Cléopâtre (Bertheroy)/Partie 2/Chapitre I

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Armand Colin et Cie (p. 159-178).


DEUXIÈME PARTIE


CHAPITRE PREMIER

Le désert Libyque. — L’oasis et le temple d’Amon. — La fête des lampes ardentes. — Arrivée de Taïa à Augila. — Magas, roi des Nasamones.

Depuis six jours la caravane qui emportait Taïa vers le roi des Nasamones était en marche. Le désert Libyque, long, impitoyable, étendait devant les voyageurs ses plaines sans fin. Il ne fallait pas espérer rencontrer la moindre trace de végétation, ou le plus mince filet d’eau, avant l’oasis d’Amon ; en revanche, une bruine de poussière tombait presque continuellement du haut des dunes ; au loin, le prolongement de ces collines de sable formait une interminable ligne d’un gris jaunâtre.

D’êtres vivants, il n’y en avait pas davantage ; ce n’était pas là, comme dans la vallée silencieuse du Nil, le laboratoire mystérieux où se faisait l’éclosion des germes sous la chaude lumière d’Osiris, mais l’immensité stérile, au bout de laquelle il semblait qu’on ne retrouverait la nature en sève nulle part ni jamais.

Grâce aux précautions prises au départ, les envoyés de Cléopâtre n’avaient pas trop souffert ; sans ménagement on avait bu l’eau des outres et abreuvé les montures ; on savait, d’ailleurs, que d’abondantes provisions restaient encore sur le dos des ânes de charge.

Cependant, la traversée du désert remplissait les hommes d’une mélancolie vague ; ignorant pour quelle cause ils étaient en route, ils sentaient leur tristesse grandir à mesure qu’ils s’enfonçaient dans cette solitude dont on n’entrevoyait pas l’issue. Mais Taïa, aux heures d’implacable abattement, ranimait les courages ; elle faisait monter sur son éléphant les deux jeunes Grecques de Salamine, et leur commandait de chanter de vieux airs égyptiens, qu’elle accompagnait elle-même avec la cithare ; pris par la magie du rythme, les soldats pressaient leurs chevaux autour des chanteuses et la caravane avançait au milieu des mélopées monotones dont les vibrations allaient se perdre dans les plages lointaines du désert.

Le soir, quand la lune s’élevait doucement derrière les montagnes de sable, on faisait halte ; alors les eunuques racontaient l’histoire mystique des astres ; ils disaient la gloire incommensurable de Sirius et les migrations perpétuelles des étoiles : le ciel était rempli d’hypogées où dormaient les constellations éteintes, attendant pour briller encore l’incarnation nouvelle des dieux sidéraux.

Ainsi l’harmonie et le bon ordre étaient à peu près maintenus, lorsqu’un matin, au réveil, les soldats de la légion cherchèrent vainement dix de leurs compagnons, les plus vigoureusement montés ; sans doute, las des fatigues de la route, ils avaient fui avec leurs chevaux en ligne directe vers le cap de Leuce-Acte et la mer. En même temps les esclaves chargés de la distribution des vivres venaient en courant dire que deux des grandes outres remplies d’eau du Nil avaient disparu. Un instant la consternation fut vive, mais on se rassura promptement ; le mal en effet n’était pas complet et les fuyards avaient juste emporté ce qu’ils auraient consommé eux-mêmes jusqu’au terme du voyage.

Mais tout à coup, à l’arrière du campement, des cris de désolation et de fureur se firent entendre ; les outres qui restaient avaient été percées ; pendant la nuit, l’eau qu’elles contenaient était tombée goutte à goutte dans le sable aride et il n’en restait nulle trace.

Donc, là encore, la trahison s’était glissée. Un profond découragement s’empara alors des hommes ; sans même vouloir rejoindre leurs tentes, ils se couchèrent ; et ils murmuraient entre eux que mieux valait mourir dans les sables que de continuer sans eau la traversée du désert. Au loin, des blocs rocailleux, semblables à des stèles funéraires, s’élevaient ; — et les rides profondes du sol, ondulant à l’infini, formaient comme des plis de suaire.

