous arrivâtes à la barricade Baudin ? Je lui ai dit : — Je me rappelle si bien que voici… Et je lui ai dit les vers qui commencent la pièce (inédite) sur la barricade Baudin (Châtiments, t. II)[5] :


La barricade était livide dans l’aurore.
Et comme j’arrivais elle fumait encore.
Rey me serra la main et dit : Baudin est mort…


Il a pleuré.


7 septembre. — Sont venus Louis Blanc, d’Alton-Shée[6], Banville, etc.

Les dames de la Halle m’ont apporté un bouquet.


8 septembre. — Je suis averti qu’on prétend vouloir m’assassiner. Haussement d’épaules.

J’ai écrit ce matin ma Lettre aux Allemands. Elle paraîtra demain.

Visite du général Cluseret.

À dix heures, j’ai été au Rappel corriger l’épreuve de ma Lettre aux Allemands.


9 septembre. — Visite du général Montfort. Les généraux me demandent des commandements, on me demande des audiences, on me demande des places ! Je réponds : Je ne suis rien.

Vu le capitaine Féval, mari de Fanny, la sœur d’Alice[7]. Il arrive de Sedan. Il était prisonnier de guerre. Renvoyé sur parole.

Tous les journaux publient mon Appel aux Allemands.


10 septembre. — D’Alton-Shée et Louis Ulbach[8] ont déjeuné avec nous. Après le déjeuner, nous sommes allés place de la Concorde. Un registre est aux pieds de la statue de Strasbourg couronnée de fleurs. Chacun y vient signer le remerciement public. J’y ai écrit mon nom. La foule m’a tout de suite entouré. L’ovation de l’autre soir allait recommencer. Je suis vite remonté en voiture.

Parmi les personnes venues chez moi, Cernuschi[9].


11 septembre. — Visite du sénateur des États-Unis M. Wichow. M. Washburn, le ministre américain, le charge de me demander si je croirais utile une intervention officieuse de sa part auprès du roi de Prusse. Je le renvoie à Jules Favre.


12 septembre. — Entre autres visites, Frédérick Lemaître.


13 septembre. — Aujourd’hui, revue de l’armée de Paris. Je suis seul dans ma chambre. Les bataillons passent dans les rues en chantant la Marseillaise et le Chant du départ. J’entends ce cri immense :


Un Français doit vivre pour elle,
Pour elle un Français doit mourir.


J’écoute, et je pleure. Allez, vaillants ! j’irai où vous irez.

Visite du consul général des États-Unis et du sénateur Wichow.

Julie[10] m’écrit de Guernesey que le gland planté par moi le 14 juillet a germé. Le chêne des États-Unis d’Europe est sorti de terre le 5 septembre, jour de ma rentrée à Paris.


14 septembre. — J’ai reçu la visite du Comité de la Société des gens de lettres me priant de le présider. De M. Jules Simon, ministre de l’instruction publique. Du colonel Piré qui commande un corps franc, etc.


16 septembre. — Il y a aujourd’hui un an, j’ouvrais le Congrès de la Paix à Lausanne. Ce matin, j’écris l’Appel aux Français pour la guerre à outrance contre l’invasion.

En sortant, j’ai aperçu au-dessus de Montmartre le ballon captif destiné à surveiller les assiégeants.


17 septembre. — Toutes les forêts brûlent autour de Paris. Charles a visité les fortifications et revient content.

J’ai déposé au bureau du Rappel 2 088 fr. 30, produit d’une souscription pour les blessés faite à Guernesey, envoyé par M. H. Tupper, consul de France.

J’ai déposé en même temps au bureau du Rappel un bracelet et des boucles d’oreilles en or, envoi anonyme d’une femme pour les blessés. À l’envoi était jointe une petite médaille de cou en or pour Jeanne.


20 septembre. — Charles et sa petite famille ont quitté hier l’hôtel Navarin et sont allés s’installer 174, rue de Rivoli. Charles et sa femme continueront, ainsi que Victor, de dîner tous les jours avec moi.

Depuis hier, Paris est attaqué.

Louis Blanc, Gambetta, ministre de l’intérieur, Jules Ferry, membre du Gouvernement, sont venus me voir ce matin.

Je suis allé à l’Institut pour signer la déclaration de l’Institut pour les monuments de Paris[11]. Le secrétariat étant fermé, j’ai pris chez le portier une feuille de papier où j’ai écrit :


J’adhère à la déclaration de l’Institut de France.

Victor Hugo.

Paris, 20 septembre 1870.


21 septembre. — Ce soir la foule, mêlée de soldats et de gardes mobiles, observait au coin de la rue des Martyrs, au 5e étage d’une haute maison, des allées et venues de lumières qui semblaient des signaux. Il y avait des cris de colère. On a été au moment de fouiller la maison.

L’entrevue de Jules Favre avec Bismarck a avorté.


25 septembre. — Ce soir, Jules Claretie, accompagné d’Emmanuel des Essarts, est venu m’apporter une abeille d’or qu’il a détachée aux Tuileries du manteau impérial. Il a écrit sur l’enveloppe ce vers des Châtiments :


Envolez-vous de ce manteau !


27 septembre. — M. Victor Bois, oncle d’Alice, un des plus habiles organisateurs de la défense de Paris, vient de mourir presque subitement. Il dînait avec moi il y a trois jours.


2 octobre. — Nous avons fait le tour de Paris par le chemin de fer de ceinture. Notre circuit autour de Paris a duré trois heures. Rien de plus intéressant : Paris se démolissant lui-même pour se défendre est magnifique. Il fait de sa ruine sa barricade.

Toul et Strasbourg sont pris.


3 octobre. — Deux délégués du xie arrondissement sont venus m’offrir la candidature. J’ai refusé.

Je n’accepte pas la candidature de clocher. J’accepterais avec dévouement la candidature de la ville de Paris. Je veux le vote, non par arrondissement, mais par scrutin de liste.

J’ai été au ministère de l’instruction publique voir Mme  Jules Simon en grand deuil de son vieil ami Victor Bois. Georges et Jeanne étaient dans le jardin. J’ai été jouer avec eux.

Nadar est venu ce soir me demander mes lettres pour un ballon qu’il va faire partir après-demain. Il emportera mes trois adresses : Aux Allemands, Aux Français et Aux Parisiens.

Mon adresse Aux Allemands est réaffichée partout dans Paris. On ignore par qui.


5 octobre. — Le ballon de Nadar appelé le Barbès, qui emporte mes lettres, etc., est parti ce matin ; mais, faute de vent, a dû redescendre. Il partira demain. On dit qu’il emportera Jules Favre et Gambetta.

Hier soir, le consul général des États-Unis, général Meredith Read, est venu me voir. Il a vu le général américain Burnside qui est au camp prussien. Les prussiens auraient respecté Versailles. Ils craignent d’attaquer Paris. Cela, du reste, est visible.

7 octobre. — Ce matin, en errant sur le boulevard de Clichy, j’ai aperçu au bout d’une rue entrant à Montmartre un ballon. J’y suis allé. Une certaine foule entourait un grand espace carré, muré par les falaises à pic de Montmartre. Dans cet espace se gonflaient trois ballons, un grand, un moyen et un petit. Le grand, jaune, le moyen, blanc, le petit, à côtes, jaune et rouge.

On chuchotait dans la foule : Gambetta va partir. J’ai aperçu, en effet, dans un gros paletot, sous une casquette de loutre, près du ballon jaune, dans un groupe, Gambetta. Il s’est assis sur un pavé et a mis des bottes fourrées. Il avait un sac de cuir en bandoulière. Il l’a ôté, est entré dans le ballon, et un jeune homme, l’aéronaute, a attaché le sac aux cordages, au-dessus de la tête de Gambetta.

Il était dix heures et demie. Il faisait beau. Un vent du sud faible. Un doux soleil d’automne. Tout à coup le ballon jaune s’est enlevé avec trois hommes dont Gambetta. Puis le ballon blanc, avec trois hommes aussi, dont un agitait un drapeau tricolore. Au-dessous du ballon de Gambetta pendait une flamme tricolore. On a crié : Vive la République !

Les deux ballons ont monté, le blanc plus haut que le jaune, puis on les a vus baisser. Ils ont jeté du lest, mais ils ont continué de baisser. Ils ont disparu derrière la butte Montmartre. Ils ont dû descendre plaine Saint-Denis. Ils étaient trop chargés, ou le vent manquait.


Le départ a eu lieu, les ballons sont remontés.


Nous sommes allés visiter Notre-Dame, qui est supérieurement restaurée. On entre dans le chœur en donnant 50 centimes par personne pour les blessés.

Nous avons été voir la tour Saint-Jacques. Comme notre calèche y était arrêtée, un des délégués de l’autre jour (xie arrondissement) a accosté la voiture et m’a dit que le xie arrondissement se rendait à mon avis, trouvait que j’avais raison de vouloir le scrutin de liste, me priait d’accepter la candidature dans les conditions posées par moi, et me demandait ce qu’il fallait faire si le gouvernement se refusait aux élections. Fallait-il l’attaquer de vive force ? On suivrait mes conseils. J’ai répondu que la guerre civile ferait les affaires de la guerre étrangère, et livrerait Paris aux prussiens.

