Chronique de la quinzaine - 14 février 1840

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Chronique no 188
14 février 1840
CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 février 1840.


Ainsi que nous l’avions fait pressentir dans la dernière chronique, rien n’est terminé à Londres sur la question d’Orient. Quelque envie qu’ait le cabinet de Saint-James d’humilier le pacha d’Égypte et de faire sentir à la Porte et à tous les gouvernemens de l’Asie les effets de la puissance britannique, le bon sens des Anglais s’arrête devant les conséquences d’un accord isolé avec la Russie. Une convention qui n’aboutirait pas à des mesures coactives, tranchons le mot, à la guerre contre Méhémet-Ali, serait un non-sens. Et, d’un autre côté, qui pourrait prévoir les résultats d’une intervention armée que la France désapprouverait loin de la seconder, et qu’elle pourrait bien regarder comme contraire à ses intérêts, à sa dignité, aux principes du système européen, à la tranquillité du monde ? Il y a des limites à toutes les résignations, et le désir le plus sincère de conserver les bienfaits inappréciables de la paix devrait nécessairement faire place à des sentimens d’un autre ordre, le jour où l’on mettrait en oubli les rapports internationaux qui assurent le repos de l’Europe.

On dit que M. de Brunow a quitté Londres fort peu satisfait de lord Palmerston : le cabinet anglais aurait résolu de ne signer aucun traité qui ne soit commun aux cinq puissances et à la Porte. Les affaires d’Orient reprennent ainsi leur cours naturel, cours qui ne peut avoir que deux issues : ou les deux parties belligérantes, livrées à elles-mêmes, traiteront sans intermédiaire, ou l’arrangement, ainsi que toutes les mesures qu’il pourrait exiger, seront le fait commun des cinq puissances.

On conçoit que l’un et l’autre système trouvent parmi les hommes d’état d’habiles et zélés défenseurs. Par la non-intervention, on évite des négociations longues, compliquées, et offrant par cela même des difficultés qui pourraient devenir des dangers ; on évite aussi la périlleuse nécessité d’obtenir par la force l’accomplissement des conditions que les médiateurs jugeraient indispensable d’imposer. L’intervention éloigne tout danger d’une collision nouvelle entre la Porte et l’Égypte ; elle établit le précédent du concours de toutes les puissances dans l’arrangement des affaires d’Orient ; elle écarte toute prétention exclusive, tout protectorat isolé, et loin de compromettre la paix de l’Europe, elle lui donne, au contraire, de nouvelles et puissantes garanties. Il est également certain que toute idée de résistance disparaîtrait de l’esprit du sultan comme de celui du pacha le jour où des conditions raisonnables leur seraient proposées par une résolution ferme et unanime des cinq puissances. Mais est-il facile, à cette heure, d’arriver à cette résolution unanime ? N’y a-t-il pas quelque péril à s’engager plus avant dans des négociations si scabreuses ? Peut-on sérieusement espérer un heureux résultat ? Peut-on du moins se flatter que de vaines tentatives n’altéreront pas les relations des puissances entre elles ? Enfin ces négociations pourraient-elles être interrompues sans laisser de méfiance, sans exciter de ressentimens ?

D’un autre côté, les choses ne sont plus entières. Au fait, il y a déjà eu intervention ; il y a eu intervention le jour où l’on a arrêté le cours des hostilités. Dès ce jour, l’Europe s’est moralement engagée à procurer au pacha un arrangement convenable et proportionné à ses succès. De quel droit, autrement, aurait-elle interrompu le cours de ses victoires, surtout après l’agression inattendue de la Porte, qui avait ainsi provoqué sa propre défaite et préparé sa ruine ?

Quoi qu’il en soit, nous concevons les deux systèmes ; nous n’en concevons pas un troisième. Entre l’intervention en commun et la non-intervention, il n’y a rien de raisonnable, rien de conforme aux principes du système européen, rien qui ne compromette la paix du monde. Disons-le sans détour : tout ce qui s’écarterait de l’une et de l’autre de ces voies ressemblerait plus encore à une intrigue qu’à une négociation digne et sérieuse, et pouvant avoir d’utiles résultats.

Au reste, la question ne dépend point du bon plaisir de telle ou telle puissance. Il ne s’agit pas ici de faire la loi au sénat de Cracovie ni à la ville de Francfort. Méhémet-Ali ne se laisserait pas arracher facilement le fruit de ses longs travaux, le patrimoine de ses enfans, le fondement de sa gloire. L’Europe le connaît ; elle sait qu’il saurait au besoin s’ensevelir sous les ruines de l’empire ottoman, qu’il entraînerait dans sa chute. Il faudrait, pour soumettre le pacha, de grandes expéditions militaires, des armées, des flottes, une longue lutte. Et ce n’est pas une pensée sérieuse que d’imaginer que la Russie et l’Angleterre pourraient ainsi envahir l’Égypte, l’île de Candie et la Syrie, le reste de l’Europe se bornant au rôle plus que modeste de spectateur de leurs triomphes. Ce sont là des rêves que l’Angleterre et la Russie n’ont sans doute jamais faits, et c’est là précisément ce qui donne aux efforts des négociateurs russes un caractère subalterne, une apparence peu digne. Que veut-on, au fond, lorsqu’on a l’air de chercher ce qui est évidemment impossible ?

