Chronique de la quinzaine - 14 mai 1885

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Chronique n° 1274
14 mai 1885


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 mai.


Avant que la lune rousse ait épuisé ses rigueurs, nos chambres françaises ont repris l’autre jour leur travail sans éclat et sans bruit, tout à fait sans cérémonie. Elles avaient quitté, il y a un peu plus d’un mois, le Luxembourg et le Palais-Bourbon, encore tout émues de l’alerte des affaires du Tonkin et d’une crise ministérielle, sans regarder derrière elles, impatientes de partir, comme pour se donner à elles-mêmes le temps de la réflexion et laisser à un nouveau cabinet le temps de se reconnaître, de s’établir au pouvoir; elles sont revenues par les dernières giboulées, avec une provision d’impressions qui ne sont peut-être pas plus riantes que la saison.

Elles ont retrouvé le nouveau ministère, ni plus fort, ni plus faible, ni mieux fixé, ni moins embarrassé, à peu près tel qu’il était le jour où il est né, à la veille des vacances parlementaires ; elles ont retrouvé aussi les lois, les propositions, les projets, tout ce qu’elles avaient laissé en suspens. Elles sont entrées sans ardeur, sans un empressement bien sensible, dans cette seconde phase d’une session qui, pour la chambre des députés, est la dernière étape de la législature. Que vont-elles faire maintenant de ces quelques mois qui leur restent ? Comment va se passer cette fin de session qui est aussi la fin de l’une des deux chambres? Ce n’est point assurément qu’il n’y ait de quoi occuper des assemblées et un ministère qui sauraient employer à demi leur activité. Même en écartant tout ce qui est inutile ou dangereux, comme la prétendue réforme militaire, en sachant se borner à ce qui est le plus pressant, à ce qui ne peut être ajourné, il reste encore évidemment un programme assez complet. Les questions sérieuses, intéressantes ne manquent pas. il y a cette loi des récidivistes qui, depuis deux ans, va du Palais-Bourbon au Luxembourg, du Luxembourg au Palais-Bourbon, dont tout le monde avoue la nécessité pour sauvegarder la sécurité publique et qu’on ne peut réussir à rédiger en termes à peu près acceptables, sur laquelle on arrive péniblement à se mettre d’accord. Il y a la loi du scrutin de liste, qui a été votée par la chambre des députés, que le sénat, à son tour, se prépare à discuter, qu’il corrigera sans doute en partie et sur laquelle il faudra bien s’entendre. A part la loi générale de recrutement qui n’est qu’une œuvre incohérente de secte et qui a fort heureusement bien des chances de rester pour cette année dans les archives, il y a l’organisation de l’armée coloniale qui répond à un intérêt beaucoup plus immédiat et plus pratique, dont nos dernières entreprises ont fait une sorte de mesure d’urgence. Il y aussi une loi sur les sociétés de secours mutuels, une loi sur les incompatibilités parlementaires; il y a surtout le budget, qui est la première nécessité, si on ne veut pas laisser à une chambre nouvelle l’obligation ingrate de commencer sa carrière par les inévitables douzièmes provisoires. Et puis, il y a l’imprévu, les incidens, les surprises, les interpellations, tout ce qui peut être la tentation ou le piège des assemblées; mais quelles que soient les discussions qui vont remplir cette courte session, qu’on étende ou qu’on resserre le programme, il est assez visible que tout est désormais subordonné à une considération unique et exclusive, que tout ce qui se fera sera fait pour les élections et dans l’intérêt des élections.