Pour essayer de secouer cette inertie, les eunuques parurent ; ils racontèrent que pareillement le grand Alexandre avait été surpris par la disette d’eau presque à la même place, lorsque, parti de Parœtonium, il était venu consulter l’oracle d’Amon ; les dieux l’avaient secouru : une pluie abondante, comme il n’en tombait presque jamais dans cette contrée désolée, avait sauvé d’une mort certaine l’illustre pèlerin et sa suite[1]. Pourquoi la divinité, qui tant de fois s’était montrée favorable à Cléopâtre, ne renouvellerait-elle pas en faveur de ses serviteurs le même miracle ?

Mais les soldats, à mesure qu’ils faisaient abandon de leur vie, sentaient diminuer leur foi aux superstitieuses croyances ; aussi renvoyaient-ils les eunuques avec des paroles brutales ; quelques-uns même les menaçaient de leur longue épée, en les appelant maudits fourbes et diseurs de mensonges.

Alors Taïa vint au milieu d’eux ; froidement, en peu de paroles, elle ordonna aux esclaves d’apporter les provisions de fruits. Les lourdes corbeilles furent entr’ouvertes et l’or des citrons et des mandarines, la peau luisante des pommes et des poires cueillies dans les vergers fertiles d’Éleusis, étincelèrent. Taïa, d’un geste, montra aux soldats toutes ces richesses.

« Il y a là, dit-elle, autant de ressources qu’il en faut pour achever notre voyage ; deux jours seulement nous séparent de l’oasis d’Amon. Chacun de vous, au surplus, doit être muni d’une petite fiole d’eau-de-vie de palme, dont il peut faire usage à sa convenance. Comment osez-vous préférer aux hasards d’une courte lutte une mort lâche, sans gloire ni profit ? »

Les hommes en grand nombre se levèrent ; tout en murmurant encore, ils délièrent les entraves de leurs chevaux ; et bientôt après on se remit en marche ; au bout du premier stade parcouru, un galop rapide résonna, étouffé à demi par l’épaisseur des sables : c’était le reste de la troupe qui, gagné par la contagion de l’exemple, rejoignait en hâte le convoi.

Mais le découragement persistait parmi les gens de l’escorte ; on avançait silencieusement dans la route montueuse qui serpentait entre les dunes comme un immense ruban de moire blanche ; les bêtes surtout souffraient du manque de leur ration d’eau habituelle ; les chevaux relevaient avec peine leurs sabots fatigués, et les éléphants allongeaient leur trompe, cherchant à flairer le voisinage prochain des lacs de natron et des sources. Enfin on arriva sur le plateau de Pihosem, d’où le regard embrassait un large horizon circulaire : au nord, la côte toute blanche de Parœtonium et la ligne bleue de la Méditerranée ; à l’ouest, l’étroite vallée du Sylphium et plus près, dans une forêt de palmiers et de térébinthes, l’oasis d’Amon, au milieu de laquelle s’élevait, comme une autre végétation de granit, le temple immense du dieu qui renfermait toute une ville dans sa triple enceinte. C’était le salut, la terre promise où les gosiers altérés s’abreuveraient de l’eau des sources avant de reprendre la route d’Augila.

Maintenant on marchait sur un sol anciennement occupé par la mer ; à la surface affleuraient des éclats de bois fossiles pétrifiés ; des coquilles desséchées d’huîtres et de moules, des carapaces de tortues s’écrasaient avec bruit sous les pas des chevaux ; quelquefois des débris de navire, des figures de dauphins posées sur de petites colonnes brillaient à travers le sable ; c’étaient des offrandes faites à Neptune par les matelots cyrénéens que les vagues avaient rejetées jusque-là ; les esclaves dévots et les soldats, repris avec le désir de vivre de leurs craintes superstitieuses, les ramassaient et s’en faisaient des amulettes.

