Chronique de la quinzaine - 14 octobre 1883

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Chronique n° 1236
14 octobre 1883


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 octobre.

C’est la fatalité des situations dès longtemps gâtées ou compromises par les fausses politiques d’être sans cesse à la merci des surprises et des incidens malencontreux. Ces incidens, qui éclatent à l’improviste, ils peuvent sans doute avoir leur importance propre, particulièrement lorsqu’ils mettent en jeu la considération du pays, la dignité et la sûreté de ses relations avec les autres peuples ; ils tirent surtout leur signification et leur gravité de l’ensemble de choses où ils se produisent, des circonstances qui les ont préparés, qui les ont rendus possibles et à peu près inévitables. Une fois qu’ils ont commencé à défiler, ils ne s’arrêtent plus, ils s’enchaînent et se multiplient, échappant à toute direction, prenant toutes les formes, jusqu’au jour où l’on se réveille au milieu de toute sorte de complications qu’on croit pouvoir encore dominer et dont on n’est déjà plus maître.

Pourquoi les tristes scènes qui ont marqué le passage du roi d’Espagne à Paris sont-elles devenues tout à coup une si grosse et si inquiétante affaire ? Elles sont certainement par elles-mêmes pénibles et humiliantes pour une ville où un souverain étranger, le chef d’une nation généreuse, n’a pas rencontré l’accueil qui lui était dû, où il s’est trouvé des journaux pour souffler le mépris des plus simples lois de l’hospitalité, et une populace pour obéir à d’indignes excitations; elles ont créé un embarras aussi inutile qu’imprévu là où il n’y avait que des raisons de bonne intelligence et d’amitié entre deux pays. Elles ont un caractère de plus : elles ont eu surtout cela de significatif qu’elles ont dévoilé d’un seul coup et par un dernier incident le fond d’une situation, des incohérences de pouvoir, des divisions ministérielles, des conflits d’influences, des désordres intimes, des troubles d’opinion sur lesquels on se plaisait encore à se faire illusion; elles ont brusquement mis à nu ce point décisif que M. Jules Simon précisait en peu de mots, il n’y a que quelques mois, dans un livre éloquent, le point où l’on peut se demander si, au dedans, il y a un gouvernement et si, au dehors, il y aura bientôt une France. C’est notre histoire d’aujourd’hui, à la veille de la rentrée des chambres, au moment où ministère et parlement vont se retrouver en présence pour des explications qui ne peuvent manquer d’une certaine solennité. Il faut savoir si la France est destinée à épuiser jusqu’au bout les déboires de la fausse politique qu’on lui fait, ou si le gouvernement, averti du péril, aura assez de résolution pour se redresser de son propre effort et tenter de réparer des fautes dont il a été lui-même le complice. C’est toute la question qui se débat dans cette crise nouvelle, que le passage du roi d’Espagne n’a pas seul créée, qu’il a du moins précipitée, et d’où il s’agit maintenant de sortir.

Il y a deux choses dans cette maussade situation faite à la France par les déplorables scènes qui ont signalé le passage du roi Alphonse à Paris et qui ne pouvaient manquer d’avoir un triste retentissement en Europe. Il y a une difficulté extérieure qui ne peut avoir rien d’imprévu, à laquelle il fallait s’attendre, après ce qui venait d’arriver, et il y a une question tout intérieure qui est née immédiatement des circonstances mêmes, qui devait naître fatalement.