En rentrant, j’ai acheté des joujoux pour mes petits. À Georges un zouave dans sa guérite, à Jeanne une poupée qui ouvre et ferme les yeux.


8 octobre. — J’ai reçu une lettre de M. L. Colet, de Vienne (Autriche), par la voie de Normandie. C’est la première lettre du dehors que je reçois depuis que Paris est cerné.

Il n’y a plus de sucre à Paris que pour dix jours. Le rationnement pour la viande a commencé aujourd’hui. On aura un tiers de livre par tête et par jour.

Incidents de la Commune ajournée. Mouvements fiévreux de Paris. Rien d’inquiétant, d’ailleurs. Le canon prussien gronde en basse continue. Il nous recommande l’union.

Le ministre des finances, M. Ernest Picard, me fait demander une audience, tels sont les termes, par son secrétaire, M. G. Pallain. J’ai indiqué lundi matin 10 octobre.


10 octobre. — M. Ernest Picard, ministre des finances, est venu me voir. Je lui ai demandé un décret immédiat pour libérer tous les prêts du Mont-de-Piété au-dessous de 15 francs (le décret actuel faisant des exceptions absurdes, le linge par exemple). Je lui ai dit que les pauvres ne pouvaient pas attendre. Il m’a promis le décret pour demain.

On n’a pas de nouvelles de Gambetta. On commence à être inquiet.

Le vent le poussait au Nord-Est, occupé par les prussiens.


11 octobre. — Bonnes nouvelles de Gambetta. Il est descendu à Épineuse, près Amiens.

Hier soir, après les agitations de Paris, en passant près d’un groupe amassé sous un réverbère, j’ai entendu ces mots : Il paraît que Victor Hugo et les autres… J’ai continué ma route et n’ai pas écouté le reste, ne voulant pas être reconnu.

Après le dîner, j’ai lu à mes amis les vers qui ouvriront l’édition française des Châtiments (Au moment de rentrer en France, Bruxelles, 31 août 1870).

Il commence à faire froid.


12 octobre. — Barbieux, qui commande un bataillon, nous a apporté le casque d’un soldat prussien tué par ses hommes. Ce casque a beaucoup étonné Petite Jeanne. Ces anges ne savent encore rien de la terre.


13 octobre. — Le décret que j’ai demandé pour les indigents est ce matin, 13 octobre, au Journal officiel.

M. Pallain, secrétaire du ministre, que j’ai rencontré aujourd’hui en sortant du Carrousel, m’a dit que ce décret coûterait 800 000 francs.

Je lui ai répondu : 800 000 francs, soit. Ôtés aux riches. Donnés aux pauvres.

J’ai revu aujourd’hui, après tant d’années, Théophile Gautier. Je l’ai embrassé. Il avait un peu peur. Je lui ai dit de venir dîner avec moi.


14 octobre. — Le château de Saint-Cloud a été brûlé hier par nos bombes du Mont-Valérien.

J’ai été chez Claye corriger les dernières épreuves de l’édition française des Châtiments qui paraît mardi. Émile Allix m’a apporté un boulet prussien ramassé par lui derrière une barricade, près de Montrouge, où ce boulet venait de tuer deux chevaux. Ce boulet pèse 25 livres. Georges, en jouant avec, s’est pincé le doigt dessous, ce qui l’a fait beaucoup crier.

Aujourd’hui, anniversaire d’Iéna !


16 octobre. — Il n’y a plus de beurre. Il n’y a plus de fromage. Il n’y a presque plus de lait ni d’œufs.

Il se confirme qu’on donne mon nom au boulevard Haussmann. Je n’ai pas été voir.


17 octobre. — Demain on lance place de la Concorde un ballon-poste qui s’appelle le Victor Hugo. J’envoie par ce ballon une lettre à Londres.


18 octobre. — On m’a distribué en passant sur le boulevard l’adresse sur carte d’un magasin de machines à coudre, Bienaimé et Cie boulevard Magenta, 46. Derrière la carte il y a mon portrait.

Je suis allé voir les Feuillantines. La maison et le jardin de mon enfance ont disparu. Une rue passe dessus.


19 octobre. — Louis Blanc est venu dîner avec moi. Il m’a apporté à signer une déclaration des anciens représentants. J’ai dit que je ne la signerais qu’autrement rédigée.


20 octobre. — Visite du Comité des gens de lettres.

Aujourd’hui on a mis en circulation les premiers timbres-poste de la République de 1870.

Les Châtiments (édition française) ont paru ce matin à Paris.

Les journaux annoncent que le ballon Victor Hugo est allé tomber en Belgique. C’est le premier ballon-poste qui a franchi la frontière.


21 octobre. — On dit qu’Alexandre Dumas est mort le 13 octobre au Havre, chez son fils. Il avait de grands côtés d’âme et de talent. Sa mort m’a serré le cœur.

Louis Blanc et Brives sont venus me reparler de la Déclaration des représentants. Je suis d’avis de l’ajourner.

Rien de charmant, le matin, comme la diane dans Paris. C’est le point du jour. On entend d’abord, tout près de soi, un roulement de tambours, puis une sonnerie de clairons, mélodie exquise, ailée et guerrière. Puis le silence se fait. Au bout de vingt secondes, le tambour recommence, puis le clairon, chacun répétant sa phrase, mais plus loin. Puis cela se tait. Un instant après, plus loin, même chant du tambour et du clairon, déjà vague, mais toujours net. Puis, après une pause, la batterie et la sonnerie reprennent, très loin. Puis encore une reprise, à l’extrémité de l’horizon, mais indistincte et pareille à un écho. Le jour paraît, et l’on entend ce cri : Aux armes ! C’est le soleil qui se lève et Paris qui s’éveille.


L’édition des Châtiments tirée à 3 000 est épuisée en deux jours. J’ai signé ce soir un second tirage de 3 000.


22 octobre. — Petite Jeanne a imaginé une façon de bouffir sa bouche en levant les bras en l’air qui est adorable.

Les cinq mille premiers exemplaires de l’édition parisienne des Châtiments m’ont rapporté 500 francs que j’envoie au Siècle et que j’offre à la souscription nationale pour les canons dont Paris a besoin.

Les anciens représentants Mathé et Gambon sont venus me demander de faire partie d’une réunion dont les anciens représentants seraient le noyau. La réunion est impossible sans moi, m’ont-ils dit. Mais je vois à cette réunion plus d’inconvénients que d’avantages. Je crois devoir refuser.

Nous mangeons du cheval sous toutes les formes. J’ai vu à la devanture d’un charcutier cette annonce : Saucisson chevaleresque.


23 octobre. — Le 17e bataillon me demande d’être le premier souscripteur a un sou pour un canon. On recueillera 300 000 sous. Cela fera 15 000 francs et l’on aura une pièce de 24 centimètres portant à 8 500 mètres, égale aux canons Krupp.

Le lieutenant Maréchal apporte pour recueillir mon sou une coupe d’onyx égyptienne datant des Pharaons, portant gravés la lune et le soleil, la grande Ourse et la Croix du Sud (?)[12] et ayant pour anses deux démons cynocéphales. Il a fallu pour graver cette coupe le travail de la vie d’un homme. J’ai donné mon sou. D’Alton-Shée, qui était là, a donné le sien, ainsi que M. et Mme  Meurice, et les deux bonnes, Mariette et Clémence. Le 17e bataillon voulait appeler ce canon le Victor Hugo. Je leur ai dit de l’appeler Strasbourg. De cette façon les prussiens recevront encore des boulets de Strasbourg.

Nous avons causé et ri avec ces officiers du 17e bataillon. Les deux génies cynocéphales de la coupe avaient pour fonctions de mener les âmes aux enfers. J’ai dit : Eh bien, je leur confie Guillaume et Bismarck.

Visite de M. Édouard Thierry. Il vient me demander Stella pour une lecture pour les blessés au Théâtre-Français. Je lui propose tous les Châtiments au choix. Cela l’effare. Et puis je demande que la lecture soit pour un canon.

Visite de M. Charles Floquet[13]. Il a une fonction à l’Hôtel de Ville. Je lui donne la mission de dire au gouvernement d’appeler le Mont-Valérien le Mont-Strasbourg.


24 octobre. — Visite du général Le Flô[14]. Diverses dépurations reçues.


25 octobre. — Lecture publique des Châtiments pour avoir un canon qui s’appellera le Châtiment. Nous la préparons.

Le brave Rostan, que j’ai rudoyé un jour et qui m’aime parce que j’avais raison, vient d’être arrêté pour indiscipline dans la garde nationale. Il a un petit garçon de six ans, sans mère, et qui n’a que lui. Que faire ? le père étant en prison, je lui ai dit de m’envoyer son petit au pavillon de Rohan. Il me l’a envoyé aujourd’hui.


27 octobre. — À six heures et demie, Rostan, mis en liberté, est venu chercher chez moi son petit Henri. Grande joie du père et du fils.


28 octobre. — Edgar Quinet est venu me voir.

J’ai eu à dîner Schœlcher et le commandant Farcy, qui a donné son nom à sa canonnière. Après le dîner, nous sommes allés, Schœlcher et moi, à huit heures et demie, chez Schœlcher, 16, rue de la Chaise. Nous avons trouvé là Edgar Quinet, Ledru-RoUin, Mathé, Gambon, Lamarque, Brives. Je me rencontrais pour la première fois avec Ledru-Rollin. Nous avons lutté de parole fort courtoisement sur la question d’un club à fonder, lui pour, moi contre. Nous nous sommes serré la main. Je suis rentré à minuit.


