Chronique de la quinzaine - 14 mai 1854

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Chronique n° 530
14 mai 1854


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 mai 1854.

Dans un temps comme le nôtre, si fécond en événemens, où les âmes ont eu à passer par tant d’impressions diverses et également puissantes, il n’en restait plus qu’une à subir pour les générations venues depuis l’empire, — la forte et saisissante impression d’une grande guerre, — et celle-là même ne leur est point épargnée ! La paix avait créé tant d’intérêts dont elle avait fait ses complices, elle avait imprimé à l’activité universelle un cours si différent, que, même sous le coup des derniers efforts de négociations devenues inutiles, on n’y pouvait croire, il y a même des esprits qui n’y croient point encore, et cependant les premiers coups de canon dans la Mer-Noire sont venus marquer le terme fatal de cette trêve de quarante années. Jusqu’ici, c’était une guerre déclarée, préparée si l’on veut ; aujourd’hui c’est une guerre commencée, — et, chose étrange, cette paix continentale, que, les récens bouleversemens révolutionnaires avaient laissée intacte, c’est par la main de gouvememens réguliers qu’elle est rompue ! Comment l’Europe en est-elle venue à ce point ? Il n’a fallu rien moins qu’une question de sécurité universelle, et il ne fallait certainement rien moins que cela après les événemens de ces dernières années, après la résurrection de l’empire dans notre pays, pour réunir sur un même terrain, nous ne disons pas encore sur le même champ de bataille l’Angleterre, la France, l’Autriche et la Prusse. Si l’empereur Nicolas eût été moins aveuglé par une pensée fixe, il eût pu voir se former cette solidarité européenne dès la première conférence de Vienne et observer dès lors que derrière la Turquie il y avait l’Occident. Telle est aujourd’hui l’extrémité où il s’est placé volontairement, qu’il est forcé de se couvrir aux yeux de son peuple, en donnant à la guerre qu’il soutient une couleur plus menaçante encore pour l’Europe, en s’armant publiquement de toutes les passions qui rêvent l’assaut du monde religieux oriental contre le monde occidental. « La Russie, dit-il dans son dernier manifeste, déviera-t-elle du but sacré qui lui est assigné par la divine Providence ? La Russie, n’a point oublié Dieu ;… elle combat pour la foi chrétienne… Nobiscum Deus : quis contra nos ?… » Il n’y a qu’un malheur, c’est que le tsar ne fait que ce que font tous les révolutionnaires en se créant un droit supérieur à tous les droits positifs et reconnus. Ce droit positif existait-il en faveur de la Russie ? Non sans doute ; l’Europe a solennellement prononcé sur ce point. Nous savons bien que l’empereur Nicolas ne reconnaît à d’autres que lui l’autorité nécessaire pour décider de son droit, et c’est en quoi justement il imite sans le savoir tous les révolutionnaires du monde.

Les révolutionnaires somment les gouvernemens de se rendre à leurs vœux, et si ces gouvernemens résistent, ils les combattent par l’insurrection, qui est leur genre de guerre, par les conspirations, par toutes les difficultés qu’ils leur suscitent. L’empereur Nicolas somme le sultan de lui céder par traité une portion de sa souveraineté sur onze millions d’hommes, et si le sultan n’y consent pas, il envahit en pleine paix ses provinces, il excite les passions religieuses des populations chrétiennes de l’Orient ; et si l’Europe à son tour intervient pour reconnaître le droit de la Turquie, pour maintenir intact l’équilibre de l’Occident menacé, oh ! alors, il n’y a plus de doute, l’Europe est constituée en flagrant délit d’antagonisme avec la Providence. Que faisait la Russie en organisant il y a quelque temps une légion valaque, — et ici qu’on nous permette d’ajouter que, sur une réclamation du ministre d’Autriche à Saint-Pétersbourg, M. de Nesselrode déclarait que c’était par ordre de l’empereur que cette légion avait été organisée ; — que fait encore aujourd’hui la Russie en envoyant des agens dans le Monténégro, en soldant l’insurrection grecque, si ce n’est mettre en usage tous les moyens révolutionnaires, vainement décorés de ce vernis du droit religieux ? C’est comme si les puissances de l’Occident allaient chercher à fomenter des soulèvemens dans le royaume de Pologne. Jusqu’ici au contraire, à leur instigation sans nul doute, le divan a refusé d’autoriser l’organisation d’une légion polonaise contre la Russie. La vérité est que cette prétendue délivrance des coreligionnaires opprimés dont parle le tsar devient le moins spécieux des prétextes en présence des actes réitérés par lesquels les puissances continentales mettent au premier rang de leurs préoccupations la consécration des droits civils et religieux des chrétiens de l’Orient, et s’il s’agit de leur indépendance, on sait comment l’entend la Russie. Quand l’empereur Nicolas élève le conflit actuel à la hauteur d’une grande lutte religieuse, il sait bien que l’Europe, tout en maintenant le juste ascendant du christianisme occidental, n’a nulle envie d’aller troubler le peuple russe dans ses croyances, ce qui n’est point l’affaire des gouvernemens. Ce que veut l’Europe, c’est contenir et limiter une grande ambition déguisée sous l’apparence de la religion. La lutte qu’elle accepte, elle l’accepte au nom d’un droit positif, au nom d’un intérêt européen, au nom de la civilisation, et elle la poursuit par les seuls moyens que la civilisation autorise, en tempérant lopins possible les cruelles rigueurs de la guerre. N’est-ce point là le caractère du bombardement d’Odessa ? Ce n’est pas même de propos délibéré que les escadres combinées sont allées exécuter cette heureuse et habile opération de guerre : c’est après qu’un bâtiment parlementaire a eu à essuyer le feu du canon russe. Dans l’opération même, la ville a été épargnée ; l’attaque s’est concentrée sur le port impérial sur les établissemens militaires, sur les batteries russes. Dans la Mer-Noire comme dans la mer Baltique, les prisonniers faits sur des navires de commerce ont été rendus. But, moyens, exécution, tout a été en harmonie ; — à leur premier pas dans cette guerre, l’Angleterre et le France n’ont fait que suivre la voie où elles étaient entrées par leurs déclarations sur le commerce des neutres. Là se révèle leur véritable pensée, qui est de se borner aux hostilités nécessaires et de laisser le cours le plus libre possible à tous les intérêts commerciaux du monde. Qu’on remarque d’ailleurs que les déclarations de la Russie sur les neutres n’ont point le caractère libéral des déclarations de l’Angleterre et de la France. Non-seulement le gouvernement russe ne suit pas les deux puissances sur ce terrain, mais il désavoue les principes de son propre droit maritime. C’est ainsi que la Russie déclare de bonne prise tout navire à bord duquel se trouvent des objets de contre-bande de guerre, quelle qu’en soit la quantité, tandis qu’en vertu de ses anciens règlemens et du traité de 1787 avec la France, le navire neutre saisi se mettait à l’abri de toute capture par l’abandon au belligérant des objets illicites. C’est dans ces conditions que la lutte actuelle s’engage entre la Russie et les puissances occidentales. Là où l’empereur Nicolas porte une pensée d’ambition enveloppée d’une sorte de mysticisme religieux, les nations européennes s’avancent, tenant au bout de leur épée un intérêt clair, évident, reconnu par l’opinion universelle. La Russie dispose sans doute de puissantes ressources défensives ; de leur côté, l’Angleterre et la France proportionnent de plus en plus leurs moyens d’action au caractère sérieux et au développement probable de la lutte. Le cabinet anglais vient de demander au parlement une augmentation nouvelle des forces de terre et de mer ; le gouvernement Français vient de décréter la formation de deux camps, — l’un de cent mille hommes à Saint-Omer, l’autre de cinquante mille hommes à Marseille. — imposantes réserves disposées pour tous les événemens.