La difficulté extérieure, si délicate qu’elle soit, n’a certes rien d’insoluble pour la raison d’une diplomatie bien intentionnée. Des manifestations de rues, des vociférations d’une multitude irresponsable ne sont pas l’opinion d’un pays, pas même d’une ville ; elles ne changent pas les relations traditionnelles de deux nations sensées qui se respectent, et le gouvernement français, il faut le dire, s’est hâté de faire ce qu’il pouvait, ce qu’il devait, pour couper court à tout malentendu, pour effacer les impressions pénibles qu’auraient pu laisser les injures de la rue. M. le président de la république lui-même, plus zélé peut-être à réparer le mal qu’à le prévoir et à le prévenir, n’a point hésité à se rendre auprès du souverain espagnol pour lui porter le désaveu des « misérables » qui déshonoraient le pays par leurs manifestations, le témoignage des sentimens de cordialité et de sympathie de la vraie France courtoise et hospitalière. M. le président du conseil, de son côté, n’a rien négligé, à ce qu’il semble, pour dégager le gouvernement de toute solidarité avec les manifestans du 29 septembre, et le jeune souverain, à son tour, a mis dans toute sa conduite comme dans son langage autant de tact que de modération. Il n’a pas prolongé son séjour autant qu’il l’avait projeté, il n’avait aucune raison de faire plus ample connaissance avec les démagogues parisiens ; il a su cependant se défendre de tout mouvement de mauvaise humeur, il n’a pas voulu brusquer son départ. Il a reçu avec un mélange de dignité et de bonne grâce toutes les explications qui lui ont été portées, qui étaient manifestement sincères, et il a montré qu’il se tenait pour satisfait en acceptant de paraître au banquet que M. le président Grévy lui a offert à l’Élysée. Tout s’est donc passé aussi correctement que possible, et un instant la question diplomatique a pu paraître terminée avec le départ du roi. Après cela, que l’orgueil espagnol se soit un peu réveillé quand on a eu repassé les Pyrénées, quand on s’est retrouvé au milieu des effervescences du sentiment national offensé par les scènes de Paris, et que les têtes vives aient cru alors nécessaire de reprendre la querelle, d’exiger de plus amples réparations, cela se peut. Dans tous les cas, le gouvernement français avait évidemment agi avec une certaine habileté en allant au-devant de toutes les réclamations qui pouvaient lui être adressées, en désintéressant spontanément les légitimes susceptibilités de l’Espagne. Il avait fait tout ce qu’il pouvait, aux yeux mêmes de beaucoup d’Espagnols, et la meilleure preuve, c’est que le jour où le ministre des affaires étrangères de Madrid, M. le marquis de la Vega y Armijo, a voulu proposer au conseil d’aller plus loin, d’adresser à la France des réclamations nouvelles ou plus accentuées, il n’a pas été suivi par la plupart de ses collègues ; il n’a réussi qu’à précipiter la crise ministérielle, qui, après avoir été longtemps en suspens, vient d’éclater à Madrid. C’est qu’en effet le gouvernement français, par la promptitude impatiente avec laquelle il a donné toutes les satisfactions possibles, avait d’avance enlevé toute raison sérieuse de prolonger un incident pénible entre les deux pays. Il aurait pu, si l’on veut, s’exécuter plus complètement encore ces jours derniers en mettant tout simplement au Journal, officiel les paroles mêmes adressées par M. le président de la république au roi Alphonse sans renvoyer à la relation d’une agence sans mandat. Au fond, c’eût été la même chose. Le fait des satisfactions accordées à l’Espagne reste acquis, et le nouveau ministère qui se forme à Madrid ne songera pas vraisemblablement à raviver une querelle qu’il vaut mieux oublier dans l’intérêt des rapports essentiels des deux nations.

La situation se trouve donc, selon toute apparence, allégée d’un certain poids de ce côté; mais si la question diplomatique semble notablement atténuée, la question intérieure née de cette triste aventure du 20 septembre demeure entière avec ses complications et ses obscurités. Il resterait à savoir dans quelles conditions s’est produit cet incident, devenu un instant un si grave embarras pour le gouvernement, et ici c’est vraiment toute la politique du jour qui est en cause. Car enfin ceux qui ont accueilli par des outrages un hôte de la France ne sont pas sans doute les seuls coupables. Ces manifestans qui se retrouvent toujours dans la rue au premier signal révolutionnaire ont été excités et ont pu se croire encouragés. Ils ont eu directement ou indirectement des intelligences jusque dans les régions officielles. Ce n’est un mystère pour personne que le ministre de la guerre, — celui qui était encore il y a quelques jours ministre de la guerre, — était en connivence suivie avec les promoteurs des manifestations, et par une coïncidence singulière, cet étrange chef de l’armée s’est trouvé justement malade le jour où le gouvernement a dû aller recevoir le roi d’Espagne. C’est un fait avéré que, jusqu’à la dernière heure, les intentions de M. le président de la république lui-même ont été mises en doute dans son propre entourage, parmi ceux qui étaient censés le mieux connaître ses pensées secrètes. C’est un fait encore plus certain que, le jour de l’arrivée du roi d’Espagne, aucune mesure sérieuse n’avait été prise ; rien n’avait été prévu pour contenir ou dissiper les turbulens, pour épargner l’insulte à un jeune prince qui s’est confié à la courtoisie française. De telle façon que, si le pays s’est trouvé exposé à des complications aussi absurdes que périlleuses, si le gouvernement s’est vu réduit à présenter des excuses au roi d’Espagne, c’est sans doute en partie la faute de ces manifestans qui promettent un si aimable accueil aux princes de l’Europe, mais c’est assurément encore plus la faute de la politique qui n’a su rien prévoir ou qui, prévoyant tout, a laissé le scandale arriver.