On expédiera toutes les lois qu’on voudra, on ne les considérera guère pour elles-mêmes en définitive ; on les votera ou on les repoussera en songeant à cette épreuve sur laquelle tous les regards commencent à se fixer, qu’on sait prochaine sans en connaître encore l’heure précise. C’est ce qui domine tout, et à mesure qu’on approchera du terme, la préoccupation sera d’autant plus vive que les circonstances ne laissent pas d’être de toute façon assez sérieuses. En dépit des optimismes plus ou moins intéressés, plus ou moins sincères, on sent vaguement que dans ces élections qui se préparent il y aura de l’inconnu et peut-être quelque chose de décisif, qu’il y a dans tous les cas une crise à traverser. D’un côté, ce scrutin de liste qu’on a tenu à voter, que le sénat sanctionnera sans nul doute, change évidemment les conditions électorales, crée une situation toute nouvelle, et peut réserver de singulières surprises en se prêtant à des combinaisons d’influences inattendues, à toutes les évolutions d’opinion ; d’un autre côté, il est certain que députés, partis, gouvernement, républicains de toutes nuances qui ont régné depuis quelques années et qui ne vont plus être que des candidats, iront aux élections avec la lourde responsabilité des mécomptes, des épreuves, des malaises qu’ils ont infligés au pays par leur politique. Ce sera au pays à se prononcer souverainement, à juger les députés sur ce qu’ils ont fait, à se servir au besoin de l’instrument nouveau qu’on remet en ses mains. Que cette chambre, qui s’est réunie l’autre jour avec le sentiment de sa fin prochaine, continue donc le travail qu’elle vient de reprendre et qu’elle aille, fatiguée, distraite, préoccupée, jusqu’au bout de ses œuvres, la question commence à changer de face ou à se déplacer ; elle sera désormais à peine au Palais-Bourbon. A côté de cette session dernière d’une assemblée qui n’a plus que quelques mois à vivre, il y a ce qu’on pourrait appeler la session extérieure, qui va se dérouler dans le pays : formation de comités, préparation des candidatures, discussion des programmes, négociations entre les partis, combinaisons des listes. Ce n’est pas précisément encore l’agitation, la mêlée bruyante et violente, c’est le prélude de l’action électorale qui se dessine. Déjà, dans tous les camps, on commence à s’organiser et à préparer ses armes. Conservateurs, républicains modérés, opportunistes, radicaux prennent leurs positions. Dans quelques départemens, notamment à Versailles et à Caen, dans quelques autres villes, des comités se sont formés; il y a eu des réunions, des discours et des manifestes. On n’en est encore, sans doute, qu’à ces préliminaires de la prochaine bataille. Tels qu’ils sont cependant, ces simples préliminaires ont un avantage : ils sont un premier indice ; ils révèlent les craintes, les espérances, les tactiques des partis, comme aussi ils laissent entrevoir les difficultés qu’il y aura vraisemblablement, dans tous les camps, à s’entendre sur un système de conduite, à choisir et à préciser le vrai terrain de combat. Dans quelle mesure et dans quels termes, par exemple, s’opérera cette « concentration des forces républicaines » que le nouveau ministère a inscrite dans son programme? Comment se réalisera cette union que les tacticiens du parti considèrent comme une condition de succès, en dehors de laquelle ils ne voient que périls pour le régime?

Rien n’est certainement plus facile que de prêcher la paix aux groupes discordans, de démontrer aux républicains de toutes les nuances davantage de se rapprocher, de se confondre sur les mêmes listes en oubliant leurs divisions et en simplifiant leurs programmes, en ne prenant d’autre mot d’ordre que le nom de la république. Il s’agit toujours de savoir de quelle république on parle, si c’est la république telle qu’on l’a faite depuis quelques années, si on entend demander au pays de ratifier et d’encourager par un vote nouveau la politique républicaine qu’on a suivie dans ces derniers temps et qui a si bien réussi. C’est là justement la question délicate et embarrassante pour les maîtres d’aujourd’hui qui veulent rester les maîtres de demain. C’est, au fond, la vraie question que M. Ribot a exposée il y a quelques jours dans une réunion d’une petite ville du Pas-de-Calais, à Saint-Pol. M. Ribot est un des hommes sérieux et écoutés de la chambre; il a de l’autorité par sa parole; il est resté le représentant des idées sages dans une majorité qui ne sait guère ce que c’est que la sagesse des idées. Il a aujourd’hui le mérite d’avoir fait un des premiers son programme, le programme de la république modérée, dans son discours de Saint-Pol. La question électorale, telle qu’elle va se débattre entre les partis, en est-elle beaucoup plus claire et surtout plus avancée? C’est ce qu’on peut encore se demander, tout en souhaitant le succès à un si généreux effort.

Assurément ce discours de Saint-Pol est d’un orateur expérimenté et habile, qui sait ce qu’il dit et ce qu’il veut dire; il est plein d’intentions honnêtes et de jugemens sensés. Il retrace avec autant de mesure que de justesse les fautes, les violences, les imprévoyances de la politique républicaine, pendant ces dernières années. Le discours de Saint-Pol est une critique avisée de ce passé d’hier et un sage programme pour l’avenir. Il n’y a qu’un malheur, M. Ribot, comme bien des hommes d’un groupe dont il est un des orateurs, semble toujours craindre de se brouiller avec la république, d’être traité en simple réactionnaire, en monarchiste déguisé, et pour sauver son orthodoxie, il se croit tenu à faire des concessions, des déclarations un peu banales. Rien de mieux, certes, que de croire à la république, puisque la république existe, et de s’efforcer de l’améliorer; mais c’est une singulière illusion, on l’avouera, d’attribuer à la république des titres et des privilèges que les autres gouvernemens n’ont pas eus, de la proclamer, dès ce moment, définitive et durable, de la représenter comme « le terme logique de ce travail qui s’est fait depuis un siècle dans les esprits... » Mon Dieu! tous les régimes depuis un siècle ont eu la même ambition; ils ont tous cru qu’ils seraient définitifs, éternels, qu’ils étaient nécessaires, et ils avaient plus ou moins des raisons de le croire. La première république, pour assurer son éternité, a supprimé tout ce qui rappelait le passé, tout ce qui lui résistait, et elle n’est pas moins morte à la fois « dans le sang et dans l’imbécillité! » L’empire s’est donné comme le couronnement définitif de la révolution pacifiée, organisée, décorée de gloire, — et il a péri. La restauration elle-même a pu penser qu’elle venait mettre fin à toutes les épreuves, en donnant à la société moderne, désormais constituée et garantie, la force des traditions renouées. La monarchie de juillet est venue, et cette fois pour sûr on avait la grande transaction attendue, la véritable alliance des traditions conservatrices et des idées modernes. La monarchie populaire, consentie, c’était le dernier mot de l’histoire, d’éminens philosophes-historiens l’ont dit et l’ont prouvé. —Et puis on a recommencé à tourner dans le même cercle de vaines tentatives et de prétentions chimériques. La vérité est que tous les régimes ont été jusqu’ici, à tour de rôle, le dernier mot de l’histoire, le a terme logique du travail du siècle ; » ils ont tous cru pouvoir fixer à leur profit la marche des choses, jusqu’à ce que la réalité soit venue prouver qu’il n’y a pas de gouvernement qui puisse se flatter d’être une nécessité permanente et invariable. La république n’a pas de privilèges particuliers, elle est comme tous les autres gouvernemens. Elle peut vivre si elle suffit aux intérêts du pays; elle ne sera sûrement pas sauvée par le fétichisme d’une majorité ou de ceux qui parlent en son nom, elle n’échappera pas à la loi commune, si les républicains continuent à la compromettre, à la déconsidérer par leurs fautes et par leurs excès. M. Ribot est un esprit trop éclairé pour s’abuser lui-même, et si, pour faire plaisir aux républicains, il représente la république comme le seul régime nécessaire et définitif, c’est sans doute afin de se mettre plus à l’aise et de se donner le droit de mieux montrer comment elle peut périr en dépit de son éternité.