C’est assurément un des caractères de la guerre actuelle qu’il faille en chercher les élémens sur bien des points, — aux bords du Danube, à Constantinople, à Vienne ou à Berlin, en Epire ou à Athènes. Opérations des armées, rôle des puissances allemandes, insurrection grecque, tout cela se mêle, tous ces élémens ne font que montrer sous ses faces diverses la grande question qui tient l’Europe en suspens. Quel est aujourd’hui l’état de la guerre sur le Danube. L’armée russe ne semble pas avoir porté ses positions au-delà de la Dobrutscha. Elle a borné jusqu’ici ses opérations au passage du fleuve, tandis que d’un autre côté elle évacuait la Petite-Valachie. Le maréchal Paskevitsch est maintenant à sa tête. Quant aux divers engagemens qui ont pu avoir lieu entre les troupes russes et les troupes turques, quant au siège de Silistria, c’est là que commence l’incertitude, que nul des belligérans n’a sans doute envie de faire cesser. Le plan d’Omer-Pacha est probablement d’attendre la présence des armées européennes. À Constantinople, c’est justement dans l’arrivée de ces armées que se concentre l’intérêt le plus actuel. Les troupes françaises et anglaises débarquent successivement à Gallipoli ou à Constantinople même. Un incident sérieux cependant et inattendu semble être venu un instant faire quelque diversion : c’était une difficulté survenue tout à coup entre l’ambassadeur de France, le général Baraguey-d’Hilliers, et le divan au sujet de l’expulsion des Hellènes, suite de la rupture récente entre la Porte Ottomane et le gouvernement grec. Quelle était la pensée de la France ? Ce ne pouvait être évidemment de couvrir de sa protection la présence d’hommes dangereux sur le sol turc, moins encore de transformer une question politique en une question religieuse, en faisant du titre de catholique un motif d’exemption d’une mesure générale. C’est sur l’application de cette mesure aux Hellènes de la religion catholique que s’est produit, à ce qu’il parait, ce malentendu ; il s’est dénoué comme il devait se dénouer, par une transaction toute simple : le divan, en définitive seul juge d’une question de sûreté publique, a désigné nominativement les sujets hellènes autorisés à rester en Turquie, non point essentiellement en vertu de leur titre de catholiques, mais en raison de leur caractère inoffensif. C’est dans ce sens qu’étaient les instructions du gouvernement français, et c’est sans doute pour qu’il ne reste plus aucune trace de cet incident à Constantinople, que le général Baraguay-d’Hilliers a été rappelé. Ce ne pouvait être là au surplus qu’une difficulté facile à aplanir en présence des intérêts sous l’auspice desquels s’est scellée l’alliance de la France et de la Porte Ottomane, intérêts certainement de nature à dominer toutes les complications secondaires et les divergences spéciales.

Au point où la question est engagée aujourd’hui, là n’est pas réellement ce qu’on pourrait appeler le nœud de cette terrible, affaire. Ce nœud, il continue à être en Allemagne, et il est aussi sous un certain aspect en Grèce, où les populations semblent fatalement entraînées à la plus chimérique des entreprises, où on dirait que le gouvernement lui-même cède à une sorte de vertige. Quelle est en ce moment la véritable attitude des puissances allemandes ? A-t-elle changé depuis quelques jours, et dans quel sens se serait opéré ce changement ? À vrai dire, ces questions paraissent étranges, lorsqu’il y a un mois à peine, le 9 avril, les quatre puissances représentées à Vienne signaient un protocole par lequel elles résumaient les seules conditions possibles de la paix dans l’intégrité de l’empire ottoman, dans l’évacuation préalable des principautés, lorsqu’elles manifestaient de nouveau dans sa plénitude le droit européen qui mettait les armes aux mains de l’Angleterre et de la France, et s’interdisaient tout arrangement direct avec la cour de Russie qui ne serait point la solennelle sanction de ces principes. Sans doute le traité signé entre l’Autriche et la Prusse et ratifié aujourd’hui est venu créer un mode particulier d’action pour les puissances allemandes ; mais ce mode d’action lui-même découle du protocole du 9 avril. Comment admettrait-on qu’un autre esprit prévalut à Berlin ou à Vienne ? C’est parce que le sens de ces divers actes n’était pas douteux et indiquait assez une adhésion chaque jour plus sensible à la politique des puissances occidentales, que les partisans de la Russie ont cru le moment venu de tenter un dernier effort pour arrêter ce rapprochement. Dans le fond, l’opinion universelle en Allemagne est fortement prononcée en faveur d’une action commune avec l’Angleterre et la France ; par malheur, il se trouve dans chaque pays un certain nombre d’hommes aux yeux desquels toute la politique allemande se résume dans l’alliance avec le tsar. La question d’Orient est peu de chose pour eux, c’est l’alliance russe qui est leur sauvegarde contre la révolution, et ils ne songent pas que la Russie est en ce moment la première des puissances révolutionnaires.

Ce sont ces influences, peu nombreuses peut-être, mais actives, puissantes, qui se finit sentir, surtout à Berlin, et qui trouvent par momens comme un naturel accès auprès de l’esprit flottant et inquiet du roi. De là cette série de mesures qui se sont succédé en peu de jours, et qui sont devenues une énigme nouvelle pour l’opinion de l’Europe. C’est d’abord le rappel de M. de Bunsen, ministre de Prusse à Londres, dont les sentimens décidés en faveur de la politique de l’Occident n’étaient point douteux. Bientôt est venu le remplacement du ministre de la guerre, du général de Bonin, qui avait eu l’occasion, dans la discussion récente au sujet de l’emprunt, d’exprimer les mêmes opinions. Le prince de Prusse lui-même, qui passe pour incliner vers les puissances occidentales, a quitté son commandement des provinces du Rhin et s’est éloigné. Aujourd’hui c’est à la chute du président du conseil, de M. de Manteuffel, que travaillent les influences russes. Frédéric-Guillaume n’aime pas les opinions qui s’avouent dans la crise actuelle, il a sa politique ; encore faudrait-il peut-être que ce fût une politique et non une velléité perpétuelle qui n’arrive point à être une volonté, — le mirage d’une imagination impressionnable et mobile. Attaché au tsar, non-seulement par de vieux liens politiques, difficiles à rompre, mais encore par des liens de famille, le roi de Prusse est à la recherche d’un moyen de pacification universelle ; c’est certainement le cas ou jamais de le trouver et de l’offrir à la reconnaissance de l’Europe, qui ne nourrit point, on peut l’oser dire, un amour démesuré de la guerre pour elle-même. Si le roi Frédéric-Guillaume ne trouve pas ce moyen, quelle autre issue, reste-t-il que celle de l’action et d’une action efficace. C’est là sans nul doute que sera ramenée la Prusse, et par la puissance des choses, et par le choix du roi lui-même, et par l’intérêt de l’Allemagne. Déjà, on le sait, l’Autriche est plus ouvertement décidée pour la politique de l’Angleterre et de la France ; elle l’eût été plus encore peut-être sans les hésitations de la Prusse et sans la nécessité de combiner ses efforts avec ceux de la cour de Berlin. On ne saurait méconnaître du reste que les intérêts autrichiens sont plus directement en jeu dans les affaires d’Orient que les intérêts prussiens. Il y a pour l’Autriche des nécessités en quelque sorte personnelles d’action qui n’existent point au même degré pour la Prusse. Telle est aujourd’hui l’insurrection du Monténégro, qui est venue répondre aux excitations de la Russie. Le vladika, le chef de ce petit pays, a proclamé à son tour la guerre sainte contre les Turcs, et l’Autriche a, dit-on, donné l’ordre au général Mamula d’entrer dans le Monténégro au premier mouvement d’hostilité. C’est ainsi que par des considérations de sécurité propre, autant que par l’intérêt de l’équilibre de l’Europe, l’Autriche se trouvera inévitablement conduite à un rôle actif et décidé dans les événemens qui se préparent en Orient. En ce moment même, l’Autriche adresse pour son propre compte un dernier appel à la Russie, en l’invitant à fixer la date précise de l’évacuation des principautés, et sa décision dépendra inévitablement de la réponse du tsar. Quoi qu’il en soit, il reste entre l’Allemagne et les puissances occidentales le lien du protocole du 9 avril ; c’est aux circonstances d’en dégager de plus en plus le véritable esprit et les conséquences.

