Chronique de la quinzaine - 29 février 1880

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Chronique n° 1149
29 février 1880


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




29 février 1880.

Un jour, M. Guizot, ministre de la monarchie de juillet au temps où cette monarchie en était encore à se fonder laborieusement au milieu des contestations ardentes, M. Guizot disait aux partis qui s’appelaient progressistes, qu’il appelait, lui, des partis agitateurs et stériles : « Le progrès a deux conditions impérieuses et les voici : l’une que l’ordre règne. Il n’y a de progrès qu’au sein de l’ordre. Ce que vous appelez progrès n’est qu’un ébranlement continuel, la dissolution de la société. Le progrès régulier, permanent, tel qu’une société constituée doit le vouloir, ne peut s’accomplir qu’au sein de l’ordre. — Voici la seconde condition : Pour qu’il y ait progrès, il faut qu’il y ait quelque chose de nouveau, de vraiment utile, de fécond dans les idées du parti qui le demande. Le parti qui se proclame parmi nous le parti du progrès se vante. C’est au contraire un parti usé, un vieux parti, un parti stérile qui se traîne dans l’ornière révolutionnaire... Vous êtes un vieux parti; il nous faut du nouveau, et vous n’en avez pas! » Ce n’est pas l’ordre, au moins l’ordre matériel, qui marque aujourd’hui en France. Il règne partout plus qu’il n’a jamais régné, — et qui chercherait à le troubler se mettrait en contradiction avec le vœu le plus évident, avec l’instinct le plus profond du pays; mais, à part cet ordre matériel, qui n’est point menacé, ainsi que le disait récemment M. le président du conseil, est-ce que les paroles de M. Guizot ne sont pas toujours vraies et ne trouveraient pas à tout instant leur application autour de nous? Sans doute, depuis que ces paroles étaient prononcées, depuis près d’un demi-siècle, les circonstances ont singulièrement changé. La monarchie existait autrefois, la république existe aujourd’hui. Est-ce qu’il ne s’agit pas encore, après tout, d’un régime libéral et parlementaire à fonder, d’une politique à trouver pour ce nouveau régime, du vrai progrès à réaliser « au sein de l’ordre, avec des idées vraiment utiles? » La faiblesse des partis qui dominent aujourd’hui dans les assemblées est d’être assez médiocrement façonnés à leur rôle, de faire à tout propos de l’ordre avec du désordre, de chercher ce qu’ils appellent le progrès dans des vieilleries révolutionnaires ou dans des expédiens de désorganisation. La vérité est qu’ils n’ont montré jusqu’ici ni le sens du gouvernement, ni le sens du progrès, et qu’avec tout cela ils ont de la peine à former une majorité suffisamment coordonnée pour soutenir avec quelque ensemble un ministère par lequel ils se croient représentés.

On a pu le voir encore une fois tout récemment par ces discours qui ont été prononcés dans des réunions des deux principaux groupes de la majorité, la gauche républicaine et l’union républicaine. Les nouveaux présidens de ces deux groupes, M. Devès et M. Spuller, ont tenu sans doute à mettre au clair les idées de leurs amis, et à tracer une sorte de programme ou de bilan de la situation telle qu’ils la comprennent. L’un et l’autre ont mis assurément dans leurs paroles beaucoup de bonne volonté, — sans ménager les flatteries aux fractions parlementaires qu’ils représentent. M. Devès s’est fait un plaisir de constater que « la majorité républicaine, considérée d’ensemble, évolue visiblement, à travers quelques indécisions, dans le sens nettement marqué d’une politique gouvernementale… » Il a parlé aussi avec chaleur de « cette stabilité si utile à l’affermissement de nos institutions, et sans laquelle, de chute en chute, on risquerait d’aboutir, par le désarroi de l’administration, à l’impuissance du gouvernement lui-même. » Voilà qui est certes on ne peut plus rassurant ! M. Spuller, à son tour, n’a pas voulu se montrer moins « gouvernemental »; il a proclamé les bienfaits « de l’ordre et de la paix. » Il a fait à ses amis le compliment qu’ils étaient a le grand parti national de liberté dans l’ordre et de conservation par le progrès. « Il n’a pas craint d’avouer, lui aussi, que le gouvernement républicain avait surtout un impérieux besoin de stabilité. « Nous devons donner avant tout satisfaction à ce besoin du pays, a-t-il dit, et subordonner tout à cette nécessité qui est tout à fait de premier ordre.» L’un et l’autre, M. Spuller et M. Devès, ont promis d’ailleurs un certain genre d’appui au ministère. Tout cela est fort bien. Qu’en faut-il conclure sérieusement? Le fait est qu’on n’en peut rien conclure, que la ressemblance de langage est dénuée de toute signification pratique, même au point de vue de la cohésion de la majorité dont les deux fractions représentées par M. Devès et par M. Spuller forment les plus gros contingens.