Il y a un autre point sur lequel M. Ribot, probablement par prudence, se croit obligé à quelques concessions aux préjugés et aux passions de parti. Le brillant orateur de Saint-Pol ne veut pas être soupçonné d’avoir des connivences avec les oppositions conservatrices. Il consacre une bonne partie de son discours à traiter assez durement ces malheureux conservateurs, ces réactionnaires qui se coalisent « pour détruire et non pour fonder, » qui se préparent à livrer un nouvel assaut à la république. Il a même quelques paternelles sévérités pour cette masse de conservateurs plus calmes, moins irréconciliables, qui ont paru un moment vouloir se rattacher à la république et qui depuis quelque temps se refroidissent, hésitent, « tournent même parfois leurs regards indécis vers les monarchies qu’on leur représente comme le remède suprême à tous les maux. » M. Ribot ne se dissimule pas que cette opposition conservatrice croissante est un danger pour la république, qu’elle est surtout une cause de faiblesse pour les républicains modérés qui auraient eu grand besoin d’un tel appui. C’est évident, et ici encore il faut rester dans la vérité. Oui, certainement, les conservateurs qui, sans être irréconciliables, rentrent par degrés dans l’opposition, auraient pu être une force précieuse pour la république, et des politiques prévoyans auraient dû mettre leur habileté à s’assurer leur appui.

Il y a eu un moment où ces conservateurs sérieux, désintéressés, qui forment la masse la plus solide de la nation, ne demandaient pas mieux que de se rallier, de se prêter à l’établissement d’un régime équitable et sensé, garantissant les grands intérêts publics, l’ordre et la paix dans le pays; ils se sont offerts, ils ont même quelquefois donné leurs votes. Ils se sont refroidis depuis, c’est bien certain, et, en s’éloignant, ils emportent tout ce qu’ils auraient pu assurer de force et de stabilité à un régime nouveau; mais s’il en est ainsi, à qui donc la faute? Est-ce que les conservateurs eux-mêmes ont pris l’initiative de cette rupture, de cette scission par une fantaisie d’hostilité renaissante? Est-ce qu’ils ont obéi à quelque mot d’ordre de guerre venu on ne sait d’où, aux propagandes monarchistes? C’est, en vérité, la politique républicaine elle-même qui a mis tout son zèle à les décourager et à les irriter ; elle n’a cessé depuis quelques années de les troubler, de les froisser dans leurs sentimens, dans leurs croyances, dans leurs intérêts, dans leurs besoins de sécurité, avec tout ce système de persécutions, de guerres religieuses, de gaspillages financiers, d’expéditions lointaines. On a tout fait pour les aliéner et les repousser dans l’opposition ; on a préféré à leur concours l’appui des radicaux, et on est arrivé à créer cette situation assez étrange où des hommes qui prétendent fonder des institutions, un gouvernement, ont réussi à mettre contre eux tous les élémens vigoureux et solides, les forces conservatrices du pays.