Mais de tous les élémens de nature à compliquer et à embarrasser la crise ouverte en Orient, le plus triste n’est-il point cette étrange et fatale passion qui pousse les populations grecques à une lutte sans résultat possible et à des désastres sans gloire ? Par elles-mêmes, les insurrections de l’Épire et de la Thessalie n’eussent été que des mouvemens sans force et sans durée, s’il n’y eût eu l’évidente et permanente complicité du gouvernement hellénique. Ce malheureux gouvernement semble s’enfoncer chaque jour davantage dans la voie, sans issue où il s’est engagé. Ici, comme dans le Monténégro, quelle est la part de la Russie ? Elle ne saurait être douteuse, d’après le rôle des agens russes répandus dans ces contrées. À Athènes, c’est par des envois d’argent que l’empereur Nicolas entretient l’esprit insurrectionnel. Le cabinet grec reçoit, dit-on, un subside d’un million par mois. Et sait-on le véritable résultat de ces tentatives ? C’est que le royaume hellénique est livré à l’anarchie et au pillage. La piraterie a recommencé à infester les mers de Grèce ; dans l’Épire et dans la Thessalie, de tels excès ont été commis par l’insurrection, que ces malheureux chrétiens qu’on allait délivrer ont dû, sur plus d’un point, faire appel d’eux-mêmes aux autorités ottomanes pour les garantir de leurs étranges libérateurs. En fin de compte, ces déplorables mouvemens n’auront servi peut-être qu’à affaiblir l’intérêt qui s’attacha longtemps au nom de la Grèce et aux efforts de ses populations pour retrouver sinon la gloire d’une race illustre, du moins une civilisation plus élevée et plus régulière. Le gouvernement grec n’aura pas peu contribué à cette déception nouvelle : il y aura contribué en la favorisant. Rien ne peint mieux la position où s’est placé le cabinet d’Athènes que les divers actes diplomatiques qui se sont succédé en quelques jours.

Lorsque le chargé d’affaires de la Porte a signalé les connivences du gouvernement grec dans les insurrections de l’Épire, ce gouvernement n’a trouvé rien de mieux que de rejeter sur la Turquie le tort d’une invasion du territoire grec, et il a adressé sa note aux représentans des puissances protectrices. Toute vérification faite, il s’est trouvé qu’il n’y avait absolument rien de vrai dans cette assertion, et les ministres de France et d’Angleterre ont dû le rappeler avec sévérité au cabinet du roi Othon. Il est certain que le gouvernement grec n’a cessé de méconnaître les représentations que n’ont cessé de lui adresser lu France et l’Angleterre, et non-seulement il les a méconnues, mais il les a dissimulées au pays lui-même ; il a laissé croire aux populations qu’il ne faisait qu’obéir aux inspirations de la politique occidentale. Les chambres elles-mêmes ont été dissoutes sans avoir reçu aucune communication sur l’état réel du pays. Maintenant l’insurrection semble à demi vaincue dans l’Épire. Le camp de Peta, qui était l’un des points disputés, est resté au pouvoir des Turcs ; les volontaires grecs ont été battus et dispersés ou rejetés vers leurs frontières. Le gouvernement hellénique ne semble point cependant abandonner ses projets. Il imagine, assure-t-on, un nouveau plan qui consisterait à réorganiser l’insurrection par une sorte de hiérarchie établie entre les chefs, et à entrer résolument lui-même en lutte avec la Turquie. L’exécution de ce plan serait confiée au général Spiro Milio, grand écuyer de la couronne, fort connu pour ses relations avec la Russie, et au général Vlacopoulos. Le mouvement est partout : à Athènes, les enrôlemens se poursuivent, des députés se dirigent vers la frontière pour ranimer l’insurrection découragée ; il y a mieux, les fugitifs qui rentrent à Athènes sont emprisonnés et forcés de reprendre les armes. Complice secret des insurgés jusqu’ici, le gouvernement du roi Othon devient leur complice officiel et leur chef. Reste à savoir si les puissances occidentales, après avoir vainement représente au cabinet grec le péril de sa politique, resteront inactives en présence de cette phase nouvelle de la question. L’Angleterre et la France ne sauraient évidemment reculer devant des mesures efficaces pour arrêter dès l’origine des complications déjà suffisamment périlleuses. La plus triste erreur des Grecs, c’est de croire que l’intérêt qu’on leur porte peut se changer en connivence, c’est surtout de nourrir une illusion singulière sur leur situation et sur la possibilité de tirer parti d’une crise où tant d’autres intérêts sont engagés. Que la Russie les encourage dans leurs tentatives, cela est tout simple ; elle trouve là des auxiliaires à qui elle a dit d’avance qu’elle ne tolérerait pas l’empire byzantin qu’ils rêvent ; elle reçoit un secours momentané qui ne lui coûte qu’un peu d’argent et quelques circulaires contre l’oppression turque. Mais n’est-il point évident que toute entreprise aujourd’hui ne peut qu’aller contre son but en prenant le caractère d’un acte d’hostilité contre les puissances occidentales, que non-seulement elle va contre son but le plus actuel, — qu’elle peut encore remettre en question tout ce qui existe en Grèce ? Telle est la conséquence d’un choix fatal fait entre les encouragemens, les secours onéreux de la Russie et les sympathies désintéressées de la politique occidentale, qui ne pouvaient manquer de tourner au profit des populations hellènes.

