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Chronique de la quinzaine - 14 novembre 1835

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Chronique no 86
14 novembre 1835


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 novembre 1835.


La mort de M. de Rigny laisse un plus grand vide qu’on ne pense dans le ministère. M. de Rigny, au moment de sa mort, était sans portefeuille, il est vrai ; mais cette position inactive, qui était sur le point de cesser d’ailleurs, lui donnait d’autant plus d’importance aux yeux de ses collègues ; car elle était, en quelque sorte, de son choix, et il avait fait preuve de hautes vues politiques en l’acceptant. Il s’agissait alors de renforcer le ministère, M. Guizot insistait avec ardeur sur la nécessité de confier la présidence du conseil à M. de Broglie, et d’y adjoindre le portefeuille des affaires étrangères, que convoitait M. Thiers. Le ministère, à peine formé, se disloquait déjà de nouveau au milieu de ces prétentions contradictoires, quand M. de Rigny concilia tout avec son flegme et le calme qu’il apportait dans les affaires politiques. Ce fut lui qui demanda qu’on lui fît cette situation passive dont on le croyait si humilié et qui lui attira les sarcasmes de la presse. M. de Rigny ne se condamnait à cette nullité qu’afin de pouvoir parler avec désintéressement à ses collègues, et calmer les crises d’ambition qui les ont désunis déjà tant de fois. Aussi M. Thiers, qui se croit un plus habile ministre des affaires étrangères que n’est M. de Broglie, et qui ne prend pas la peine de dissimuler sa pensée à cet égard, ne trouvait-il rien à répondre à M. de Rigny, quand celui-ci se donnait en exemple, lui qui avait cédé sans difficulté le département de la marine à un amiral dont la réputation n’était pas plus illustre que la sienne. M. de Rigny possédait à un haut degré l’art de calmer les ambitions ennemies qui bouillonnaient sans cesse autour de lui, et qui maintenant se trouvent plus que jamais en présence. Sa perte sera vivement sentie par M. de Broghe et par M. Guizot, esprits prévoyans qui ne se jettent pas à l’étourdie dans les affaires, qui en pèsent attentivement les difficultés, et qui n’en livrent pas la solution au hasard ou à un léger mouvement d’humeur et de colère.

Déjà la plaie ministérielle que M. de Rigny bandait chaque jour avec un soin attentif, s’élargit et s’envenime mortellement. Les échos de Grandvaux, indiscrètement réveillés par M. Dupin, dans son discours à la cour de cassation, retentissent encore aux oreilles de M. Thiers. M. Thiers a pris en défiance, comme César, toutes ces figures maigres, jaunes et soucieuses qui l’entourent au conseil. Il soupçonne plus que jamais M. de Broglie et M. Guizot de vouloir le détruire, et l’écraser de leur réputation d’hommes sérieux. De leur côté, les deux chefs du cabinet s’occupent continuellement de M. Thiers ; mais c’est pour le calmer, pour le rassurer et mettre des compresses sur toutes ses égratignures. Chaque jour le ministre de l’instruction publique se rend chez son collègue de l’intérieur, l’air gracieux et satisfait, affectant de croire à ses sérieuses occupations, et si jaloux de ne pas l’offusquer par son importance véritable, qu’il ferait volontiers antichambre chez M. Thiers, pour s’amoindrir un peu et s’effacer. Pendant ce temps, Mme la duchesse de Broglie visite sans façon la famille du ministre de l’intérieur, la fréquente avec assiduité et n’use pas moins d’inutiles efforts auprès d’elle pour se faire bourgeoise et sans éclat, que M. Guizot, dans le cabinet du ministre, pour ne pas exciter l’ombrageuse susceptibilité de son collègue. Nous nous arrêtons, pour n’être pas accusés de vouloir porter atteinte au secret de la vie privée ; mais en vérité, nous ne pouvions expliquer la situation politique, sans montrer un coin de la vie ministérielle. Les vues élevées ne viennent qu’en seconde ligne dans ce ministère tel que l’a fait la présence de M. Thiers ; il fallait donc bien assigner aux petites causes, aux idées mesquines, la place importante qu’elles occupent grâce à lui.