Au dernier moment, il est vrai, en présence d’une aventure qui pouvait compromettre la France dans toutes ses relations comme dans sa considération, M. le président du conseil s’est aperçu de la gravité des choses ; il a paru comprendre qu’avec tout cela on allait à quelque effroyable crise, et, c’est une justice à lui rendre, il n’a point hésité à agir en chef de cabinet. En même temps qu’il s’efforçait de prévenir ou de dissiper tout malentendu avec l’Espagne, il a voulu remettre un peu d’ordre dans le gouvernement. Il n’a pas craint de marcher droit sur le ministre de la guerre, qui, par son attitude, par ses relations suspectes, par cette maladie si opportune qu’il a eue le jour de l’arrivée du roi d’Espagne, semblait se complaire dans une espèce d’indépendance, au risque de créer des difficultés au gouvernement dont il faisait partie. Les derniers incidens n’ont-ils été pour le chef du cabinet qu’une occasion de se débarrasser d’un collègue compromettant ou depuis longtemps importun? Toujours est-il que cette occasion, M. le président du conseil l’a saisie avec une dextérité hardie. Il a résolument exécuté M. le général Thibaudin en l’obligeant à donner sa démission ; il ne lui a pas laissé un jour de répit, et les malheureuses scènes de l’arrivée du roi d’Espagne ont eu du moins ce bon résultat de délivrer l’armée d’un chef qui, après être arrivé au pouvoir pour accomplir une iniquité à laquelle se refusaient ses compagnons d’armes, a semblé n’avoir d’autre préoccupation que de rester au ministère de la guerre avec l’appui et pour le bon plaisir du radicalisme.

Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que M. le général Thibaudin se prenait visiblement fort au sérieux et qu’il se croyait inexpugnable dans sa forteresse. Il se disait, lui aussi, qu’on n’oserait l’atteindre, et il n’était sûrement pas disposé à s’en aller de lui-même. Aussi est-il resté quelque peu abasourdi sous le coup qui l’a frappé, et il a adressé comme testament à M. le président de la république une lettre au moins bizarre où, sous prétexte de se défendre, il justifie tout simplement l’exclusion dont il a été l’objet. Il prétend avec mélancolie qu’en le frappant pendant l’absence du parlement, « ses ennemis politiques » ont voulu le placer dans « l’impuissance calculée de soumettre ses actes aux représentans du pays. » De quels « ennemis politiques » parle donc M. le général Thibaubin ? Il n’a dû quitter la place que par la volonté de M. le président du conseil, qui a eu manifestement en cela l’appui des autres membres du cabinet; mais s’il en était ainsi, si cet état d’inimitié politique dont parle M. le général Thibaudin existait entre le dernier ministre de la guerre et ses collègues, il est tout simple que la séparation ait été prononcée; on ne pouvait pas vivre ensemble, et lorsque M. le général Thibaudin se plaint aujourd’hui d’être privé du droit d’aller défendre ses actes devant le parlement, quelle idée se fait-il donc de son rôle et des conditions parlementaires? Est-ce qu’il était au ministère de la guerre pour représenter une politique? Est-ce qu’on ne tomberait pas dans la plus complète anarchie le jour où le parlement aurait à décider entre le président du conseil et un de ses collègues?

Le fait est que M. le général Thibaudin aura été un ministre de la guerre passablement étrange. Compromis par la manière même dont il est arrivé au pouvoir, subi par l’armée, suspect à la plupart de ses collègues du cabinet, il n’a eu d’autre ressource que de chercher un appui parmi les politiques du radicalisme, qui se sont sentis heureux d’avoir par lui la main dans toutes les affaires militaires. Il a ouvert à ces singuliers auxiliaires les portes de son administration, il les a admis dans ses conseils ; il leur a permis de pénétrer dans ses archives, de chercher dans ses dossiers les moyens d’attaquer les plus vaillans serviteurs du pays. Il n’est pas une de leurs fantaisies devant laquelle il ne se soit arrêté ou qu’il ne se soit empressé de satisfaire. M. le général Thibaudin a certainement fait peu de chose, depuis dix mois, pour les vrais intérêts militaires dont il était le gardien et le défenseur; en revanche, il a passé son temps à introduire la politique dans l’armée, à affaiblir le sentiment de la discipline et l’esprit militaire en favorisant parmi les officiers le dégoût de l’uniforme, en montrant que le premier des titres était de tout sacrifier à un parti. Récemment encore, quelques jours à peine avant sa sortie du ministère, il avait imaginé de mettre à la disposition du radicalisme, qui n’y regarde pas de si près, une des armes les plus décriées, les plus dangereuses du régime impérial. Il publiait une circulaire qui soumettait la gendarmerie à un service de police politique. Ces malheureux gendarmes, qui sont les meilleurs, les plus fidèles et les plus utiles des serviteurs dans leur rôle modeste et pacifique, devaient désormais tout voir et tout savoir; ils devaient surveiller les ennemis du régime établi, faire connaître au ministre de la guerre « les causes générales ou locales de mécontentement, les mesures réclamées par les populations, les tentatives d’agitation contre l’ordre et les lois, etc. » Avec cette arme, avec cette police universelle, il n’est pas difficile de voir que le ministère de la guerre tendrait à tout absorber et serait à lui seul tout le gouvernement; M. le général Thibaudin et ses alliés du radicalisme n’auraient pas demandé mieux. — « Pauvre armée, dans quel état il l’a mise! » disaient récemment non pas des réactionnaires, mais des républicains prenant lestement congé de M. le général Thibaudin. C’est fort bien ; mais ceux qui parlent ainsi aujourd’hui ne devraient pas oublier qu’il y a quelques mois ils étaient les premiers à exalter le ministre prêt à livrer à leur passion de parti des princes qui étaient l’honneur de l’armée; ils devraient se souvenir un peu plus qu’ils ont fait eux-mêmes la fortune de M. le général Thibaudin, qu’ils n’avaient pas assez de violences de polémique contre les adversaires plus sensés qui ne voyaient dans le ministre des décrets sur les princes d’Orléans qu’un chef sans autorité, condamné d’avance à n’être qu’un instrument de parti.