L’Angleterre et la France, après tout, ont assez d’intérêts à sauvegarder dans les hasards de cette crise pour n’avoir point à plier leur politique aux entraînemens d’un gouvernement mal inspiré. En définitive, ce qu’elles engagent dans cette lutte, avec la vie de leurs soldats et les ressources de leurs finances, c’est le développement de leur commerce, la sécurité de leur industrie, une infinité d’élémens de leur situation intérieure respective. Ce que la simple perspective de la guerre a déjà coûté peut laisser pressentir ce que la guerre elle-même coûtera les efforts qu’elle nécessite en armemens de terre, en constructions navales, en préparatifs de toute sorte, donnent la mesure de la gravité de l’entreprise. La France, on le sait, a aujourd’hui trois escadres, dont deux occupent la Mer-Noire et la mer Baltique avec les flottes anglaises ; elle a en Orient une armée de terre dont le chiffre primitif ne peut que s’accroître, et est déjà dépassé sans doute. Comme nous le disions, elle va avoir à Saint-Omer et à Marseille deux camps, dont la force s’élève à cent cinquante mille hommes. Les événemens de la guerre semblent avoir appelé l’attention du gouvernement sur une autre création qui du reste n’eût point indubitablement manqué de se produire, même dans la paix : c’est la création d’une garde impériale rétablie par un récent décret. La nouvelle garde impériale, destinée à former une réserve, se recrutera par d’anciens militaires retirés ou par des militaires arrivés à leur dernière année de service. D’ailleurs les seuls avantages attachés au service dans la garde impériale pour les officiers et les soldats sont dans une tenue spéciale et dans une solde relativement plus élevée. Ainsi se multiplient, se transforment ou s’organisent les forces militaires de notre pays sous l’empire des circonstances présentes. Si quelque chose est de nature à atténuer ce qu’il y a de critique dans ces circonstances pour tous les intérêts et les entreprises dont se compose la vie intérieure, c’est avec l’éloignement du théâtre de la guerre, le soin qu’ont pris l’Angleterre et la France de multiplier les garanties en faveur du commerce. Aussi, malgré l’influence nécessaire et inévitable des événemens, pourrait-on plutôt remarquer quelque amélioration dans la situation matérielle. C’est ce que prouve le dernier compte-rendu de la Banque, qui présente un assez notable accroissement de l’encaisse, — et avec ce retour de l’argent dans les caisses de la Banque a coïncidé une mesure favorable au commerce : la diminution du taux de l’escompte. Au hasard d’imaginer l’impossible, n’est-ce point là ce qui serait désirable, de voir tous les intérêts suivre leur cours ? D’un côté, ce sont les entreprises d’utilité publique à conduire à leur fin ; de l’autre, ce sont les questions législatives à résoudre. Il en est un certain nombre de ce genre dont le corps législatif a été saisi et qu’il étudie, qu’il vote successivement : elles touchent à l’instruction publique, au système postal, qui est l’objet d’une réforme nouvelle, au régime pénal, modifie sur deux points principaux. L’une de ces modifications, on le sait, a trait à la mort civile ; l’autre touche à l’application de la peine des travaux forcés, et n’est que la conséquence de la suppression des bagnes, décrétée en principe en 1852. C’est par des colonies pénales que les bagnes sont remplacés ; déjà il existe une de ces colonies à la Guyane, et la loi ne fait que consacrer le principe de ce système, qui a reçu un commencement d’exécution. Par elles-mêmes, les colonies pénitentiaires où le travail, un travail réel et efficace, se mêle aux rigueurs du châtiment, ces colonies sont certes destinées à remplacer avantageusement ces sentimens de perversité organisées dans les bagnes ; mais quelle sera la situation des condamnés pendant qu’ils subiront leur peine ? quel sera leur régime ? C’est là ce qui est réservé à la décision administrative, qui aura à faire un choix entre les divers systèmes de discipline pénitentiaire. Ce ne sont point les systèmes qui manquent, une fois de plus ils se sont trouvés en présence. Chose étrange, au milieu des faits contemporains, qu’on observe une simple loi pénale : ne peut-on pas y voir comme un relief de toute la vie politique d’un pays ? Suivant les circonstances, suivant la nature des événemens par lesquels passe le pays, la pénalité diminue et se trouve désarmée ou reprend une force nouvelle. Suivant les doctrines des hommes, suivant les influences morales qui règnent dans la société, elle prend une sorte de caractère religieux et terrible, ou elle est considérée comme une sorte de tyrannie à laquelle il faut se hâter le plus possible de soustraire les criminels en les entourant de soins minutieux, presque de bien-être. Allez au fond, c’est le résumé de toutes les luttes morales d’une société.

Quelque puissans et impérieux que soient les faits, quelque place qu’ils occupent dans l’enchaînement des choses, la plus éloquente histoire d’un temps n’est-elle pas dans ce travail des idées et des opinions qui montre le problème de la destinée de l’homme et des sociétés successivement résolu de tant de manières et à des points de vue si divers ? Les faits eux-mêmes ne prennent tout leur sens que rapprochés de ce travail permanent ; ils ne sont rien que le jeu capricieux de la force, séparés de cette partie intellectuelle et morale de l’histoire. Ce n’est point à l’improviste qu’ils font une irruption, parfois quelque peu brutale, dans la réalité ; ils sont souvent préparés longuement et obscurément, et c’est ce qui doit inspirer le plus de crainte aux esprits qui poursuivent quelque action intellectuelle. Par amour de l’humanité, on se met à la recherche de tout ce qui peut adoucir la condition des criminels : — sait-on si le sentiment de la justice n’en sera point affaibli ? On réhabilite par toutes les voies de l’intelligence une époque, une institution, un système : — sait-on ce qui sortira de cette réhabilitation ? On irrite l’imagination publique par des tableaux artificieusement violens, on diffame la société par des peintures injurieuses, et la société elle-même a la faiblesse de s’intéresser à sa propre diffamation : — sait-on si ces fantaisies cruelles ne vont pas devenir tout à coup une réalité palpitante et redoutable ? De telle manière que le mouvement intellectuel est le commentaire des faits, qui sont à leur tour le vivant commentaire des idées. Il y a un lien entre tous ces élémens, dont l’ensemble forme l’histoire d’une époque. Un observateur expérimenté des choses et des hommes résumait récemment, dans quelques pages qu’il appelait une esquisse d’un tableau politique, quelques-unes des principales transformations de notre temps, — la restauration et ses tentatives inutiles, la monarchie de juillet et ses efforts pour concilier la liberté et l’ordre, ces deux glorieuses conditions de toute organisation publique régulière ; la révolution de février et ses catastrophes nouvelles, la résurrection des institutions impériales sur un sol ébranlé ; Mais à travers ces événemens, qui sont toute, une histoire, qui viennent périodiquement marquer une brusque et violente transition, n’aperçoit-on pas la société elle-même dans le mouvement de sa vie morale et intellectuelle, travaillée par toutes les influences, dominée successivement par toutes les pensées et tous les entraînemens ? N’aperçoit-on pas ses instans de lassitude et ses revendications généreuses, ses déviations et ses retours, ses instincts immortels et ses goûts qui passent ? C’est là ce que les faits par eux-mêmes ne disent pas, c’est là ce que la littérature révèle par les tendances qu’elle propage, par l’expression qu’elle donne à toutes ces idées, à tous ces contrastes, où elle trouve, un aliment. C’est plus spécialement le caractère de la littérature politique.