Cette sollicitude de M. de Broglie et de M. Guizot, cette insomnie que leur cause la moindre humeur de M. Thiers, tiennent, on le sait, à leur situation un peu incertaine dans la chambre, et en un lieu où ils ont encore moins d’appui, dit-on. De ce lieu, on nous permettra de n’en pas parler, c’est une chose qui nous est interdite. À la chambre, où l’on fait aussi les ministres, où surtout on les défait, M. Guizot a bien pour lui, il est vrai, le soutien de son talent et de sa parole, l’appui des bancs qu’on nomme doctrinaires, et qui lui sont dévoués ; mais la partie du centre où siége, en toute innocence, M. Fulchiron, et où se groupent M. le général Bugeaud, M. Jacqueminot, M. Vigier, et une foule d’autres qui, à Grandvaux et en d’autres lieux, ont reconnu M. Thiers pour un garçon d’aimable et joyeuse humeur, et le tiennent pour le ministre qui convient le mieux à leurs allures, ceux-là, officiers de garde nationale, généraux, banquiers, fournisseurs, tous plus ou moins repoussés par le front sévère et les principes rigoureux de M. Guizot, se lèveraient en masse, comme ils l’ont déjà fait, pour retenir M. Thiers au ministère. Or, c’est ce qui effraie ses prudens collègues. D’ailleurs M. Thiers a saisi tous les avantages de cette position avec la finesse qui le caractérise. Il répète sans cesse à cette fraction qu’elle et lui représentent la révolution de juillet telle qu’elle doit être, les trois glorieuses journées où il n’était pas, l’émeute qui l’a conduit au pouvoir, mais l’émeute douce, pacifique ; l’insurrection, mais humble, soumise, et demandant grâce à genoux d’avoir été émeute et insurrection. En sa qualité de journaliste, M. Thiers représente aussi la presse, mais la presse muette, celle qui ne dit mot. La liberté siége également au pouvoir en sa personne, la liberté qui tient les clés du Mont-Saint-Michel, de Ham, de la Force et de Sainte-Pélagie ! C’est pourtant du haut de cette position politique que M. Thiers domine ses collègues et les force de plier, en apparence du moins, devant son pouvoir, devant sa popularité et son crédit !

Un livre est né de cette situation, livre qui ne déplaira pas certainement à M. Thiers, car M. Thiers l’a inspiré à son auteur, bien involontairement sans doute, du moins nous voulons le croire. Dans ce livre, dont nous avons pu nous procurer quelques fragmens, on ne trouvera que l’éloge de M. de Broglie et de M. Guizot. Mais quel éloge ! M. Thiers eût fait lui-même cet éloge de deux de ses plus chers amis politiques, qu’il ne l’eût pas fait d’une manière plus fatale pour eux. L’auteur de l’ouvrage que nous citons adresse à M. Guizot et à M. de Broglie, mais à M. Guizot surtout, les félicitations les plus sincères sur la marche que suit le gouvernement de juillet depuis un an. Le gouvernement, dit-il, semble avoir pris à tâche d’imiter la restauration dans ce qu’elle a fait de plus louable, dans sa ténacité à combattre les idées de la révolution, dans ses prédilections pour le clergé, dans le besoin qu’elle éprouvait d’augmenter chaque jour l’influence et les priviléges de l’aristocratie, dans sa haine pour l’extension que prenait la liberté dans les pays voisins ; et ces éloges, décernés par un écrivain qui a écrit l’histoire de la restauration, dont il a été le chaud et le fidèle partisan, dont il est resté fort honorablement le panégyriste, ces éloges sembleront la satire la plus terrible du ministère qui les a provoqués. Assurément, si M. Guizot et M. de Broglie étaient aussi enclins au soupçon que M. Thiers, l’ouvrage politique dont nous parlons causerait de grands troubles dans le ministère. Mais qui oserait soupçonner M. Thiers d’infidélité à ses engagemens ? Ses collègues le connaissent trop bien pour lui faire jamais cette injure. — Ajoutons, pour achever de dissiper les malveillans soupçons qui pourraient naître à la lecture de ce livre, que M. Thiers lui-même y est très maltraité, plus même qu’il ne convient peut-être. Dubois, disait le régent, en vérité, tu me déguises trop !

Dans cet état incertain et chancelant, les chefs du cabinet cherchent à se ménager de nouveaux appuis au sein de la chambre, et se préparent à tous les évènemens. On a fait sonder, dit-on, les dispositions de M. Passy et de M. Sauzet, qu’on voudrait placer, l’un à la tête de la direction de l’administration de la guerre, avec le titre de ministre de l’administration, titre qui existait sous l’empire, et l’autre au ministère de la justice, en qualité de sous-secrétaire d’état. Au milieu des conversations particulières qui s’étaient établies dans le salon de M. de Rigny, le jour de ses obsèques, on distinguait la voix de M. Dupin aîné, qui démontrait la nécessité de rétablir les ministres d’état, afin, disait-il, de satisfaire quelques ambitions embarrassantes, et de renforcer le conseil de quelques hommes capables qui n’ont pas l’emploi de leur haute intelligence. Il paraît que cette pensée, déjà exprimée en un autre lieu, avait été écoutée, et qu’on songe sérieusement à créer plusieurs ministres d’état, qu’on prendrait dans la fraction de la majorité où s’appuie M. Thiers. On a remarqué aussi un rapprochement entre M. Guizot et M. le comte Molé, qui s’étaient perdus de vue depuis long-temps. Toutes ces petites précautions, tous ces rapprochemens imperceptibles, font prévoir, à ceux qui ont l’habitude des intrigues politiques, quelques orages pour le commencement de la session.