29 octobre. — Visite du Comité des gens de lettres, de Frédérick Lemaître, de MM. Berton et Lafontaine, de Mme  Favart (pour un troisième canon qui s’appellerait le Victor Hugo). Je résiste au nom.

J’ai autorisé un quatrième tirage de trois mille exemplaires des Châtiments. Ce qui fera en tout jusqu’à ce jour onze mille exemplaires pour Paris seulement.


30 octobre. — J’ai reçu la lettre de la Société des gens de lettres me demandant d’autoriser une lecture publique des Châtiments dont le produit donnera à Paris un canon qu’on appellera le Victor Hugo. J’ai autorisé. Dans ma réponse, écrite ce matin, je demande qu’au lieu de Victor Hugo on appelle le canon Châteaudun. La lecture se fera à la Porte-Saint-Martin.

M. Berton est venu. Je lui ai lu l’Expiation qu’il lira. M. et Mme  Meurice et d’Alton-Shée assistaient à la lecture.

La nouvelle arrive que Metz a capitulé et que l’armée de Bazaine s’est rendue.

La lecture des Châtiments est affichée. M. Raphaël Félix est venu m’informer de l’heure de la répétition demain. Je loue pour cette lecture une baignoire de sept places, que j’offre à ces dames.

Ce soir en rentrant, rue Drouot, j’ai rencontré devant la mairie M. Chaudey, qui était du Congrès de la Paix à Lausanne et qui est maire du vie arrondissement. Il était avec M. Philibert Audebrand. Nous avons causé de la prise de Metz.


31 octobre. — Échauffourée à l’Hôtel de Ville. Blanqui, Flourens et Delescluze veulent renverser le pouvoir provisoire Trochu[15] — Jules Favre. Je refuse de m’associer à eux. Prise d’armes. Foule immense. On mêle mon nom à des listes de gouvernement. Je persiste dans mon refus.

Flourens et Blanqui ont tenu une partie des membres du gouvernement prisonniers à l’Hôtel de Ville toute la journée. — À minuit, des gardes nationaux sont venus me chercher pour aller à l’Hôtel de Ville, présider, disaient-ils, le nouveau gouvernement. J’ai répondu que je blâmais cette tentative, et j’ai refusé d’aller à l’Hôtel de Ville. — À trois heures du matin, Flourens et Blanqui ont quitté l’Hôtel de Ville et Trochu y est rentré.

On va élire la Commune de Paris.


1er novembre. — Nous ajournons à quelques jours la lecture des Châtiments qui devait se faire aujourd’hui mardi à la Porte-Saint-Martin.

Louis Blanc vient ce matin me consulter sur la conduite à tenir pour la Commune.

Unanimité des journaux pour me féliciter de m’être abstenu hier.


2 novembre. — Le gouvernement demande un Oui ou un Non. Louis Blanc et mes fils sont venus en causer.


4 novembre. — On dément le bruit de la mort d’Alexandre Dumas.

On est venu me demander d’être maire du iiie, puis du xie arrondissement.

J’ai refusé.

J’ai été à la répétition des Châtiments à la Porte-Saint-Martin. Étaient présents Frédérick Lemaître, {{Mmes Marie Laurent, Lia Félix, Duguéret.


5 novembre. — Aujourd’hui a lieu la lecture publique des Châtiments pour donner un canon à la défense de Paris.

Les iiie, xie et xve arrondissements me demandent de me porter pour être leur maire. Je refuse.


6 novembre. — Mérimée[16] est mort à Cannes. Dumas n’est pas mort, mais est paralytique.


7 novembre. — Le 24e bataillon m’a fait une visite et me demande un canon.


8 novembre. — Hier soir, en revenant de rendre sa visite au général Le Flô, j’ai passé pour la première fois sur le pont des Tuileries, bâti depuis mon départ de France.


9 novembre. — La recette nette produite par la lecture des Châtiments à la Porte-Saint-Martin pour le canon que j’ai nommé Châteaudun a été de 7 000 francs ; l’excédent a payé les ouvreuses, les pompiers et l’éclairage, seuls frais qu’on ait prélevés.

On fabrique en ce moment à l’usine Cail des mitrailleuses d’un nouveau modèle dit modèle Gattlir.

Petite Jeanne commence à jaboter.

La deuxième lecture des Châtiments pour un autre canon se fera au Théâtre-Français.

12 novembre. — Mlle  Périga est venue répéter chez moi Pauline Roland, qu’elle lira à la deuxième lecture des Châtiments affichée pour demain à la Porte-Saint-Martin. J’ai pris une voiture, j’ai reconduit Mlle  Périga chez elle, et je suis allé à la répétition de la lecture de demain au théâtre. Il y avait Frédérick Lemaître, Berton, Maubant, Taillade, Lacressonnière, Charly, Mmes Marie Laurent, Lia Félix, Rousseil, M. Raphaël Félix et les membres du Comité de la Société des gens de lettres.

Après la répétition, les blessés de l’ambulance de la Porte-Saint-Martin m’ont fait prier par Mme  Laurent de les venir voir. J’ai dit : — De grand cœur, et j’y suis allé.

Ils sont couchés dans plusieurs salles, dont la principale est l’ancien foyer du théâtre à grandes glaces rondes, où j’ai lu, en 1831, Marion de Lorme aux acteurs, M. Crosnier étant directeur (Mme  Dorval et Bocage assistaient à cette lecture).

En entrant, j’ai dit aux blessés : — Vous voyez un envieux. Je ne désire plus rien sur la terre qu’une de vos blessures. Je vous salue, enfants de la France, fils préférés de la République, élus qui souffrez pour la patrie.

Ils semblaient très émus. J’ai pris la main à tous. Un m’a tendu son poignet mutilé. Un n’avait plus de nez. Un avait subi le matin même deux opérations douloureuses. Un tout jeune avait reçu, le matin même, la médaille militaire. Un convalescent m’a dit ; — Je suis franc-comtois. — Comme moi, ai-je dit. Et je l’ai embrassé. Les infirmières, en tabliers blancs, qui sont les actrices du théâtre, pleuraient.


13 novembre. — J’ai eu à dîner M. et Mme  Paul Meurice, Vacquerie et Louis Blanc. On a dîné à six heures à cause de la lecture des Châtiments, la deuxième, qui commençait à sept heures et demie à la Porte-Saint-Martin. Loge offerte par moi à Mme  Paul Meurice pour la deuxième lecture des Châtiments.


14 novembre. — La recette des Châtiments, hier soir, a été (sans la quête) de 8 000 francs.

Bonnes nouvelles. Le général d’Aurelle de Paladines a repris Orléans et battu les prussiens. Schœlcher est venu me l’annoncer.


15 novembre. — Visite de M. Arsène Houssaye[17] avec Henri Houssaye, son fils. Il va faire dire Stella chez lui au profit des blessés.

M. Valois est venu m’annoncer que le produit des deux lectures des Châtiments était 14 500 francs. En ajoutant 500 francs, on aurait trois canons. Je donne pour commencer ces 500 francs 100 francs.

La Société des gens de lettres désire que, le premier (canon) étant nommé par moi Châteaudun, le deuxième s’appelle Châtiment et le troisième Victor Hugo.

J’y ai consenti.

M. Pierre Véron[18] m’a envoyé le beau dessin de Daumier représentant l’Empire foudroyé par les Châtiments.


16 novembre. — Baroche, dit-on, est mort. — À Caen.

M. Édouard Thierry[19] refuse de laisser jouer le cinquième acte d’Hernani à la Porte-Saint-Martin pour les victimes de Châteaudun et pour le canon du 24e bataillon. — Curieux obstacle que M. Thierry.


17 novembre — Visite du Comité des gens de lettres (MM. J. Claretie, Altaroche, Muller, Germond-Lavigne, Ducuing, Celliez, Em. Gonzalès, Valois, Lapointe, etc.). Le Comité vient me demander d’autoriser une troisième lecture des Châtiments à l’Opéra pour avoir un quatrième canon.


18 novembre. — Je mentionne ici une fois pour toutes que j’autorise qui le veut à dire ou à représenter tout ce qu’on veut de moi, sur n’importe quelle scène, pour les canons, les blessés, les ambulances, les ateliers, les orphelinats, les victimes de la guerre, les pauvres, et que j’abandonne tous mes droits d’auteur sur ces lectures ou ces représentations.

Je décide que la troisième lecture des Châtiments sera donnée gratis pour le peuple à l’Opéra.


19 novembre. — Mme  Marie Laurent est venue me dire les Pauvres gens, qu’elle dira demain à la Porte-Saint-Martin, au profit d’un canon.


20 novembre. — Hier soir, aurore boréale.

La Grosse Joséphine n’est plus ma voisine. On vient de la transporter au bastion 41. Il a fallu vingt-six chevaux pour la traîner. Je la regrette. La nuit, j’entendais sa grosse voix, et il me semblait qu’elle causait avec moi. Je partageais mes amours entre Grosse Joséphine et Petite Jeanne.

Petite Jeanne dit maintenant très bien papa et maman.

Aujourd’hui, revue de la garde nationale.