Il y a pour l’esprit littéraire un autre, domaine où il se sent plus à l’aise et plus libre, vers lequel il revient naturellement : c’est celui des mœurs, des passions, des sentimens. La réalité mobile et saisissante, de cette vie intime est l’éternelle source pour les imaginations. L’âme humaine, elle aussi, est une contrée sans cesse explorée, et où il n’en reste pas moins toujours quelque chose à découvrir pour une observation habile et pénétrante. Il y a les mille nuances restées dans l’ombre, les secrets inavoués, les luttes imprévues de la passion, les épreuves viriles, les enchantemens de la jeunesse. Le fond ne fût-il pas toujours neuf, c’est la forme qui le rajeunit et lui donne, un nouvel attrait, — et dans ce domaine même, est-ce que sous le voile de l’imagination il ne se montre pas quelque chose des tendances qui se font jour dans la société ? Ici les instincts d’un goût épuré, les retours d’une raison saine et d’une inspiration honnête, là les corruptions grossières ou raffinées ; — d’un côté, M. Octave Feuillet et les Scènes et Comédies, de l’autre M. Alexandre. Dumas fils et les tristes peintures de ce qu’il appelle la Vie à vingt ans !

M. Octave Feuillet est assurément un des talens les plus distingués et les plus charmans de l’heure actuelle. Analyse pénétrante et vive, verve ingénieuse et aimable, fantaisie gracieuse habilement mêlée à une réalité finement observée, il réunit ces traits divers. Esprit différent de l’auteur du Caprice, assez différent pour avoir son originalité, il est entré dans la même voie, et il y a trouvé la Crise, la Partie de Dames, le Pour et le Contre, la Clé d’Or, toutes ces compositions délicates auxquelles il vient de joindre le Cheveu blanc, l’Hermitage, Dalila. Quel est l’intérêt de ces morceaux ? C’est l’art des nuances, la finesse dans le développement d’une idée juste, dans l’expression d’un sentiment honnête et sain. Ce n’est pas que l’imagination de M. Feuillet n’aime les aventures ; mais ce sont des aventures modérées. Voyez ses héroïnes : il les conduit à travers toutes les péripéties du sentiment et de la passion mondaine ; il se plaît à leur faire jouer de ces parties quelquefois assez périlleuses où heureusement tout finit bien. Entre la chute et la fidélité, qu’y a-t-il souvent ? Un cheveu blanc qu’on aperçoit, et ce cheveu blanc sert de lien à de nouvelles amours plus tranquilles. Ainsi finissent les proverbes de M. Feuillet, qui excelle dans ces conversations élégantes où toutes les grâces de l’esprit servent à débattre souvent les plus délicates questions de conscience, M. Feuillet ne s’est pas toujours borné là, et cet instinct moral qui se laisse voir dans ses proverbes semble prendre une force singulière dans Dalila. Il s’empare d’un de ces types qui par malheur ne sont point une invention : c’est l’artiste faible et vaniteux, avide de luxe et de plaisir, qui se croit d’une espèce particulière, et qui, entre une jeune fille simple et aimante et une femme environnée de tout l’éclat mondain, laisse mourir la jeune fille pour aller épuiser son génie dans la surexcitation d’un amour flatteur pour son orgueil. Ainsi la saine inspiration se dégage, et les libertés de la verve ne font que la rendre plus saillante.

Voyez au contraire ce que M. Alexandre Dumas fils parvient à faire du plus gracieux des sujets, de la Vie à vingt ans ! On imagine peut-être, quelque vive et fraîche esquisse des premières années, avec leurs entraînemens sans doute, mais aussi avec leur grâce. Il n’en est rien. C’est la plus grossière analyse des plus vulgaires corruptions des sens. L’auteur fait presque une anatomie de l’amour sous toutes ses formes, excepté sous la forme seule digne de fixer un esprit bien inspiré, et ce n’est point certes le moins triste spectacle, que celui d’une imagination jeune elle-même se complaisant dans ces peintures dont le sujet ne peut toujours se dire. Crébillon fils peut se passer d’héritiers, et nous ne voyons pas ce que peut gagner le talent de M. Dumas dans cette étrange atmosphère. N’y a-t-il pas d’ailleurs quelque chose de particulièrement choquant à défigurer ainsi cet âge, qui reste pour tous éternellement l’âge de la poésie, des illusions, des enthousiasmes rapides, des idéales passions ? Qu’on nous montre la folie de vingt ans, les amours faciles si l’on veut : tout cela peut avoir sa grâce encore, pourvu que ce soit touché d’une main légère, et que toute cette ardeur première reste comme une rapide évaporation de jeunesse ; mais qu’on ne nous montre pas de si subtils casuistes des sens ! La littérature n’est point encore, ce nous semble, un cours affecté aux cas de ce genre. S’il était vrai que la jeunesse de notre temps eût les précoces corruptions du héros de M. Dumas fils, il n’y aurait rien de bien rassurant pour son avenir. Heureusement il n’en est point ainsi, la vie à vingt ans, même aujourd’hui, se compose de bien d’autres choses ; elle peut nourrir de sérieuses préoccupations et des pensées déjà viriles. Ce n’est point certes non plus dans cet ordre d’inspirations dont le livre de M. Dumas est le fruit que les talens jeunes encore trouveront le secret de se grandir eux-mêmes et de rajeunir l’esprit littéraire de notre temps. Il y a des conditions plus élevées, plus sérieuses, plus dignes d’être poursuivies par toutes les imaginations qui sentent en elles quelque ressort et quelque instinct de l’art littéraire.

L’Europe a ses préoccupations puissantes, peu littéraires aujourd’hui, et ses incidens variés ; le Nouveau-Monde a sa vie propre, ses faits de tout genre qui s’enchaînent et se déroulent sur cet immense théâtre de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud. Les faits ne sont pas toujours dignes de cette scène grandiose : ils sont souvent tristement vulgaires, d’autres fois empreints d’une étrange brutalité. Ce qui leur donne un intérêt particulier, c’est qu’au-dessus de tout, au-dessus des révolutions sans grandeur de l’Amérique du Sud, comme au-dessus de ces suggestions de la force qui sont trop souvent le cachet de la politique de l’Amérique du Nord, il ne cesse d’y avoir ce problème saisissant de sociétés qui se forment et s’élaborent sous nos yeux. De là le caractère des questions qui surgissent et sont l’aliment habituel des préoccupations universelles. Ce sont des territoires à peupler, des industries à créer, des fleuves à transformer en artères de civilisation, des communications à ouvrir à travers les continens. Quelle était une des questions qui s’agitaient récemment aux États-Unis, dans le sénat ? C’était une discussion sur la distribution des terres et sur les avantages à offrir aux étrangers. Les émigrations ont été indubitablement depuis un demi-siècle un des élémens principaux de l’immense accroissement des États-Unis, C’est un élément d’agrandissement, et c’est aussi un élément de péril : malgré ce qu’il y a de puissant dans ce mélange de toutes les raves sur le sol de l’Union, malgré la rapidité avec laquelle toutes les populations étrangères semblent se transformer et entrer pour ainsi dire dans le moule américain, il reste à se demander ce que produira ce travail gigantesque, joint à l’esprit de conquête qui ne fait qu’accumuler les élémens d’incohérence. Il s’est trouvé plus d’une voix dans le sénat pour combattre le système des distributions gratuites des terres et les avantages trop multipliés en faveur d’étrangers qui ne sont pas encore dans le pays, ou qui interviennent souvent dans les affaires publiques. Poser cette question, qui n’est point résolue encore, c’est poser la question même de la civilisation américaine, qui trouve sa force et son péril dans les émigrations, devenues un des faits les plus considérables de notre temps.