Croirait-on que la discorde a failli éclater entre deux ministres au sujet d’un théâtre ? On ne sait pourquoi l’un de ces ministres tient à voir augmenter la subvention, prolonger le bail, et autoriser l’émission d’un capital d’actions du théâtre de l’Opéra-Comique, où chante, nous devrions dire où ne chante pas, une jeune cantatrice française, venue récemment d’un pays lointain, et qu’il honore de sa protection. Toujours est-il que M. Cavé, chef de la division des beaux-arts au ministère de l’intérieur, a été mandé plusieurs fois dans un autre ministère pour vider cette importante question. Malheureusement, le ministre de l’intérieur, très disposé à accorder cette faveur à son illustre et vaillant collègue, n’était pas seul arbitre en cette affaire, qui se trouve dans les attributions de la commission des théâtres royaux, présidée par M. le duc de Choiseul. Là, cette demande a été repoussée à l’unanimité, et nous ne voudrions pas répéter les paroles d’improbation dont quelques membres et le président de la commission ont accompagné leur vote. Ce refus presque unanime n’est pas de nature à calmer l’irritation du ministre qui s’intéresse à l’Opéra-Comique, et l’on craint, comme nous l’avons dit, qu’il n’en résulte quelque froideur entre deux membres du cabinet. À quoi tiennent les ministères ! À quelles vicissitudes sont exposés ceux qui gouvernent les états, — et les théâtres !

Les divergences d’opinion qui divisaient le ministère sur les grandes questions de politique extérieure, sont assoupies, si elles ne sont effacées. On se rapproche de l’Angleterre et l’on se rattache au traité de la quadruple alliance, dont on semblait faire peu de cas à l’époque du congrès de Kalisch. Mais on sait, de science certaine, que les souverains n’ont pas pu aborder les plus importantes questions politiques, faute de pouvoir s’entendre dès le début, et la crainte qui nous attirait vers la Russie est complètement passée en ce moment. Le discours violent de l’empereur Nicolas à Varsovie s’est trouvé une belle occasion de blâmer la politique russe. Tant que les combinaisons de diplomatie produiront des manifestations aussi honorables, nous nous ferons un devoir d’applaudir à l’esprit qui les dictera, quels que soient d’ailleurs ses motifs secrets.

M. Mendizabal est aussi rentré en faveur auprès de notre ministère : on ne voit plus en lui un agent effréné de l’esprit révolutionnaire, et l’on commence à avoir quelque confiance dans ses mesures. Il est vrai qu’en revanche quelques journaux de l’opposition frappent rudement sur le ministre de la reine Christine. Personne plus que M. Mendizabal ne doit être étonné de cette prédilection nouvelle du gouvernement français, et du blâme qui lui vient inopinément de quelques anciens amis. À nous qui avons vu depuis long-temps M. Mendizabal, et qui devons à quelques années de relations suivies une connaissance plus intime de son caractère, qu’il nous soit permis de conseiller un peu de réflexion et de demander un peu de délai à ceux qui le louent comme à ceux qui le blâment ; en un mot, à tous ceux qui le jugent. La vie passée de Mendizabal peut déjà donner quelques garanties pour l’avenir, et s’il ne parvenait à réaliser ses vues patriotiques, cette vie si honorable ne permettrait pas de douter de la pureté de ses intentions. Elle est peu connue, et nous en dirons quelques mots.

Don Juan Alvarez y Mendizabal est né à Cadix, en 1790. Ses parens, juifs de Gibraltar, avaient à Cadix un magasin de draps. Mendizabal fut employé d’abord dans l’administration militaire ; il était commissaire des guerres à la fin de la guerre de l’indépendance. À la paix de 1814, il fut employé dans la maison du banquier Beltran de Lis, dont il devint bientôt commis-associé, grâce à son zèle et à son intelligence. En cette qualité, il fut chargé de la fourniture des vivres de l’armée qui s’assemblait, en 1819, à l’île de Léon, pour passer en Amérique. Il est l’inventeur et fut l’ame de la révolution de 1820. C’est lui qui fit le mouvement de las cabezas de San Juan, et qui mit en avant le chef de bataillon Quiroga et le capitaine Riego. Après la restauration de 1823, il se retira en Angleterre, et fut chargé des intérêts de certains créanciers espagnols, pour lesquels il a gagné, il y a peu d’années, un grand procès, jugé à la cour du banc du roi contre Ferdinand vii et le consul Machado. À la révolution de 1830, il abandonna les affaires commerciales, et vint en France diriger le mouvement des émigrés espagnols. Nous le vîmes alors, dans les relations qu’il entretenait avec le comité de secours établi par quelques-uns de nos compatriotes, plein d’espoir et de patience à la fois, maîtriser le courage chancelant des siens, et ranimer la confiance qui s’éteignait quelquefois en nous. Tout ce qu’il possédait (400,000 francs environ), fut généreusement fourni par lui, pour l’expédition de novembre. On sait le sort de cette expédition. Sur un ordre du gouvernement français, les émigrés espagnols, répartis sur la frontière, reçurent l’ordre d’interner, et le petit nombre de ceux qui se hasardèrent à rester en Espagne, sans chefs, sans plan, sans direction, furent dispersés sans peine. Mendizabal, trompé, ruiné, retourna à Londres pour mettre ordre à ses affaires, mais là il fut emprisonné pour dettes. Son courage, sa patience, sa confiance imperturbable en l’avenir ne l’abandonnèrent pas. C’est à la Tour de Londres qu’il conçut et commença d’exécuter l’expédition de don Pedro en Portugal ! Il disait à ses amis qu’il voulait faire entrer, par le Portugal, la révolution en Espagne. Du fond de la Tour de Londres où il était retenu faute de pouvoir payer ses créanciers, il fréta les bâtimens de cette expédition, il rassembla et équipa les soldats, fit des emprunts, réunit la flotte et les troupes à Belle-Île ; et libre enfin lui-même, il présida à la prise de possession d’Oporto, action décisive qu’il avait méditée. Toute cette expédition se fit sous son œil vigilant et appréciateur. Enfin, il conçut et fit exécuter, en dépit des généraux, l’expédition des Algarves qui mit Lisbonne dans les mains de don Pedro ; et ce résultat obtenu, il régla les affaires politiques et financières du Portugal, donnant ainsi à la fois à ce pays un beau crédit et du repos.