Au milieu de tous ces faits, une chose nous frappe : c’est une sorte d’abaissement, de déclin, dans la politique et la diplomatique russe. On a beaucoup vanté son habileté, son esprit de suite, sa persévérance. Ces éloges étaient mérités, ils l’étaient dans une certaine mesure du moins. Certes, la politique russe, sous les empereurs Paul et Alexandre, a pu être habile, mais elle n’a pas toujours été la même à l’égard de Napoléon. Jamais on n’a vu de changemens plus brusques et plus inattendus. Quoi qu’il en soit, cette politique était grande. Qu’on fût l’ami dévoué ou l’ennemi implacable du grand homme, qu’on lui livrât l’Espagne à Erfürth ou qu’on lui refusât plus tard à Châtillon des conditions honorables, qu’on brûlât Moscou ou qu’on exigeât des Bourbons la promesse d’une charte constitutionnelle, quelque jugement qu’on porte sur ces faits si divers, toujours est-il que c’étaient là de grandes pensées, d’immenses projets, des résultats et des moyens dignes de l’histoire. Que voyons-nous aujourd’hui ? La Pologne devenue le chancre de la Russie, comme l’Irlande l’a été de l’Angleterre ; des persécutions religieuses, des persécutions politiques au dedans et au dehors ; de grands intérêts subordonnés à de petites pensées ; de vastes moyens péniblement employés pour des buts secondaires ; beaucoup d’agitation, beaucoup d’efforts, beaucoup de vouloirs pour de minces résultats. On dirait de petites passions plutôt que de grandes pensées, des préjugés plutôt que des résolutions profondément méditées. Tant mieux pour la paix du monde, car il n’y a rien là de hardi, de décisif, de redoutable. Le fait n’est pas moins digne d’observation, et là, comme ailleurs, il trouve peut-être une explication toute naturelle dans une seule circonstance, la retraite ou la mort des hommes politiques les plus éminens. C’est une des gloires de l’empereur Alexandre que d’avoir su s’entourer des hommes les plus habiles. Peu lui importait la langue, le pays : l’Allemagne, l’Angleterre, la Suisse, la Grèce, la France, lui ont fourni des généraux, des marins, des administrateurs, des ministres, des diplomates du premier ordre. En lui envoyant ces hommes, c’étaient en quelque sorte des lettres de grande naturalisation que l’Europe octroyait à la Russie. Aussi Alexandre exerça-t-il les droits européens dans toute leur étendue.

Mais ces hommes, le temps les enlève ou les frappe. Pour n’en citer que trois, Capo-d’Istria est mort ; M. de Nesselrode se fait vieux, et dans sa vieillesse, fortement préoccupé de l’avenir de sa famille, il se distrait, il se repose, en dirigeant ses propres affaires, des fatigues et des ennuis d’une politique qui n’est plus la grande politique de son beau temps. Enfin un ukase, un rescrit que nous laissons à plus habiles que nous le soin de qualifier, nous apprend que M. le comte Pozzo di Borgo a obtenu sa retraite définitive. La Russie ne remplacera pas de long-temps l’homme que la Corse et les vicissitudes de la politique lui avaient donné, celui qui, par la rare puissance de son esprit et par la haute influence qu’il a exercée dans les grandes affaires de ce siècle, peut être appelé, sans ridicule, ce qu’il était réellement et avec toute l’énergie des sentimens insulaires, l’adversaire de Napoléon. C’est en 1804 que M. Pozzo entra au service de la Russie, et après avoir été chargé de missions importantes à Naples, à Constantinople, en Angleterre, en Suède, il fut un des acteurs principaux dans les terribles évènemens de 1814. Certes ce n’est pas nous qui pouvons applaudir au rôle que de tristes circonstances et l’ambition démesurée d’un homme ont imposé, nous aimons à le croire, à deux hommes éminens dans la guerre et dans la diplomatie, Bernadotte et M. Pozzo. Ce qui est surtout vrai, c’est que les haines du diplomate étaient toutes corses d’origine et de nature, toutes concentrées, à tort ou à raison, sur la personne de Napoléon ; elles ne s’étendaient nullement à la France.

