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Chronique diocésaine

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Chronique diocésaine
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CHRONIQUE DIOCÉSAINE.

— On nous adresse la lettre suivante, que nous nous faisons un plaisir d’insérer :

« Monsieur le Directeur,

» Dimanche, 12 septembre, a eu lieu, dans la grande salle de l’établissement de Notre-Dame-des-Enfants-Nantais, dit Toutes-Joies-de-Saint-Donatien, une fête de famille, qui m’a trop vivement intéressé pour que je me résigne à ne pas vous en dire un mot.

» Il ne s’agissait plus d’une simple soirée récréative ; c’était la distribution des prix aux enfants du Patronage. La séance a vraiment été très-belle : tout ce que le cœur du pasteur de la paroisse sait inspirer de dévouement au prêtre zélé qu’il a chargé de l’œuvre si difficile des jeunes gens, s’est révélé dans cette circonstance solennelle. J’ai hâte d’ajouter que ce digne prêtre est admirablement secondé par les hommes d’élite de la conférence de Saint-Vincent-de-Paul et par quelques antres bons et fervents paroissiens.

» L’œuvre du Patronage, essentiellement paroissiale à Saint-Donatien, ne date que de l’année dernière, et déjà elle porte les plus heureux fruits. Trente-cinq ou quarante apprentis en sont actuellement membres ; ce nombre va augmenter prochainement. Ceux d’entre eux qui, dans le courant de l’année, avaient réuni la plus grande somme de bonnes notes, soit à l’atelier pour leur assiduité, leur travail et leur conduite, soit à l’Œuvre de Toutes-Joies, le dimanche, ont été proclamés au milieu des chaleureux applaudissements d’une assistance nombreuse et choisie.

» Un discours, sorte de compte rendu de l’Œuvre, avait précédé cette distribution. M. l’abbé Durassier avait raconté les commencements du Patronage, rappelé son but, exposé ses craintes et développé ses espérances d’une manière vive et sentie. Il avait aussi appelé l’attention de son auditoire sur les quelques chefs-d’œuvre qui s’étalaient avec certaine fierté devant lui, comme l’une des meilleures preuves du bien qu’il disait de ses chers apprentis.

» Je n’ai qu’un regret, celui de ne pouvoir vous adresser le discours lui-même. Vous y verriez comment l’auteur entend la formation de l’ouvrier laborieux, honnête et chrétien, et comment il cherche à le faire comprendre à tous. Chacun a eu son mot, les parents et les patrons aussi bien que les apprentis.

» Il importe souverainement, je crois, de favoriser cette Œuvre, à notre époque de décadence et de perturbations si malheureuses dans l’ordre social et religieux. Heureux les parents qui la comprennent ! Heureux les patrons qui savent la seconder, et les enfants qui lui sont confiés !

» Mgr l’Évêque a souvent encouragé et béni l’Œuvre de Saint-Donatien, comme d’ailleurs les autres œuvres de ce genre. Il y a quelques jours, à la clôture de la retraite ecclésiastique, Sa Grandeur recommandait chaudement à ses prêtres tout ce qui touche au bien des jeunes gens : une si vigilante et si haute sollicitude portera certainement ses fruits.

» Deux petites pièces comiques ont terminé la soirée, et chacun s’est retiré édifié et content. Puisse Celui qui n’a pas dédaigné de travailler au métier de charpentier, dans l’humble maison de saint Joseph, fortifier et soutenir l’Œuvre du Patronage, en même temps que celle qui l’abrite et la soutient elle-même, l’Œuvre de Toutes-Joies-des-Enfants-Nantais ! »


Bénédiction de la première pierre de l’église de Vallet.

Nous pouvons le dire avec un légitime orgueil : le diocèse de Nantes se distingue éminemment par l’élan qu’on y déploie pour la construction des églises. À peu près chaque semaine, nous avons à enregistrer la bénédiction de la première pierre d’un sanctuaire qu’on commence ou la bénédiction d’un temple qui s’achève. Et quels édifices élève-t-on jusque dans nos plus humbles campagnes ? Des monuments religieux, d’un excellent goût, qui provoquent une juste admiration et qui feraient honneur aux plus nobles cités ! Béni soit Dieu, qui inspire ce mouvement régénérateur, non sans des intentions providentielles ; mais bénis soient aussi les pasteurs et les peuples qui, par leurs communs et constants efforts, feront vraiment de notre époque l’âge de la renaissance de l’art chrétien, entendu dans le meilleur sens !

Le 8 septembre, la grande et belle paroisse de Vallet célébrait à son tour la fête de son église renaissante. Cette paroisse, l’une des plus importantes du diocèse par sa nombreuse population, par l’intelligente activité de ses habitants, par la richesse de ses produits et la qualité de ses vins qui jouissent d’une réputation méritée, ne pouvait pas rester en arrière ; elle a voulu avoir et elle aura une église vraiment digne d’elle. On peut déjà prévoir ce que sera cette nouvelle église par ces simples détails : elle aura trois nefs ; la nef principale aura 9 mètres 30 de largeur et 21 mètres de hauteur sous clef ; elle se composera de six travées éclairées par des fenêtres géminées. Les bas-côtés, qui auront 5 mètres 20 de largeur et 8 mètres 50 d’élévation, feront le tour du chœur et recevront également le jour par des fenêtres géminées. Les pignons du transept seront ornés de croisées du même genre que celles du reste de l’édifice. Les dimensions totales du vaisseau seront de 72 mètres sur 22 mètres 70. L’église aura cinq chapelles : celle du milieu, la plus grande, comptera 6 mètres de profondeur sur 5 mètres de largeur, et elle aura cinq croisées ; les quatre autres n’en auront que trois. Cinq entrées donneront accès au temple : le grand portail, deux portes sur la façade et deux dans le transept. Les sacristies, parties trop souvent négligées, mesureront, chacune, 10 mètres sur 4 mètres 60 ; elles seront surmontées d’un étage. Enfin, le clocher sera formé de trois étages et aura pour hauteur totale 70 mètres. Tout l’édifice sera dans le style du xiiie siècle, certainement une des époques du gothique le plus pur et le plus beau[1].

