Clarice

La bibliothèque libre.
Clarice
ou la Femme précepteur
chez Barba, libraire, Palais-Royal, N°51.

CLARICE,


OU

LA FEMME PRÉCEPTEUR


MÉLODRAME EN TROIS ACTES,


À Spectacle,


Par Mme. BARTHELEMY H***.;


Musique de M. TAIX ; Ballet de M. HULLIN ;


Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Gaité, le 30 Mai 1812.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
de l’imprimerie d’eyrsat, rue saint-sauveur, n°. 41.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~


PARIS,
CHEZ BARBA, LIBRAIRE, PALAIS-ROYAL, N°. 51,
derrière le théâtre français.


1812.


Personnages.
Acteurs.
LE COMTE DE HASBERG 
 M. Ferdinand.
LE BARON DE WALBRUNE 
 M. Lafargue.
HYPOLITE, Fils du Comte 
 M. Darcourt.
CLARICE POLESKI, son Épouse 
 Mlle Rouze-Bougeois.
FRANK, Jardinier du Château 
 M. Tautin
AMÉLIE, Fille du Comte 
 Mlle Émilie Hugens
LISBETH, sa Suivante 
 Mlle Millot.
ROBERT, Valet du Baron 
 M. Michot.
Un Domestique 
 M. Boulargé.


La Scène est en Allemagne, au château du Comte de Hasberg.


Nota. Cette Pièce peut se jouer dans les Départemens, comme Drame, en supprimant la musique et le ballet.


CLARICE,


ou


LA FEMME PRÉCEPTEUR,


Mélodrame en trois Actes, à Spectacle.


ACTE PREMIER.

(Un parc. Au fond un pavillon. Au lever du rideau le baron de Walbrune est en scéne ; il est assis et parait réfléchir.)



Scène PREMIÈRE.


LE BARON DE WALBRUNE, seul.

Fatal testament ! tu peux m’enlever toute ma fortune. Si cette fille naturelle de mon père se retrouve, je dois renoncer à l’espoir de m’unir à la riche héritière du comte de Hasberg. J’ai dissipé tout mon bien. Comment rendre les trois cents mille rixdales qui sont destinées à celle que le comte de Walbrune m’ordonna en mourant de chérir comme ma sœur ? Depuis un mois qu’il n’est plus, je tremble que le notaire, possesseur de l’écrit qui contient ses dernières volontés… Mais voici Robert ; voyons s’il aura pu réussir à gagner la confiance du notaire de Munich.



Scène II.


LE BARON, ROBERT.


LE BARON.

Eh bien, le notaire ?

ROBERT.

Hélas ! mon cher maître, c’est une huitième merveille.

LE BARON.

Explique-toi… Consent-il à m’abandonner le testament ?

ROBERT.

Pas du tout, M. Le baron.

LE BARON.

Mes offres ?

ROBERT.

Vos offres ! Cette bourse, mon éloquence, rien n’a pu le toucher. Il m’a répété de grands mots d’honneur, de probité ; enfin, son stoïque désintéressement l’a porté jusqu’à me manquer de respect, et je l’ai vu sur le point de me faire reconduire par ses gens d’une manière incivile.

LE BARON.

Après ? Que m’importe les avantures !

ROBERT.

Après ? Voici la copie d’une circulaire qui a dû paraître hier dans les papiers publics ; et bientôt toute l’Allemagne sera invitée à concourir à votre infortune, en vous faisant retrouver cette fille naturelle du Comte, votre père.

LE BARON

« Le comte Edouard de Walbrune, avant de mourir, rappèle à son héritage Poleski sa fille, fruit d’un mariage secret, qu’il contracta peu d’années après son veuvage avec Clémentine Poleski, orpheline d’un seigneur polonais. Cet enfant naquit à Dantzik. Celle qui pourra se présenter chez M. Browne, notaire dans ladite ville, munie d’un portrait du comte de Walbrune, de plusieurs lettres signées Edouard, est autorisée à partager un tiers avec les enfans dudit seigneur. La personne doit montrer aussi, pour être admise à la succession, un bracelet de cheveux semblable pour la couleur, la devise et le secret, à celui que le Comte remit entre les mains du notaire : alors elle rentrera dans tous les droits que lui a légués son père. »

ROBERT.

Croyez-moi, mon cher maître, pressez votre mariage avec à charmante Amélie d’Hasberg.

LE BARON.

Eh ! le puis-je ? Amélie ne m’aime point, et son père, trop occupé de la vengeance que j’ai moi-même attirée sur le colonel Hypolite son fils, ne veut marier sa fille qu’après avoir fait casser par le tribunal l’indigne alliance que celui-ci a contractée étant à Berlin.

ROBERT.

Qui donc a-t-il épousé.

LE BARON.