Loin de là : M. Pozzo aimait la France, et il a toujours sincèrement désiré que, constituée sous un gouvernement, monarchique sans doute et régulier, mais libre et fort, elle pût reprendre promptement dans la famille européenne le rang éminent qui lui appartient et que l’intérêt général lui assigne. C’est là la pensée qui l’a incessamment dirigé et en 1814, et en 1815, et en 1830 ; il a également combattu et les folles prétentions de ces énergumènes qui, en 1815, rêvaient le morcellement de la France, et les utopies rétrogrades de la cour de Charles X, et les alarmes réelles ou simulées de ceux qui s’obstinaient à voir dans les barricades défensives de 1830 une recrudescence de 1793. Mais si, en présence de ces faits, la France doit oublier que M. Pozzo a siégé dans les conseils des coalisés, c’est sur la Russie que pèse envers lui la dette d’une reconnaissance éternelle ; car c’est à M. Pozzo, avant tout, à l’élévation de sa politique, à la promptitude et à la sûreté de son coup d’œil, à l’habileté, à la profondeur, à la vivacité de ses négociations et à la hardiesse calculée de ses conseils, qu’elle doit le rôle éminent qu’elle a joué, la haute influence, l’espèce de patronage qu’elle a exercé pendant quinze ans en Europe. La dernière dans la famille des peuples civilisés, elle a présidé un moment le grand conseil de la civilisation européenne. C’est là la page brillante des annales russes. Il se passera long-temps avant qu’on puisse en tracer une seconde. La Pologne opprimée, déchirée, pleurant sur les ruines de ses temples et redemandant à la Sibérie ses enfans, est une barrière infranchissable entre la Russie et l’Europe du XIXe siècle. La Russie a reculé de cent ans ; elle est rentrée dans les steppes.

Chacun a pu lire dans les journaux quotidiens le discours fort étendu du roi de Suède à la diète. À n’en juger que par cette pièce, on serait porté à croire que la tranquillité est assurée pour long-temps dans ce royaume du Nord, et que les Suédois, attachés par une juste et profonde reconnaissance à leur nouvelle dynastie, ne s’occupent que du paisible développement de leur prospérité nationale. Si nous sommes bien informés, la réalité ne répond pas à ces apparences. On dit que la couronne rencontrera, au sein de la diète, une sérieuse opposition. L’autorité morale du vieux monarque suffira difficilement à la vaincre. Le prince Oscar plaît à l’armée suédoise, il a su la captiver ; mais rien ne résiste en Suède à l’influence de la diète, et il est facile de le comprendre par les élémens divers dont elle est composée. C’est M. Matuschewicz qui représente la Russie à Stockholm. On assure que ce diplomate aspirait à l’ambassade de Londres, et qu’en l’envoyant à Stockholm on lui dit que ce poste était dans ce moment de la plus haute importance pour la Russie. En attendant, le ministre de France à Stockholm est à Paris, et les affaires de la légation se trouvent confiées à un secrétaire.

M. le comte Bresson, notre ministre à Berlin, est sur le point de retourner à son poste.

La Grèce est aussi un théâtre de complots et d’intrigues. Triste exemple de la faiblesse des gouvernemens imposés par l’étranger ! Singulière pensée que de faire d’un Bavarois le roi des Grecs ! Mais, puisqu’il en est ainsi, qu’on songe du moins à lui donner un peu de force, un peu de consistance, et par là un peu d’avenir ; qu’on ne le laisse pas en proie aux intrigues les plus subalternes et les plus funestes pour la Grèce elle-même. C’est encore un de ces points où la France et l’Angleterre, n’agissant pas dans un parfait accord, manquent à leurs vrais intérêts.

Il a été fort question ces derniers jours d’une note que le représentant russe à Paris aurait remise à notre ministre des affaires étrangères, au sujet des bruits qui auraient circulé à la suite de l’arrestation de M. Durand, rédacteur du Capitole. M. de Medem aurait reçu de son gouvernement l’ordre de déclarer au maréchal Soult que le gouvernement russe exigeait que l’on publiât les papiers qu’on prétendait avoir trouvés chez M. Durand, et qu’on rendît publiques les accusations malveillantes contre la Russie. Quant à nous, il nous a été impossible de croire qu’une note de cette teneur ait pu être remise par M. de Medem, et reçue par M. le maréchal Soult. La Russie exigeant à Paris qu’on publie des pièces d’une procédure ! Encore une fois, cela était trop ridicule pour que cela fût possible. Si le représentant russe avait pu oublier à ce point les formes du langage et la signification des mots, M. le président du conseil se serait sans doute empressé de lui renvoyer sa note avec un exemplaire du Dictionnaire de l’Académie française.