Depuis, Mendizabal a été appelé à rendre le même service à son pays. Riche, honoré en Angleterre, il se dévoue pour l’Espagne, et refuse même le traitement de premier ministre. Simple, modeste, droit et loyal, homme de ressources et d’une activité incroyable, doué d’une imagination féconde, que la mauvaise fortune a encore augmentée, que l’habitude des grandes affaires et que la fréquentation des hommes d’état anglais ont bien dirigée ; estimé par tous les partis, connaissant à fond le caractère et la pensée de tous les hommes éminens de l’émigration qui ont aujourd’hui de l’influence en Espagne, on lui doit, ce nous semble, quelque confiance, et il est permis d’espérer en lui. Mendizabal ne trompera personne, il ne se fera jamais l’agent des intrigues d’un parti ; s’il peut faire pour l’Espagne ce qu’il a fait pour le Portugal, s’il donne à ce pays l’union et du crédit, il croira avoir rempli la tâche qu’il s’est imposée, et alors il cédera facilement à d’autres la place où ne l’a porté ni l’ambition ni l’intérêt. C’est dire que les relations du ministère actuel avec lui ne seront ni aussi étroites ni aussi hostiles qu’on le pense en différens lieux, et que les agens dont on l’entoure, perdront leur peine à l’entraîner dans d’autres voies que celles qu’il s’est tracées.


— Le général Allard dont il a été tant question depuis quelque temps, part dans quelques jours, pour Saint-Tropez, son pays natal, et s’embarquera de là pour l’Inde avec sa femme. La belle collection de médailles du général Allard, offerte au roi, a été donnée par ce dernier à la bibliothèque royale. Plusieurs journaux ont annoncé que le général recevrait en échange cinq cents cuirasses du modèle de la grosse cavalerie. Ce dernier fait nous paraît inexact. Le ministre de la guerre ne saurait disposer d’un matériel de la guerre, sans y être autorisé par une loi. Dans le cas contraire, qui empêcherait M. le ministre de la guerre de disposer de l’artillerie de nos places fortes, ou, si la fantaisie lui en prenait, de faire présent d’un ou de deux régimens de cavalerie ?


HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA CORSE, DEPUIS LES PREMIERS TEMPS JUSQU’À NOS JOURS, PAR JACOB[1].

La Corse ne fait point partie du vrai territoire français, et c’est là pour elle un vice fondamental d’origine : elle en est entièrement disjointe, non-seulement par la distance, comme le serait une principauté du centre de l’Allemagne, mais par une mer capricieuse, souvent difficile, de près de cent lieues de largeur. Ce n’est point un terrain sans liaisons décidées et pouvant se rattacher indifféremment au corps de la France ou à tout autre ; et c’est au mépris de la géographie naturelle que la géographie politique nous l’attribue. Elle s’ouvre sur l’Italie, elle côtoie l’Italie, elle est terre italienne au même titre que l’île d’Elbe, que la Sardaigne, ou même la Sicile. Elle ne connaît le continent que par les cimes de l’Apennin, qui forme son horizon : du côté de la France, son regard se perd sur les déserts de la mer, et elle ne saurait distinguer ni port ni rivage.

Son peuple n’a point eu comme nous pour berceau les sauvages forêts de la Gaule. Est-il phénicien, étrusque, pélasgique ? Quelle est au juste son origine ? On l’ignore ; mais il n’est point celtique. Il est à part de nous ; il a sa généalogie, son histoire, ses habitudes ; il parle la langue des populations italiques. Mille colonies sont venues se fondre dans son sein, mais jamais les Francs, cette virile moitié de nos ancêtres de laquelle nous avons pris notre nom, ne sont venus lui infuser le tribut de leur sang. La Corse a été le partage des conquérans qui ont couru sur l’Italie et l’Afrique.