Nous demandons pardon de n’offrir que des chiffres arides ; ils ont toutefois une sorte d’éloquence : ils font entendre quelle sera la magnificence de cette église, quand elle se dressera dans toute sa splendeur. Aujourd’hui, elle ne fait presque que sortir de terre. Ses murs, qui commencent à monter, avaient pris, pour le 8 septembre, un air de fête, sous la verdure et les guirlandes de fleurs qui les décoraient. Au fond de la future chapelle de la Sainte-Vierge s’élevait une statue de Marie, entourée de frais arbustes et de mâts vénitiens, dont les flammes flottaient au gré des vents. C’était la glorieuse Patronne de Vallet qui prenait déjà possession du trône qu’on lui prépare. La grande et difficile entreprise a commencé sous ses auspices ; sa toute-puissante protection, espérons-le, la fera réussir pleinement, à l’heure marquée.

M. l’abbé Richard, vicaire général, était venu présider cette imposante cérémonie ; plus de trente ecclésiastiques s’étaient joints à lui, témoignant de leur sympathie pour la paroisse de Vallet, pour son pasteur, et de l’intérêt que leur inspire la construction de cette église. La messe fut célébrée solennellement par M. l’abbé Ménager, curé de la Marne, originaire de Vallet.

L’orateur était M. Pineau, missionnaire diocésain. Il commença son discours par une application de la Sainte-Écriture, aussi ingénieuse que délicate : « Comme David, qui, ayant conçu le projet d’élever un temple au Seigneur, ne put accomplir son dessein, en légua l’exécution à Salomon, son fils et successeur ; ainsi le prêtre vénérable qui avait formé le grand dessein de vous bâtir une église et qui n’a pu réaliser cette généreuse pensée, enlevé trop tôt par la mort à votre estime et à votre affection, a transmis au digne héritier que le Ciel lui a donné, le soin de continuer et d’achever cette œuvre admirable. N’en doutez pas, cet autre Salomon, plein de la sagesse de Dieu, y mettra tout son zèle et le mènera à bonne fin. Il sera d’ailleurs si bien secondé (a-t-il ajouté avec justice et raison), par l’autorité locale, animée des meilleures intentions, par les notabilités de la paroisse, par la population entière, qu’il ne peut manquer de voir cette œuvre patriotique et religieuse couronnée d’un prompt et entier succès. » Nous ne suivrons pas l’orateur sacré dans les développements où il est entré pour montrer combien Dieu est glorifié dans le temple, combien les âmes y sont puissamment aidées, soutenues et consolées ; nous nous contenterons de dire que ce discours, aussi pieux que solide, a pure faire sur l’auditoire nombreux et choisi la plus heureuse impression.

Après la messe, M. le vicaire générale, entouré du clergé, s’est rendu processionnellement, au chant du Veni Creator, sur l’emplacement de la construction nouvelle. L’honorable maire de la commune, les membres du conseil de fabrique, les notables et une foule immense de peuple suivaient le religieux cortège. M. Richard a procédé alors, selon les prescriptions de la liturgie, à la bénédiction de la première pierre, qui figure le Christ, pierre angulaire qui supporte l’Église et en relie toutes les parties. La multitude s’intéressait vivement à un acte qui la touchait dans ce qu’elle a de plus élevé et de plus cher, sa foi et sa religion. Les belles prières qu’on récite, le chant des psaumes, l’aspersion des fondations, tous les rites usités en pareille circonstance, étaient pour elle l’objet d’une louable et édifiante curiosité.

Pendant que s’accomplissait l’auguste cérémonie, les jeunes gens de la paroisse, qui ont formé un orchestre, faisaient retentir au loin les airs de joyeuses fanfares et réveillaient tous les échos d’alentour. C’était un signe de l’allégresse générale ; on disait au pays tout entier combien on était heureux en ce jour de voir s’élever cette église nouvelle, destinée à exercer une influence si salutaire au point de vue religieux et social sur une population qui mérite à tant de titres toutes les sympathies.

Un souvenir touchant a traversé l’esprit de plusieurs et M. le vicaire général l’a rappelé à la fin de la cérémonie par quelques paroles délicates : le doux souvenir du vénérable abbé de Courson[2]. Comme le cœur de ce saint prêtre doit tressaillir au Ciel, se disait-on, en voyant se réaliser un de ses plus ardents désirs : l’église et le presbytère de Vallet placés dans le vaste jardin où se sont écoulées les premières années de son enfance ! Oh ! comme sa belle âme se sera réjouie, au sein du bonheur qu’elle goûte au paradis, pendant que son ancienne propriété devenait une terre sainte, consacrée au Seigneur pour le plus grand bien des bons habitants de Vallet qui lui étaient si chers !

Vienne maintenant le jour où l’église achevée sera bénite, où la paroisse pourra l’occuper, y assister aux divins mystères ! Ah ! ce sera un jour bien autrement beau et radieux ! Daigne le Seigneur hâter cet heureux moment ! Que chacun travaille à le faire arriver le plus tôt possible !

  1. L’architecte est M. Henri Gilée, qui s’est déjà fait connaître si avantageusement par les nombreuses et très-belles églises qui lui sont dues.
  2. M. l’abbé de Courson, ancien supérieur du séminaire de Philosophie, vicaire général de Nantes, mort, à Paris, supérieur général de la Société des prêtres de S.-Sulpice.