Au surplus, il arrive pour nos rapports avec la Russie ce qui est arrivé au sujet de nos rapports avec l’Angleterre. On se plaît à nous représenter en lutte ouverte avec les grandes puissances. L’Angleterre, disait-on, avait répudié notre alliance ; quelques jours encore, et nous devions être en guerre avec la Grande-Bretagne. La Russie, à son tour, ne laisserait échapper aucune occasion de nous témoigner formellement, officiellement, son aversion et ses tendances anti-françaises. Cette seconde supposition est aussi exagérée que l’était la première. L’Angleterre n’a point brisé l’alliance française, et la Russie ne met aucune aigreur dans ses communications officielles avec notre gouvernement et nos agens diplomatiques. M. de Barante n’éprouve ni refus ni retard, lorsque des faits graves, des démarches hostiles à la France, l’obligent à demander l’éloignement de quelque Français, fût-il un légitimiste. L’empereur, il est vrai, ne nous aime pas, nous France nouvelle, nous révolution et dynastie de juillet, et sans doute la politique russe se subordonne dans une certaine mesure aux préjugés personnels de l’autocrate. C’est la vieille Russie laissant de nouveau croître sa barbe ; c’est une halte dans la marche commencée sous Pierre-le-Grand. Peu importe à la France et à l’Europe ; car, tout en boudant la liberté et le progrès, on sait qu’il n’y aurait rien à gagner, même pour la Russie, à passer de la bouderie à l’animosité, et de l’animosité à la guerre. De la froideur et de la stricte politesse, voilà nos rapports. Cela suffit. L’amitié reviendra le jour où, la Russie reprenant son mouvement européen, son gouvernement lui-même éprouvera le besoin de relations plus intimes avec la nation la plus civilisatrice de l’Europe.

La Suisse est le théâtre de nombreux incidens qui, peu importans chacun en soi, ont cependant un caractère commun et montrent une tendance générale digne de remarque. Les divers élémens religieux, géographiques, de langue, de race, dont se compose la confédération suisse, tendent à s’isoler et à repousser tout mélange avec les élémens contraires. C’est une crise de la maladie qui mine l’existence de toutes les confédérations, et plus particulièrement de celles qui, comme la Suisse, sont presque entièrement dépourvues de pouvoir central. La France n’a point à se mêler des affaires de l’Helvétie, mais elle ne doit cependant pas les perdre de vue. La Suisse occupe une position stratégique si importante pour nous, et couvre de son territoire une si grande partie de nos frontières, que nous avons droit de nous assurer qu’elle ne compromettra pas par une dissolution intérieure sa neutralité.

La querelle de l’Angleterre avec la Chine paraît devenir de plus en plus sérieuse. Les hostilités ont commencé, et l’Angleterre prépare une expédition dont la mort de l’amiral Maitland retardera quelque peu le départ. Il sera facile à l’Angleterre de brûler les jonques chinoises qui oseraient tenir la mer, et d’occuper quelques lisières du vaste empire. Ces succès suffiront-ils pour contraindre à demander la paix un gouvernement orgueilleux et barbare, qui ne tient aucun compte des souffrances et des pertes auxquelles il expose une faible partie de son immense population ? Nul ne peut le dire. Si la guerre se prolongeait, s’il fallait envoyer des forces considérables et marcher dans l’intérieur de l’empire, les dépenses de cette guerre lointaine seraient difficilement compensées par les bénéfices de l’expédition.

En même temps la Russie, par son expédition de Khiva, paraît avoir jeté quelques alarmes dans l’Inde anglaise. La force des choses pousse l’Angleterre et la Russie à se rapprocher de plus en plus sur le territoire asiatique, près de cet immense empire indien que les Anglais regardent avec raison comme un des principaux fondemens de leur puissance. Le jour du choc n’est pas encore arrivé, mais il est certain pour tous désormais que ce jour arrivera, et que le choc sera terrible. Cette prévision, cette certitude, ne rendent pas facile l’intime et cordiale union qu’on se plaît à imaginer entre le cabinet de Saint James et celui de Saint-Pétersbourg.

Le ministère anglais est sorti vainqueur de l’épreuve du scrutin ; au lieu de dix à douze voix de majorité, il s’en est trouvé vingt. Nous nous félicitons de ce succès. Indépendamment des services que le ministère Melbourne et Russel peut encore rendre à l’Angleterre pour le développement régulier et graduel des réformes qu’elle réclame, il n’est pas à désirer, dans l’état actuel des affaires, qu’un changement de personnes dans le cabinet et de parti dirigeant dans le parlement jette quelques nuages et quelque incertitude sur les tendances politiques et les relations extérieures de la Grande-Bretagne. Les deux gouvernemens, le nôtre et celui de l’Angleterre, suivent en réalité la même ligne, partent des mêmes principes ; leur origine, leurs tendances, leur esprit, sont les mêmes. L’union de l’Angleterre et de la France, cette union si utile aux deux peuples, est dès-lors une sorte de nécessité politique que des causes accidentelles ou l’habileté diplomatique parviendront difficilement à briser.