Cette île ne nous est donc inhérente par aucun de ces deux ordres d’affinité qui constituent la connexité intime des nations ; savoir, ni par le voisinage géographique, ni par la parenté. Elle ne nous appartient que par droit d’alliance, et nos frontières du Rhin, qu’on nous refuse, sont à nous par un droit bien plus naturel et plus fondé. Mais quel est donc l’intérêt de la France à cette possession placée en dehors de sa frontière, habitée par un peuple qu’elle ne connaît pas ? La richesse du pays en ferait-elle pour nous une ferme de bon rapport comme celles des Anglais ou des Hollandais dans les Indes ? Mais de toutes nos provinces, la Corse est la plus pauvre, la moins peuplée, la moins commerçante, la plus stérile. Nous dépensons chaque année pour elle cinq millions, et ses impôts ne rendent guère que douze cent mille francs au Trésor. On a long-temps débité sur la valeur de son territoire les plus fabuleuses hyperboles : les uns avaient sans doute avantage à amplifier le mérite de la conquête dont ils venaient de doter la France ; les autres à rehausser leur propre importance, en s’étayant sur celle de leur pays. Mais la possession est d’assez ancienne date, maintenant, pour qu’on ait eu tout le temps de connaître au juste quel est son prix. En exceptant le littoral oriental, et deux ou trois cantons dans lesquels l’agriculture a d’incontestables bénéfices à faire, la Corse entière n’est qu’une longue montagne, dont les deux pentes plongent de droite et de gauche, comme un toit, dans la mer : sol revêche, maigre, sans fécondité. Jamais terre de montagne ne sera terre de culture. Parce que l’on avait réussi dans des jardins, à grands frais, et avec tous les soins de la plus délicate horticulture, à faire végéter l’indigo, le coton, la canne à sucre, on n’avait point balancé à s’écrier avec enthousiasme que la Corse avait la fécondité des tropiques, et les Antilles semblaient déjà destinées à disparaître devant elle ; on étendait sans scrupule à toute la contrée la conclusion fournie par un enclos ou une caisse à fleurs, et l’on ne considérait même pas que cette découverte d’un nouveau climat équatorial avait lieu dans un pays dont les étés ne sont pas même aussi ardens que ceux du midi de la France. L’exagération trouvait sa base dans l’éloignement et dans la nouveauté. Pendant long-temps aussi le régne minéral avait contribué à fournir sa part de merveilles ; mais vues de plus près, ces mines prodigieuses, semblables aux bâtons de la fable, se sont réduites à quelques filets de plomb ne valant pas même le travail d’une exploitation, et à deux ou trois mines de fer dans des localités sans combustible. Certes la Corse, maintenant si inculte et si sauvage, deviendra plus opulente et plus prospère un jour, mais, comparativement à notre beau pays de France, ce sera toujours une terre aride et pauvre. Les pays de montagnes n’ont un service utile que lorsqu’ils sont aux frontières et servent de remparts.

Ce serait précipiter le raisonnement que de déduire des principes que nous venons d’établir que l’île de Corse est pour la France une superfétation parasite, et dont on pourrait sans inconvénient se délivrer. Il reste à examiner en effet si ce pays ne remplirait pas, relativement à la garde de notre territoire, un rôle analogue à celui des pays montagneux qui forment ses frontières. C’est là précisément que gît toute son importance. Nous ne le possédons pas parce qu’il nous est avantageux, mais parce que, hors de nos mains, il nous serait dangereux. Pour nous, dans le sens abstrait de la politique, la Corse est une position maritime, et rien de plus. Que nous importent ses indigens villages, ses châtaigneraies, ses montagnes ? Quel rapport entre nous et l’intérieur du pays qui n’existe aussi bien entre nous et la Norwége ou la Calabre ? Quel prolongement nécessaire de notre vie jusqu’à ces rochers isolés et sauvages ? Nous l’avons dit, la Corse pourrait disparaître dans les abîmes de la mer, que la terre des Gaules n’en ressentirait pas même la secousse ; mais il faudrait que du même coup qui ferait écrouler les sommets de ses montagnes disparussent aussi ces golfes et ces rades nombreuses qui les entourent. Repaires inexpugnables de vaisseaux de haut bord et d’escadres, c’est là ce qui nous menace ; c’est en cela que consiste pour nous toute la Corse. Supposez tous ces enfoncemens occupés par une marine ennemie, et voilà comme autant de bouches à feu placées en batterie contre notre littoral du midi, et prêtes à balayer tout ce qui paraîtra sur les eaux : c’est le golfe de Saint-Florent, celui de Calvi, de Porto, de Sagone, d’Ajaccio, toute cette côte profonde et dentelée qui s’ouvre contre nous et nous ôte la liberté de la mer. Des Pyrénées jusqu’aux Alpes, nous n’avons à opposer à toute cette force de mer que Toulon ! Donnez la Corse à qui que ce soit, vous constituez une puissance qui nous commande, et sans le bon plaisir de laquelle le pavillon de notre commerce ne pourra plus flotter sur les eaux du grand lac français.