Enfin, un matin, on rencontra des sources jaillissantes. On touchait au bourg d’Amon ; le soir, on y serait arrivé. L’eau-de-vie de palme avait été bue et répandait parmi les hommes une gaîté chaude. C’était le dernier jour du mois d’Epiphi, celui où l’on célébrait par toute l’Égypte et dans la région Libyque la Fête des Lampes Ardentes. Chaque habitant devait exposer en plein air de petits vases remplis d’huile et de sel, où pendant toute la nuit brûlait une étoupe enflammée[2]. Au seuil des maisons, le long des chemins, entre les allées des temples et sous les feuillages luisants des arbres, brillaient avec un clignotement mystérieux les lumières saintes ; des chants résonnaient, qu’accompagnait le grincement monocorde des psaltérions. Dans les sentiers touffus et au fond des bosquets aux bonnes odeurs d’aloès et de térébinthes qui avoisinaient le temple, les hiérodules, transformées en courtisanes, faisaient aux passants l’oblation des joies charnelles en l’honneur du Père de la nature féconde, que glorifiait cette panégyrie. Entre leurs bras les soldats de la légion oublièrent cette nuit-là la soif brûlante du désert et les peines nombreuses de la route.

Cependant Taïa s’était dirigée vers la Fontaine du Soleil, que masquait encore le petit sanctuaire d’Amon[3] ; de loin, on entendait le jaillissement de la source qui s’élevait d’une très grande profondeur dans un pli de terrain entouré de dattiers, de nénuphars blancs et d’acanthes. Fraîches pendant le jour, les eaux de cette fontaine merveilleuse devenaient plus chaudes à mesure que le soleil s’enfonçait à l’horizon ; la nuit, elles étaient tièdes et parfumées de toutes les senteurs de l’oasis.

La jeune fille débarrassa sa poitrine du bouclier de peau de chèvre ; elle défit l’agrafe à tête de crocodile qui attachait sa jupe ; mais l’étroite cotte, retenue par la cambrure de ses hanches, y resta attachée ; et, d’un geste souple de ses deux mains, elle la rejeta par-dessus ses épaules, en pressant contre son corps le haut de ses bras charnus ; libre de tous vêtements, elle se plongea par trois fois dans l’eau claire de la source : ainsi l’exigeaient les rites avant de pénétrer dans le temple du dieu.

La demeure d’Amon était déserte ; mais les lampes ardentes, qui brûlaient à profusion dans les avenues de la triple enceinte, répandaient au loin une lumière ambiante et, par les salles à ciel ouvert, l’intérieur du temple en était suffisamment éclairé ; au plafond très élevé des autres compartiments étaient peintes des étoiles d’un rouge sombre, d’où semblait provenir cette lueur mystérieuse ; et, symboles de la fécondité, des vautours en grand nombre, les ailes éployées, paraissaient être descendus de ces régions sublunaires pour l’adoration nocturne d’Amon Générateur. À l’extrémité du sanctuaire, près de sa statue ruisselante d’émeraudes, des cérastes vivants, consacrés au dieu, sifflaient doucement au fond de leur barque, comme dans l’incubation d’une vie nouvelle.

Taïa s’agenouilla sur les dalles et demeura immobile ; il lui répugnait de se mêler aux orgies dont elle entendait monter jusqu’à elle les bruits confus ; elle préférait s’abîmer dans le recueillement, en face du dieu à tête de bélier. D’ailleurs, initiée par les confidences de Cléopâtre aux doctrines secrètes de l’Égypte, elle voyait dans ces figures tangibles, parfois bizarres, et dans les emblèmes multiples de la divinité, les agents d’une pensée supérieure et essentielle. Pour elle, qu’il s’appelât Amon, Sérapis, Kneph, le chef des diverses trinités égytiennes était toujours « ce dieu un, unique, le seul qui vive en substance et qui ne soit pas engendré ; le père des pères, la mère des mères[4] » ; et son esprit se perdait « au fond de l’océan primordial dans lequel, au commencement, flottaient confondus les germes des choses[5] ».