On s’aperçoit un peu tard maintenant que, si M. le général Thibaudin a beaucoup fait pour ses amis les radicaux, il n’a rien fait pour l’armée, et on sent le besoin de remettre les intérêts militaires en de meilleures mains. On s’est adressé à M. le général Saussier, qui commande à Alger, à M. le général Lewal, qui commande à Toulouse, qui est un théoricien militaire éminent, et on a fini par choisir M. le général Campenon, qui a été un moment ministre avec M. Gambetta, qui est un vrai soldat; soit! M. le président du conseil a vigoureusement mené toute cette affaire, nous en convenons; seulement il faut s’entendre. Cette exécution sommaire de M. le général Thibaudin dans les circonstances présentes n’aurait manifestement aucune signification sérieuse si elle n’était pas dans la pratique, dans la réalité, comme elle l’est dans l’apparence, une rupture définitive avec le radicalisme, qui se hâte d’ailleurs de prendre pour drapeau le nom du dernier ministre de la guerre; elle ne serait qu’une équivoque de plus, un expédient puéril, si elle n’était pas suivie de l’affirmation résolue d’une république réellement modérée en face de la république révolutionnaire et agitatrice qui nous presse de toutes parts, à laquelle on a trop souvent prêté les mains. Comment l’entend M. le président du conseil? Que se propose-t-il de faire à l’ouverture prochaine des chambres, dans cette mêlée un peu désordonnée des partis à laquelle nous allons infailliblement assister? C’est là toute la question au lendemain de ces derniers incidens qui sont la crise peut-être décisive pour la politique régnante. M. le président du conseil se méprendrait étrangement s’il se figurait se tirer toujours d’affaire avec une certaine habileté, s’il croyait qu’il n’y a qu’à serrer un peu les freins, à tempérer momentanément ce qu’il y a de par trop violent dans certaines mesures, à parler de modération, de conciliation, et à continuer la même politique. Il se tromperait parce que c’est justement cette politique qui a fait tout le mal, qui a créé la situation où nous nous débattons, où l’on n’est pas même sûr de rester maître du premier incident qui éclate.

Eh! sans doute, rien n’est plus facile en apparence que de se tenir dans un certain équilibre, de marcher plus ou moins longtemps entre des républicains violens qu’on redoute, mais dont on n’ose décliner l’onéreuse alliance, et les modérés qu’on préférerait, mais avec lesquels on craindrait de se compromettre. Avec cela, on n’arrive à rien, ou plutôt on arrive à tout perdre et à s’user dans une œuvre impossible. On se figure toujours qu’on n’ira pas trop loin, qu’on réussira à maintenir ce qu’on appelle la politique républicaine dans une certaine voie prudemment ou habilement tracée, et, au bout du compte, sous prétexte de concessions nécessaires, on finit par tout livrer. Un jour, pour faire provision de popularité, on invoque la raison d’état, on entreprend la campagne des décrets contre les congrégations religieuses, ou bien on suspend par autorité discrétionnaire les traitemens ecclésiastiques; un autre jour, on se jette dans les entreprises fastueuses pour capter le suffrage universel, on prodigue les ressources financières du pays jusqu’à épuiser le budget et le crédit. Tantôt c’est la magistrature qu’on détruit dans son indépendance sous prétexte de la réformer, qu’on abandonne à tous les ressentimens, à toutes les convoitises de parti; tantôt c’est l’armée qu’on laisse ébranler dans ses institutions, dans sa discipline, dans son esprit. Organisation militaire, représentation diplomatique, administration, finances, paix religieuse, tout y a passé par degrés. Et remarquez que toutes les fois qu’il y a eu quelque projet de destruction déguisé sous le nom de réforme, quelque atteinte méditée contre les institutions du pays, les chefs de la politique prétendue républicaine ont toujours tenu le même langage; ils ont dit et répété qu’il fallait encore une concession, que, sans cela, on ne sauverait rien, on allait tout compromettre. Les concessions ont été faites, et on n’a rien sauvé. On n’a cessé de se laisser aller à ce courant d’une opinion surexcitée ou factice, et le résultat de ce système, c’est précisément ce que nous voyons : c’est cette situation minée, affaiblie où nous sommes, où le radicalisme s’infiltre de toutes parts et fait son œuvre de désorganisation. Ce n’est pas nous qui le disons, ce sont les républicains eux-mêmes qui commencent à le dire tout haut, parce qu’ils ne peuvent plus fermer les yeux sur un mal croissant qui menace la république dans son existence. Le résultat, il est là sous toutes les formes, il éclate à tous les regards. Que veut-on de plus? Il est évident aujourd’hui, qu’après quelques années de la politique régnante, la France est à peu près dans un isolement complet en Europe. Elle ne peut compter ni sur des alliances ni sur des amitiés. L’armée reste toujours sans doute par son courage à la hauteur des rôles qu’elle pourrait avoir à remplir; mais elle est sans cesse menacée de tant de réformes qu’elle ne sait plus ce qu’elle sera demain. Les finances sont en déficit croissant, et M. Tirard aura certes de la peine à guérir le mal ou à le pallier. La magistrature est plus que jamais livrée aux exécutions de M. le garde des sceaux. Voilà le dernier mot de la politique du jour. Si M. le président du conseil se flattait par hasard de pouvoir continuer ce système, même avec quelques atténuations nouvelles, il n’aurait évidemment rien fait, il n’aurait remédié à rien, et le renvoi de M. le général Thibaudin n’aurait d’autre valeur ou d’autre intérêt que d’être le dénoûment d’un conflit tout personnel.