Comment la gauche et l’union républicaine entendent-elles soutenir ce ministère qu’elles encouragent provisoirement de leur approbation et de leurs sympathies ? Oh ! cela est bien simple. Elles soutiendront le ministère, comme les esprits faits pour l’opposition soutiennent un cabinet, « avec liberté,» sans « docilité aveugle, » sans craindre au besoin de le contredire, de lui dérober toute initiative ou de lui imposer ce qu’il ne voudrait pas accepter, ce qu’il considérerait comme dangereux. Le genre d’appui qu’elles promettent au ministère ressemble tout à fait à celui du garde national indépendant prêt à se servir de ses armes pour défendre les institutions et au besoin pour les combattre. Avec cela on perpétue les situations précaires, l’instabilité ministérielle, on ne fait pas un gouvernement, on n’a pas le régime parlementaire, on n’a tout au plus que les inconvéniens de ce régime sans en avoir les avantages. — Comment enfin la gauche et l’union républicaine entendent-elles cette stabilité, cet ordre, cet apaisement, ces conditions de gouvernement régulier dont elles parlent sans cesse ? Il faut prendre les choses dans leur réalité ! Les paroles ne sont que des paroles. Les programmes qui se déroulent tous les jours, qui se traduisent par les actes, par les faits, sont plus éloquens et surtout plus significatifs que les discours.

Qu’on réunisse tout ce que la gauche et l’union républicaine proposent ou défendent, tout ce qu’elle mettent dans leurs programmes pratiques. L’amnistie, par exemple, malgré ce qu’a dit M. le président du conseil, l’amnistie n’est point abandonnée. L’union la réserve dans ses manifestes, et par une coïncidence singulière, la gauche qui ne l’admet pas choisit justement pour président un de ses membres qui l’a soutenue, qui avoue encore ses sympathies pour cette mesure « d’apaisement.» L’amnistie reste visiblement une arme dont on pourra se servir un jour ou l’autre. L’article 7 des lois de M. Jules Ferry, la « guerre au cléricalisme » est plus que jamais, bien entendu, une des formules sacrées de la politique républicaine. La révolution dans la magistrature par la suspension de l’inamovibilité n’est pas poursuivie avec moins d’acharnement, et la commission parlementaire qui a toute sorte de propositions à examiner, est dans les meilleures dispositions pour tout bouleverser sans admettre même les plus légers palliatifs. L’antipathie contre la magistrature, la guerre à l’inamovibilité, c’est aussi un article de foi dans certaines régions de la majorité républicaine. Quant aux épurations administratives, aux coupes sombres dans le personnel des fonctionnaires, c’est là depuis longtemps un point sur lequel on ne varie pas. La révocation à outrance est pour les orthodoxes la plus belle prérogative du pouvoir ! C’est ainsi qu’on croit faire du gouvernement et qu’on travaille à l’affermissement des institutions, à la fondation d’un régime régulier et durable. En d’autres termes, ce qu’on appelle dans les programmes l’ordre, la stabilité, c’est en fait la menace d’agitations nouvelles par des propositions d’amnistie en perspective, la division des esprits et des consciences par la guerre aux influences religieuses, le trouble dans l’ordre judiciaire par des réformes désorganisatrices, l’affaiblissement de tous les ressorts administratifs par la révocation érigée en système. C’est là ce qu’on appelle gravement « la liberté dans l’ordre, et la conservation par le progrès. »

Singulière politique, on en conviendra, pour des hommes, pour des partis qui reconnaissent qu’ils ont beaucoup à faire, ils l’avouent, pour adapter un régime toujours difficile par lui-même, aux instincts, aux mœurs, aux traditions, au tempérament du pays ! Les paroles prononcées dans une réunion peuvent être sincères, les intentions peuvent être bonnes, nous ne les discutons pas : les faits jurent avec les intentions et les paroles. M. Spuller signale à sa manière la contradiction qui existe entre la nécessité « de constituer, de soutenir, de faire fonctionner le gouvernement » et l’action de ceux qui s’efforcent « de contester, sinon de refuser, au nom de certaines tendances, à ce gouvernement de leur choix la force et les attributs nécessaires à tout gouvernement qui veut vivre, » La question n’est pas du tout là, elle est assez mal posée. La question est de savoir si on peut « faire fonctionner un gouvernement » avec des idées et des procédés qui sont le contraire de tout gouvernement, si on peut se promettre la stabilité, la paix et la durée, avec une politique d’agitation, de division et d’exclusion. Voilà toute la question qui se débat aujourd’hui, et sait-on le secret des difficultés que le ministère éprouve à trouver dans cette confusion, au milieu de ces contradictions, ce qu’on peut appeler son point d’équilibre? C’est qu’il est incessamment obligé de tout ménager, de faire, comme on dit, la part du feu, d’entrer en transaction, non pas sur l’existence de la république, qui est hors de contestation, mais sur des détails, sur des questions irritantes, sur les mesures qu’on lui dispute ou qu’on veut lui imposer, sur les conditions les plus essentielles de gouvernement.