Si le ministère anglais paraît se raffermir, le nôtre, en revanche, paraît s’ébranler tous les jours davantage. L’espoir qu’il a peut-être conçu un moment de rallier dans la chambre une majorité compacte s’est évanoui pour tout le monde. Malheureusement, plus on avance, et plus il devient évident qu’il faut poser la question en des termes plus généraux et plus alarmans. Cette majorité, sans laquelle toute pensée de gouvernement n’est qu’un rêve, cette majorité désormais impossible pour le ministère tel qu’il est, est-elle possible pour quelqu’un ? L’est-elle encore aujourd’hui ? le sera-t-elle demain ? La chambre se morcelle et se décompose tous les jours davantage ; frappée de sa propre impuissance, elle ajoute à tous ses dissolvans le découragement, l’apathie ; elle ne prête guère d’attention aux affaires, parce qu’elle ne prend plus rien au sérieux, ni les choses, ni les hommes ; un sentiment honnête, l’instinct du bien, lui disent cependant que cette étrange situation est transitoire, qu’il faut en sortir sous peine de tout compromettre. La chambre, qui, en réalité, quoi qu’on en dise, n’a jamais enfanté une administration, qui ne s’est jamais réservé d’autre droit que celui de bien ou de mal accueillir les administrations qu’elle a vu naître ; la chambre, fidèle à ses précédens, attend, plus encore ennuyée qu’impatiente, tout aussi mécontente des autres que d’elle-même, et employant son temps à se passer ses petites fantaisies, à des débats dans les bureaux et à des conversations en séance publique. Ceux qui ne s’alarmeraient point de ce déclin général de toutes choses, ceux qui s’obstineraient à reconnaître le meilleur des mondes possibles dans ce grand désordre politique, ceux qui croiraient qu’il faut laisser le vaisseau de l’état dériver à son aise, dans l’espoir qu’il se trouvera un jour devant un port où il entrera tout seul ; ceux-là sont doués d’une tranquillité d’esprit et d’un courage que nous ne partageons pas.

Au fond, les chambres n’ont rien fait jusqu’ici, pendant deux mois de session. La chambre des pairs a rejeté l’amendement par lequel on prétendait rendre l’état garant des paiemens qu’Haïti doit aux anciens colons de Saint-Domingue. La chambre, après une discussion assez vive, et malgré l’ingénieuse argumentation de M. Mounier et les sophismes coloniaux de M. le baron Dupin, a rejeté à une forte majorité un amendement qui aurait fondé un précédent aussi insolite en droit public que funeste pour les finances de l’état, et donné à la chambre des pairs l’attitude d’un corps politique voulant s’arroger la seule initiative qui ne lui appartienne pas, l’initiative en matière d’impôts.

À la chambre des députés, la discussion de la proposition Gauguier et celle du projet de loi sur la Légion-d’Honneur ont fait reconnaître, même aux plus incrédules, l’état de désorganisation où se trouve l’assemblée. La discussion, complètement livrée au hasard, n’est plus qu’une grande et bruyante conversation ; c’est le salon avec son laisser-aller, ses propos interrompus, son insouciance un peu volage, et sans les égards réciproques et l’élégance des formes ; c’est la rudesse des assemblées politiques, sans les habiletés de la tactique parlementaire, le sérieux de la lutte et l’importance des résultats. C’est réunir tous les inconvéniens et se priver de tous les avantages. Il ne peut en être autrement. Une assemblée ne peut se passer de direction. Livrée à elle-même, quels que soient les talens qu’elle renferme, quelle que soit l’estime qui est due à chacun de ses membres en particulier, elle n’offrira jamais que le triste spectacle d’une confusion impuissante.

Nul ne dirige, dans ce moment, la chambre des députés. Elle n’accepte ni la direction du ministère, ni celle des notabilités parlementaires. Elle ne veut ni choisir ses généraux ni reconnaître ceux qu’on lui présente. Le ministère, dans son ensemble, ne la satisfait point, et par cela même le ministère se rapetisse de jour en jour, au point que ses amis se croient obligés de lui dire fort crûment qu’ils ont peu de confiance dans sa force et qu’ils ne lui apportent que de tièdes convictions. Les notabilités de la chambre sont encore sous l’influence délétère de la coalition, ou, pour mieux dire, de leur excessive personnalité. Elles ont tellement donné à entendre qu’elles étaient incompatibles les unes avec les autres, que la chambre a fini par le croire, par le croire plus peut-être qu’on n’aurait voulu le lui persuader. Cette incompatibilité est devenue une sorte de dogme politique, et, comme d’un autre côté, il n’y a pas dans la chambre d’homme que la majorité voulût accepter comme véritable et unique chef, tout devient impossible. L’impuissance paraît incurable, et on vit au jour le jour, dans la conviction que le mal empire, que le pouvoir s’abaisse et se discrédite, que les hommes s’enfoncent de plus en plus dans des voies d’où il est difficile de revenir, et qu’en définitive on peut se trouver forcé à une dissolution prématurée de la chambre, dissolution dont personne ne pourrait calculer les conséquences.