Si M. le président du conseil, qui ne manque pas de résolution, accepte, au contraire, toutes les conséquences d’une rupture déclarée et définitive avec le radicalisme, il est clair qu’il doit changer de système pour se faire de nouveaux alliés. Les modérés ne peuvent le soutenir s’ils ne trouvent pas dans une politique suffisamment rectifiée des gages et des assurances pour leurs opinions. Ce serait de leur part une pure duperie de se prêter indéfiniment à ce jeu qui a trop souvent consisté jusqu’ici à leur demander un appui ou un vote de résignation pour des mesures qu’ils ne cessent de condamner, pour une politique dont ils n’ont cessé de signaler les dangers. La difficulté, dit-on, est d’accomplir cette évolution au milieu des passions du jour, dans un parlement livré à toutes les ardeurs, à toutes les divisions des partis. M. le président du conseil est exposé à perdre l’appui de certaines fractions républicaines assez avancées sans trouver une compensation suffisante dans le camp modéré et à n’avoir plus de majorité. C’est possible. Manœuvrer devant l’ennemi n’est jamais facile. Il n’est pas moins vrai que c’est aujourd’hui la seule tentative honorable, digne de séduire une ambition virile, que c’est sur ce terrain seulement qu’on peut combattre avec quelque profit, avec quelque chance de réparer une partie du mal qui a été fait depuis quelques années. Et puis, en définitive, que risque M. Jules Ferry, après le coup qu’il vient de frapper par l’exécution de M. le général Thibaudin? S’il n’a pas fait assez pour se créer la position d’un chef de ministère modéré, il a déjà trop fait pour pouvoir se promettre de rallier un jour ou l’autre les radicaux à sa cause. M. le président du conseil aura beau faire, il aura beau rappeler ses campagnes contre les congrégations ou pour l’enseignement laïque et se guinder dans son orgueil : il est désormais suspect. Le voilà, lui aussi, classé parmi les orléanistes, les cléricaux, les réactionnaires et les monarchistes ! Ils y ont tous passé, et M. Jules Simon, et M. Laboulaye, et M. Ribot, et M. Bardoux. M. Thiers serait maintenant plus que jamais le plus dangereux des monarchistes, et M. Dufaure serait un clérical. C’est bien entendu : il suffit, au dire des polémistes radicaux, de vouloir que la république reste un gouvernement régulier et modéré pour n’être plus républicain, — ce qui tendrait à établir que, dès qu’on a quelque bon sens, des lumières et même du talent, on est nécessairement orléaniste et réactionnaire. Tout ce que risque, en fin de compte, M. le président du conseil, en acceptant jusqu’au bout les conséquences de l’attitude de résistance qu’il a prise dans les derniers incidens, c’est de se trouver encore après tout en assez bonne compagnie.