Au milieu de tout cela, ce qu’il y a de plus clair et ce qui ne laisse pas d’être un symptôme aussi inquiétant qu’étrange, c’est l’altération ou l’obscurcissement de certaines idées, de certaines notions qui sont pour ainsi dire l’essence de la politique. C’est d’abord une sorte de dépression visible du sens parlementaire. On veut, on croit avoir le régime parlementaire, et assurément il n’y a point aujourd’hui d’autre forme possible d’une vie publique régulière. Malheureusement on n’en a que les dehors, le mécanisme, les inconvéniens, les abus; on n’en a ni la réalité, ni les avantages, ni les garanties. Qu’en est-il en effet aujourd’hui et depuis assez longtemps? Il faut bien voir ce qui est vrai. La notion des prérogatives constitutionnelles des divers pouvoirs semble complètement émoussée. La confusion est un peu partout; l’initiative est dispersée, et par cela même elle n’est nulle part. Les ministres ne peuvent rien faire sans être réduits à toute sorte de négociations et s’ils présentent une loi, ils sont exposés à la voir disparaître devant une simple proposition parlementaire. Un incident extérieur ou intérieur ne peut pas surgir sans qu’un cabinet soit aussitôt menacé d’avoir à donner des explications souvent dangereuses. Commissions, groupes, fractions de groupes prétendent entrer en partage de l’autorité exécutive sans avoir la responsabilité. En un mot, aucun des pouvoirs n’est à sa vraie place, dans son vrai rôle, et on arrive à n’avoir ni le régime parlementaire, tel que la constitution Ta établi, ni le gouvernement direct d’une assemblée. C’est un mélange de tout cela, sans compter l’action irrégulière de prépotences plus ou moins invisibles qui ne font qu’ajouter à la confusion. Le sens des vraies conditions parlementaires est passablement atténué aujourd’hui, voilà le fait, et ce qui est malheureusement aussi clair, ce qui est plus grave encore, c’est que le sens libéral ne semble pas moins émoussé. On dirait vraiment à l’heure qu’il est que des libéraux sincères, sans arrière-pensée, acceptant les conséquences de la liberté, sont un phénomène, et que certains républicains éprouvent le besoin de se fabriquer un libéralisme d’une nouvelle espèce, se conciliant très bien avec toute sorte de restrictions, d’exclusions et même d’abrogations de garanties acquises depuis longtemps.

Rien, certes, de plus significatif sous ce rapport que la discussion engagée depuis quelques jours devant le sénat au sujet de ces éternelles lois de M. Jules Ferry, qui sont passées comme un legs onéreux du dernier cabinet au nouveau ministère avec l’auteur lui-même. Voilà une liberté, la liberté de l’enseignement, établie depuis trente années. Elle s’est développée paisiblement, sans bruit, sans provoquer ni difficultés ni plaintes sérieuses. Elle n’a pas seulement pour origine, comme on le dit, une loi de parti, une loi de réaction; elle avait été inscrite comme une promesse dans la constitution de 1830, elle était consacrée de la manière la plus large, la plus explicite, par la constitution de 1848. La loi de 1850 n’a été après tout que l’application d’un principe proclamé par une assemblée républicaine, — et après trente années, on croit tout simple d’abroger tout ce passé, d’introduire dans une loi sur l’enseignement supérieur une disposition subreptice qui réagit sur l’enseignement tout entier, qui a eu dès la première heure le caractère évident d’une représaille contre l’éducation religieuse! C’est le mérite et l’honneur de M. Jules Simon de s’être fait, dans cette discussion qui n’est pas encore terminée, le défenseur éloquent, persuasif de toutes les traditions libérales, même contre ses amis, même contre M. le ministre de l’instruction publique. Il ne s’est pas arrêté à cette raison banale que la liberté de l’enseignement est une arme aux mains des adversaires des institutions et du gouvernement. Est-ce qu’il y a une seule liberté dont des adversaires ne puissent se servir? Est-ce qu’en parlant ainsi on ne justifie pas ce que M. Guizot disait aux républicains de son temps lorsqu’il les accusait de ne pas savoir ce que c’était que le progrès, de n’avoir rien de nouveau à offrir? Ce qu’on propose aujourd’hui, c’est de revenir à des restrictions d’autrefois. M. Jules Ferry aurait certes mieux fait de ne pas engager le gouvernement et la république dans cette voie. Il a été plus heureusement inspiré, lorsque tout récemment il a eu à remplacer, à la tête de l’école normale, le malheureux M. Bersot, cet esprit si ouvert, si libre et si fin. M. le ministre de l’instruction publique a donné pour successeur à M. Bersot M. Fustel de Coulanges, et il ne pouvait assurément choisir un homme d’une plus forte science, d’une intelligence plus élevée, mieux fait en un mot pour donner à la jeunesse universitaire qu’il va diriger le goût de l’étude sévère et féconde. De tels choix valent mieux que des lois hasardeuses qui ne font que diviser et troubler le pays.