11 novembre. — Sont venues me voir Mme  Jules Simon, Mlle  Sarah Bernhardt.

Il y a eu foule chez moi après le dîner. Il paraît que Veuillot m’a insulté.

Petite Jeanne commence à se très bien traîner à quatre pattes.


23 novembre. — Jules Simon m’écrit que l’Opéra me sera donné pour le peuple (lecture gratis des Châtiments) le jour que je fixerai. Je désirais dimanche, mais par égard pour le concert que les acteurs et employés de l’Opéra donnent dimanche soir à leur bénéfice, je désigne lundi.

Est venu Frédérick Lemaître qui m’a baisé les mains en pleurant.

Il a plu ces jours-ci. La pluie effondre les plaines, embourberait les canons, et retarde la sortie. Depuis deux jours, Paris est à la viande salée. Un rat coûte huit sous.


24 novembre. — Je donne l’autorisation au Théâtre-Français de jouer demain vendredi 25, au bénéfice des victimes de la guerre, le cinquième acte d’Hernani par les acteurs du Théâtre-Français et le dernier acte de Lucrèce Borgia par les acteurs de la Porte-Saint-Martin, plus de faire dire, en intermède, des extraits des Châtiments, des Contemplations et de la Légende des siècles.

Mlle  Favart est venue ce matin répéter avec moi Booz endormi. Puis nous sommes allés ensemble aux Français pour la répétition de la représentation de demain. Elle a très bien répété doña Sol. Mme  Marie Laurent (Lucrèce Borgia) aussi. Pendant la répétition est venu M. de Flavigny. Je lui ai dit : — Bonjour, mon cher ancien collègue. Il m’a regardé, puis, un peu ému, s’est écrié : — Tiens ! c’est vous ! Et il a ajouté : — Que vous êtes bien conservé ! — Je lui ai répondu : — L’exil est conservateur.

J’ai renvoyé la loge que le Théâtre-Français m’offrait pour la représentation de demain et j’en ai loué une que j’offre à Mme  Paul Meurice.

Après le dîner est venu le nouveau préfet de police, M. Cresson. M. Cresson était un jeune avocat il y a vingt ans. Il défendit les meurtriers du général Bréa. Ces hommes furent condamnés à mort. M. Cresson vint me trouver. Je demandai la grâce de ces malheureux à Louis Bonaparte, alors président de la République. M. Cresson, aujourd’hui préfet de police, m’a rappelé tous ces faits.

Puis il m’a parlé de la lecture gratuite des Châtiments que j’offre lundi 28 au peuple à l’Opéra. On craint une foule immense, tous les faubourgs, plus de quatre-vingt mille hommes et femmes. Trois mille entreront. Que faire du reste ? Le gouvernement est inquiet. Il craint l’encombrement, beaucoup d’appelés, peu d’élus, une collision, un désordre. Le gouvernement ne veut rien me refuser. Il me demande si j’accepte cette responsabilité. Il fera ce que je voudrai. Le préfet de police est chargé de s’entendre avec moi.

J’ai dit à M. Cresson : — Consultons Vacquerie et Meurice, et mes deux fils qui sont là. Il a dit : — Volontiers. Nous avons tenu conseil à nous six. Nous avons décidé que les trois mille places seraient distribuées dimanche, veille de la lecture, dans les mairies des vingt arrondissements, à quiconque se présenterait, à partir de midi. Chaque arrondissement aura un nombre de places proportionné au prorata de sa population. Le lendemain, les trois mille porteurs d’entrées (à toutes places) feront queue à l’Opéra, sans encombrement et sans inconvénient. Le Journal officiel et des affiches spéciales avertiront le peuple de toutes ces dispositions, prises dans l’intérêt de la paix publique.


25 novembre. — Mlle  Lia Félix est venue me répéter Sacer esto qu’elle dira lundi au peuple.

M. Tony Révillon[20], qui parlera, est venu me voir avec le Comité des gens de lettres.

Une députation d’américains des États-Unis vient m’exprimer son indignation contre le gouvernement de la République américaine et contre le président Grant, qui abandonne la France... — À laquelle la République américaine doit tant, ai-je dit. — Doit tout, a repris un des américains présents.

On entend beaucoup de canonnade depuis quelques jours. Elle redouble aujourd’hui.

Napoléon le Petit va paraître, édition parisienne, conforme à celle des Châtiments. Hetzel m’a envoyé ce matin des exemplaires.

Mme  Meurice veut avoir des poules et des lapins pour la famine future. Elle leur fait bâtir une cahute dans mon petit jardin[21]. Le menuisier qui la construit vient d’entrer dans ma chambre et m’a dit : — Je voudrais bien toucher votre main. — J’ai pressé ses deux mains dans les miennes.


27 novembre. — L’Académie me donne signe de vie. Je reçois l’avis officiel qu’elle tiendra désormais une séance extraordinaire le mardi.

On fait des pâtés de rats. On dit que c’est bon.

Un oignon coûte un sou. Une pomme de terre coûte un sou.

On a renoncé à me demander l’autorisation de dire mes œuvres sur les théâtres. On les dit partout sans me demander la permission. On a raison. Ce que j’écris n’est pas à moi. Je suis une chose publique.


28 novembre. — Noël Parfait vient me demander de venir au secours de Châteaudun. De tout mon cœur, certes.

Les Châtiments ont été dits gratis à l’Opéra. Foule immense. On a jeté une couronne dorée sur la scène. Je la donne à Georges et à Jeanne. La quête faite par les actrices dans des casques prussiens pour les canons a produit, en gros sous, 1 521 fr. 35.

Émile Allix nous a apporté un cuissot d’antilope du Jardin des Plantes. C’est excellent.

Cette nuit aura lieu la trouée.


29 novembre. — Toute la nuit, j’ai entendu le canon.

Les poules ont été installées aujourd’hui dans mon jardin.

La sortie a un temps d’arrêt. Le pont jeté par Ducrot sur la Marne a été emporté, les prussiens ayant rompu les écluses.


30 novembre. — Toute la nuit le canon. La bataille continue.

Hier, à minuit, en m’en revenant du pavillon de Rohan par la rue de Richelieu, j’ai vu, un peu au delà de la Bibliothèque, la rue étant partout déserte, fermée, noire et comme endormie, une fenêtre s’ouvrir au sixième étage d’une très haute maison et une très, très vive lumière, qui m’a semblé être une lampe à pétrole, apparaître, disparaître, rentrer et sortir à plusieurs reprises ; puis, la fenêtre s’est refermée, et la rue est redevenue ténébreuse. — Était-ce un signal ?

On entend le canon sur trois points autour de Paris, à l’est, à l’ouest et au sud. Il y a, en effet, une triple attaque contre le cercle que font les prussiens autour de nous, La Roncière à Saint-Denis, Vinoy à Courbevoie, Ducrot sur la Marne. La Roncière aurait fait mettre bas les armes à un régiment saxon et balayé la presqu’île de Gennevilliers ; Vinoy aurait détruit les ouvrages prussiens au delà de Bougival. Quant à Ducrot, il a passé la Marne, pris et repris Montmesly, et il tient presque Villiers-sur-Marne. Ce qu’on éprouve en entendant le canon, c’est un immense besoin d’y être.

Ce soir, Pelletan[22] me fait dire, par son fils, Camille Pelletan, de la part du gouvernement, que la journée de demain sera décisive.


1er décembre. — Il paraîtrait que Louise Michel serait arrêtée. Je vais faire ce qu’il faudra pour la faire mettre immédiatement en liberté. Mme  Meurice s’en occupe. Elle est sortie pour cela ce matin.

D’Alton-Shée est venu me voir.

Au dîner nous avons mangé de l’ours.

J’écris au préfet de police pour faire mettre Louise Michel en liberté.

On ne s’est pas battu aujourd’hui. On s’est fortifié dans les positions prises.


2 décembre. — Louise Michel est en liberté. Elle est venue me remercier.

Hier soir, M. Coquelin est venu chez moi dire plusieurs pièces des Châtiments.

Il gèle. Le bassin de la fontaine Pigalle est glacé.

La canonnade a recommencé ce matin au point du jour.

Onze heures et demie. La canonnade augmente.

Flourens[23] m’a écrit hier et Rochefort aujourd’hui. Ils reviennent à moi.

Dorian, ministre des travaux publics, et Pelletan, sont venus dîner avec moi.

Excellentes nouvelles ce soir. L’armée de la Loire est à Montargis. L’armée de Paris a repoussé les prussiens du plateau d’Avron. On lit les dépêches à haute voix aux portes des mairies. La foule a crié : Bravo ! Vive la République ! Victoire !

Voilà le deux décembre lavé.


3 décembre. — Le général Renault, blessé au pied d’un éclat d’obus, est mort.

J’ai dit à Schœlcher que je voulais sortir avec mes fils si les batteries de la garde nationale dont ils font partie sortaient au-devant de l’ennemi. Les dix batteries ont tiré au sort. Quatre sont désignées. Une d’elles est la dixième batterie, dont est Victor. Je sortirai avec cette batterie-là. Charles n’en est pas, ce qui est bien, il restera, il a deux enfants. Je le lui ordonnerai. Vacquerie et Meurice sont de la dixième batterie. Nous serons ensemble au combat. Je vais me faire faire un capuchon. Ce que je crains, c’est le froid de la nuit.