Ce qui est certain, dans tous les cas, c’est que le moment est venu de faire un choix, de se décider. Qu’on y réfléchisse bien : les incidens qui se sont passés à l’arrivée du roi d’Espagne ont dévoilé une situation extrême et cruelle qui ne pourrait qu’être aggravée soit par la continuation de la politique suivie jusqu’ici, soit par une victoire plus complète du radicalisme. Qu’arriverait-il en effet si cette situation devait se prolonger? Ces manifestations d’anarchie qui se succèdent, ces doctrines révolutionnaires qui sont publiquement proclamées à tout propos et que le gouvernement n’a pas toujours la force de prévenir ou de réprimer ne font qu’accroître l’isolement de notre pays en détachant de la France les sympathies des peuples eux-mêmes aussi bien que des cabinets, en éloignant trop souvent les étrangers de Paris. L’isolement diplomatique, qui est trop évident, est sans doute par lui-même un malheur pour la dignité, pour l’action légitime de notre nation dans le monde; mais il a d’autres conséquences encore. Il a ses contre-coups inévitables dans nos industries, dans notre commerce, dans le développement de nos intérêts économiques, dans le travail national. On le sent déjà, dit-on, à Paris, et on le sentira vraisemblablement bien plus encore : de sorte que tout se tient ici. Si l’on veut raviver les sources du travail et de l’activité nationale, toujours si féconde quand elle se sent libre, il faut tout faire pour rendre à un pays comme la France la position aisée et respectée qui lui est due dans le monde ; si l’on veut en finir par degrés avec un isolement diplomatique tel que nous ne l’avons jamais connu, il faut qu’il y ait un gouvernement, et on ne peut avoir un gouvernement qu’en revenant sans faiblesse et sans équivoque à une politique de modération et de réparation qui seule peut relever une situation si malheureusement compromise. Voilà toute la question. C’est là ce qu’ont à méditer les représentans du pays qui vont revenir au Palais-Bourbon comme au Luxembourg, et cela, en vérité, a plus d’importance que de s’occuper de M. le général Thibaudin ou même de la révision de la constitution.

Ce ne sont point d’ailleurs les questions sérieuses qui manqueront au début de cette session extraordinaire, qui va s’ouvrir d’ici à sept ou huit jours, et au premier rang, on peut en être sûr, figurera cette affaire du Tonkin, qui occupe toujours l’opinion, qui ne paraît nullement terminée, qui passe sans cesse, au contraire, par des phases nouvelles. Sur tous les points de notre politique, sur cette affaire du Tonkin comme sur bien d’autres, il y aura, selon toute apparence, des luttes singulièrement animées. On se dispose visiblement à demander compte au gouvernement de ce qu’il a fait et de ce qu’il n’a pas fait, de sa diplomatie et de ses combinaisons de guerre, surtout peut-être du mystère dont il semble se plaire à envelopper toutes ces opérations lointaines dans lesquelles il s’est engagé sans trop consulter le parlement. Ce qu’il y a de plus saisissable dans l’obscurité calculée où l’on nous laisse, c’est que, depuis quelques mois, on négocie incessamment avec la Chine sans pouvoir arriver à s’entendre sur des questions qui ne sont rien moins que faciles à définir et à préciser. Tantôt c’est la France qui présente un mémorandum, tantôt c’est de Pékin que vient un autre mémorandum. Le chef du foreign office, lord Granville, intervient à son tour, examine en médiateur conciliant toutes ces propositions diverses, et, en fin de compte, on reste au même point. Le représentant de la Chine, le marquis de Tseng, s’en va de temps à autre se promener en Angleterre, en attendant de nouvelles instructions. Seulement, et c’est ici que survient une péripétie inattendue, tandis qu’on négocie avec une persévérance couronnée de peu de succès entre Paris, Pékin et Londres, le commissaire civil français envoyé au Tonkin procède à sa manière. Il a déjà signé, au mois d’août, avec le gouvernement de l’Annam, une convention, le traité de Hué, qui a du moins le mérite de nous débarrasser d’une difficulté, et voici que maintenant il exerce sa diplomatie dans des conditions passablement singulières. Il vient, à ce qu’il semble, de traiter directement avec les chefs des Pavillons-Noirs, de ces bandes qui ont été la première cause de notre expédition militaire au Tonkin ; il aurait réussi à désarmer ces Pavillons-Noirs, à les reléguer sur le haut du Fleuve-Rouge, en assurant à la France des positions désormais à l’abri des attaques et des incursions. Si le commissaire français a pu obtenir une paix assez sérieuse, rien de mieux assurément. C’est un résultat tel quel. Seulement on se demande ce que peut bien être un traité avec ces Pavillons-Noirs, qui ont promené dans leurs bourgades la tête du malheureux Rivière, et on peut de plus se demander quelle influence peut avoir cette convention d’un nouveau genre sur le règlement de nos différends avec la Chine. Le gouvernement français, en dépit de tout ce travail lointain de diplomatie, n’a pas moins envoyé récemment encore quelques bataillons d’Algérie destinés à fortifier le petit corps expéditionnaire du Tonkin, et la vérité est que, dans tout cela, dans les négociations comme dans les opérations militaires, il reste bien des points obscurs que le ministère sera nécessairement obligé d’éclaircir. Il y est d’autant plus intéressé que, s’il n’y a pas une prévention absolue contre cette entreprise on se dispersent nos forces, il y a du moins un grand doute sur la manière dont elle a été conduite.