Si la France était seule au monde, elle pourrait peut-être encore, au risque de paraître oublieuse de ses infortunes, se permettre quelques fantaisies, quelques vaines expériences de plus dans ses affaires intérieures; mais ce qu’il ne faut pas se lasser de redire, ce que les circonstances se chargeraient de rappeler au besoin, c’est que la France n’est pas seule. Elle a sa place, son rôle, ses intérêts, ses responsabilités, au milieu des nations civilisées, sur un continent où la vie devient plus que jamais difficile. L’Europe, en effet, est engagée dans une crise qui tend de plus en plus à prendre un caractère général, où tout est confus et obscur, où les déchaînemens révolutionnaires se mêlent aux complications de diplomatie, où la politique est incessamment à la merci d’un incident imprévu qui vient tout à coup aggraver et assombrir la situation.

Qu’il y ait des agitations, des complots, des fureurs de secte, des tentatives de meurtre contre des souverains, ce n’est pas là précisément ce qui est nouveau. Les conspirations et l’assassinat ne sont pas le fruit des sociétés modernes. Ce qu’il y a de réellement nouveau, c’est ce cosmopolitisme révolutionnaire enveloppant l’Europe, devenant un élément redoutable dans les rapports internationaux, se manifestant avec une audace et une violence croissantes qui ne reculent plus devant rien. C’est cet implacable esprit de destruction qui vient de s’attester encore une fois à Saint-Pétersbourg sous la forme du plus effrayant forfait. Dans la résidence même de la famille impériale, dans l’intérieur du Palais d’hiver, il y a eu une formidable explosion de dynamite qui a fait voler en éclats une partie du palais. L’heure du repas de la famille impériale avait été choisie avec un profond calcul, et ce n’est que par un hasard bienfaisant, par le retard imprévu d’un convive princier, que ce calcul a été trompé. L’empereur et les siens ont été préservés, ils avaient été retenus dans leurs appartemens. Seuls, de malheureux soldats du régiment de Finlande, de garde au Palais d’hiver, ont été ensevelis sous les décombres; les uns sont morts, plus de cinquante ont été blessés. Les meurtriers ne se sont pas inquiétés des victimes qu’ils allaient faire pour atteindre le tsar. Ainsi, en peu de temps, l’empereur Alexandre a échappé à deux grands périls. Il y a deux mois à peine, revenant de Livadia, il était aux portes de Moscou l’objet d’une tentative qui ne visait à rien moins qu’à faire sauter un train de chemin de fer; aujourd’hui c’est dans son palais même qu’il est attaqué par un ennemi invisible armé des plus impitoyables moyens de destruction. Les attentats se succèdent, et en se succédant ils prennent un caractère de plus en plus terrible.