Sans doute la Corse ne saurait jamais nous devenir redoutable par son propre mouvement ; ce n’est pas une si mince poignée de peuple qui pourrait inquiéter la France. Et même si ce peuple était assez puissant pour tenir d’une main ferme la clé de ses abords et clore à son gré ses mouillages, une simple alliance avec lui pourrait sufire à notre sûreté. Mais que la guerre commence ; inerte et dénuée comme elle l’est, sans troupes, sans artillerie, sans marine, voilà la Corse sous la loi du premier occupant. Ce n’est pas elle que nous craignons, c’est celui qui la ramassera pour s’en faire une arme contre nous. D’ailleurs, qui nous garantirait sa fidélité et la rigoureuse observation des traités ? Étrangère à la France, quel motif d’attachement à nos intérêts plus qu’à ceux de l’Angleterre ou de toute autre puissance ? Et serait-ce, en tout cas, pour une nation telle que la nôtre, une situation convenable que de dépendre, pour une si capitale question d’existence, de l’affection ou de la bonne foi d’une nation inférieure comme la Corse ? Et qu’on ne cherche pas à établir ici un parallèle entre les montagnards de la Corse et ceux de la république helvétique : les positions respectives sont fondamentalement différentes ; et en définitive la Corse aurait à faire respecter l’indépendance, la neutralité de ses eaux, tandis que la Suisse n’a à défendre que ses défilés et ses montagnes.

Aussi voit-on que la Corse ne commence à compter véritablement pour nous que du jour où nos forces maritimes de la Méditerranée ont commencé à peser dans la balance. Jusqu’au milieu du XVIe siècle ce n’est pour nous qu’une île lointaine, indifférente, presque ignorée. Que nous importent ses démêlés avec Gênes ou avec les Pisans ? Nos guerres sont toutes de terre ferme, et notre marine ne fait que de poindre. Ce furent nos démêlés avec Charles-Quint qui introduisirent pour la première fois cette île de Corse dans notre politique. La lutte, par notre ligue avec les flottes ottomanes, devenait méditerranéenne, et dès lors il était naturel que l’on s’avisât de l’importance d’un pareil logement maritime, placé au centre de la mer ; d’ailleurs rien n’était plus merveilleux pour faire une coupure entre l’Espagne et l’Italie. On l’enleva donc aux Génois, qui s’étaient momentanément coalisés avec notre ennemi. Mais ce ne fut là qu’une manœuvre de guerre, un coup de main frappé en passant. Dès le traité de Cateau-Cambresis, voilà la Corse devenue de nouveau inutile à la France, et rendue sous garantie à ses anciens possesseurs.

C’est à partir du milieu du XVIIIe siècle, lors de son insurrection contre la république génoise, que la Corse prend une place réelle et permanente dans l’histoire de France. Tant que Gênes avait eu assez de puissance pour la maintenir sous le joug de fer qu’elle lui avait imposé, cette île n’avait pu être pour nous une cause sérieuse d’inquiétude : Gênes était là pour en répondre. Mais la décadence progressive de la république ligurienne, la résurrection héroïque de la nationalité insulaire sous Paoli, enfin la position de la France, au milieu de la complication des affaires européennes, apportaient dans la politique des élémens inattendus : la question corse demandait une solution nouvelle. Le cabinet français songea d’abord à replacer les choses dans leur ancien état, en donnant aide aux Génois pour regagner leur empire perdu. Ce fut là la base du traité de Compiègne de 1764 ; mais l’antipathie était devenue trop profonde entre les deux états pour que leur rapprochement, à moins d’une contrainte violente et sans cesse en éveil, pût offrir à la France aucune garantie de durée et de solidité. La France ne pouvait donc pas balancer ; il fallait, ou reconnaître l’indépendance de la Corse, ce qui ne cessait d’être réclamé à grands cris par l’Angleterre toujours peu jalouse des intérêts maritimes d’autrui, ou nous en emparer, pour la tenir nous-mêmes sous notre garde.

C’était là, on le voit, un parti dicté par la nécessité bien plutôt que par l’ambition ; une charge, en vérité, presque aussi bien qu’un avantage. De là, la cession de la Corse à la France, par la république ligurienne, dans le traité de Versailles de 1768, et la conquête de l’île par nos troupes, définitivement terminée au combat de Ponte-Novo, en 1769.

Il serait sans doute absurde de nier qu’il soit avantageux à la France d’appuyer sa puissance dans la Méditerranée sur une aussi belle position maritime : la possession de cette île est, à coup sûr, préférable à sa neutralité. La France en est aujourd’hui maîtresse souveraine, et rien ne saurait l’obliger à s’en désemparer ; mais il faut se garder de croire que ce soit là, pour nous, un bien riche trésor, ni que nous soyons tenus à une bien grande reconnaissance envers les Corses, pour l’alliance forcée que nos armes leur ont fait contracter avec nous. Il faut aussi que les exigences insulaires apprennent à ne point se hausser au-dessus du niveau qui leur sied. Si la France était habituée, dans ses rapports avec les autres nations, à se conformer aux calculs de la politique égoïste, il lui aurait été peut-être plus profitable de s’établir seulement dans les positions maritimes qui lui importent, et d’abandonner le reste du pays à lui-même, que de consacrer ses efforts à adoucir et à civiliser ce peuple aigri par une longue et intolérable oppression, et à mettre son territoire rude et inculte en harmonie avec le nôtre.