Les questions, les diversions, les incidens n’ont jamais manqué et ne manquent certes pas aujourd’hui dans le monde. Ils ne manquent ni dans les régions lointaines, ni sur le continent européen, nichez les plus vieilles nations, ni chez les plus jeunes. Ils prennent toutes les formes et tous les caractères. Ils mettent en jeu tous les rapports des peuples, et, dans ce mouvement des relations universelles, ce qui vaut encore le mieux, c’est de chercher toujours ce qui peut rapprocher, non ce qui peut diviser des nations faites pour s’entendre. Quand survient une malheureuse affaire comme celle qui s’est s’élevée entre l’Espagne et la France, comment ne pas rappeler aussitôt tout ce qui fait des deux pays des alliés naturels, presque nécessaires? Lorsque entre la France et l’Angleterre il y a des nuages, des malentendus, des rivalités au sujet du Tonkin ou de Madagascar, tout cela est admissible sans doute entre de grandes nations indépendantes; ce n’est pas un motif pour qu’il y ait des mésintelligences invétérées là où il y a tant d’intérêts communs à défendre pour les deux pays. Quand l’Italie cède à ses ombrages, à sa mauvaise humeur contre la France jusqu’à se jeter à la poursuite de toutes les alliances comme si elle était menacée, elle a tort assurément, elle manque à sa vraie politique : il ne s’ensuit pas qu’on doive entrer en conflit, qu’il ne puisse y avoir un jour ou l’autre des rapprochemens utiles. Bien des Italiens sensés le croient et le disent eux-mêmes. Il a paru récemment dans cette Revue un article, — Italie et Levant, — librement pensé, écrit avec autant de feu que de compétence par un de nos chefs militaires, et cet article a provoqué en Italie une réponse, œuvre d’un homme également sérieux, qui est un officier distingué et est même, si nous ne nous trompons, au ministère de la marine à Rome. Ce n’est pas sur le dénombrement des forces navales respectives et sur des détails techniques qu’il faut insister ; ce qui vaut mieux, c’est le sentiment conciliant et amical qui a inspiré cette réponse italienne. L’auteur défend vivement son pays de toute pensée de jalousie et d’inimitié; il ne craint pas d’avouer ses sympathies pour la France et de rappeler « qu’on peut difficilement trouver deux peuples entre lesquels il y ait une telle communauté d’idées, d’affections et de sang. » Si tous les Italiens parlaient ainsi, bien des nuages se dissiperaient et les intérêts des deux pays ne s’en trouveraient que mieux.


CH. DE MAZADE.

LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Le 29 septembre, jour où le roi d’Espagne était attendu à Paris, le 3 pour 100 se tenait encore à 78.85, l’amortissable à 81.32, le 4 1/2 à 108.37. Après tout un mois passé dans une inaction à peu près complète, la Bourse se trouvait n’avoir perdu que 0 fr. 25 ou fr. 30 pour chacun des trois types de rente, sur les cours de compensation du 1er septembre. Si la réception qui allait être faite au souverain espagnol ne donnait lieu à aucun incident fâcheux, on pouvait espérer une liquidation assez facile au niveau actuel, et s’il fallait prévoir ensuite un peu de réaction par suite des appréhensions que pouvait faire concevoir la prochaine rentrée des chambres, du moins était-il probable que les efforts des baissiers ne rencontreraient pas une résistance moins vive en octobre qu’en septembre.

On sait comment ces calculs ont été déjoués par l’événement. On a vu, en effet, les rentes tomber immédiatement de près d’une unité, et les grandes valeurs du parquet perdre sans résistance 40 ou 50 fr. dans les deux premières bourses du mois d’octobre.

Du 2 au 10 octobre, les cours ne se sont pas relevés, le 4 1/2 oscillant de 107.50 à 107.60, le 3 pour cent de 77.50 à 77.70, et l’amortis- sable de 79.30 à 79.50, après détachement d’un coupon trimestriel le 1*’octobre. Cependant la situation politique subissait dans l’intervalle d’heureuses modifications, et bientôt les haussiers, que tant de déboires avaient accablés, se sont repris à espérer de meilleurs jours. La démission du général Thibaudin, remplacé par le général Campenon au ministère de la guerre, a rendu le cabinet plus homogène et plus fort et a facilité en même temps le maintien des bonnes relations du pays avec le dehors. Le différend franco-espagnol n’avait pas été clos, on l’avait redouté avec raison, par la démarche du président de la république; le cabinet Sagasta essayait, en mettant en jeu la susceptibilité nationale, de prolonger son existence. Mais les exigences outrées du ministre des affaires étrangères d’Espagne ont été désavouées par ses propres collègues; il en est résulté à Madrid une crise qui s’est dénouée rapidement par la formation d’un cabinet nouveau composé de libéraux et de membres de la gauche dynastique, favorables, pour la plupart, au rétablissement de relations cordiales entre les deux pays et les deux gouvernemens.

Enfin le ministère Ferry n’a pas été moins bien et moins heureusement servi par les événemens en ce qui concerne nos affaires dans l’extrême Orient. Des dépêches anglaises ont appris que les Pavillons- Noirs cédaient la place à nos troupes, que le delta était maintenant fortement occupé, et que le traité de Hué recevait sa pleine exécution avec le concours des mandarins annamites. La Chine elle-même modère ses prétentions, et n’attend plus pour traiter que l’issue de la lutte que doit engager dans quelques jours au parlement le parti radical contre le cabinet Ferry.