J’ai fait les ombres chinoises à Georges et à Jeanne. Jeanne a beaucoup ri de l’ombre et des grimaces du profil ; mais, quand elle a vu que c’était moi, elle a pleuré et crié. Elle avait l’air de me dire : Je ne veux pas que tu sois un fantôme ! Pauvre doux ange ! elle pressent peut-être la bataille prochaine.

Hier nous avons mangé du cerf ; avant-hier, de l’ours ; les deux jours précédents, de l’antilope. Ce sont des cadeaux du Jardin des Plantes.

Ce soir, à onze heures, canonnade. Violente et courte.


4 décembre. — On vient de coller à ma porte une affiche indiquant les précautions à prendre en cas de bombardement. C’est le titre de l’affiche.

Temps d’arrêt dans le combat. Notre armée a repassé la Marne.

Petite Jeanne va très bien à quatre pattes et dit très bien papa.


5 décembre. — Je viens de voir passer, à vide et allant chercher son chargement, un magnifique corbillard drapé portant un H entouré d’étoiles, en argent sur velours noir. Un romain rentrerait.

Gautier est venu dîner avec moi ; après le dîner sont venus Banville et Coppée.

Mauvaises nouvelles. Orléans nous est repris. N’importe. Persistons.


7 décembre. — J’ai eu à dîner Gautier, Banville, François Coppée. Après le dîner, Asselineau. Je leur ai lu Floréal et l’Égout de Rome.


8 décembre.La Patrie en danger[24] cesse de paraître. Faute de lecteurs, dit Blanqui.

M. Maurice Lachâtre, éditeur, est venu me faire des offres pour mon prochain livre. Il m’a envoyé son Dictionnaire et l’Histoire de la Révolution par Louis Blanc. Je lui donne Napoléon le Petit et les Châtiments.


9 décembre. — Cette nuit, je me suis réveillé et j’ai fait des vers. En même temps, j’entendais le canon.

M. Bowes vient me voir. Le correspondant du Times qui est à Versailles lui écrit que les canons pour le bombardement de Paris sont arrivés. Ce sont des canons Krupp. Ils attendent des affûts. Ils sont rangés dans l’arsenal prussien de Versailles, écrit cet anglais, l’un à côté de l’autre comme des bouteilles dans une cave.

Il y a dans les Nouvelles (9 décembre) :

M. Victor Hugo avait manifesté l’intention de sortir de Paris sans armes, avec la batterie d’artillerie de la garde nationale dont ses deux fils font partie.

Le 144e bataillon de la garde nationale s’est transporté tout entier avenue Frochot, devant le logis du poëte, où les délégués seuls sont entrés.

Ces honorables citoyens venaient faire défense à M. Victor Hugo de donner suite à ce projet, qu’il avait dès longtemps annoncé dans son Adresse aux Allemands.

« Tout le monde peut se battre, lui ont-ils dit. Mais tout le monde ne peut faire les Châtiments. Restez et ménagez une vie si précieuse à la France[25]

Je ne sais plus le numéro du bataillon. Ce n’est pas le 144e. Voici les termes de l’adresse qui m’a été lue par le chef de bataillon :

« La garde nationale de Paris fait défense à Victor Hugo d’aller à l’ennemi, attendu que tout le monde peut aller à l’ennemi, et que Victor Hugo seul peut faire ce que fait Victor Hugo. »

Fait défense est touchant et charmant.


11 décembre. — Rostan est venu me voir. Il a le bras en écharpe. Il a été blessé à Créteil. C’était le soir. Un soldat allemand se jette sur lui et lui perce le bras d’un coup de baïonnette. Rostan réplique par un coup de baïonnette dans l’épaule de l’allemand. Tous deux tombent et roulent dans un fossé. Les voilà bons amis. Rostan baragouine un peu l’allemand. — Qui es-tu ? — Je suis wurtembergeois. J’ai vingt-deux ans. Mon père est horloger à Leipsick. — Ils restent trois heures dans ce fossé, sanglants, glacés, s’entr’aidant. Rostan blessé a ramené son blesseur, qui est son prisonnier. Il va le voir à l’hôpital. Ces deux hommes s’adorent. Ils ont voulu s’entretuer, ils se feraient tuer l’un pour l’autre. — Ôtez donc les rois de la question !

Visite de M. Rey. Le groupe de Ledru-Rollin est en pleine désorganisation. Plus de parti ; la République. C’est bien.

J’ai offert un fromage de Hollande à Mme  Paul Meurice.

Verglas.


12 décembre. — Il y a aujourd’hui dix-neuf ans que j’arrivais à Bruxelles.


13 décembre. — Paris est depuis hier éclairé au pétrole.

Canonnade violente ce soir.


14 décembre. — Dégel. Canonnade.

Le soir, nous avons feuilleté les Désastres de la guerre, de Goya (apportés par Burty). C’est beau et hideux.


15 décembre. — Emmanuel Arago, ministre de la justice, est venu me voir et m’annoncer qu’on avait de la viande fraîche jusqu’au 15 février, et que désormais on ne ferait plus à Paris que du pain bis. On en a pour cinq mois.

Émile Allix m’a apporté une médaille frappée à l’occasion de mon retour en France. Elle porte d’un côté un génie ailé avec Liberté. Égalité. Fraternité. De l’autre cet exergue : Appel à la démocratie universelle, et au centre : À Victor Hugo la Patrie reconnaissante. Septembre 1870.

Cette médaille se vend populairement et coûte cinq centimes. Elle a un petit anneau de suspension[26].


16 décembre. — Pelleport est venu ce soir. Je l’ai chargé d’aller voir de ma part Flourens qui est à Mazas et de lui porter Napoléon le Petit.


17 décembre. — L’Électeur libre nous somme, Louis Blanc et moi, d’entrer dans le gouvernement, et affirme que c’est notre devoir. Je sens mon devoir au fond de ma conscience.

J’ai vu passer sous le pont des Arts la canonnière l’Estoc, remontant la Seine. Elle est belle et le gros canon a un grand air terrible.


18 décembre. — J’ai fait la lanterne magique à Petit Georges et à Petite Jeanne.

Mon droit d’auteur pour Stella, dite par Mme  Favart, à une représentation du 14e bataillon, s’est élevé à 130 francs. Mon agent dramatique a touché mon droit malgré mes instructions. Je lui donne l’ordre de le payer à la caisse de secours du bataillon.

M. Hetzel m’écrit : « Faute de charbon pour faire mouvoir les presses à vapeur, la fermeture des imprimeries est imminente. » J’autorise pour les Châtiments un nouveau tirage de trois mille, ce qui fera en tout jusqu’ici, pour Paris, vingt-deux mille, et pour Napoléon le Petit un nouveau tirage de deux mille, ce qui fait en tout pour Napoléon le Petit dix mille (pour Paris).


20 décembre. — Le capitaine de garde mobile, Breton, destitué comme lâche par la dénonciation de son lieutenant-colonel, demande un conseil de guerre et d’abord à aller au feu. Sa compagnie part demain matin. Il me prie d’obtenir pour lui du ministre de la guerre la permission d’aller se faire tuer. J’écris pour lui au général Le Flô. Je pense que le capitaine Breton sera demain à la bataille.


21 décembre. — Cette nuit, j’ai entendu, à trois heures du matin, le clairon des troupes allant à la bataille. Quand sera-ce mon tour ?


22 décembre. — La journée d’hier a été bonne. L’action continue. On entend le canon de l’est à l’ouest.

Petite Jeanne commence à parler très longtemps et très expressivement. Mais il est impossible de comprendre un mot de ce qu’elle dit. Elle rit.

Léopold[27] m’a envoyé treize œufs frais, que je ferai manger à Petit Georges et à Petite Jeanne.

Louis Blanc est venu dîner avec moi. Il venait de la part d’Edmond Adam[28], de Louis Jourdan[29], de Cernuschi et d’autres, me dire qu’il fallait que lui et moi allassions trouver Trochu et le mettre en demeure ou de sauver Paris ou de quitter le pouvoir. J’ai refusé. Ce serait me poser en maître de la situation, et, en même temps, entraver un combat commencé qui peut-être réussira, Louis Blanc a été de mon avis, ainsi que Meurice, Vacquerie et mes fils qui dînaient avec moi.


23 décembre. — Henri Rochefort[30] est venu dîner avec moi. Je ne l’avais pas vu depuis Bruxelles l’an dernier (août 1869). Georges ne reconnaissait plus son parrain. J’ai été très cordial. Je l’aime beaucoup. C’est un grand talent et un grand courage. Nous avons dîné gaiement, quoique tous très menacés d’aller dans les forteresses prussiennes si Paris est pris. Après Guernesey, Spandau. Soit.

J’ai acheté aux magasins du Louvre une capote grise de soldat pour aller au rempart. 19 francs.

Toujours beaucoup de monde le soir chez moi. Il m’est venu aujourd’hui un peintre nommé Le Genissel, qui m’a rappelé que je l’avais sauvé du bagne en 1848. Il était insurgé de juin.

Forte canonnade cette nuit. Tout se prépare pour une bataille.


24 décembre. — Il gèle. La Seine charrie. Paris ne mange plus que du pain bis.