Voilà la vérité telle qu’elle apparaît! M. Ribot, avec sa raison sérieuse, ne peut pas s’y méprendre; il sait bien d’où est venue cette évolution d’opinion qui l’inquiète, ce qui pousse les conservateurs dans l’opposition ; il signale lui-même les fautes de la politique républicaine qui ont eu ce dangereux résultat, et quel moyen a-t-il de remédier à un mal dont il ne méconnaît pas la gravité? Franchement, on ne voit pas bien quelle position il veut prendre entre l’opposition qu’il combat, en reconnaissant ses griefs, et la majorité qu’il suit, tout en jugeant sévèrement ses actes. Il blâme les conservateurs de se détacher de la république; il les presse plus que jamais de se rallier, de prêter leur force aux modérés républicains, et il ne s’aperçoit pas qu’il offre à ces malheureux conservateurs de courir une aventure assez équivoque, de se livrer sans garanties, puisque les modérés républicains ont été mêlés à tout ce qui s’est fait depuis quelques années et qu’ils n’ont pu rien empêcher : ils n’ont été que les spectateurs impuissans d’une représentation parlementaire où on leur a demandé quelquefois leurs votes, sans s’inquiéter de leurs conseils.

Eh bien ! à parler franchement, il faut être modéré, il ne faut pas être dupe, et depuis quelques années, les modérés républicains ont joué fort honorablement, mais inutilement le rôle de dupes. Tant qu’on a cru avoir besoin d’eux pour établir la république, pour l’accréditer dans le pays, pour rassurer les opinions et les intérêts conservateurs, on les a ménagés, on les a même flattés; on leur a laissé la place d’honneur dans les premiers ministères républicains, et on ne s’est pas trop hâté de franchir la limite de la politique de modération qu’ils représentaient. Dès qu’on a cru pouvoir se passer d’eux, on les a sans façon mis à la retraite; on a paru les considérer comme des hommes de talent qui avaient fait tout ce qu’on leur demandait et qui ne répondaient plus aux circonstances. Les républicains ont voulu régner seuls. Bans partage avec leurs idées, avec leurs passions, avec leurs préjugés, avec leurs fanatismes, et c’est ainsi que le pouvoir est allé en quelques années de M. Dufaure à M. Brisson et à M. Allain-Targé, en passant par M. Waddington, par M. Jules Ferry, par M. Gambetta lui-même. C’est la vraie domination de l’opportunisme accompagné et mêlé de radicalisme ; c’est ce règne reconnaissable à ces traits caractéristiques : politique des vexations et des persécutions religieuses, politique des représailles de parti contre la magistrature, politique des entreprises ruineuses et des prodigalités financières, politique des concessions complaisantes à l’esprit de faction et de désorganisation. M. Ribot veut bien assurer que la république a donné l’ordre matériel à la France : cela prouve que depuis longtemps le pays est plus sage que ceux qui le gouvernent, — et un peu aussi peut-être que les agitateurs n’ont pas besoin de mettre le désordre dans les rues puisqu’ils ont au moins en partie ce qu’ils demandent. L’illusion des modérés, dans cette phase nouvelle et accentuée de la république, a été de croire qu’ils comptaient encore parce qu’ils étaient dans le parlement, dans les commissions, parce qu’ils faisaient quelquefois de savans rapports et souvent d’éloquens discours; en réalité ils n’étaient rien, ils se sont trouvés fondus dans une majorité où ils ont moins d’influence décisive que les radicaux.

A quoi leur a-t-il servi d’avoir été les vrais fondateurs de la république, d’avoir préparé l’opinion à accepter le régime nouveau? Ils ont été bientôt dépassés, ils sont depuis longtemps à peine écoutés; ils sont même assez souvent l’objet des équivoques railleries des radicaux et des opportunistes, qui les traitent comme des revenans d’un autre monde, ou qui feignent de ne les accepter que comme des alliés peu gênans dont on aura toujours raison. Ils n’ont pas fait le mal assurément, ils l’ont désapprouvé, ils en ont gémi plus d’une fois ; ils n’ont pas pu le détourner, et ne pouvant l’empêcher, ils l’ont subi au risque de se voir enveloppés, sans le vouloir, dans de compromettantes solidarités. Ils ont eu une faiblesse, une obsession qui les a souvent arrêtés au moment d’un scrutin : ils ont craint de paraître se séparer de la majorité et faire cause commune avec l’opposition. Voter avec les monarchistes, c’était s’exposer à être accusés de défection ! De sorte que les modérés se trouvent plus que jamais aujourd’hui dans la plus singulière des positions, entre les conservateurs dont ils partagent souvent les idées, les sentimens, mais avec lesquels ils se croient obligés d’être en guerre, et les républicains de la majorité dont ils blâment les excès, les violences, mais dont ils ne peuvent se résoudre à se séparer. Voilà ce que nous appelons jouer un rôle de dupes et se réduire à une véritable impuissance! C’est là évidemment une situation fausse où un parti sérieux ne peut pas se laisser enfermer. Par elle-même la politique des modérés de l’ancien centre gauche a sans nul doute sa valeur; elle a ses traditions, sa raison d’être, et elle est probablement la seule qui puisse relever le crédit de la république en réparant les fautes les plus criantes des républicains. Elle répond aux opinions, aux sentimens moyens d’un pays qui craint toujours instinctivement les extrêmes ; mais elle ne peut retrouver, dans tous les cas, son autorité et son efficacité qu’à une condition : c’est que les modérés se décident à être eux-mêmes, à se dégager de toutes les équivoques et des complicités onéreuses, à n’avoir pas toujours l’air de craindre de se rencontrer avec les conservateurs, quand ils pensent comme eux, et de se séparer d’une majorité dont ils désavouent les passions et les excès. Ils n’auront plus, dira-t-on, aucun moyen d’exercer leur influence modératrice sur cette majorité, d’essayer de l’éclairer, de la ramener ou de la retenir; ils ne seront plus qu’une petite minorité perdue dans le parlement. Peu importe ; ils ne seront qu’un petit nombre, mais ils sortiront de cette incohérence, ils soutiendront leur cause sans s’égarer dans de vaines tactiques. Ils porteront devant le pays le drapeau du libéralisme modéré sans avoir à compter perpétuellement avec de compromettans alliés, et d’ailleurs ils ne peuvent plus se faire illusion. Cette influence modératrice, qu’ils se flattent encore d’avoir, quel moyen ont-ils de l’exercer, lorsque jusqu’ici ils n’ont pu réussir à la faire prévaloir?