Telles sont les craintes des esprits graves, réfléchis. Quant à ces optimistes qui se croient de grands hommes par cela seul qu’ils débitent des quolibets sur les chambres et sur le gouvernement représentatif, et qui voient dans la faiblesse des corps délibérans un moyen de force pour le pouvoir, nous ne pouvons les comparer qu’à de mauvais plaisans qui féliciteraient un artilleur de ne manier que des pièces vides. Sans doute il n’a pas à craindre qu’elles éclatent ou qu’elles reculent sur lui ; mais à quoi peuvent-elles lui servir, si ce n’est à le fatiguer inutilement et à le faire tomber sous les coups de quelques méchans fantassins ?

Nous n’osons pas témoigner l’espoir que cet état de choses ait un terme prochain ; le découragement général est tel qu’il y a une sorte de niaiserie à paraître espérer quelque chose de mieux dans un temps rapproché.


— Le dernier numéro de la Revue contenait un article, sévère peut-être, mais certainement mesuré, sur la comédie de l’École du Monde ; huit jours après, le Messager, qui appartient, dit-on, à l’auteur de cette comédie, ouvrait une série d’attaques directes et même de dénonciations formelles contre M. Buloz, commissaire du roi auprès du Théâtre-Français, et lui reprochait, d’un air méprisant, ses titres mêmes à la fondation de cette Revue. Le rapprochement des dates est fâcheux, ou du moins le serait en un temps où l’on ferait encore quelque attention à ce qu’on appelle bon goût. Quoi qu’il en soit, la presse a de certaines lois et coutumes qui sont assez généralement observées entre ceux de ses organes qui comptent pour quelque chose, et le Messager nous paraît ne pas s’en être douté. Plus le régime de la presse est libre et ouvre un vaste champ à toutes les haines, à toutes les injures, et plus il est du devoir de tous ceux qui veulent s’en servir à bonne et longue fin, d’apporter envers les adversaires, et ne serait-ce que par égard pour soi-même, une certaine modération de ton dont rien ne saurait dispenser. Les vétérans de la presse le savent ; les gens du monde qui s’y trouvent jetés à l’improviste, courent grand risque de sortir de leur rôle et de se laisser surprendre à tout ce qui ne manque pas de les assiéger, Nous n’avons pas à discuter ici la question soulevée par le Messager, en ce qui concerne l’administration et l’organisation même du Théâtre-Français. Mais l’espèce de dédain affiché pour la capacité personnelle et la compétence de jugement de M. le commissaire royal est vraiment plaisante : faut-il donc avoir écrit de médiocres feuilletons ou de fades comédies, pour obtenir de les juger ? On prouve déjà son droit à les rejeter par ce bon sens qui a empêché de les commettre. La Revue des Deux Mondes, tant reprochée à M. Buloz, demeure son titre, comme, dans sa lettre au Journal des Débats du 10 de ce mois, il l’a très bien revendiqué. Fonder, à une époque de dissolution et de charlatanisme, une entreprise littéraire, élevée, consciencieuse, durable, unir la plupart des talens solides ou brillans, résister aux médiocrités conjurées, à leurs insinuations, à leurs menaces, à leurs grosses vengeances, paraître s’en apercevoir le moins possible, et redoubler d’efforts vers le mieux, c’est là un rôle que les entrepreneurs de la Revue (pour parler le langage du Messager) doivent s’honorer d’avoir conçu, et où il ne leur reste qu’à s’affermir.


— C’est jeudi prochain que l’Académie-Française procède à une double élection pour le remplacement de M. Michaud et de M. de Quélen. La curiosité est très éveillée, et demeurera attentive au résultat ; c’est donc pour l’Académie une occasion, qu’elle ne doit pas laisser échapper, de répondre au vœu très manifeste du public, et d’accepter avec franchise les noms que lui indique la sympathie générale. Le fauteuil de M. de Quélen paraît destiné avec toutes sortes de convenance à M. Molé ; celui de M. Michaud revient de droit à M. Victor Hugo. M. Hugo l’obtiendra, nous l’espérons ; mais, si, par impossible, les petites intrigues l’emportaient, l’Académie seule aurait à en souffrir devant l’opinion.

Nous pouvons, on le sait, appuyer M. Hugo en toute sécurité de conscience ; ce n’est pas dans ce recueil que les égaremens et la fatale obstination du poète ont rencontré l’indulgence. Cette sévérité même nous donne le droit de reconnaître plus hautement le talent éminent de l’auteur des Feuilles d’Automne, et de dire que l’heure de sa reconnaissance officielle a sonné. On avait d’abord imaginé, dans le dénuement de concurrens, d’opposer à M. Hugo l’éternelle pétition académique de M. Bonjour. M. Bonjour a un malheur, il ne peut gagner une seule voix, et c’est de M. Duval à M. Jay, de M. de Cessac à M. Tissot, de M. Jouy à M. Lormian, que se promène ce nom bien-aimé. Les chances de M. Bonjour sont donc nulles, et il ne faut pas craindre pour la première classe de l’Institut qu’elle se compromette par un choix qui amènerait logiquement M. Bignan, et par suite tous les lauréats des Jeux Floraux, tous les coryphées des académies de province.