25 décembre. — Forte canonnade toute la nuit.

Une nouvelle du Paris d’à présent : il vient d’arriver une bourriche d’huîtres. Elle a été vendue 750 francs.

À la vente pour les pauvres, où Alice et Mme Meurice sont marchandes, un dindon vivant a été vendu 250 francs.

La Seine charrie.


26 décembre. — Louis Blanc vient, puis M. Floquet. On me presse de nouveau de mettre le gouvernement en demeure. De nouveau je refuse.

M. Louis Koch a acheté 25 francs un exemplaire du Rappel à la vente destinée aux pauvres. L’exemplaire des Châtiments a été payé 300 francs par M. Cernuschi.


27 décembre. — Violente canonnade ce matin.

J’ai eu à dîner Mme  Ugalde[31], M. Bochet, M. Busnach[32]. Mme  Ugalde a chanté Patria. La canonnade de ce matin, c’étaient les prussiens qui attaquaient. Bon signe. L’attente les ennuie. Et nous aussi. Ils ont jeté dans le fort de Montrouge dix-neuf obus qui n’ont tué personne.

J’ai reconduit Mme  Ugalde chez elle, rue Chabannais, puis, je suis rentré me coucher. Le portier m’a dit : — Monsieur, on dit que cette nuit il tombera des bombes par ici. — Je lui ai dit : — C’est tout simple, j’en attends une.


29 décembre. — Canonnade toute la nuit. L’attaque prussienne continue.

Théophile Gautier a un cheval. Ce cheval est réquisitionné. On veut le manger. Gautier m’écrit et me prie d’obtenir sa grâce. Je l’ai demandée au ministre. J’ai sauvé le cheval.

Il est malheureusement vrai que Dumas est mort. On le sait par les journaux allemands. Il est mort le 5 décembre, au Puys, près Dieppe, chez son fils.

On me presse de plus en plus d’entrer dans le gouvernement. Le ministre de la justice, Em. Arago, est venu me demander à dîner. Nous avons causé. Louis Blanc est venu après le dîner. Je persiste à refuser.

Outre Emmanuel Arago, et mes habitués du jeudi, H. Rochefort est venu dîner, avec Blum. Je les invite à dîner tous les jeudis, si nous avons encore quelques jeudis à vivre. Au dessert, j’ai bu à la santé de Rochefort.

La canonnade augmente. Il a fallu évacuer le plateau d’Avron.


30 décembre. — D’Alton-Shée est venu ce matin. Le général Ducrot demanderait à me voir.

Les prussiens nous ont envoyé depuis trois jours plus de douze mille obus.

Hier, j’ai mangé du rat, et j’ai eu pour hoquet ce quatrain :

Ô mesdames les hétaïres,

Dans vos greniers je me nourris ;
Moi qui mourais de vos sourires,

Je vais vivre de vos souris.

À partir de la semaine prochaine, on ne blanchira plus le linge dans Paris, faute de charbon.

J’ai eu à dîner le lieutenant Farcy, commandant la canonnière.

Froid rigoureux. Depuis trois jours, je sors avec mon caban et mon capuchon.

Poupée pour Petite Jeanne. Hottée de joujoux pour Georges.

Les bombes ont commencé à démolir le fort de Rosny. Le premier obus est tombé dans Paris. Les prussiens nous ont lancé aujourd’hui six mille bombes.

Dans le fort de Rosny, un marin travaillant aux gabionnages portait sur l’épaule un sac de terre. Un obus vient et lui enlève le sac. — Merci, dit le marin, mais je n’étais pas fatigué.

Alexandre Dumas est mort le 5 décembre. En feuilletant ce carnet, j’y vois que c’est le 5 décembre qu’un grand corbillard, portant un H, a passé devant moi rue Frochot.

Ce n’est même plus du cheval que nous mangeons. C’est peut-être du chien ? C’est peut-être du rat ? Je commence à avoir des maux d’estomac. Nous mangeons de l’inconnu.

M. Valois est venu de la part de la Société des gens de lettres me demander ce que je veux qu’on fasse des 3 000 francs de reliquat que laissent les trois lectures des Châtiments, les canons fournis et livrés. J’ai dit de verser ces 3 000 francs intégralement à la caisse de secours pour les victimes de la guerre, entre les mains de Mme  Jules Simon.


1er janvier 1871. — Louis Blanc m’adresse dans les journaux une lettre sur la situation.

Stupeur et ébahissement de Petit Georges et de Petite Jeanne devant la hotte de joujoux de leurs étrennes. La hotte déballée, une grande table en a été couverte. Ils touchaient à tous et ne savaient lequel prendre. Georges était presque furieux de bonheur. Charles a dit : C’est le désespoir de la joie !

J’ai faim. J’ai froid. Tant mieux. Je souffre ce que souffre le peuple.

Décidément, je digère mal le cheval. J’en mange pourtant. Il me donne des tranchées. Je m’en suis vengé, au dessert, par ce distique :

Mon dîner m’inquiète et même me harcèle,
J’ai mangé du cheval et je songe à la selle.

Les prussiens bombardent Saint-Denis.


2 janvier. — Daumier et Louis Blanc ont déjeuné avec nous.

Louis Koch a donné à sa tante pour ses étrennes deux choux et deux perdrix vivantes.

Ce matin nous avons déjeuné avec de la soupe au vin.

On a abattu l’éléphant du Jardin des Plantes. Il a pleuré. On va le manger.

Les prussiens continuent de nous envoyer six mille bombes par jour.


3 janvier. — Le chauffage de deux pièces au pavillon de Rohan coûte aujourd’hui 10 francs par jour.

Le club montagnard demande de nouveau que Louis Blanc et moi soyons adjoints au gouvernement pour le diriger. Je refuse.

Il y a en ce moment douze membres de l’Académie française à Paris, dont Ségur, Mignet, Dufaure, d’Haussonville, Legouvé, Cuvillier-Fleury, Barbier, Vitet.

Lune. Froid vif. Les prussiens ont bombardé Saint-Denis toute la nuit.

De mardi à dimanche, les prussiens nous ont envoyé vingt-cinq mille projectiles. Il a fallu pour les transporter deux cent vingt wagons. Chaque coup coûte 60 francs ; total : 1 500 000 francs. Il y a eu une dizaine de tués. Chacun de nos morts coûte aux prussiens 150 000 francs.


5 janvier. — Le bombardement s’accentue de plus en plus. On bombarde Issy et Vanves.

Le charbon manque. On ne peut plus blanchir le linge, ne pouvant le sécher. Ma blanchisseuse m’a fait dire ceci par Mariette : — Si M. Victor Hugo, qui est si puissant, voulait demander pour moi au gouvernement un peu de poussier, je pourrais blanchir ses chemises.

J’étais aux Feuillantines, un obus est tombé près de moi.

Outre mes convives ordinaires du jeudi, j’ai eu à dîner Louis Blanc, Rochefort, Paul de Saint-Victor[33]. Mme  Jules Simon m’a envoyé du fromage de Gruyère. Luxe énorme. Nous étions treize à table.

Premières personnes tuées dans Paris par le bombardement : quatre rue Gay-Lussac, deux près du Val-de-Grâce.


6 janvier. — Au dessert, hier, j’ai offert des bonbons aux femmes et j’ai dit :

Grâce à Boissier, chères colombes,

Heureux, à vos pieds nous tombons ;
Car on prend les forts par les bombes,

Et les faibles par les bonbons.

Les parisiens vont, par curiosité, voir les quartiers bombardés. On va aux bombes comme on irait au feu d’artifice. Il faut des gardes nationaux pour maintenir la foule. Les prussiens tirent sur les hôpitaux. Ils bombardent le Val-de-Grâce. Leurs obus ont mis le feu cette nuit aux baraquements du Luxembourg pleins de soldats blessés et malades, qu’il a fallu transporter, nus et enveloppés comme on a pu, à la Charité. Barbieux les y a vus arriver vers une heure du matin.

Seize rues ont déjà été atteintes par les obus.


7 janvier. — La rue des Feuillantines percée là où fut le jardin de mon enfance est fort bombardée.

Ma blanchisseuse, n’ayant plus de quoi faire du feu et obligée de refuser le linge à blanchir, a fait à M. Clemenceau, maire du ixe arrondissement, une demande de charbon, en payant, que j’ai apostillée ainsi :

« Je me résigne à tout pour la défense de Paris, à mourir de faim et de froid, et même à ne pas changer de chemise. Pourtant je recommande ma blanchisseuse à M. le maire du ixe arrondissement. » — Et j’ai signé. Le maire a accordé le charbon.


8 janvier. — Camille Pelletan nous a apporté du gouvernement d’excellentes nouvelles. Rouen et Dijon repris, Garibaldi vainqueur à Nuits et Faidherbe à Bapaume. Tout va bien.

On mangeait du pain bis, on mange du pain noir. Le même pour tous. C’est bien.

Les nouvelles d’hier ont été apportées par deux pigeons.

Une bombe a tué cinq enfants dans une école rue de Vaugirard.

Les représentations et les lectures des Châtiments ont dû cesser, les théâtres n’ayant plus de gaz pour l’éclairage et de charbon pour le chauffage.

Mort de Prim. Il a été tué à Madrid d’un coup de pistolet le jour où le roi de sa façon, Amédée, duc de Gênes, entrait en Espagne.