Les conseils que distribue M. Ribot ont certainement un grand prix et pourraient être fort utiles s’ils étaient écoutés. — Il faut « se dégager de toute préoccupation de parti et se placer au point de vue supérieur des intérêts de la France... « Il faut « créer un gouvernement national qui fasse l’apaisement, qui soit le gouvernement de la France et non le gouvernement d’un parti... Il faut fermer au plus vite cette question religieuse si imprudemment laissée ouverte... Il faut mettre résolument de côté tout ce qui est en quelque sorte le fatras de la politique révolutionnaire,.. tout ce qui divise et tout ce qui irrite, tout ce qui fausse la politique et la jette dans les chemins violens... » Rien certes de plus juste et de mieux pensé. Il n’y a qu’un malheur, c’est que les républicains que M. Ribot se propose de rallier à son programme, qu’il a besoin de convertir, ne semblent guère pour le moment s’inspirer de ces sages conseils. Tandis que le brillant orateur de Saint-Pol parle en homme prudent et prévoyant, les républicains du parlement poursuivent plus que jamais leur œuvre de secte. Déjà, dans le dernier budget, ils avaient diminué sans réflexion et sans mesure, pour satisfaire leurs passions, les crédits de quelques-uns des plus importans services des cultes; ils avaient notamment presque supprimé la dotation de cette église d’Afrique, qui remplit un rôle national autant que religieux, pour laquelle M. le cardinal de Lavigerie est obligé de s’adresser à la générosité publique. Les voilà aujourd’hui reprenant avec une ardeur nouvelle cette intelligente guerre aux cultes, aux influences religieuses; ils ont recommencé à chercher dans le nouveau budget comment ils pourraient diminuer encore les crédits des services ecclésiastiques, et un moment, à ce qu’il paraît, dans la commission du budget, il n’aurait été question de rien moins que d’examiner, d’accord avec le ministère, des mesures destinées à préparer l’abolition définitive du concordat, la séparation de l’état et de l’église. Voilà certainement ce qui peut bien s’appeler travailler à maintenir et à protéger la paix publique, « fermer cette question religieuse si imprudemment laissée ouverte ! »

On éprouve le besoin d’enflammer les passions, d’ajouter au trouble des consciences, de déchaîner une guerre sans fin, et comme, dans cette étrange campagne ouverte depuis longtemps par l’esprit de secte, il faut que le comique se mêle à la violence, le conseil municipal de Paris se met naturellement de la partie et entre en scène. Il s’est trouvé un conseiller municipal fort inconnu qui, dans un prétentieux et facétieux rapport, s’est appliqué à démontrer comme quoi « la laïcisation de nos rues, qui est une œuvre déjà largement commencée, doit être achevée. » C’est, à ce qu’il paraît, l’œuvre municipale la plus urgente, avec les emprunts destinés à poursuivre la transformation de Paris, Il faut donc « laïciser » nos rues, nos boulevards, nos avenues, et l’intrépide réformateur laïcise ! il va à travers la ville, effaçant au coin des rues « les noms des saints et saintes qui sont encore trop nombreux. » Il y a quelques-uns de ces noms, Saint-Severin, Saint-Eustache, Saint-Sulpice, etc., qui sont réservés ou épargnés parce qu’ils sont naturellement destinés à disparaître « lorsque les édifices religieux recevront une destination nouvelle par suite de la séparation des églises et de l’état et de la suppression du concordat, qui remettront la commune de Paris en possession de ses biens. » Il y a aussi des noms qui résistent à la laïcisation; il y en a avec lesquels on se croit tenu à de la diplomatie. On fait ce qu’on peut. On ne veut pas déposséder tout à fait saint Vincent de Paul de sa rue; on lui ôte son titre de saint, on lui laisse sa rue, sous prétexte qu’il appartenait à l’humanité avant d’appartenir à un ordre religieux. Avec la sœur Rosalie, cette héroïne de la charité qui a donné son nom à une rue, on procède par un détour: on la dépouille de son nom de religion, on lui rend son nom de famille, Marie Rendu. Les noms de M. Deguerry, de M. Darboy, doivent disparaître parce que ce sont des « noms de combat, m — heureux euphémisme pour désigner les victimes d’un effroyable meurtre ! Mais là où le réformateur municipal est tout à fait comique sans le vouloir, c’est lorsqu’il se trouve en présence de noms de villes comme Saint-Pétersbourg ou de noms comme ceux de Saint-Simon, de Sainte-Beuve. Pourquoi donc ne les laïcise-t-on pas ? On a une variété d’explications pour tous les cas. Qu’est-ce qui sauve de l’hécatombe de la laïcisation la place Sainte-Opportune? C’est le dernier mot du grotesque: c’est parce qu’on tient compte à la sainte de « l’influence de son nom sur la politique française pendant de longues années. «Voilà la politique opportuniste placée sous l’invocation d’une sainte ! Et dire pourtant qu’une ville comme Paris, qui résume :;out ce qu’un grand pays a de lumières, de supériorités, de puissances intellectuelles, financières, industrielles, est ainsi représentée ! Dire que, dans une assemblée quelconque, fût-ce un conseil municipal, il peut se trouver des hommes qui livreraient la France à la risée du monde, si l’étranger lui-même pouvait prendre au sérieux ces imaginations grotesques, si on ne savait pas qu’il y a une autre France que celle de l’Hôtel de Ville de Paris!

