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Cinquième rapport sur une mission en Basse-Bretagne/Le berger qui sauve une princesse d’un serpent

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LE BERGER QUI SAUVE UNE PRINCESSE D’UN SERPENT.


Un pauvre homme se met à voyager, cherchant condition. Chemin faisant il rend service à des fourmis, à une colombe et à un lion ![1]. Il arrive à la cour d’un roi où on le prend comme berger. Il va garder son troupeau dans une prairie bordant un grand bois. Un énorme sanglier sort du bois. Il appelle à son secours le lion qu’il a secouru. Le lion vient et met le sanglier en pièces. Le berger pénètre alors dans le bois et y voit un vieux château abandonné. C’est celui du sanglier que le lion a tué. Il y remarque, entre autres choses, trois écuries dans chacune desquelles il y a un cheval, un chien, une épée, des harnais et un équipement complet de chevalier, et tout cela est couleur de la lune dans une des écuries, couleur des étoiles dans une autre, et couleur du soleil dans la troisième.

Il y avait aussi dans ce bois un serpent à sept têtes qui ravageait tout le pays et, chaque année, il fallait lui livrer une jeune fille du sang royal. Or, le temps était venu de lui sacrifier la fille même du roi, ce qui causait un grand deuil à la cour. Le berger se présente trois jours successivement pour défendre la princesse contre le monstre, avec le cheval, le chien, l’épée, les harnais et l’armure de chevalier couleur de la lune, le premier jour, les mêmes choses couleur des étoiles, le second jour, et couleur du soleil, le troisième jour. Il finit par tuer le serpent. Le roi avait promis la main de sa fille à celui qui la délivrerait du monstre, et, chaque jour, le chevalier inconnu qui avait combattu pour elle se dérobait après le combat. Il déposait cheval, chien, épée et armure de chevalier dans le vieux château du bois, puis il reprenait ses habits de berger et rentrait chaque soir, comme s’il était complètement étranger à tout ce qui se passait. Cependant, sur l’avis de sa fille, le roi fit publier dans tout le royaume un grand tournoi, qui devait durer trois jours. Le berger ne manqua pas d’y venir, équipé en chevalier, et la princesse le reconnut, dès qu’elle le vit. Le mariage se fit alors.


Dans une autre version, le berger, après avoir tué le serpent, lui coupa ses sept langues et les emporta. Mais un charbonnier, passant tôt après dans le bois, lui coupa aussi ses sept têtes, les mit dans un sac et se présenta avec elles à la cour, pour réclamer la main de la princesse. Heureusement que le berger vint aussi à temps, avec les sept langues, et l’imposture du charbonnier ayant été découverte, il fut patibulé et pendu.

On dirait qu’il y a dans ce conte un souvenir lointain de la fable de Thésée et du Minotaure de Crète.

Le même conte se trouve dans Straparole, nuit X, fable III, sous le titre suivant : « Césarin de Berni, accompagné d’un lyon, un ours et un loup, part au desceu de sa mère et de ses sœurs et s’en va ; et, arrivé en Sicile, trouve la fille du roi exposée pour estre dévorée d’un dragon, lequel, à l’ayde de ces trois animaux, il occit, délivrant la princesse, qu’il espousa. »



  1. Il doit y avoir une lacune dans le conte, car les fourmis et la colombe n’y reparaissent pas.