Le bombardement a été furieux aujourd’hui. Un obus a troué la chapelle de la Vierge à Saint-Sulpice où ma mère a été enterrée et où j’ai été marié.

J’ai été voir Mlle  Louise Bertin.


10 janvier. — Bombes sur l’Odéon.

Envoi d’un éclat d’obus par Chifflart[34]. Cet obus, tombé à Auteuil, est marqué H. Je m’en ferai un encrier.


12 janvier. — Le pavillon de Rohan me demande, à partir d’aujourd’hui, 8 francs par tête pour le dîner, ce qui avec le vin, le café, le feu, etc., porte le dîner à 13 francs par personne.

Nous avons mangé ce matin un beefsteak d’éléphant.

Ont dîné avec nous Schœlcher, Rochefort, Blum, et tous nos convives ordinaires du jeudi. Nous étions encore treize. Après le dîner, Louis Blanc, Paul Foucher, Pelletan.


13 janvier. — Un œuf coûte 2 fr. 75. La viande d’éléphant coûte 40 francs la livre. Un sac d’oignons 800 francs[35].

Éd. Lockroy[36], qui part cette nuit pour les avant-postes, avec le bataillon qu’il commande, est venu dîner avec moi.

La Société des gens de lettres m’a demandé d’assister à la remise des canons à l’Hôtel de Ville. Je me suis excusé. Je n’irai pas.

On a passé la journée à chercher un autre hôtel. Rien n’est possible. Tout est fermé. Dépense de la semaine au pavillon de Rohan (y compris un carreau cassé), 701 fr. 50.

14 janvier. — Mot d’une femme pauvre sur le bois fraîchement abattu : — Ce malheureux bois vert ! on le met au feu ; il ne s’attendait pas à ça, il pleure tout le temps.

Le pape dit de l’abbé Dupanloup : L’évêque d’Orléans a un chemin de fer dans la tête.


15 janvier, 2 heures. — Bombardement furieux en ce moment.

Je fais les vers Dans le cirque. Après le dîner, je les ai lus à mes convives du dimanche. Ils me demandent de les publier. Je les donne aux journaux.


17 janvier. — Le bombardement depuis trois jours n’a discontinué ni jour ni nuit.

Petite Jeanne m’a grondé de ne pas la laisser jouer avec le mouvement de ma montre.

Tous les journaux reproduisent les vers Dans le cirque. Ils pourront être utiles.

Louis Blanc est venu ce matin. Il me presse de me joindre à lui et à Quinet pour exercer une pression sur le gouvernement. Je lui ai répondu : — Je vois plus de danger à renverser le gouvernement qu’à le maintenir.


18 janvier. — M. Krupp fait des canons contre les ballons.

Il y a un coq dans mon petit jardin. Hier Louis Blanc déjeunait avec nous. Le coq chanta. Louis Blanc s’arrête et me dit : — Écoutez. — Qu’est-ce ? — Le coq chante. — Eh bien ? — Entendez-vous ce qu’il dit ? — Non. — Il dit : Victor Hugo. Nous écoutons, nous rions. Louis Blanc avait raison. Le chant du coq ressemblait beaucoup à mon nom.

J’émiette aux poules notre pain noir. Elles n’en veulent pas.

Ce matin, on a commencé une sortie sur Montretout. On a pris Montretout. Ce soir les prussiens nous l’ont repris.


20 janvier. — L’attaque sur Montretout a interrompu le bombardement.

Un enfant de quatorze ans a été étouffé dans une foule à la porte d’un boulanger.


21 janvier. — Louis Blanc vient me voir. Nous tenons conseil. La situation devient extrême et suprême. La mairie de Paris demande mon avis.

Louis Blanc a dîné avec nous. Après le dîner, sorte de conseil auquel a assisté le colonel Laussedat.


22 janvier. — Les prussiens bombardent Saint-Denis.

Manifestation tumultueuse à l’Hôtel de Ville. Trochu se retire. Rostan vient me dire que la mobile bretonne tire sur le peuple. J’en doute. J’irai moi-même s’il le faut.

J’en reviens. Il y a eu attaque simultanée des deux côtés. J’ai dit à des combattants qui me consultaient : — Je ne reconnais pour français que les fusils qui sont tournés du côté des prussiens.

Rostan m’a dit : — Je viens mettre mon bataillon à votre disposition. Nous sommes cinq cents hommes. Où voulez-vous que nous allions ? — Je lui ai demandé : — Où êtes-vous en ce moment ? Il m’a répondu : — On nous a massés du côté de Saint-Denis qu’on bombarde. Nous sommes à la Villette. Je lui ai dit : — Restez-y. C’est là que je vous eusse envoyés. Ne marchez pas contre l’Hôtel de Ville, marchez contre la Prusse.


23 janvier. — Hier soir, conférence chez moi. Outre mes convives du dimanche, Rochefort et son secrétaire Mourot avaient dîné avec moi.

Sont venus le soir Rey et Gambon. Ils m’ont apporté, avec prière d’y adhérer, l’un le programme affiche de Ledru-Rollin (assemblée de 200 membres), l’autre, le programme de l’Union républicaine (50 membres). J’ai déclaré n’approuver ni l’une ni l’autre des deux solutions.

Chanzy est battu. Bourbaki réussit. Mais ni l’un ni l’autre ne marchent sur Paris. Énigme dont je crois entrevoir le secret.

Un inventeur vient de m’apporter un projet de bouclier-barricade en fer pour les troupes en ligne de bataille.

Le bombardement semble interrompu.


24 janvier. — Ce matin, Flourens est venu. Il m’a demandé conseil. Je lui ai dit : — Nulle pression violente sur la situation.


25 janvier. — On dit Flourens arrêté. Il l’aurait été en sortant de me voir.

J’ai fait manger deux œufs frais à Georges et à Jeanne.

M. Dorian est venu ce matin voir mes fils au pavillon de Rohan. Il leur a annoncé la capitulation imminente. Affreuses nouvelles du dehors. Chanzy battu, Faidherbe battu, Bourbaki refoulé.


27 janvier. — Schœlcher est venu m’annoncer qu’il donnait sa démission de colonel de la légion d’artillerie.

On est encore venu me demander de me mettre à la tête d’une manifestation contre l’Hôtel de Ville. J’ai refusé. Toutes sortes de bruits courent. J’invite tout le monde au calme et à l’union.

28 janvier. — Bismarck, dans les pourparlers de Versailles, a dit à Jules Favre : — Comprenez-vous cette grue d’impératrice qui me propose la paix !

Le froid a repris.

Ledru-Rollin demande à s’entendre avec moi (par Brives).

Petite Jeanne est un peu souffrante. Doux petit être !

Léopold me contait ce soir qu’il y avait eu dialogue à mon sujet entre le pape Pie IX et Jules Hugo, mon neveu, frère de Léopold, mort camérier du pape. Le pape avait dit à Jules en le voyant : — Vous vous appelez Hugo ? — Oui, Saint-Père. — Vous êtes parent de Victor Hugo ? — Son neveu, Saint-Père. — Quel âge a-t-il ? (c’était en 1857). — Cinquante-cinq ans. — Hélas ! il est trop vieux pour revenir à l’Église !

Charles me dit que Jules Simon et ses deux fils ont passé la nuit à dresser des listes de candidats possibles pour l’Assemblée nationale.

Cernuschi se fait naturaliser citoyen français.


29 janvier. — L’armistice a été signé hier. Il est publié ce matin. Assemblée nationale. Sera nommée du 5 au 18 février. S’assemblera le 12 à Bordeaux.

Petite Jeanne va un peu mieux. Elle m’a presque souri.

Plus de ballon. La poste. Mais les lettres non cachetées. Il neige. Il gèle.


30 janvier. — Petite Jeanne est toujours abattue et ne joue pas.

Mlle  Périga m’a apporté un œuf frais pour Jeanne.


31 janvier. — Petite Jeanne est toujours souffrante. C’est un petit catarrhe de l’estomac. Le docteur Allix dit que cela durera encore quatre ou cinq jours.

Mon neveu Léopold est venu dîner avec nous. Il nous a apporté des conserves d’huîtres.


1er février. — Petite Jeanne va mieux. Elle m’a souri.


2 février. — Le nouveau journal de Rochefort, le Mot d’ordre, a paru aujourd’hui. Les élections de Paris remises au 8 février.

Je continue à mal digérer le cheval. Maux d’estomac. Hier je disais à Mme Ernest Lefèvre, dînant à côté de moi :

De ces bons animaux la viande me fait mal,
J’aime tant les chevaux que je hais le cheval.

Petite Jeanne continue d’aller mieux.

4 février. — Le temps s’adoucit.

Le soir, foule chez moi. Proclamation de Gambetta.


5 février. — La liste des candidats des journaux républicains a paru ce matin. Je suis en tête.

Bancel[37] est mort.

Petite Jeanne ce soir est guérie de son rhume.

J’ai eu mes convives habituels du dimanche. Nous avons eu du poisson, du beurre et du pain blanc.


6 février. — Bourbaki, battu, s’est tué. Grande mort.

Ledru-Rollin recule devant l’Assemblée. Louis Blanc est venu ce soir me lire ce désistement.


7 février. — Nous avions trois ou quatre boîtes de conserves que nous avons mangées aujourd’hui.


