Citrons (Théodore Hannon)

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Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 151).


Citrons


L’étal resplendissait aux flambes du matin.
Les rougets surchauffés reflétaient leurs cinabres
Au ventre des turbots en robe de satin,
Et les saumons d’argent avaient l’éclat des sabres.

Sur le marbre laiteux les cabillauds camards
S’allongeaient, lourds voisins de l’ablette irisée ;
Dans leur justaucorps pourpre éclataient les homards
Près de l’algue où baillait l’huître vertdegrisée.

Mais les citrons surtout me charmaient : fruits joyeux
Crevant comme un sein dur le fin papier soyeux…
Leur parfum m’est plus doux que le parfum des fraises ;

Et longtemps j’aimerai leurs contours séduisants,
Car devant les citrons effilés et luisants
Je rêve aux tétins d’or pâle des Japonaises.