Il n’y a rien de plus tragique que cette situation de la Russie, où le souverain ne se sent plus en sûreté, même chez lui, où il ne peut faire un pas, aller en chemin de fer, parcourir son palais sans être entouré de menaces de mort, sans être épié et suivi par la conspiration de l’assassinat. Rien en vérité de plus étrange, et si cette opiniâtreté farouche, mystérieuse, de conjurés acharnés à leur œuvre sanglante, a quelque chose de saisissant, il y a une circonstance plus étonnante encore peut-être, c’est l’impuissance d’un gouvernement absolu qui, en dépit de tous les moyens dont il dispose, ne peut ni saisir les complots, ni même empêcher la trahison et le meurtre de franchir le seuil du Palais d’hiver. Comment remédier à une si violente situation? Sans doute, d’une manière générale, on peut dire que des réformes, des institutions plus libérales auraient une heureuse influence en ouvrant aux esprits une voie d’activité régulière. Il y a longtemps qu’on le dit, il faudra bien arriver à cette politique d’autant plus naturelle, d’autant plus nécessaire que l’ancienne autocratie russe est visiblement épuisée. Pour le moment, il est bien clair que ce n’est pas vers cette politique qu’on paraît incliner à Saint-Pétersbourg. On semble plutôt vouloir recourir à des procédés tout différens pour « mettre un terme aux actes criminels qui tendent à ébranler l’ordre social et politique en Russie. » On vient de créer une commission exécutive supérieure à la tête de laquelle est placé le général Loris Melikof, l’ancien commandant de l’armée d’Asie pendant la dernière guerre, d’Orient, le vainqueur de Kars. Déjà, l’année dernière, dans une intention de défense contre les menées révolutionnaires, on avait créé des gouverneurs généraux avec des pouvoirs extraordinaires, à Pétersbourg, à Moscou, à Kief, à Odessa, à Kharkof, à Varsovie. Maintenant, au-dessus de ces gouverneurs généraux, il y a la commission supérieure dont l’action s’étend à l’empire entier. Cette commission a tous les pouvoirs, ses décisions sont sans appel, tous les procès politiques engagés dans l’empire sont de son ressort. C’est une sorte de chambre ardente dont le président, le général Loris Melikof, devient un vrai dictateur auprès du tsar. Une réflexion assez simple vient cependant à l’esprit. L’administration russe n’a jamais manqué de pouvoirs ordinaires et extraordinaires, et si, avec l’autorité la plus illimitée, elle a été jusqu’ici complètement impuissante, comment l’omnipotence d’une commission nouvelle aura-t-elle plus d’efficacité? On dit même que depuis l’attentat du Palais d’hiver les proclamations révolutionnaires n’ont cessé de se multiplier à Saint-Pétersbourg. La lutte tragique continue, et elle n’est pas seulement redoutable au point de vue de la situation intérieure de la Russie, elle l’est encore jusqu’à un certain degré par les conséquences extérieures qu’elle peut avoir, qu’elle a déjà, en intéressant, en soulevant tous les sentimens conservateurs en Europe. Une de ces conséquences, on ne l’ignore pas, c’est la question qui s’est élevée à l’improviste entre la Russie et la France. Pour dire simplement les choses, le cabinet de Saint-Pétersbourg a demandé au gouvernement français l’extradition d’un sujet russe récemment arrêté à Paris et soupçonné d’être un des auteurs, non de l’attentat du Palais d’hiver, mais de l’attentat de Moscou. Le gouvernement français n’a pas encore répondu, il avait le droit et il a pris le temps de tout examiner pour se prononcer impartialement sur une question qui n’a pas cessé d’ailleurs d’être traitée avec une complète courtoisie. À ne considérer que les plus strictes obligations diplomatiques, il n’y a point de traité d’extradition avec la Russie. Il y a avec d’autres états des traités signés même depuis que la république existe et assimilant les tentatives de meurtre contre des souverains aux crimes de droit commun passibles d’extradition ; il n’y a pas de traité de ce genre avec la Russie. Sur ce point donc le terrain est libre, mais il est bien clair qu’un traité de plus ou de moins n’est pas le seul élément de décision dans une affaire d’une telle nature. Il y a bien d’autres considérations dont le gouvernement est obligé de tenir compte. Il a tout à la fois à s’inspirer de ces devoirs de solidarité qui lient les états civilisés, et des principes qui entrent de plus en plus dans le droit général, et en même temps de sa dignité bien entendue, de sa position de ce qu’il doit à des traditions libérales.

Ceux qui sont libres de suivre leurs premiers mouvemens et de manifester leurs impressions ont beau jeu : ils peuvent même se livrer, comme M. Victor Hugo, a d’assez étranges effusions humanitaires, ils n’engagent qu’eux-mêmes. Le gouvernement a une tout autre responsabilité, et il en sent vraisemblablement le poids. Il ne peut ignorer qu’ici tout est grave et délicat, que, quelle que soit sa résolution, elle pourra être l’objet d’interprétations dangereuses. Si, reconnaissant dans les faits imputés à son prisonnier les caractères d’un crime de droit commun, il consente l’extradition, il sera accusé d’avoir fait une concession humiliante, d’avoir été infidèle à des sentimens généreux, aux traditions du droit d’asile. Si, après l’examen le plus attentif, le plus impartial, il refuse, il ne peut se dissimuler que ce refus sera dénaturé, exploité par des passions ennemies. L’essentiel est qu’après avoir tout consulté, tout pesé, il montre bien qu’il s’est décidé dans le sentiment de ce qu’il doit à la France d’abord et de ce qu’il doit aussi à des relations d’amitié avec la Russie. Il faut sortir honorablement, par une parfaite bonne foi, d’une situation délicate, et la pire des choses serait de tout compliquer par des interpellations, par des discussions, par des déclamations qui ne serviraient à rien, qui n’auraient d’autre effet que de représenter sous un faux jour notre politique extérieure, en mettant des armes nouvelles dans les mains des ennemis de la France.