Il faut revenir aux choses sérieuses, et au premier rang des affaires sérieuses qui intéressent le monde est certainement ce différend anglo-russe, qui depuis quelques semaines a mis à une si dangereuse épreuve les relations de deux grands empires et peut-être aussi la paix universelle. Un moment la question a paru si aggravée, si envenimée qu’on a pu se croire à la veille d’une rupture définitive, d’une guerre dont on ne prévoyait ni les proportions ni les conséquences. L’incident même qui avait été le prétexte ou l’occasion du différend, ce combat de Penjdeh livré par les Russes aux Afghans, disparaissait presque; ce qu’il y avait de redoutable, c’était l’excitation qui régnait dans les deux pays, cette sorte de passion aveugle qui semblait mettre fatalement aux prises deux grandes nations, et le langage irrité, menaçant tenu par le chef du cabinet anglais, par M. Gladstone, dans la chambre des communes, n’avait pas peu contribué à laisser croire à un choc presque inévitable. De toutes parts on se préparait, on se mettait sous les armes comme s’il n’y avait qu’un dernier mot à dire pour ouvrir la guerre. Aux colères bruyantes de l’Angleterre la Russie opposait une attitude froide et résolue. Les négociations devenaient évidemment difficiles entre deux gouvernemens engagés par toutes leurs susceptibilités militaires, par leur orgueil comme par leurs intérêts. Tout semblait se disposer pour un conflit qu’un incident imprévu pouvait précipiter, lorsque, fort heureusement, par une volte-face subite, par un dernier mouvement de sagesse et de conciliation, tout s’est apaisé! On s’est expliqué de plus près sans doute ; on est revenu à des procédés moins violens, moins acerbes de diplomatie, et cette redoutable affaire est rentrée dans une voie au bout de laquelle il y a, sinon la paix assurée et définitive, du moins quelque arrangement possible, un antagonisme momentanément atténué, une guerre terrible ajournée.

Que s’est-il donc passé? Comment s’expliquer cet heureux et soudain apaisement? La Russie n’a certainement rien fait pour envenimer la querelle, pour précipiter un conflit auquel, à vrai dire, elle semble depuis longtemps toute préparée; elle est restée silencieuse et réservée, prête à accueillir toutes les propositions acceptables jusqu’au dernier moment. Les Anglais, de leur côté, après avoir exhalé leurs colères et leurs ressentimens, n’ont pas tardé probablement à réfléchir. L’Angleterre a certes le sentiment énergique des intérêts qu’elle a toujours à défendre en Asie pour la sauvegarde de son empire des Indes, et, en grande puissance qu’elle est, elle n’entend pas livrer ces intérêts ; mais, ce qui est très possible, ce qui est même vraisemblable et apparent, c’est que le cabinet de Londres, revenu d’une première émotion, a dû voir qu’il était allé un peu vite au lendemain du combat de Penjdeh, qu’il s’était trop hâté de prendre feu, de confondre la question de la frontière de l’Afghanistan, qui est toujours la principale, et la question de l’incident militaire survenu si malencontreusement. Il s’est aperçu qu’il faisait fausse route en mettant assez brutalement en cause la bonne foi du cabinet de Saint-Pétersbourg dans l’interprétation des engagemens du 17 mars et en demandant presque impérieusement au gouvernement russe ce que celui-ci ne pouvait pas lui accorder, une enquête sur la conduite de ses généraux devant Penjdeh. La question était évidemment mal engagée, c’est ce qui avait tout aggravé. Le gouvernement anglais l’a vu et, plutôt que de s’engager par emportement, par obstination dans une guerre redoutable, il n’a point hésité à s’arrêter, à revenir à demi sur ses pas. Il est même allé un peu vite dans son retour, il s’est abstenu d’insister sur ce qui avait éveillé les susceptibilités russes, et, dès que l’affaire d’honneur était écartée, tout devenait facile. On s’est mis aussitôt à négocier sur cette éternelle délimitation, qui est même déjà réglée, — à peu près à la satisfaction de la Russie, — et on s’est entendu pour charger un arbitre, qui n’est pas encore désigné, qui ne le sera peut-être jamais, de prononcer non sur la question de la conduite des généraux du tsar, mais sur l’interprétation des engagemens du 17 mars. La paix, sans être absolument assurée, est donc redevenue à peu près vraisemblable, et, au fond, l’Angleterre est satisfaite de n’avoir pas à subir une telle guerre; mais si la question extérieure est presque résolue, M. Gladstone va sûrement avoir à répondre, dans son parlement, à de redoutables attaques, et pour ses précipitations du premier moment, et pour les concessions qu’il fait aujourd’hui, au risque de compromettre la situation de l’Angleterre en Asie.