Le lendemain la Libyenne exigea qu’on se remît en marche pour Augila ; les bêtes s’étaient reposées, les provisions avaient été renouvelées ; mais les hommes, fatigués de leur nuit de plaisir, somnolaient sur leurs montures dont le pas lent et régulier les berçait. De nouveau apparut le désert vague ; pendant plusieurs jours les collines de sel, les montagnes de sable se succédèrent comme dans la vallée aride de Pihosem ; mais des phénomènes étranges venaient rompre la monotonie du trajet ; à travers la lumière fluide du soleil se réverbéraient des images lointaines ; parfois toute une ville apparaissait avec ses tours blanches et ses obélisques, ses palmiers et ses toits en terrasse, apothéosée dans la gloire éblouissante de l’astre ; mais à peine avait-on eu le temps d’entrevoir cette féerie qu’elle s’évanouissait à l’horizon, laissant aux voyageurs la vision consolante des cités prochaines. Cependant ce n’était pas toujours les mêmes splendeurs. Au coucher du soleil, l’atmosphère s’emplissait de formes bizarres ; et, comme d’une faune fantômale et gigantesque, le désert se peuplait d’êtres fabuleux ; de tous côtés on croyait voir surgir des sphinx à tête humaine, des griffons au corps de chacal, des tigres ailés, venant d’une terre inconnue où la divinité leur prêtait des formes surnaturelles ; ces ombres falottes s’attachaient aux voyageurs et les remplissaient d’épouvante, malgré les discours des eunuques qui expliquaient en termes savants les effets du mirage et de la réfraction des rayons solaires, si fréquents sur ce point du désert Libyque[6].

Dans cette région, d’ailleurs, tout semblait tenir du miracle, tout était fait pour frapper vivement l’imagination d’hommes simples et superstitieux ; le matin, au lieu de monter graduellement de l’orient, le soleil se dressait tout à coup à l’horizon en une énorme colonne de feu, dont le chapiteau s’écrasait un peu au sommet comme sous le poids de la voûte d’azur ; souvent il s’arrondissait dans l’éther, pareil à un grand bouclier de cuivre étincelant ; et les soldats en tiraient bon présage, disant que Sérapis lui-même marchait devant eux pour les protéger contre les dangers de la route. Quant à Taïa, elle pensait à Cléopâtre et à Kaïn.

Une oasis de palmiers au milieu de l’aridité des sables : tel était le canton d’Augila. Là, les barbares que commandait Magas[7] venaient chaque année pendant l’été pour la récolte des cinq espèces de dattes ; ils descendaient par troupes nombreuses des jardins des Hespérides ou des autels des Philènes ; plusieurs d’entre eux se répandaient alors dans les environs d’Augila, à l’entrée du désert, et ramassaient des sauterelles qu’ils faisaient sécher au soleil pour en tirer une poudre dont ils assaisonnaient leur breuvage.

Quand la caravane entra sous les grands arbres, tous les Nasamones étaient occupés à la cueillette. Demi-nus, ils se tenaient accrochés par les pieds à la branche la plus élevée des palmiers d’où ils détachaient péniblement, avec une hache, les lourds régimes de fruits ; au moyen d’une corde d’aloès ils les faisaient descendre ; les femmes, assises sur le sol, procédaient au choix et à l’arrangement. Presque toutes étaient belles et vêtues d’une courte tunique en poils de chèvre ; leurs cheveux, qu’elles laissaient croître, tombaient en masses lisses sur leurs épaules ; à leurs chevilles étaient suspendus des cercles de cuivre ; celles qui étaient encore vierges n’en portaient point ; en revanche les autres, chaque fois qu’elles faisaient à un homme nouveau le don d’elles-mêmes, devaient se parer d’un nouvel anneau ; quelques-unes — et ce n’était pas les moins estimées — en avaient les jambes couvertes jusqu’aux genoux.

À l’arrivée de la caravane, une rumeur s’était produite parmi les barbares ; promptement ceux qui étaient au faîte des arbres en étaient descendus, tandis que les femmes se hâtaient vers les tentes faites d’asphodèles et de joncs entrelacés, où d’autres Nasamones étaient occupés à entasser les fruits ; mais déjà ceux qui étaient disséminés aux abords de l’oasis avaient couru derrière les voyageurs ; bientôt l’éléphant que montait Taïa avait été escaladé par un barbare. Les soldats de la légion avaient voulu s’interposer ; mais, sur un signe de la Libyenne, ils s’étaient contentés de tirer leur épée et de se tenir sur la défensive. Poussés par la foule houleuse des barbares, ils arrivèrent à la suite de Taïa jusque devant le pavillon du roi Magas.