La politique au reste compte plus d’un autre incident caractéristique aux États-Unis. L’un des plus récens et des plus remarquables est la discussion du traité Gadsden par le sénat. Le traité Gadsden, on le sait, est celui qui a été négocié, il y a quelques mois, avec le Mexique, qui stipule à prix d’argent la cession aux États-Unis d’une portion assez étendue du territoire mexicain, et qui règle la question de la voie de communication à ouvrir par l’isthme de Tehuantepec. Tel qu’il était sorti de la main des négociateurs, ce traité a été sur le point d’être entièrement condamné par le sénat, malgré les efforts du président, M. Franklin Pierce, et des ministres. Ce n’est qu’avec des qui en modifient les conditions que le sénat a fini par le ratifier dans ses clauses essentielles. Le traité ainsi amendé comprend toujours la cession de territoire, termine la discussion au sujet de la vallée de Messilla, et maintient le droit de transit à travers l’isthme de Tehuantepec. Une somme de 10 millions de dollars devra être payée au Mexique comme indemnité. Ce qui peut en revenir de plus clair à la république mexicaine, c’est de toucher 10 millions de dollars et de se retrouver en paix avec les États-Unis. Un autre fait qui tient en éveil les passions américaines, c’est le traitement qu’a eu à subir à La Havane le vaisseau le Black-Warrior. Le capitaine du Black-Warrior était-il dans son droit, comme le soutiennent les Américains ? Les autorités espagnoles au contraire étaient-elles fondées à lui imposer une amende pour violation des lois de douanes ? C’est là justement la question que les assertions contradictoires du consul des États-Unis à La Havane et du capitaine-général de Cuba ne font que rendre plus incertaine. Mais n’est-il pas évident qu’un tel incident eut eu infiniment moins d’importance sans toutes les passions toujours prêtes à se déchaîner en Amérique dès qu’il s’agit de Cuba et sans les doctrines avouées par le gouvernement lui-même, forcément amené à y conformer sa conduite ? Qu’est-il arrivé en effet ? Avant même que la question ne fut déférée au gouvernement espagnol, le président de l’Union, M. Franklin Pierce, en a fait l’objet d’un message menaçant. Le commodore Newton, qui s’est rendu devant La Havane, a refusé de saluer le pavillon espagnol, tandis qu’on voyait renaître toutes les convoitises disciplinées dans cette société de l’Etoile solitaire, organisée, on peut s’en souvenir, dans la pensée d’arriver à l’annexion de Cuba. Aujourd’hui la solution de cette question, rendue plus difficile par ces circonstances mêmes, dépend entièrement des négociations ouvertes à Madrid par le ministre des États-Unis, M. Soulé. Quoi qu’il en soit, tant qu’elle ne sera point résolue directement entre les deux gouvernemens ou par une médiation, c’est certainement une des difficultés les plus graves, comme toutes celles qui touchent aux relations des États-Unis et de l’Espagne au sujet de Cuba. Et comme il faut qu’au milieu de tout ce mouvement de la vie américaine les excentricités aient toujours leur place, voici que les tables tournantes ont eu leur séance solennelle au sénat. Une pétition rouverte de quinze mille signatures demandait la nomination d’un comité chargé de procéder à une enquête. Les tables tournantes, comme on voit, ont leur merveilleuse fortune. Seulement aux États-Unis l’esprit occulte prend bien d’autres formes qu’une table. Il se manifeste parfois par des lueurs inexplicables ou par des sons mystérieux qui ressemblent à volonté au murmure du vent, au grondement du tonnerre, à la voix humaine ou à un instrument de musique ; d’autres fois il interrompt les fonctions animales, et même il va jusqu’à guérir les maladies les plus incurables. C’est sur ces faits qu’un sénateur, M. Shields, a fait un long rapport qui n’a point laissé d’égayer l’auditoire, et M. Shields a eu la conscience ou la hardiesse d’avouer que l’empire de semblables aberrations dénotait un système défectueux d’éducation ou un dérangement partiel des facultés intellectuelles produit par quelque désorganisation physique, c’est avec cette irrévérence que M. Shields a traité une des merveilles de notre temps. ch. de mazade.

REVUE MUSICALE.
L’ART DE CHANTER, THEORIE ET PRATIQUE, par H. Panofka.

À quoi peuvent servir les méthodes qui ont pour objet l’art de chanter ? Ce n’est pas assurément à faire l’éducation de ceux qui les achètent, car il n’y a rien de plus inutile à l’élève qui veut apprendre à chanter qu’un livre où est exposée la théorie d’un art d’imitation qui vit d’exemples et de bons modèles. En effet, s’il y a une chose au monde qu’on ne puisse apprendre sans un maître qui vous guide, c’est l’art d’exprimer les sentimens du cœur par les modulations savantes de la voix humaine. Comme tout ce qui sert à la manifestation de la vie morale, le chant se compose d’un ensemble de détails matériels et de nuances de sentiment, d’exercices physiques et d’analyse, qu’il est à peu près impossible d’indiquer par des signes. Même en ne s’occupant que de la simple vocalisation qui a pour objet l’assouplissement de l’organe, comment s’y prendre pour éclairer l’élève, sans le concours du maître en personne, sur la manière de filer un son, de le dilater successivement, sans cahots et sans déchirement, d’en former un tout qui ait sin commencement, son milieu et sa fin ? Comment expliquer par la parole abstraite ce que c’est qu’une phrase musicale, quelle est l’importance d’un trait, d’une inflexion et de ces mille petits ornemens qui caractérisent le style et qui doivent orner l’idée mélodique, sans en altérer le caractère ? La difficulté redouble, si l’on s’aventure dans le domaine de l’expression. Une méthode de chant sans un professeur qui la commente, l’explique et la vivifie, est encore plus inutile à l’élève, dépourvu d’expérience que la grammaire d’une langue, étrangère dont on n’aurait jamais entendu prononcer un mot. — Mais alors, répètera-t-on, à quoi peut servir la publication d’un livre sur l’art de chanter ? A donner une idée de l’enseignement du professeur, à présenter un choix de bons exemples aux élèves qui viennent prendre ses conseils.