J’ai jugé utile de marquer ainsi en quelques mots les vrais principes de la politique touchant la Corse. Il est impossible à l’historien de concevoir, comme il le doit pour le digne accomplissement de sa tâche, l’enchaînement intime des faits, et le secret mobile des puissances qui les produisent, s’il ne commence par se bien pénétrer des raisons dominantes qui décident ainsi de tout le reste. Il ne lui est pas moins utile de comprendre le rôle de ses ennemis que celui de ses amis. Ce n’est qu’à cette condition qu’il peut acquérir le coup d’œil impartial qui est si nécessaire pour l’établissement de la vérité, et cesser de voir, dans les évènemens dont le souvenir peut le blesser ou l’affliger, une perpétuelle série d’attentats et d’atrocités que rien ne justifie et n’explique. S’il y a quelques reproches à adresser à l’auteur de l’Histoire de Corse, qui fait le sujet de cet article, c’est précisément dans cette direction qu’il conviendrait de les faire. Ils méritent de passer avant les critiques que l’on pourrait aussi adresser au style, généralement mal tissu et peu soigné. Chez un historien, le fond mérite encore plus d’attention que la forme. Nous regrettons que l’intelligence des nécessités qui gênent l’indépendance de la Corse, ne se soit pas plus clairement révélée à l’esprit de celui-ci. Peut-être ses idées se seraient-elles alors élevées dans une sphère plus lumineuse et moins tourmentée ; la politique de la France ne lui aurait pas paru si odieuse et gratuitement machiavélique, et le cabinet de Versailles, s’opposant sagement à l’affranchissement de la Corse, serait sans doute demeuré à l’abri des qualifications injurieuses dont il le charge. La parole de M. Jacobi est rarement empreinte de ce sentiment de haute sérénité qui sied à la majesté de l’histoire. On est souvent tenté de comparer le caractère de son patriotisme à la physionomie de son île, qui est étroite, sans liaisons continentales, et, sur plus d’un point, rocailleuse et sèche. Croirait-on que, dans la querelle entre Louis xiv et le pape pour la réparation de l’insulte faite à l’ambassadeur français, M. Jacobi prend parti contre notre grand souverain en faveur des mercenaires corses de la garde sacerdotale ? Ce seul exemple nous suffit, et notre critique n’en cherchera pas d’autres. D’ailleurs, pour juger convenablement des opinions de l’auteur à l’égard de la France, il est nécessaire d’attendre la publication de son troisième volume, qui comprendra la série des évènemens depuis la conquête de la Corse jusqu’à nos jours. Les deux premiers volumes se rapportant à l’histoire de Gênes bien plutôt qu’à la nôtre, c’est seulement dans cette dernière partie qu’il nous est permis d’espérer quelque sujet intéressant d’analyse ou de critique. Disons cependant dès à présent que, dans l’épigraphe patriæ ductus amore adoptée par l’auteur, il est peut-être permis de soupçonner que son intention a été de désigner la patrie corse au détriment de la patrie française. Cela s’accorderait peu avec les sentimens de reconnaissance que tout Corse doit justement nourrir pour la mère commune.

LAUZUN, PAR M. PAUL DE MUSSET[2].

Le roman historique, créé par Walter Scott, et naturalisé en France par des célébrités maintenant incontestées, porte en lui-même un vice radical, le défaut de ses qualités. Ou il ramène l’invention à des formes sèches et prosaïques, en suivant de trop près le réel, ou il fausse l’histoire en la poétisant. Issu parfois de mères non avouées, les chroniques savantes qui lui donnent l’être ne le peuvent reconnaître pour légitime, tandis que son respectable aïeul, le vieux roman purement romanesque, le surnomme avec quelque mépris du diminutif romantique. Là où jouit l’historien, la grisette court risque de s’endormir sur son comptoir, et là où l’ignorant se délecte, l’antiquaire ne voit qu’un bâtard. Enfermé dans ce cercle vicieux, l’écrivain se trouve donc ainsi entre l’imagination et la conscience, et comme malheureusement en pareil cas, c’est quelquefois la dernière qui a tort, qu’arrive-t-il ? que la grande réponse : « Pourvu qu’on plaise, » — vient fort à propos. De là le déluge ; tout le monde en a fait. Du moment qu’on s’avoue qu’un roman historique ne doit ni ne peut être vrai, il ne s’agit que du plus ou du moins, et quand un péché a son excuse, je vous demande où il peut s’arrêter. Walter Scott lui-même, patriarche un peu confiant dans une gloire européenne, parlant un matin de Plessis-lès-Tours, laissa tomber de sa plume facile que cela voulait dire Plessis avec des tours, comme qui dirait un château avec deux ou trois pavillons. Il ne se souvint pas dans ce mauvais moment que ce n’est que Plessis près de Tours, la patrie des pruneaux, et, comme le singe de La Fontaine, il prit le Pirée pour un homme. Hélas ! on en a fait bien d’autres. Sans chercher si loin que l’Angleterre, ni si haut que Quentin Durward, combien de bévues audacieuses, de mensonges volontaires, de véritables gaspillages, en un mot, ne voyons-nous pas encore tous les jours dans l’étalage de nos libraires ? Celui-là d’un monstre fait un héros ; celui-ci un sage d’un cerveau brûlé, tel autre un martyr de vertu de certain personnage suspect ; le bon Tallemand des Réaux doit bien ricaner dans sa barbe de ce qu’on lui tire des côtes. Ajoutez à cela la marotte du jour, la philosophie de l’histoire, science nouvelle qui ne va pas à moins qu’à faire un petit résumé des décrets de la Providence, et à vérifier par les dates la sagesse de Dieu. C’est ainsi que, comme Newton en délire, nous expliquons l’Apocalypse, et refaisons le chaos en le débrouillant.