Des attentats, des armemens, des malaises, des obscurités, c’est à peu près l’histoire de l’Europe pour le moment. La politique est laborieuse pour tout le monde, elle est fertile en accidens imprévus, en difficultés inévitables et en complications assez mystérieuses qui pèsent sur les esprits. Tous les gouvernemens, il est vrai, tous les souverains qui ont des parlemens à ouvrir, se hâtent de proclamer les inestimables bienfaits de la paix, d’affirmer le caractère rassurant des relations internationales. La reine d’Angleterre exprimait ses espérances pacifiques, il y a quelques semaines. L’empereur Guillaume, plus récemment, a témoigné son intérêt pour la paix. Le roi Humbert, en ouvrant, ces jours derniers, son parlement, vient à son tour de tenir un langage à peu près semblable ; il a exprimé le « vif désir de la conservation de la paix, » il a parlé des relations amicales qu’il cultive, et même il a eu l’air de mettre les chambres en garde contre des dépenses militaires excessives s’il y avait quelques crédits nouveaux à leur demander. Rien certes de plus tranquillisant en apparence, et cependant les nuages subsistent. On sent qu’il y a quelque chose de peu propre à inspirer la confiance dans cet état où l’Allemagne, sous prétexte de sauvegarder la paix qui n’est pas menacée, accroît une puissance militaire déjà formidable, où l’Autriche se croit obligée de prendre quelques précautions défensives sur la frontière du sud, comme si elle craignait sérieusement les menées des agitateurs de l’Italia irredenta. Le mal de l’Europe est dans cette incohérence de rapports généraux combinée avec un certain ensemble de conditions intérieures peu brillantes, médiocrement assurées dans la plupart des pays.

L’Italie n’est pas la dernière à se ressentir de cette influence générale ; elle semble passer par une phase assez ingrate de politique intérieure et même de politique extérieure à la suite de ces agitations de l’Italia irredenta qui ont visiblement attiré l’attention du cabinet de Vienne. Est-ce à dire qu’il soit survenu quelque incident nouveau, quelque complication dans les relations de l’Italie avec l’Autriche ? Évidemment, on a fait un peu trop de bruit pour quelques mesures de vigilance que l’Autriche aurait cru devoir adopter et qui, dans tous les cas, ont dû être expliquées de la manière la plus amicale. Il ne peut y avoir rien de grave dans des agitations auxquelles les populations italiennes ne s’associent pas, que le cabinet de Rome est le premier à désavouer, et ces préoccupations ne se laissent pas même entrevoir dans le discours royal qui a inauguré tout récemment la session nouvelle du parlement. L’Italie véritable n’a point pour le moment l’esprit hanté de ces idées de revendication qui n’ont rien de sérieux. Elle a bien assez de quoi s’occuper chez elle, dans ce vaste domaine national qui ne lui est plus contesté et qu’elle laisse trop souvent inexploité. Le dernier discours du roi Humbert est surtout consacré aux affaires intérieures, à ces réformes administratives, économiques et même politiques dont on parle sans cesse et qui sont, à ce qu’il paraît, plus faciles à proposer qu’à réaliser.

Le parlement italien en est toujours à se débattre en effet avec ces deux éternelles questions de l’impôt sur la mouture et de la réforme électorale qui sont les articles principaux du programme des ministères de la gauche, qui traînent depuis deux ans dans les chambres, dans les manifestes et dans les polémiques. La réforme électorale en est à peine à être examinée et étudiée. La réforme de l’impôt sur la moulure a déjà passé par toute sorte de péripéties parlementaires; elle a été discutée, modifiée, votée par la chambre des députés, repoussée par le sénat, qui s’est préoccupé avant tout des conséquences financières. Elle revient aujourd’hui avec la réforme électorale, et le roi Humbert, sans doute pour hâter une solution en parlant aux sentimens des chambres, a cru devoir placer ces deux questions sous la protection de la mémoire du roi Victor-Emmanuel ; il les a représentées comme les dernières promesses du fondateur du royaume. « La réforme des impôts, pour soulager les classes pauvres, et l’extension du droit électoral, a-t-il dit, est un devoir sacré envers sa mémoire vénérée et l’objet de la juste attente du peuple italien... » Le ministère, toujours présidé par M. Cairoli, a pris, quant à lui, un moyen plus direct et moins sentimental : il a fait une promotion de sénateurs, avec l’intention évidente de modifier dans la haute chambre la majorité qui a repoussé jusqu’ici l’abolition complète et immédiate de l’impôt sur la mouture. Il n’a pas fait cette fois, comme cela arrive assez souvent, des sénateurs avec des députés menacés dans leur position électorale; il a choisi des hommes en dehors du monde parlementaire, dans l’armée, dans l’administration, dans le haut enseignement. Aura-t-il réussi par cet expédient à déplacer la majorité sénatoriale, à vaincre une résistance devant laquelle la chambre des députés et les divers cabinets ont dû s’arrêter depuis deux ans? C’est possible sans être encore certain. Le sénat finit-il d’ailleurs par céder sur ce point, la question financière n’en serait que plus grave le lendemain par suite de la suppression définitive d’un impôt malaisé à remplacer dans le budget. il n’est pas dit d’un autre côté que le sénat, même avec son nouveau contingent, sera disposé à accueillir les diverses propositions de réformes qui pourront lui être soumises.