L’entrée, gardée par deux Nasamones armés de lances, était ouverte, et de loin on apercevait le chef étendu sur un monceau de peaux de panthères et de gazelles sauvages. Sa chevelure, raide comme une crinière, s’étageait sur ses épaules ; chacun de ses traits portait l’empreinte d’une volonté puissante, et ses mains larges et fortement nouées, qu’il tenait à plat sur ses genoux, avaient, elles aussi, la même expression de ténacité. Près de lui étaient accroupies ses femmes, nues sous un enguirlandement de plumes d’autruche et de coquilles peintes ; comme d’autres coquillages encore, leurs lèvres, leurs oreilles et les ongles longs de leurs mains étaient recouverts d’une couche de murex sauvage.

Taïa descendit de son éléphant et pénétra dans l’intérieur de la tente ; en la voyant revêtue de la peau de chèvre des Libyennes de la Cyrénaïque, un mouvement de surprise saisit les Nasamones et troubla même la majestueuse placidité de Magas. Une méfiance aussi le prenait à la vue de la double file de soldats étrangers dont les casques reluisaient sous le soleil, entre les figures hirsutes des barbares.

Il se souleva sur un coude et enveloppa la jeune fille d’un long regard ; il la touchait presque de ses yeux qui saillaient de l’orbite, à fleur de son front.

Sans détourner la tête, il s’adressa à celui qui avait amené Taïa :

« Qui est cette femme ? Que veut-elle ? »

Avant que le barbare eût parlé, la Libyenne répondit dans le même idiome :

« Je suis venue auprès du roi Magas, chargée d’une mission secrète ; il daignera m’entendre, avant de me faire repousser par ses sujets. »

En même temps elle tendait au chef le message de Cléopâtre ; mais lui, sans détourner les yeux du visage de Taïa, l’écoutait avec un étonnement croissant. Le son de cette voix, la lueur fauve de ces yeux, éveillaient en sa mémoire d’anciens souvenirs.

« Dis-moi ton nom, demanda-t-il de nouveau.

— Je suis l’une des suivantes de l’illustre reine d’Égypte. C’est elle qui m’a envoyée ici. »

Puis plus bas elle ajouta :

« Dans la lutte décisive qu’elle soutient, Cléopâtre a vainement cherché autour d’elle des alliés ; elle a tourné les yeux vers vous et sa dernière espérance est que vous lui veniez en aide contre Rome. »

Cette fois, Magas prit le rouleau de papyrus que lui tendait Taïa ; il reconnut l’empreinte du sceau à figure de sphinx dont se servait la reine d’Égypte et qui était communément gravé sur les monnaies du royaume.

Pendant qu’il lisait, Taïa avait fait apporter devant la tente les présents royaux. Autour des vaisselles d’or et des somptueux cristaux enchâssés dans le lapis, les barbares s’étaient groupés en poussant des cris d’admiration.

Mais Magas, considérant à peine ces trésors, les repoussa d’un geste orgueilleux.

« Tout ceci, dit-il, retournera à la cour de Cléopâtre ; il n’est pas besoin de pareilles richesses pour m’engager à assouvir ma haine contre Rome. Jeune fille, je t’accompagnerai à Alexandrie auprès de ta maîtresse. »

Puis encore il interrogea la Libyenne :

« Comment la reine a-t-elle choisi, pour me l’envoyer, un pareil ambassadeur ? »

Elle sourit.

« Personne mieux que votre ancienne esclave, illustre Magas, n’aurait su trouver le chemin d’Augila et celui de votre cœur. »

Magas alors reconnut Taïa, que curieusement les femmes du chef barbare examinaient.


  1. Plutarque, Alexandre, xxxvii.
  2. Hérodote, liv. II, 52.
  3. Voir note justificative no 37, p. 345.
  4. Livre des morts ou Rituel funéraire, chap. xvii, 1.
  5. G. Maspero, Hist. anc. des peuples de l’Orient.
  6. Diodore de Sicile, liv. III, 50.
  7. Voir note justificative no 38, p. 347.