CH. DE MAZADE.


LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

L’acceptation par la Russie de la proposition d’arbitrage a sauvé les marchés financiers d’un véritable désastre. Pendant toute la dernière semaine du mois, la guerre avait paru inévitable. On avait vu les fonds d’état fléchir à mesure que s’évanouissaient les chances d’un arrangement pacifique. Les Consolidés étaient tombés à 95, les Fonds russes à 84, le Hongrois à 76, le 3 pour 100 français à 77, le Turc à 15, l’Unifiée à 295, la Banque ottomane à 500, le Suez au-dessous de 1,900, le Crédit foncier à 1,300. Mais la modération du gouvernement russe permit au cabinet Gladstone de trouver le moyen de faire accepter au parlement anglais les concessions reconnues nécessaires pour le maintien de la paix. Personne, dès lors, ne voulut plus croire à la possibilité de cette guerre qui, la veille, paraissait ne plus pouvoir être évitée. Le découvert considérable qui s’était formé à Londres et à Berlin sur les Consolidés et les Fonds russes prit peur et racheta précipitamment. Notre place suivit l’impulsion et la liquidation put s’effectuer en pleine reprise. Comme tout le marché était engagé à la baisse, et que les acheteurs avaient été impitoyablement liquidés à la fin de mars et au milieu d’avril, il y avait fort peu de positions à reporter ; les capitaux sont donc restés en grande partie inoccupés, et les prix des reports se sont tenus bien au-dessous du niveau normal. Dans de nombreux cas, le report même a complètement disparu, et les engagemens ont été prorogés au pair ou avec un déport plus ou moins important. C’est ainsi que le déport s’est élevé jusqu’à 0 fr. 15 et 20 sur nos fonds publics.

Le découvert, débordé de toutes parts, a continué ses rachats pendant deux ou trois jours, et le mouvement de hausse s’est étendu à toutes les places. Le 3 pour 100 français s’est élevé à 79.50, le 4 1/2 à 108.40, l’Italien à 94, le Suez à 2,000, le Crédit foncier à 1,330, l’Unifiée à 325, la Banque ottomane à 530, le Hongrois à 79, le Russe à 92, les Consolidés à 98.

Telle était la situation quarante-huit heures après la liquidation. Les traces du violent orage d’avril étaient effacées, au moins sur la cote; les règlemens se faisaient avec une ponctualité remarquable. Il est vrai que les trois dernières liquidations coûtaient aux intermédiaires à Paris seulement peut-être 20 ou 25 millions; il est vrai qu’un krach en miniature ébranlait la place de Gênes et que la spéculation en général sortait de cette lutte complètement brisée, épuisée, et surtout discréditée. En fait, le marché avait repris son équilibre, et de même que les relations cordiales entre Londres et Saint-Pétersbourg avaient remplacé les animosités de la veille, de même sur les côtes les cours de paix avaient succédé brusquement aux cours de guerre.

Un grand calme a suivi cette restauration du marché. On n’avait pas repris pleinement confiance; on redoutait encore l’imprévu, observant les événemens avec une réserve circonspecte. Cependant le revirement pacifique a pris chaque jour un caractère plus positif. En dépit de rumeurs alarmantes se rattachant soit à l’attitude de l’Allemagne, soit à des mouvemens militaires dans l’Asie centrale, il est devenu manifeste que la Russie et l’Angleterre étaient également animées du désir de régler rapidement la question afghane. Les négociations pour la délimitation de la frontière ont été reprises sur-le-champ et menées à bonne fin. M. Gladstone annonçait, il y a deux jours, que le foreign-office attendait l’adhésion de la Russie au tracé qui venait d’être établi à Londres même entre lord Granville et M. de Staal.