8 février. — Aujourd’hui scrutin pour l’Assemblée nationale. Paul Meurice et moi avons été voter ensemble, rue Clauzel.

Après la capitulation signée, en quittant Jules Favre, Bismarck est entré dans le cabinet où ses deux secrétaires l’attendaient, et a dit : — La bête est morte.

J’ai rangé mes papiers en prévision du départ. Petite Jeanne est très gaie.


11 février. — Le scrutin se dépouille très lentement.

Notre départ pour Bordeaux est remis à lundi 13.


12 février. — J’ai vu hier pour la première fois mon boulevard. C’est un assez grand tronçon de l’ancien boulevard Haussmann. Boulevard Victor-Hugo est placardé sur boulevard Haussmann à quatre ou cinq coins des rues donnant sur le boulevard.

L’Assemblée nationale s’ouvre aujourd’hui à Bordeaux. Les élections ne sont pas encore dépouillées et proclamées à Paris. Je pense que Louis Blanc sera le premier représentant de Paris. J’eusse trouvé juste que ce fût Garibaldi.

Quoique je ne sois pas encore nommé, le temps presse, et je compte partir demain lundi 13 février pour Bordeaux. Nous serons neuf, cinq maîtres et quatre domestiques, plus les deux enfants. Louis Blanc désire partir avec moi. Nous ferons route ensemble.

J’emporte dans mon sac en bandoulière divers manuscrits importants et œuvres commencées, entre autres Paris assiégé et le poëme du Grand-père[38].

J’ai lu avant le dîner à mes convives, M. et Mme  Paul Meurice, Vacquerie, Lockroy, M. et Mme  Ernest Lefèvre, Louis Koch et Villain (moins Rochefort et Victor qui ne sont arrivés que pour l’heure du dîner), deux pièces qui feront partie de Paris assiégé. (À Petite Jeanne. — Non, vous ne prendrez pas l’Alsace et la Lorraine).

Pelleport m’a apporté nos neuf laissez-passer. N’étant pas encore proclamé représentant, j’ai mis sur le mien Victor Hugo, propriétaire, vu que les prussiens exigent une qualité ou une profession.


13 février. — J’ai quitté ce matin avec un serrement de cœur l’avenue Frochot et la douce hospitalité que Paul Meurice me donne depuis le 5 septembre, jour de mon arrivée.




  1. Journaliste, romancier, devint plus tard membre de l’Académie française et administrateur de la Comédie-Française. (Note de l’éditeur.)
  2. Antonin Proust, publiciste, devint député et ministre des Arts dans le cabinet Gambetta. (Note de l’éditeur.)
  3. Critique littéraire de l’Indépendance belge. (Note de l’éditeur.)
  4. Représentant du peuple en 1848, rédacteur du National ; devint préfet du Var. (Note de l’éditeur.)
  5. Victor Hugo n’a jamais publié le tome II des Châtiments. Les poésies qui devaient former ce volume ont été publiées en partie dans les Années funestes (où l’on trouvera la pièce dont il est question ici), en partie dans Toute la Lyre (Corde d’airain) et dans cette édition : les Châtiments, Reliquat. (Note de l’éditeur.)
  6. Ancien pair de France, fut mêlé très activement aux journées de Février 1848. Après la révolution du 4 septembre 1870, il collabora au Peuple souverain et fonda, en octobre 1872, un journal intitulé le Suffrage universel. (Note de l’éditeur.)
  7. Femme de Charles-Hugo. (Note de l’éditeur.)
  8. Romancier, publiciste, directeur de la Revue de Paris, critique dramatique du Temps,, directeur de la Cloche. (Note de l’éditeur.)
  9. Économiste, fut lié avec les principaux chefs de l’opposition sous l’empire, donna cent mille francs à l’époque du plébicite pour la propagande contre l’empire. Légua à la ville de Paris le musée qui porte son nom. (Note de l’éditeur.)
  10. Julie Chenay, sœur de Mme  Victor Hugo. (Note de l’éditeur.)
  11. Protestation contre le bombardement des monuments. (Note de l’éditeur.)
  12. Le point d’interrogation est dans le manuscrit. (Note de l’éditeur.)
  13. Avocat, rédacteur du Temps et du Siècle, fut mêlé aux principaux procès politiques sous l’empire, soit comme défenseur des journaux poursuivis, soit comme inculpé dans le procès des Treize. En 1870, il fut un des adjoints au maire de Paris, devint membre de l’Assemblée nationale en 1871, président du Conseil municipal en 1874, puis président de la Chambre des députés en 1885, et président du Conseil des ministres en 1888. (Note de l’éditeur.)
  14. Représentant du peuple en 1848 et 1849 ; questeur de l’Assemblée ; exilé après le coup d’État du 2 décembre 1851 ; ministre de la Guerre sous le Gouvernement de la Défense nationale ; devint ministre du Gouvernement de M. Thiers, puis ambassadeur de Russie. (Note de l’éditeur.)
  15. Général français, président du Gouvernement de la Défense nationale ; élu, en 1871, membre de l’Assemblée nationale par huit départements. (Note de l’éditeur.)
  16. Romancier, auteur du Théâtre de Clara Gazul, de Carmen, de Colomba ; devint, en 1830, chef de cabinet du comte d’Argout, puis membre de l’Académie française ; condamné à l’amende et à trois mois de prison pour avoir défendu, dans la Revue des deux mondes, Libri ; devint plus tard sénateur sous le second empire. (Note de l’éditeur.)
  17. Romancier, critique, poète, auteur dramatique, rédacteur en chef de l’Artiste ; puis, en 1849, administrateur de la Comédie-Française, en 1856, inspecteur général des musées de province. (Note de l’éditeur.)
  18. Directeur du Charivari, auteur de livres humoristiques et satiriques. (Note de l’éditeur.)
  19. Critique dramatique et littéraire ; bibliothécaire de l’Arsenal ; administrateur de la Comédie-Française (1859-1871). (Note de l’éditeur.)
  20. Journaliste, collabora à la Gazette de Paris, au Figaro, au Nain jaune et à l’Événement, devint député de Paris en 1881. (Note de l’éditeur.)
  21. Victor Hugo habitait chez Paul Meurice, dont il occupait la chambre à coucher et le cabinet de travail, au rez-de-chaussée. Ces deux pièces donnaient sur un petit jardin, avenue Frochot. (Note de l’éditeur.)
  22. Eugène Pelletan, homme de lettres, député (1863-1869), membre du Gouvernement de la Défense nationale ; devint membre de l’Assemblée nationale, puis sénateur. (Note de l’éditeur.)
  23. Gustave Flourens, professeur d’histoire naturelle au Collège de France en 1863 ; prit part à l’émeute du 31 octobre 1870 ; fut tué à la tête d’un bataillon de la Commune, à Rueil, le 3 avril 1871. (Note de l’éditeur.)
  24. Rédacteur en chef : Blanqui. (Note de l’éditeur.)
  25. Ce texte, découpé dans Les Nouvelles, est collé sur une page blanche du Carnet. (Note de l’éditeur.)
  26. Sur la page blanche, en regard de ces lignes, est collée, avec des pains à cacheter, une enveloppe sur laquelle on lit :
    Dans cette enveloppe sont deux exemplaires de la médaille frappée à l’occasion de mon retour en France — (15 septembre 1870). —
    Il n’y a plus dans l’enveloppe qu’un exemplaire de la médaille. (Note de l’éditeur.)
  27. Léopold Hugo, neveu de Victor Hugo. (Note de l’éditeur.)
  28. Rédacteur au National ; adjoint d’Armand Marrast à la mairie de Paris en 1848, secrétaire général à la Préfecture de la Seine ; préfet de police en 1870 ; devint membre de l’Assemblée nationale, puis sénateur. (Note de l’éditeur.)
  29. Journaliste, rédacteur du Siècle. (Note de l’éditeur.)
  30. Fondateur de la Lanterne, député de Paris en 1869, directeur de la Marseillaise et du Mot d’ordre, membre du Gouvernement de la Défense nationale, puis de l’Assemblée nationale ; directeur de l’Intransigeant. (Note de l’éditeur.)
  31. Cantatrice française. (Note de l’éditeur.)
  32. Auteur dramatique, directeur de l’Athénée ; il mit à la scène plusieurs romans d’Émile Zola. (Note de l’éditeur.)
  33. Secrétaire de Lamartine en 1848, rédacteur au Correspondant, puis à la Presse et à la Liberté où il fut critique littéraire et critique d’art. Il fut nommé, en février 1870, inspecteur général des beaux-arts. (Note de l’éditeur.)
  34. Peintre et dessinateur. (Note de l’éditeur.)
  35. Voir Notes, page 249.
  36. Journaliste ; prit part à l’expédition des Mille, conduite par Garibaldi ; devint, en 1871, membre de l’Assemblée nationale et fut à diverses reprises ministre du Commerce, de l’Instruction publique et de la Marine. Édouard Lockroy épousa la veuve de Charles Hugo. (Note de l’éditeur.)
  37. Représentant du peuple en 1849 ; exilé au coup d’État ; élu député en 1869. A publié des études littéraires et philosophiques. (Note de l’éditeur.)
  38. L’Année terrible. — L’Art d’être grand-père.(Note de l’éditeur.)