De toute façon, c’est une session laborieuse qui s’ouvre à Rome avec toutes ces perspectives de difficultés financières, de dissidences possibles entre les deux assemblées, de délicates questions diplomatiques, nées d’un certain relâchement dans la direction des affaires. Si, au milieu de tout cela, le ministère Cairoli arrive, après la suppression de l’impôt sur la mouture, à une réforme électorale, prélude d’une dissolution inévitable de la chambre des députés, il n’est point douteux que les élections auxquelles le pays devra être appelé seront un grand inconnu. Ce sera une lutte décisive engagée devant un corps électoral renouvelé entre la politique de la gauche qui règne depuis quelques années, qui ne s’est sûrement pas attestée par l’éclat de ses œuvres et la politique de libéralisme modéré, qui est aujourd’hui dans l’opposition après avoir été longtemps au gouvernement. Ce sera évidemment une crise assez grave pour ce peuple ne d’hier qui a eu jusqu’ici toutes les fortunes et qui n’est peut-être pas au bout de ses épreuves. Il n’y a que vingt ans à peine que l’Italie existe officiellement, et déjà que de choses sont changées! Des hommes qui, dans cet avènement d’une nation nouvelle ont été les ouvriers sérieux et illustres de la première heure, la plupart ont disparu. Ils appartiennent à un autre temps, et dans ce passé qui semble lointain, tant les événemens se sont pressés, une des figures les plus expressives est assurément celle que M. Giuseppe Massari vient de faire revivre dans une étude substantielle et animée sur le général Alfonso La Marmara. C’est de l’histoire mêlée de souvenirs intimes.

Celui-là aussi, avec Cavour, avec d’Azeglio, était un des premiers serviteurs de l’œuvre nationale. Il l’a été dans la mesure de son caractère, avec son énergique droiture de soldat, avec son intégrité d’homme public, avec sa loyauté indépendante de vieux Piémontais. Il était né au commencement du siècle, en 1804, d’une famille primitivement originaire de Florence, et depuis longtemps transportée à Biella, dans le Piémont. Il avait pour ainsi dire dans le sang l’attachement à la maison de Savoie et la vocation militaire. Au commencement de la guerre de 1848, il n’était encore que major d’artillerie. Il se révélait aussitôt avec sa forte nature de soldat dévoué aux revendications nationales et au prince qui, à ses yeux, représentait la patrie. Il se signalait comme le ministre de la guerre dont Cavour allait avoir besoin pour l’accomplissement de ses desseins. Entre ces deux hommes, différens de caractère, mais unis de cœur, il y avait une complète intimité : ils n’avaient rien de caché l’un pour l’autre. Dans l’œuvre commune, Cavour était la tête inventive, le politique ; La Marmora était le réorganisateur de l’armée, le chef naturel du petit corps piémontais envoyé en Crimée, comme il était bientôt, en 1859, le premier lieutenant de Victor-Emmanuel dans la guerre de l’indépendance. Il était un de ces hommes sur qui Victor-Emmanuel pouvait toujours compter, surtout aux heures critiques, et c’est ce qui explique comment, avant et après la mort de Cavour, en 1859, en 186Z), en 1866, La Marmora s’est trouvé chargé, comme président du conseil, des missions les plus difficiles. M. Massari retrace cette carrière de soldat-politique avec autant d’intérêt que de fidélité, et il y a dans son livre plus d’une révélation curieuse. Ainsi, d’une lettre publiée pour la première fois aujourd’hui, écrite par Cavour à La Marmora en quittant Plombières en 1858, il résulte que l’empereur livrait dès ce moment « les Légations et les Marches » au nouveau royaume à fonder. Peut-être se souvient-on d’un discours par lequel Victor-Emmanuel donnait presque le signal de la guerre aux premiers jours de 1859. Ce discours avait été envoyé aux Tuileries; Napoléon III prétendait qu’il avait trouvé quelques phrases « trop fortes, » et ce bizarre souverain substituait tout simplement à des paroles qu’il trouvait « trop forces, » qu’il assurait vouloir adoucir, des expressions plus fortes encore ! C’est de lui que venait ce fameux « cri de douleur » qui allait retentir dans toute l’Italie.

Mêlé à tous les drames où s’est jouée la destinée de son pays, quelquefois malheureux, La Marmora en imposait par sa loyauté, et c’est pour faire respecter cette loyauté qu’il publiait, il y a quelques années à peine, ce livre si saisissant : Un po’ piu di luce, qui dérangeait passablement la diplomatie de M. de Bismarck, qui dérangeait aussi un peu la politique du cabinet de Rome à ce moment. Il était accusé d’avoir commis une indiscrétion; il-avait parlé avec sa rude franchise, et dans un temps où les vaincus ont souvent tort, le général La Marmora avait enfin un mérite : il n’avait cessé de s’intéresser ardemment à la France. Il avait ressenti nos deuils; jusqu’à la mort, il gardait pour nous l’espérance !