Une fille qui, ne tenant à aucune famille, n’existait que des produits des arts, qu’elle professait, dit-on, avec distinction. Il y a deux ans le fils du Comte, étant au service de l’empereur, fut blessé, fait prisonnier, conduit à Berlin, dans la maison où logeait cette jeune personne. L’aimable artiste lui prodigua les plus grands soins. Hypolite voulut lui témoigner sa reconnaissance par le don de sa foi. Il écrivit au Comte son père, et lui demanda son consentement. Le Comte le lui refusa. Le Colonel était majeur ; et dans Berlin même, sous les auspices des lois et de la religion, il contracta une union indigne de lui, après avoir refusé, comme tu le sais, ma sœur… Mais, tu ne m’écoutes point ?… On vient ; c’est Lisbeth. J’ai pensé quelquefois que cette suivante d’Amélie connaissait le Colonel.

ROBERT.

Cependant elle n’est ici que depuis six mois, et il y a deux ans que le fils du Comte a quitté ce château.

LE BARON.

Je l’ai entendu blâmer hautement la sévérité du père d’Hypolite.

ROBERT.

Et de plus, je vous certifie qu’elle ne porte point un grand respect à votre seigneurie.

LE BARON.

Demeure avec elle ; tâche de t’informer…




Scène III.


Les Précédens, LISBETH.


LISBETH.

M. le Baron, le père de ma jeune maîtresse vient de recevoir beaucoup d’arbres étrangers, qu’il voudrait que vous vissiez avant de les faire mettre dans la serre. Il vous prie d’aller le rejoindre. (Le Baron sort.) Eh bien, Robert, tu ne suis par ton maître ?

ROBERT.

Non, ma Reine. Je veux rester avec toi.

LISBETH.

Tu peux t’en dispenser.

ROBERT.

Tu boudes encore ?

LISBETH.

Oui.

ROBERT.

Quel caprice !

LISBETH.

Chacun son idée.

ROBERT, lui montrant une bourse.

Le son argentin de ces rixdales ?

LISBETH.

Ne fait rien sur une âme honnête.

ROBERT.

J’avais des vues… Je voulais qu’un joli mariage…

LISBETH.

Tu peux y renoncer.

ROBERT.

Je t’ai beaucoup aimée, je t’aime encore.

LISBETH.

Jadis tu m’étais indifférent, maintenant je le déteste.

ROBERT.

Frank, votre jardinier, serait-il mon rival ? Ce gaillard me déplaît.

LISBETH.

Tant pis.

ROBERT.

Jadis sergent dans le régiment de M. le Comte, je ne sais pourquoi il s’est fait jardinier ?

LISBETH.

Pour me plaire.

ROBERT.

Friponne ! tu en vaux bien la peine. Tu t’es fâchée avec moi pour une bagatelle.

LISBETH.

Double traître ! tu nommes bagatelle les projets du baron de Walbrune, ton maître ! Depuis six mois que vous habitez le comté d’Hasberg, la douleur et la perfidie y sont en permanence. Ah ! je forme des vœux.

ROBERT.

Pour notre départ ?

LISBETH.

Tu as le don de lire dans mon âme.

ROBERT.

Là, là, tout doux, ma belle.

LISBETH.

Non, je te déclare la guerre.

ROBERT.

À outrance ?

LISBETH.

(À part.) Feignons pour être instruite. (haut) À moins que tu ne m’apprennes quel sera pour nous le résultat de votre entreprise.

ROBERT.

Eh bien, parlons sans aigreur ; (Avec confidence) cesse d’en vouloir à M. le Baron. Nous avons des projets de fortune.

LISBETH.

Des projets de fortune ! C’est bien différent : parle avec confiance.

ROBERT, à part.

L’intérêt va me la ramener. (Haut.) Oui, ma chère ; écoute, et sois persuadée que ce que tu regardes comme un crime, n’est rien du tout.

LISBETH.

Tu peux avoir raison.

ROBERT.

Deux mots vont justifier la conduite du Baron. M. le comte d’Hasberg, ton maître, n’a que deux enfans, et tu sais qu’il est un des plus riches seigneurs de l’Allemagne. Le colonel Hypolite, son fils, est un mauvais sujet qui a déshonoré sa famille par une alliance indigne de son rang ; le mariage doit être cassé, et la jeune personne qu’il a épousée conduite dans un couvent, où elle passera sa vie.

LISBETH., à part.

L’infortunée ! et c’est moi qui l’ai introduite dans ce château ! Que va-t-elle devenir ? (Haut.) Que fera-t-on de son époux ?

ROBERT.

On le déshéritera. La jeune et belle Amélie plaît à mon maître ; il l’épousera, et deviendra possesseur d’une grande fortune, dont nous aurons une bonne part, si tu acceptes le don de ma main et de mon cœur.

LISBETH.

C’est superbe ! cependant M. le Comte paraissait disposé à la clémence.

ROBERT.

