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Clair de lune (Laforgue)

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Clair de lune (Laforgue)
Poésies complètesLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 158-159).


CLAIR DE LUNE


Penser qu’on vivra jamais dans cet astre,
Parfois me flanque un coup dans l’épigastre.

Ah ! tout pour toi, Lune, quand tu t’avances
Aux soirs d’août par les féeries du silence !

Et quand tu roules, démâtée, au large
À travers les brisants noirs des nuages !

Oh ! monter, perdu, m’étancher à même
Ta vasque de béatifiants baptêmes !

Astre atteint de cécité, fatal phare
Des vols migrateurs des plaintifs Icares !

Œil stérile comme le suicide,
Nous sommes le congrès des las, préside ;


Crâne glacé, raille les calvities
De nos incurables bureaucraties ;

Ô pilule des léthargies finales,
Infuse-toi dans nos durs encéphales !

Ô Diane à la chlamyde très dorique,
L’Amour cuve, prend ton carquois et pique,

Ah ! d’un trait inoculant l’être aptère,
Les cœurs de bonne volonté sur terre !

Astre lavé par d’inouïs déluges,
Qu’un de tes chastes rayons fébrifuges,

Ce soir, pour inonder mes draps, dévie,
Que je m’y lave les mains de la vie !