CH. DE MAZADE.



Allen. — Histoire du Danemark, traduction française de M. Beauvois, 2 vol. in-8o, 1870.


L’actif et intelligent éditeur de Copenhague, M. Höst, a été bien inspiré quand il s’est résolu à donner cette traduction française d’un ouvrage devenu classique dans le Nord et en Allemagne. Une première preuve en serait la nécessité de montrer ce que vaut la traduction allemande de ce livre, où se trouvent singulièrement modifiées, sans avis préalable, et bien entendu sans le consentement de l’auteur, les pages concernant, de près ou de loin, les questions politiques si cruellement agitées naguère entre le Danemark et l’Allemagne. Ce n’est pas dans la traduction allemande qu’il faudra étudier les origines de la trop fameuse affaire des duchés; les Allemands eux-mêmes feront bien, s’ils veulent être un jour impartiaux sur ce sujet, de consulter la traduction française : elle reproduit fidèlement toute l’argumentation de l’auteur, révisée et complétée par lui; elle conduit de plus l’histoire de ces tristes et instructifs débats jusque vers la fin, que nous connaissons aujourd’hui, et qu’en lisant M. Allen on peut prévoir.

Cet ouvrage a été écrit à la fois pour servir de manuel dans l’enseignement national et pour être lu par les gens du monde. C’est dire que l’auteur, sans laisser voir indiscrètement tout l’échafaudage de son érudition, a dû faire œuvre de science, en même temps particulière et générale, étudier les chroniques et en extraire la seule substance, comprendre jusque dans le détail la vie danoise aux différens âges et la peindre par des traits bien choisis et habilement interprétés. Ce programme de tout historien national, M. Allen l’a très bien compris. Appartenant, en politique, au parti vraiment libéral qui revendiquait l’autonomie du Danemark en présence des agressions coupables de l’Allemagne, à ce groupe de bons esprits qui n’aurait pas cédé le Slesvig, et dont les sages avis, un peu mieux écoutés, auraient épargné à l’Europe bien des malheurs, si l’Europe avait distingué ses véritables intérêts, il se rattachait intellectuellement à l’école historique moderne, à celle qui a produit en France tant de bons livres non oubliés. Dans un ouvrage destiné à entretenir au fond des cœurs le respect des traditions et l’amour du pays, il a su donner, suivant une très habile mesure, les proportions nécessaires au récif des événemens politiques d’une part, mais aussi au développement de la civilisation générale par le progrès des institutions et des mœurs.

Le petit royaume dont il entreprenait de raconter les annales est entré sur la scène historique, aux premiers temps du moyen âge, par un redoutable développement d’invasions et de colonisations violentes. C’est toute une épopée que le récit de son passé païen, avec l’Edda pour livre religieux et les runes pour écriture. M. Allen a retracé ce tableau avec de vives couleurs que lui ont offertes les recherches nouvelles. On n’a qu’à parcourir le précieux recueil des mémoires de la Société des Antiquaires du nord pour se convaincre de l’intense travail par lequel les érudits Scandinaves ont, depuis trente ans, accumulé les recherches archéologiques; peu à peu, grâce aux découvertes successives, l’histoire de leur plus lointain passé s’est transformée. Il n’en a pas été autrement pour les siècles ultérieurs. Les chroniques ont été révisées, publiées à nouveau selon toutes les règles de critique requises par l’érudition moderne, et les monographies sur les divers points de l’historiographie danoise se sont multipliées. Ce sont les résultats de tout ce travail minutieux et patient que M. Allen a enregistrés, et il a pu donner de la sorte un livre vraiment au courant de la science en même temps que facile à lire et clairement écrit.

Le petit Danemark a offert pendant ce dernier demi-siècle un bel exemple. D’une part il luttait pour sa nationalité contre l’Allemagne et jetait un cri d’alarme que d’autres eussent été non moins intéressés que lui à ne pas laisser se perdre dans les airs. Mais en même temps il ne perdait pas de vue, quoique dans une si cruelle étreinte, les intérêts intellectuels, ceux de la science et de l’érudition. Le même M. Madvig acceptait d’être premier ministre, et reprenait au lendemain de son ministère ses belles études sur la langue latine et sur Tite Live. Là est née, avec le regretté Thomsen et avec l’ingénieux M. Worsaæ, la science des âges préhistoriques : cette science a fait depuis une brillante fortune, mais nulle part elle n’a rencontré pour la servir des musées comparables à ceux de Copenhague. Le Danemark a eu dans ces dernières années des érudits et des philologues qui ne le cèdent pas à ceux de l’Allemagne. Le livre de M. Allen, en même temps qu’il profitait de leurs travaux, n’a pas oublié de raconter leurs efforts, et servira très utilement à leur faire rendre justice.


A. G.


Le directeur-Gérant, C. BULOZ.