L’issue de cette lutte avait paru fort douteuse pendant quelques jours. Mais, depuis le milieu de la semaine, on est convaincu que le ministère l’emportera sans peine, et la Bourse a traduit à sa façon cette opinion par un mouvement de reprise assez vif, sur la solidité duquel on ne saurait se prononcer, mais qui a réparé en quarante-huit heures une partie du mal qu’avait fait la liquidation. Le 4 1/2 s’est relevé d’un demi-point et reste à 108.05, le 3 pour 100 a repris le cours de 78, l’amortissable se rapproche de celui de 80. Le Crédit foncier, que la baisse avait refoulé de 1,300 à 1,200 francs, a pu déjà revenir à l,240 francs. Les actions des Chemins français ont également remonté ; le Suez et la Banque de Paris, il est vrai, ne s’écartent pas beaucoup des plus bas cours cotés. La fin du mois est encore trop éloignée pour qu’on puisse parler d’une chasse au découvert qui rendrait le mouvement de reprise irrésistible. Il vaut mieux espérer que l’amélioration des cours réponde uniquement aux changemens favorables survenus dans la situation politique et se développera normalement si l’horizon politique achève de s’éclaircir et de se rasséréner.

Lorsque la chambre, après avoir repris ses séances, en aura fini avec les interpellations et les débats purement politiques et la lutte des partis, elle devra concentrer toute son attention sur les questions budgétaires, dont la solution est urgente. La commission du budget a déjà repris ses séances. Elle va recevoir communication des changemens que M. Tirard se propose d’apporter à la loi de finances de 1884. Le budget avait été établi d’après le nouveau système de M. Léon Say sur l’évaluation des recettes. Le rendement des impôts depuis le commencement de l’année n’a pas justifié pour toutes les catégories de recettes ce mode d’évaluation. L’enregistrement, le timbre et les douanes ont donné des moins-values qui atteignent déjà ensemble le chiffre de 45 millions environ. Il faudra donc ramener, pour 1884, les prévisions sur ces ressources de revenu à des chiffres plus faibles ; il en résultera une insuffisance, un déficit que l’on peut évaluer à 60 millions.

M. Tirard ne proposera, pour parer à ce déficit, la création d’aucun impôt nouveau, ni l’augmentation d’aucun des impôts existans. Il est question cependant d’une réforme dans le régime des boissons. Mais M. Tirard compte principalement sur d’importantes diminutions dans les dépenses des ministères et sur l’économie d’une dizaine de millions devant résulter d’une modification du régime des caisses de retraite pour la vieillesse.

L’événement financier de la quinzaine a été le succès de la souscription ouverte, le 3 octobre, par la Compagnie du canal interocéanique de Panama au milieu de circonstances tellement fâcheuses que toute autre opération financière eût été condamnée à l’échec le plus complet. La compagnie offrait au public 600,000 obligations; il lui en a été demandé 650,000 par plus de cent mille souscripteurs. On voit que la Bourse et la spéculation n’ont eu aucune part dans ce résultat vraiment étonnant de la confiance que manifeste la petite épargne à l’égard des entreprises de M. de Lesseps. Les souscriptions de 1 à 10 obligations sont intégralement servies. Les souscriptions portant sur plus de 10 obligations subissent une réduction de 15 pour 100. L’action de Panama devrait profiter du succès de la souscription; ce titre cependant n’a pu encore reprendre le pair.

Les obligations des chemins de fer français ont été plus fermes que les rentes et ne se sont point ressenties des émotions de la spéculation. Les actions, au contraire, ont assez fortement fléchi, non pas que l’on puisse redouter le rejet des conventions par le sénat, mais on sait que ces conventions mêmes ne sont pas aussi avantageuses aux actionnaires que la spéculation avait pu le supposer d’abord.

Les chemins de fer étrangers ont échappé à l’influence fâcheuse qu’exerçaient les événemens sur les valeurs françaises. Les Autrichiens et les Lombards sont restés immobiles; le Nord de l’Espagne et le Saragosse ont remonté parce que les recettes sont en progression constante, malgré la diminution du prix des places de voyageurs depuis le 1er septembre.

Le Crédit foncier reprend le terrain perdu. Les bruits relatifs à des pertes qu’imposeraient à cet établissement les embarras de certaines entreprises immobilières étaient mal fondés. Les titres des autres sociétés de crédit sont restés sans changement.

L’italien a été constamment ferme et n’a perdu un moment le cours de 91 francs que pour le reprendre et le dépasser aussitôt. Les valeurs turques ont été délaissées. La démission du cabinet Sagasta a valu plus d’une unité de hausse au 4 pour 100 extérieur d’Espagne; mais ce fonds a reperdu un demi-point quand il a été connu que M. Camacho ne faisait point partie du nouveau cabinet.


La directeur-gérant : C. BULOZ.