Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1228

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Règne de Louis IX (1226-1270)

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[1228]


Quelques barons de France, irrités de ce que le comte de Champagne, contre la volonté des comtes de la Marche et de Bretagne, et le traité qu’il avait conclu avec eux, s’était rapproché du roi de France, et avait révélé leurs abominables desseins, rassemblèrent une armée innombrable, entrèrent en ennemis, par l’Allemagne, sur le territoire du comte de Champagne, et incendièrent les villes, les châteaux et les villages. Comme ils assiégeaient Bar-sur-Seine sans vouloir obéir à l’ordre que leur donnait le roi de s’en éloigner, le roi rassembla une multitude d’hommes d’armes, et marcha promptement contre eux. Les barons, à la nouvelle de son arrivée, levèrent au plus vite le siège. Le roi, après avoir ainsi défendu son homme-lige contre leurs attaques, s’en retourna à Paris.

Le pape Grégoire somma Frédéric, empereur des Romains, qui avait pris la croix depuis long-temps, d’accomplir son vœu et de s’embarquer pour aller au secours de la Terre-Sainte. Frédéric, ayant promis de le faire, marqua au pape et à la cour de Rome le jour certain de son départ ; c’est pourquoi le pape fit savoir ce jour à tous les croisés, et leur manda qu’ils se réunissent promptement, et se tinssent prêts à se rendre où, selon sa promesse, l’empereur devait s’embarquer. Pendant ce temps, l’empereur soumit quelques ennemis dans le royaume de Sicile, et, rassemblant dans un seul lieu de la Pouille les Sarrasins qui habitaient dans différens endroits du royaume de Sicile, il les renferma dans une seule ville, appelée Nocera des Sarrasins, et qu’il rendit tributaire. Pierre, comte de Bretagne, soutenu par le secours et les conseils de quelques barons de France, se révolta contre le roi Louis, et invita Henri, roi d’Angleterre, à passer la mer avec une très-grande multitude d’Anglais. Dès que le roi Louis en fut instruit, il rassembla une armée, et s’avança vers le château de Bellême, que le comte de Bretagne avait reçu en garde du roi Louis, et qu’il n’avait pas voulu rendre. Le roi forma le siège de ce château, qui fut tellement ébranlé par les coups des machines de guerre, qu’il menaçait ruine en plus d’un endroit. Les assiégés, saisis de crainte, se rendirent au roi de France. Alors le roi d’Angleterre craignant pour lui s’en retourna dans son royaume couvert de honte et d’ignominie, et le roi Louis se retira à Paris.

Dans le même temps que Louis, le saint roi de France, s’empara du château de Bellême, Jean des Vignes, très-valeureux chevalier, rassemblant une armée eu Normandie, et la conduisant à la Haye-Pesnel, soumit cette ville au roi de France dans l’espace de peu de jours. La femme de Frédéric empereur des Romains, fille de Jean autrefois roi de Jérusalem, mourut, laissant un fils unique nommé Conrad, héritier dudit royaume de Jérusalem. Jeanne, comtesse de Flandre, étant morte, les comtés de Flandre et de Hainaut revinrent à sa sœur Marguerite, femme de Bouchard seigneur d’Avesnes.