Tandis que la spéculation se recueillait, laissant la place livrée à ses propres forces, on a vu le marché du comptant prendre une animation des plus satisfaisantes; déjà, pendant la crise, des sommes considérables avaient été employées en achats d’inscriptions de rentes ou d’actions momentanément précipitées à des cours de panique; ces achats se sont continués après la reprise, et sur les fonds publics les cours du comptant n’ont cessé d’être plus élevés que ceux du terme. Ce fait attestait l’abondance extrême de l’argent, démontrée bientôt, en outre, par l’abaissement du taux officiel de l’escompte à la Banque d’Angleterre, puis à la Banque impériale d’Allemagne, par la réduction du taux d’intérêt pour nos bons du trésor à moins d’un an d’échéance, enfin par de nombreux escomptes effectués sur les rentes françaises et les actions du Crédit foncier.

L’affermissement des espérances pacifiques, la prompte terminaison de l’affaire du Bosphore égyptien, les excellentes nouvelles reçues de l’extrême Orient touchant l’évacuation du Tonkin par les troupes chinoises et l’ouverture des négociations à Tien-Tsin pour le traité de paix définitif ont eu pour résultat, dans les derniers jours de la quinzaine, de déterminer une nouvelle étape dans la voie de la reprise. Les Consolidés ont atteint 99 3/8, le Russe 94 1/2, le Hongrois 80.50, l’Italien 95, le 3 pour 100 80.20, le 4 1/2 109 francs. Ce mouvement a été enrayé le second jour par quelques bruits relatifs à l’imminence d’un désaccord entre les délégués anglais et les représentans des autres puissances dans la commission internationale chargée de régler les questions se rattachant au principe de la neutralité du canal de Suez. Les délégués anglais prétendent que les délibérations de la commission ne peuvent dépasser les limites tracées par la circulaire de lord Granville datant des premiers mois de 1883 ; les autres délégués acceptent bien que cette circulaire serve de base aux travaux de la commission, mais non qu’elle en limite la sphère. La difficulté devant laquelle la commission se trouve actuellement arrêtée a trait aux conditions dans lesquelles doit s’exercer la surveillance de la neutralité du canal. M. Gladstone aurait, si l’on en croit une dépêche, affirmé que les délégués anglais ne donneraient leur assentiment à aucune clause dépassant les termes de la circulaire Granville, Il est vrai que M. de Freycinet, appelé à parler de cette difficulté devant la commission de la chambre qui s’occupe de la convention égyptienne, a exprimé la conviction qu’un accord s’établirait certainement entre les délégués anglais et leurs collègues de la commission de Suez. Il n’y a donc de ce côté aucun incident sérieux à redouter.

Les actions de nos grandes lignes de chemins de fer sont restées fort calmes au milieu de l’agitation-générale du marché. Le Nord et l’Orléans ont été un moment ramenés à 1,600 et 1,300, mais, à la première éclaircie, les cours de 1,630 et 1,325 ont été reconquis. Les transactions sont peu animées sur ces titres, que le public tend à considérer comme des obligations à revenu minimum garanti. Les recettes continuent à se ressentir de la stagnation persistante des affaires et à présenter chaque semaine des moins-values sur les chiffres de l’année précédente. Il n’en est pas de même pour quelques-uns des chemins étrangers, auxquels l’exercice 1884 a jusqu’ici apporté des augmentations d’une certaine importance. Sont dans ce cas les Autrichiens avec 515,000 francs d’excédent, le Saragosse avec 267,000, le Nord de l’Espagne avec 314,000, les Andalous avec 417,000. Il est vrai que, pour ces quatre compagnies, le réseau kilométrique s’est plus ou moins accru d’une année à l’autre, ce qui implique une augmentation correspondante des frais d’exploitation.

La Banque de Paris et le Crédit foncier se sont relevés en même temps que les fonds publics; la Banque d’escompte, que des réalisations forcées avaient précipitée au-dessous de 400, a repris de 60 francs. Les autres titres de banques ont été soustraits en partie à l’agitation générale, et se retrouvent, sans changement notable, aux environs de leurs anciens cours. La Banque ottomane s’est peu attardée à 500 fr. Les rachats du découvert à Londres et ici l’ont rétablie à 540.

Avec l’Italien, que les déclarations de M. Mancini sur les limites que le gouvernement entend imposer à sa politique coloniale ont aidé à reprendre le cours de 95, s’est aussi relevée l’Extérieure, qui reste à 59 francs, après 57.75. Un coupon de 9.50 a été détaché sur l’Unifiée, qui s’est solidement établie au-dessus de 320 francs.

L’Action Suez, soutenue par de brillantes recettes, a franchi de nouveau le cours rond de 2,000. Parmi les valeurs spéciales du marché en banque, la plus animée a été l’action de Rio-Tinto, cotée 245 après 195. L’assemblée de cette société a fixé à 20 francs le dividende pour 1884.


Le directeur-gérant : C. BULOZ.