On assure que M. Bonjour a l’appui de M. Scribe. M. Scribe a trop d’esprit ; ce vote est impossible, cela prouve simplement que nous touchons à la Calomnie. Que M. Étienne oublie un instant les charmantes scènes des Deux Gendres, et voie un digne collègue dans l’auteur des Deux Cousines, fort bien ; mais M. Scribe n’est pas de l’empire. Qu’il laisse ses prédilections à M. Dupaty, lequel semble oublier l’aimable quatrain qu’il adressait à M. Hugo le lendemain de sa nomination.

Comme toutes ces petites trames classiques s’ourdissent en faveur de M. Casimir Bonjour, il n’y a pas grand danger. C’est ce qu’ont très bien compris les ennemis plus habiles de M. Victor Hugo, et, pour cela, ils ont fait surgir tout à coup une candidature parfaitement inattendue ; ils se sont dit : — M. Fourier et M. Cuvier, tous deux secrétaires perpétuels de l’Académie des sciences, étaient membres de l’Académie française. Pourquoi M. Flourens n’en serait-il pas à son tour ? — Pour tout homme de sens, la réponse est fort simple c’est que M. Flourens est sans nul doute un très estimable savant, dont personne ne conteste le mérite ; mais ce n’est pas à l’Académie française qu’on extrait des racines cubiques, et Richelieu n’a nullement songé, dans sa création, aux cornues et à tous les appareils de laboratoire. L’universel génie de Cuvier, les admirables pages qu’a écrites M. Fourier, ce grand mathématicien, expliquent, sans les justifier complètement peut-être, les choix précédens de l’Académie, et ne prouvent aucunement d’ailleurs que tous les secrétaires des Sciences aient droit au fauteuil de Corneille et de Voltaire. Pourquoi M. Flourens plutôt que M. Arago ? Pourquoi pas aussi M. Raoul Rochette, secrétaire de l’Académie des beaux-arts ? Comme il s’agit de talent littéraire, l’un vaut l’autre, et les nuances échappent.

Si un secrétaire perpétuel de quelque autre section de l’Institut avait droit de se présenter à l’Académie française, c’était assurément M. Daunou. M. Daunou est un maître dans l’art d’écrire, auquel très peu de plumes, dans ce temps-ci, pourraient le disputer en pureté, en élégance, en élévation. Eh bien ! le vénérable secrétaire de l’Académie des inscriptions laisse le champ libre aux multiples ambitions de M. Flourens. Cette candidature vaut celle de M. Pariset (aussi secrétaire de l’Académie de médecine), que M. Lemercier avait trouvé moyen de mettre en avant autrefois. Ce ne sont donc là que des intrigues assez minimes contre M. Hugo. La seule chose à craindre, c’est qu’à un dernier tour de scrutin les partisans battus de M. Bonjour ne se rejettent sur M. Flourens, sur le candidat que prône M. Delavigne, dans l’intérêt des sciences physiques et pour le plus grand bien de la poésie sans doute. Quant à l’honorable M. Viennet, il est, assure-t-on, dans la plus grande perplexité, et, par haine de M. Flourens (lequel lui avait succédé à la chambre des députes), il finira peut-être par voter pour M. Hugo. Dites maintenant que la politique est toujours déplacée à l’Institut !

Quoi qu’il en arrive, M. Victor Hugo est appuyé par les membres les plus éminens de l’Académie, sans acception de parti littéraire. M. de Châteaubriand et M. Thiers, M. Nodier et M. de Lamartine, M. Cousin et M. Mignet, sont cette fois ses patrons avoués. Sur ce terrain, M. Villemain est même d’accord avec M. de Salvandy. M. Dupin, à son tour, met de côté ses répugnances classiques, et M. de Pongerville aussi soutient M. Hugo avec une spirituelle vivacité contre les épigrammes de quelques-uns de ses confrères. Il faut donc espérer, malgré le départ de M. Guizot, malgré l’absence de M. Guiraud et de M. Soumet, malgré l’inopportune et un peu vaniteuse complaisance de M. Flourens, que l’élection de M. Hugo est assurée ; elle a d’avance la sanction de l’opinion.

Le fauteuil de M. l’archevêque de Paris est bien moins disputé que celui de M. Michaud. L’Académie et les candidats ont compris que les convenances semblaient interdire en cette occasion les tracasseries trop littéraires. M. le comte Molé s’acquittera aussi bien que personne du difficile éloge de M. de Quélen, et on est sûr de dire vrai en ajoutant qu’il tiendra mieux encore sa place à l’Institut par son talent si distingué que par le seul éclat de son nom, comme voudraient l’insinuer les rares partisans de M. Aimé-Martin. M. de Lamartine appuie à peu près solitairement M. Aimé-Martin. C’est là une réponse sans réplique à ceux qui voient un caractère politique dans le choix de M. Molé. Il s’agit si peu de politique, que M. Villemain donnera sans doute sa voix à l’ancien président du 15 avril. Cela serait de bon goût, cela serait spirituel ; cela réparerait un peu les aigreurs de la coalition, et M. Villemain a trop d’esprit, trop de tact, pour ne pas se joindre en cette circonstance à M. Dupin et à M. Thiers.