Le livre nouveau écrit sur Lauzun sera, dans de telles circonstances, un sujet de réflexions pour le lecteur attentif. À part la fin de l’ouvrage, qui est forcée et invraisemblable, tout y est rigoureusement vrai. Ceux qui ont lu dans la Revue l’excellent travail de M. Nisard sur Érasme, celui de M. Henri Heine sur Luther, trouveront dans Lauzun, avec une donnée différente, un même genre de recherches. C’est à proprement parler une biographie ; c’est un roman parce que l’homme a été vraiment un héros de roman, parce que Louis xiv, Mme de la Vallière et la marquise de Montespan figurent nécessairement à côté de Lauzun, en un mot parce que c’est de lui que Labruyère a dit : « On ne rêve pas comme il a vécu. » Le livre est amusant parce qu’il est vrai, et non malgré la vérité. Le style en est vif et coloré, parce que Saint-Simon et Mme de Sévigné étaient sur la table de l’auteur lorsqu’il a fait son livre. Mais pas un mot n’y est hasardé qui ne se puisse justifier. C’est de ce mérite rare aujourd’hui qu’il faut féliciter M. Paul de Musset. Ne semblerait-il pas bizarre, aujourd’hui que le genre historique paraît si usé et si rebattu, qu’il ne fût au contraire qu’à sa naissance ? on a affublé jusqu’ici bien des manequins avec de certains oripeaux. Le temps ne serait-il pas venu où le lecteur consciencieux ne permettrait plus la fausse monnaie ? Que M. Paul de Musset intitule son premier livre roman biographique ; qu’il se garde de faire un dénouement, car le sien ne vaut rien : ne devra-t-on pas lui savoir gré d’avoir indiqué une route nouvelle, et d’y avoir le premier réussi ?


L’Histoire de la Marine Française, par M. Eugène Sue, vient d’être mise en vente[3]. Ce n’est ni de la part de l’auteur une compilation faite à la hâte, ni de la part de l’éditeur une spéculation de librairie ; les retards mêmes qui ont si long-temps trompé l’attente du public, sont une preuve qu’aucun sacrifice n’a été épargné de part et d’autre pour faire de l’Histoire de la Marine Française un véritable monument national, un chef-d’œuvre de typographie. Nos lecteurs ont pu juger, par un fragment précédemment inséré dans la Revue, de la façon neuve, dramatique et pittoresque avec laquelle M. Eugène Sue a su présenter les annales de la marine française. Il suffit de jeter les yeux sur cette publication pour l’apprécier et se convaincre de son mérite, de son importance, de sa nouveauté ; car nous ne possédons point en France d’histoire de la marine ; cette lacune va être comblée. Il faut en remercier M. Eugène Sue ; il faut appeler sur cette importante publication l’attention de tous les gens qui prennent à cœur notre gloire nationale, et leur appui ne lui manquera pas.

La mort de Cornille Bart, gravure sur acier que nous joignons à notre livraison, pourra donner une idée du soin apporté à l’exécution pittoresque.

— Notre collaborateur Edgar Quinet vient de terminer un grand poème sur Napoléon ; ce poème paraîtra très prochainement.

M. Berlioz donnera dimanche prochain un grand concert dans la salle des Menus. On y entendra la symphonie d’Harold, déjà appréciée du public, et surtout un chœur sur la mort de Napoléon écrit pour vingt voix de basse à l’unisson. On parle d’avance du caractère solennel de ce morceau où domine le sentiment grandiose qui s’est révélé dans la marche de la symphonie fantastique. Mlle Falcon chantera deux fois dans le concert.



  1. vol. in-8o, librairie d’Aimé André.
  2. vol. in-8o, chez Dumont, au Palais-Royal.
  3. Chez Félix Bonnaire, rue des Beaux-Arts, no 10. Il paraît le vendredi de chaque semaine une livraison de quarante pages d’impression, caractère philosophie, accompagnées d’une magnifique gravure sur acier. Prix : 1 fr.