La première condition pour composer une bonne méthode de chant, c’est d’être soi-même un chanteur exercé. Ici la théorie est presque inséparable de la pratique, et l’une ne peut guère se concevoir sans le concours de l’autre. Il y a sans doute des exceptions à cette règle, mais elles sont rares, et les musiciens qui peuvent enseigner avec succès un art dont ils ne possèdent pas le mécanisme sont des hommes éclairés qui parviennent au même résultat à force de pénétration et de rapprochemens ingénieux. Ce n’est pas à dire que parce qu’on sera un grand virtuose, un interprète éloquent des chefs-d’œuvre de l’art, on possédera aussi les qualités nécessaires à un bon professeur. L’enseignement exige un tact, un goût et un discernement tout particuliers. Il faut savoir dégager la règle générale au milieu des nombreuses exceptions qui l’accompagnent, bien saisir la nature et l’aptitude de chaque élève, afin de le soumettre aux exercices les plus propres à le conduire au but désiré, car toutes les voix et toutes les organisations ne peuvent pas être dirigées de la même manière ; il faut connaître à fond les différentes écoles et la propriété de chaque style, être initié aux secrets de l’harmonie et même à ceux de la composition, avoir fait une étude sévère, de la langue et de la littérature de son pays, sans être complètement étranger à celles de l’antiquité, qui renferment un si riche dépôt d’observations exquises et de vérités éternelles sur tous les arts. En un mot, un professeur de chant doit être un homme d’un goût sûr, éclairé, habile, qui, sans système préconçu, sans étalage d’une science inutile, sache appliquer le petit nombre de principes reconnus, en les modifiant selon la diversité des individus, des pays et des écoles. Semblable à un médecin expérimenté qui sait varier la dose de ses médicamens selon le tempérament de ses malades, un professeur de chant doit mettre dans la distribution de ses conseils une mesure et une variété de procédés que lui imposent la délicatesse et la mobilité des organisations humaines.

Telles sont aussi les idées raisonnables émises par M. Panofka dans l’avant-propos de l’ouvrage qu’il vient de publier. M. Panofka est un homme intelligent, un musicien de mérite, qui, après s’être distingué comme violoniste, a cru devoir abandonner la carrière qu’il avait parcourue avec succès pour s’adonner à l’étude de l’art de chanter, qui a eu toujours de l’attrait pour lui. De nombreux voyages dans les différentes parties de l’Europe, la fréquentation des plus célèbres virtuoses de notre temps, le goût de l’observation et surtout la connaissance du violon, dont le mécanisme a tant d’analogie avec celui de la voix humaine, ont encouragé M. Panofka à consigner dans une méthode le résultat de ses études et de son expérience. Mais pour mieux faire apprécier l’ouvrage de M. Panofka, peut-être n’est-il pas inutile de montrer ce qu’a été pendant longtemps l’art de chanter en France.

Jusqu’au commencement du XVIIe siècle, l’histoire de la musique en France se confond avec celle de toute l’Europe. Excepté les chansons et les romances populaires, dont le tour naïf, tendre et malin témoigne du caractère de la nation qui les a vus naître, il n’y a pas de musique française proprement dite avant le règne de Louis XIV. Les grands contrepointistes belges et français des XVe et XVIe siècles, qui ont tant contribué aux progrès de la partie scientifique de l’art de combiner les sons, n’ont pas de physionomie particulière. Ce n’est qu’à partir du changement que subit la tonalité du plain-chant et de l’apparition de la modulation chromatique, que le caractère individuel de chaque peuple se révèle dans les formes mélodiques.

L’art de chanter avait déjà lait des progrès assez sensibles avant que Lulli vînt lui donner une direction plus large et plus sévère. Sous Louis XIII et pendant la minorité de son successeur, on chantait beaucoup, en s’accompagnant du luth ou du théorbe, les airs de cour à plusieurs parties ou à une seule voix, de Bailly, de Guedron, et particulièrement ceux de son gendre Boesset, qui jouissait d’une grande vogue. Tous trois avaient occupé successivement la place de surintendant de la musique du roi. Il y avait aussi une foule d’airs de danse, comme menuets, bourrées, courantes, sarabandes, gavottes, villanelles, brunettes, que l’on composait d’abord pour des instrumens, et sous lesquels on mettait ensuite des paroles plus ou moins bien appropriées. C’était une imitation de ces canzonette et villote napoletane, qu’on chantait en dansant, pendant le XVIe siècle, en Italie. Tout le monde sait que Lambert, le beau-père de Lulli, fut un maître de chant très estimé, dont l’esprit, le goût et le talent étaient recherchés par les hommes les plus illustres de sonu temps, et faisaient le charme de la cour et de la ville.

Il existe un ouvrage intéressant sur l’enseignement du chant à l’époque de Lambert et pendant la première moitié du XVIIe siècle, — les Remarques curieuses sur l’art de bien chanter et particulièrement pour ce qui regarde le chant français, par M. de Bacilly[1]. Ce Bacilly était un prêtre de la basse Normandie, où il naquit vers 1625. Il vécut à Paris au milieu de la meilleure compagnie, et se fit une réputation par des compositions légères. Son livre prouve que c’était un homme d’esprit, qui avait beaucoup réfléchi sur la musique et particulièrement sur l’art de chanter. Dès le premier chapitre, il donne une très bonne définition de l’art dont il s’occupe, et dans le chapitre dixième, Bacilly énumère quelles sont les qualités nécessaires à un bon professeur de chant, lequel, dit-il, doit avoir de la voix pour se faire entendre, car on n’apprend pas le chant avec des livres ; il faut qu’il sache distinguer le fort et le faible de chaque élève, et qu’il ait une connaissance, approfondie de la langue française. Dans un autre passage fort important, Bacilly traite la question de savoir pomment les paroles doivent se marier avec la musique. Il s’agit ici de l’une des plus grandes préoccupations de l’école française. « . La principale critique, remarque-t-il, qu’on puisse faire d’un morceau, c’est de dire que le chant ne convient pas aux paroles. Il est vrai que la plupart des compositeurs tombent dans ce défaut, soit par ignorance de la langue française, soit pour vouloir trop philosopher et raffiner sur la signification des mots ; car on les blâme souvent mal à propos, et l’on trouve mauvais un air où l’auteur a oublié de mettre des notes élevées sur des paroles qui signifient des choses hautes comme le ciel, les étoiles, ou des notes basses sur les mots terre, mer, fontaine ; en sorte qu’on s’imagine que le chant est mal appliqué aux paroles, s’il n’exprime pas le sens de chaque mot en particulier. » Ces observations de Bacilly sont très curieuses en ce qu’elles nous apprennent que de très bonne heure le goût de la nation tendait à chercher dans la musique bien moins l’expression d’un sentiment que la traduction logique d’une vérité de l’esprit. Sauf la différence des moyens, on peut affirmer que c’est là le principe qui dirige Lulli, Rameau, Gluck, Grétry et toute l’école française. Cette théorie, qui met le respect de la grammaire avant l’émotion du cœur et qui se préoccupe bien plus de satisfaire les susceptibilités de l’intelligence que de soulever les transports de l’âme, forme le caractère de notre système dramatique.