Il est vrai ; mais les conseils du Baron ont tout changé. Je sais bien qu’on allait annuler la procédure ; mon maître l’a fait continuer, sans cela Hypolite serait ici avec sa femme. Il serait honteux de voir une fille sans nom devenir comtesse d’Hasberg… L’honneur…

LISBETH.

Tu sais ce que c’est : je ne m’en doutais pas. Mais quel autre motif que celui de l’intérêt, peut porter le Baron à persécuter M. Hypolite ?

ROBERT.

La vengeance. M. Hypolite a refusé d’être son beau-frère.

LISBETH.

Eh bien, je te dirai, moi, qu’Amélie voit avec horreur son mariage avec ton maître.

ROBERT.

Je le sais ; et tiens, Lisbeth, j’ai des soupçons…

LISBETH.

Sur qui ?

ROBERT.

Je présume que M. d’Armancourt, ce précepteur qui donne à ta maîtresse des leçons de musique, d’anglais et de dessin, est un amant déguisé, qui n’a pris la qualité de maître que pour s’introduire dans le château.

LISBETH.

Tu te trompes.

ROBERT.

Non pas ; j’ai le tact fin. Corbleu ! qu’il ne se joue pas à être le rival de M. le Baron ! Il n’entend pas raillerie. Il se bat.

LISBETH.

Bah ! il est brave ?

ROBERT.

Tu badines toujours. Mais le petit précepteur décampera. (Il regarde.) Je crois l’appercevoir. Oui, sombre, rêveur. Il se promène dans une des allées du jardin. Ah ! mon cher Monsieur, vous êtes trop joli pour n’être pas dangereux. Le comte d’Hasberg l’aborde. Ils dirigent leur pas de ce côté. Je cours rejoindre mon maître : songe à la fortune qui nous attend.

LISBETH.

Autant que tu peux compter sur moi.

ROBERT.

L’amour et la richesse seront notre partage. Bientôt tu seras madame Robert.

LISBETH.

J’en accepte l’augure. (à part.) Ah ! maître fripon, je déjouerai tes complots. Adieu, honnête valet.



Scène IV.


LISBETH, seule.

Oui, si l’infortunée Clarice Poleski est obligée de quitter le château du père de son époux, Lisbeth lui restera fidelle. C’est pour la servir que depuis six mois je suis entrée ici ; sa mère avait la mienne pour compagne, lorsqu’elle fut abandonnée du cruel Édouard. L’auteur de mes jours n’est plus ; mais je ferai pour Clarice ce que ma mère a fait pour la sienne. Elle vient ici : le comte d’Hasberg l’accompagne. Peut-être Clarice engage-t-elle le père à pardonner à son fils. Laissons-les poursuivre un entretien aussi important.

(Elle sort par la porte de côté, tandis que le comte d’Hasberg entre par le fond avec Clarice.)



Scène V.

LE COMTE, CLARICE.

LE COMTE. Je vous le répète, mon cher d’Armancourt, cette tristesse n’est point le partage des jeunes gens : que peut-il vous manquer dans mon château ? parlez-moi sans crainte. Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/13 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/14 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/15 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/16 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/17 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/18 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/19 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/20 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/21 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/22 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/23 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/24 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/25 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/26 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/27 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/28 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/29 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/30 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/31 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/32 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/33 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/34 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/35 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/36 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/37 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/38 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/39 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/40 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/41 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/42 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/43 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/44 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/45 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/46 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/47 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/48 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/49 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/50 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/51 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/52 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/53 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/54 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/55 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/56 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/57 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/58 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/59 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/60 Page:Richard Hadot - Clarice.djvu/61

LE COMTE.

Clarice !

LISBETH.

Reconnaissez votre père et le sien ; de plus les lettres, l’extrait de naissance signé Édouard.

CLARICE.

Ainsi que le bracelet de cheveux que ma mère mit à mon bras un instant avant sa mort.

LE BARON.

Tout m’accable à la fois.

CLARICE.

Gardez votre fortune, mais revenez à des sentimens plus doux et plus humains, puisse-t-elle vous rendre heureux.

LE COMTE.

Monsieur le Baron, Clarice est devenue ma fille ; sa vertu, son dévouement ont triomphé de ma sévérité ; on peut pardonner à l’erreur d’un fils, mais ou déteste les cœurs corrompus ; sortez de ce château, et que demain on ne vous retrouve point sur mes terres.

FRANK.

Et zest, monsir le Baron, dans le pays étranger. Mais bour fous consoler pendant le foyage, fous afoir un petit romance à chanter.

HYPOLITE.

Ô mon père ! vous pardonnez.

(Le Baron et Robert sortent.)
LE COMTE, prenant Clarice dans ses bras.

Voilà ton excuse. Mes enfans, il ne manque à mon bonheur que de voir votre fille auprès de moi. Que je doive encore cette leçon de tendresse à la Femme Précepteur.


FIN.