Le Bracelet, par M. Paul de Musset[1]. — On ne saurait trop s’étendre sur le récit des sentimens, on ne saurait mettre trop de soins à en noter les nuances les plus légères, car il y aura toujours des découvertes à faire dans le cœur humain ; mais le chapitre des sens est connu de tout le monde, et on l’a bien rarement abordé autrement que d’une manière avilissante. — Ainsi parle à un endroit Rodolphe, le héros de ce livre, et il a raison ; il a raison peut-être contre le romancier lui-même, contre l’écrivain spirituel qui lui prête ce langage. Je relèverai d’abord une étrange contradiction. On apprend, à la fin de l’ouvrage, que le héros a écrit ses mémoires, le récit de ses galantes aventures, chez son oncle mourant, lequel va le faire héritier et lui laisser assez d’argent pour dénouer le roman à la guise de l’auteur. C’est vraiment peu généreux, car cet oncle, en définitive, était brave homme et méritait bien qu’on le soignât, au lieu de rédiger en détail, devant un lit de mort, le bulletin de ses propres conquêtes de grisettes et de ses bonnes fortunes d’atelier.

C’est par là que s’ouvre le Bracelet, et cette gaillarde exposition est un peu longue. Cela ressemble assez, je crois, à une conversation d’étudiant en verve qui récite ses prouesses à l’avenant. Sans pruderie donc, on a trop abusé de ces juvenilia de garçon pour qu’on y revienne, et la plume nette et facile de M. Paul de Musset n’eût que gagné, selon moi, à retracer des liaisons de meilleur goût. Pour sauver le récit de pareils hauts faits, il faudrait que la passion s’en mêlât ; mais l’ame est très peu de mise en ces rencontres, et je m’en tiens à l’avis qu’exprimait Rodolphe lui-même, avec un vrai sens des convenances littéraires.

M. Paul de Musset devient plus spirituel et tout-à-fait lui-même en rentrant dans la bonne compagnie. Son héros Rodolphe, fatigué des grisettes et des amours faciles, rêve une affection plus poétique. Un joli bras qui vient chaque jour, de l’autre côté du square et vis-à-vis ses fenêtres, arroser quelque pots de myrtes, lui donne à songer. Il y a là des détails délicats et vrais. Après bien de petites vicissitudes de cœur, Rodolphe fait la connaissance de sa jolie voisine. C’est la femme d’un colonel assez maussade qui pourtant invite le jeune homme et le reçoit.

Comme on suppose, Rodolphe aime Mme Gallemand, qui le plaisante d’abord sur ses aventures ; le jeune homme déclare sa passion croissante, et on le renvoie aux conquêtes aisées ; il fait alors mille folies auxquelles Mme Gallemand, toute raisonnable qu’elle soit, coopère très bien pour sa part. C’est entre autres un voyage fait à Marly exprès pour pouvoir écrire et obtenir des réponses. Quelques-unes de ces lettres sont fines, bien tournées et charmantes. Revenu à Paris, Rodolphe finit par triompher de Mme Gallemand. Je ne veux pas me plaindre de l’absence de moralité de toute cette action. C’est chose reçue en romans. Mais il est difficile d’accepter les longs et particuliers détails de ce dénouement amoureux. Rodolphe ne rêvait-il pas l’idéal tout à l’heure ?

Par malheur, le roman s’arrête là, et on n’est encore qu’au milieu du volume. Aussi, l’action manque-t-elle absolument dans la seconde partie, et la jalousie du colonel n’est pas plus amusante que tous les regards possibles de maris inquiets, car M. Gallemand est bien doux auprès du mari d’Indiana. On attend donc le dénouement un peu trop long-temps ; Rodolphe devient héritier, et l’auteur nous apprend qu’il a fui avec Mme Gallemand, et qu’on le suppose en sûreté au-delà des mers.

Le Bracelet, en résumé, est une bluette aimable, où l’esprit ne couvre pas suffisamment peut-être le défaut d’action, et où il est un peu trop question de jolies confiseuses et de piquantes fleuristes. Toutefois, un style distingué et d’une réelle élégance, des parties gracieuses, de fines observations, me donnent regret d’être sévère. L’auteur de Lauzun a voulu se délasser ; il réussit toujours à plaire ; il prendra un peu plus garde aux moyens une autre fois.



  1. Un vol.  in-8o, chez Magen, quai des Augustins.