L’œuvre de Lulli, qui vint compléter les merveilles du grand siècle et doter la France d’un art nouveau, confirme la vérité de cette remarque. Dans les opéras de cet homme de génie, la musique n’est qu’un accessoire de la parole, qu’elle suit d’un pas timide sans oser trop s’écarter du sentier qu’on lui a tracé. L’idée mélodique y existe à peine ; elle est courte, mal assise, embarrassée de petites notes accessoires et presque dépourvue de rhythme. Le caractère en est habituellement triste et peu varié. À part quelques chœurs et quelques airs de ballet, un opéra de Lulli n’est vraiment qu’un long récitatif, une déclamation notée, une sorte de mélopée où la musique sert d’enveloppe transparente à la parole. On conçoit que pour interpréter une œuvre pareille, il ne fallait pas une très grande habileté vocale. Lulli n’aimait pas les fioritures d’un certain développement, la succession rapide de plusieurs notes liées ensemble qu’on appelait alors des doubles, et qu’aujourd’hui on nomme roulades, car un jour qu’il faisait chanter par son ténor Boutelou une cantate de Lambert où il y avait de tels ornemens, il dit au virtuose : Gardez les doubles pour mon beau-père, et dites-moi cela simplement. Il parait en effet que le style de Lambert était assez fleuri, et que, dans ses compositions comme dans son enseignement, il imitait la méthode italienne, dont il avait pu étudier l’esprit dans les cantates de Carissimi, de Bassani, et dans les duos de Bononcini, qu’on chantait beaucoup à la cour et dans la haute société avant l’avènement de Lulli et la création du drame lyrique.

Rameau ne fit que continuer le système de Lulli en l’agrandissant un peu par des chœurs, plus nourris et par des accompagnemens plus variés. Sa phrase mélodique est aussi courte et aussi tourmentée, et les opéras de ce musicien remarquable n’ont eu aucune influence bienfaisante sur l’art de chanter. Mlle Fel et Jeliotte, pour lesquels il a composé les principaux rôles de ses ouvrages, n’étaient guère plus habiles que la Rochois et Boutelou, leurs prédécesseurs. C’était toujours la même déclamation pompeuse, parsemée de trilles, de ports de voix et de coulés, qui étaient pour l’oreille ce que le style rocaille est pour les yeux. Cependant le goût et l’art de l’Italie pénétraient encore une fois en France et s’y créaient de nombreux partisans parmi les hommes les plus éclairés de la nation. Une troupe de bouffons qui vint à Paris en 1752, et qui fit entendre les opéras charmans de Pergolèse, de Vinci, de Léo, souleva une polémique bruyante entre les partisans exclusifs de la musique française et ceux de la musique italienne, dont Jean-Jacques Rousseau fut le champion le plus éloquent, si ce n’est le plus impartial. Les fameux virtuoses Farinelli et Caffarelli étaient venus aussi chanter successivement aux concerts spirituels, où ils avaient émerveillé le peu de vrais amateurs qui s’y trouvaient. Enfin Duni, Monsigny, Grétry, inspirés par la mélodie élégante, douce et facile de Galuppi et de ses contemporains, empruntèrent à l’Italie une nouvelle forme de l’art et donnèrent à la France la comédie lyrique. C’est au milieu de ce mouvement de rénovation musicale qu’apparut en 1774 le génie de Gluck.

Que venait-il faire ? Réformer aussi le drame lyrique, où la musique, purgée de toutes les sensualités vocales dont l’avaient surchargée les virtuoses de l’Italie, ne fut plus que l’expression sévère de la passion. Le despotisme des sopranistes et des prime-donne avait empiété d’une manière intolérable sur le domaine de la création, Le compositeur et le poète n’étaient souvent que des espères d’ouvriers chargés de tracer un canevas dans lequel pussent se déployer la fantaisie et les caprices de l’interprète. C’était la subversion de toute vérité et de toute illusion dramatique. Gluck voulut que tous les élémens d’un opéra fussent subordonnés à l’intérêt des situations, et que le chant des muses fit cesser celui des sirènes, selon sa belle expression ; mais, poussé par la contradiction, il exagéra son principe, et, à part les heureuses inconséquences que commit son imagination aussi tendre que gracieuse, et les progrès que la musique avait faits depuis un siècle, on peut affirmer que l’œuvre de Gluck est le développement du système de Lulli et de Rameau. C’est encore de la déclamation plus voisine de la parole que de la musique. Aussi l’art de chanter, en se modifiant un peu, ne fit que changer de défauts, « car M. Gluck, dit un écrivain du temps, en rapportant en France un nouveau genre de musique, a dû changer la manière de chanter. Au lieu de l’exécution fade et languissante qu’on avait avant lui, il en a demandé une ferme et rapide, et on y a répondu par des saccades et des sons heurtés qu’on a fait passer jusque dans le récitatif. On a poussé des cris où il ne voulait que de la force, on a dénaturé le chant pour vouloir le rendre expressif. Nos chanteurs étaient en-deçà du vrai point, l’impulsion que M. Gluck leur a donnée, les a portés au-delà. C’est lorsqu’ils auront saisi le juste-milieu que les Français pourront se vanter d’avoir une méthode. » Cette méthode existe de nos jours : elle est le résultat de l’influence qu’a exercée le Théâtre-Italien depuis l’époque où il s’ouvrit à Paris, en 1789, jusqu’à la fin de la restauration. Le génie de Rossini, en faisant subir une nouvelle transformation à notre musique dramatique, força les chanteurs à faire des études de vocalisation auxquelles on ne les avait pas soumis jusqu’alors.

Il existe un grand nombre de méthodes de chant. Sans parler de celle du Conservatoire, qui a été publiée au commencement de ce siècle, il y a peu de virtuoses et de professeurs un peu célèbres.qui n’aient cru avoir quelque chose à dire de nouveau sur cet art délicat, qui échappe pour ainsi dire à l’analyse. Parmi les ouvrages de ce genre qui ont eu le plus de retentissement, il faut citer la méthode de M. Emmanuel Garcia, frère de Mme Malibran. Dans ce livre intéressant, mais trop systématique, M. Emmanuel Garcia a payé un large tribut à une des manies de notre époque, celle de vouloir tout expliquer et d’embarrasser l’étude des beaux-arts d’une science fastueuse et souvent inutile. M. Panofka n’a pas entièrement échappé à ce travers ; sa méthode se divise en deux parties : la première est consacrée à l’étude physiologique des organes de la voix, subdivisée en différens chapitres qui traitent du son, du timbre, des registres, en donnant de minutieuses indications pour caractériser le genre et l’étendue naturelle de chaque voix. Tout cela est accompagné de pièces anatomiques qui représentent les ressorts matériels qui concourent à la formation du son. La seconde partie traite de la respiration, de l’émission du son, de la manière d’égaliser les registres, et d’une foule d’exercices sur lesquels il est inutile d’insister. Vient ensuite un cahier de vocalisations appropriées à la nature de chaque voix, et l’ouvrage est complété par vingt-quatre vocalises pour les voix de soprano et mezzo soprano.

Il y a beaucoup de choses intéressantes dans la méthode de M. Panofka. Tout ce qu’il dit sur le timbre de la voix, sur l’enchaînement des différens registres, sur les limites naturelles qui les séparent, sur les notes caractéristiques et celles qui servent de transition, est d’un observateur judicieux. Ses vocalises sont écrites avec soin, et les différens exercices destinés à donner à l’organe la souplesse nécessaire atteignent le but que se proposait l’auteur. En somme, l’Art de chanter de M. Panofka est un ouvrage utile que le professeur consultera avec fruit, mais qui ne peut suffire aux élèves inexpérimentés, car, sans un maître qui dirige nos efforts, on n’apprendra jamais il canto che nell’ anima risuona.


P. SCUDO.


V. DE MARS.


  1. Paris, 1668.