Cocardasse et Passepoil/I/10

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Librairie Ollendorff (p. 57-63).


X

CHEZ LA PAILLARDE


— Or donc, ma caillou, disait Cocardasse à son aller ego en franchissant de compagnie la porte de Richelieu, qu’il va faire une nuit splendide !…

— La nuit est propice aux amours, murmura frère Passepoil, dont le cœur était toujours aussi prompt à s’enflammer.

— Eh ! vivante étoupe que tu es, là où nous allons, c’est un peu le temple de l’Amour… il y a là des dames qui ne doivent pas dédaigner la bagatelle…

— C’est de leur âge… et du mien…

— Ver !… Je crois que quand ta mère elle te mit bas le long d’un pré de Normandie, la mienne elle était bien près d’en faire autant sur les rives de la Garonne.

— Possible… mon noble ami… mais j’ai le cœur toujours jeune… et j’ai bien peur que le tien ne soit noyé dans le liquide.

— Que non, petit ; que non !… Un homme est bien formé, vois-tu, se distingue des moins bien venus en ce qu’il sait boire… Il faut être jeune et sans raison ou vieillard et malade, pour perdre un temps précieux en révérences aux demoiselles… Eh donc ! songer à la bagatelle, c’est une toquade du diable !

Le regard que Passepoil jeta sur son noble ami n’était pas exempt d’une certaine pitié.

— Tu as cependant devant les yeux l’exemple du contraire, reprit-il d’une voix douce et persuasive. Est-ce que M. de Lagardère, notre maître, ne remuerait pas le monde pour celle qu’il aime ?… Est-ce que M. de Chaverny n’est pas féru d’amour pour Mlle Flor ?… Il n’y a dans la maison que Jacinta qui soit rebelle au mariage…

— Té !… touche-lui-z-en deux mots, pour voir.

— Je ne lui en ai dit qu’un et j’ai reçu de sa belle main un grand soufflet… mais c’est encore du bonheur.

— Oïmé ! s’exclama le Gascon en éclatant de rire ; tu peux redoubler, ma caillou ; avec un peu de patience, on vient à bout de tout.

— Elle n’est pas patiente sur ce chapitre-là et je recevrais deux soufflets au lieu d’un… Nous aurions pourtant fait si bon ménage ensemble !…

— C’est peut-être mieux ainsi, mon pitchoun. Elle est trop jeune et jolie pour un vieux singe comme toi et sans doute, mon pauvre Amable, qu’il aurait pu t’arriver malheur.

— Ventre de biche ! répliqua le Normand vexé, c’est à savoir. Jacinta est de taille à se défendre contre les entreprises des galants…

— Hé ! là ! povero, que te voilà naïf, et parlant déjà comme un mari… On t’aurait dit d’aller regarder à droite pendant que ta femme elle se serait fait embrasser à gauche. Vois-tu, mon petit, nous ne sommes pas du bois dont on fait des Josephs et le meilleur ménage de la terre, vivadiou ! c’est encore celui de Cocardasse et de Passepoil.

Ce dernier soupira :

— Il manque cependant de bien des charmes…

— C’est peut-être que tu ne sais pas les voir ; quant à moi, je n’ai pas de goût pour le conjungo. Mon épouse, c’est ma Pétronille : elle ne crie pas, fait proprement sa besogne et ne me trompe jamais ; sans compter, pitchoun, que nous avons fait trop de veuves dans notre vie pour nous exposer à ce qu’on nous rende la pareille.

— Chacun son idée, et si bon ménage que nous fassions ensemble, nous ne sommes guère d’accord sur ce point.

— Té !… c’est bien tant pis. D’ailleurs, il n’est pas question de nous marier ce soir.

— Est-ce qu’on peut jamais savoir, Cocardasse ? Quelquefois le cœur parle au moment où on s’y attend le moins.

— Cornebiou !… Je suis sûr que le mien il ne parlera pas !… Mais pourquoi, diable ! n’as-tu pas choisi dans le tas hier au soir ?… Mlle Cidalise elle aurait fait une dame Passepoil fort présentable…

Le Normand répliqua, en lançant à son noble ami un indéfinissable regard :

— Trop présentable… Ce n’était pas là chaussure à mon pied.

— Pécaïre !… où voudrais-tu te chausser, mon mignon ?… La Paillarde elle est, je crois, rudement au-dessus de ta mesure.

— Elle serait si jolie si elle ne louchait pas !… Cependant, elle me fait plus de peur que d’envie.

— Les femmes qui regardent de travers, elles ne trouvent jamais que leurs maris marchent droit. Méfie-toi de celle-là, couquinasse, surtout que ce n’est pas toi qui porterais les culottes. Quand le charbonnier il n’est pas maître dans son chez soi, c’est rare si les choses ne vont pas mal.

— Je suis bien de ton avis, Cocardasse. Mais il y en a d’autres que Mlle Cidalise et la Paillarde. Enfin, qui vivra verra. Puisque tout le monde se marie, il faudra bien que notre tour arrive.

— Bagasse !… je te donne le mien et si le fils de Cocardasse senior il doit mourir, je te jure que ce sera dans la peau d’un célibataire.

Tout en jacassant ainsi, les deux compères avaient dépassé les remparts et gagné la campagne ; ils marchaient de ce pas alerte des gens qui n’ont rien à redouter, ou tout au moins qui s’en moquent.

Le jour s’obscurcissait peu à peu, et le brouillard qui montait des marais commençait à envelopper les objets. De temps en temps le Gascon mettait le pied dans une flaque d’eau, ce qui était prétexte à un juron formidable et Passepoil, a qui arrivait le même accident, trouvait que, décidément, ce quartier n’était pas un pays de Cocagne.

— Trouves-tu pas, dit-il, qu’il ne fait pas très bon ici, au milieu des ténèbres ? Si la Paillarde ne nous garde pas jusqu’au lever du jour, j’ai idée qu’il ne fera pas bon patauger ici passé minuit.

— Holé !… pourvu que nous voyons le bout de notre nez, cela nous suffit. Nous sommes un peu comme les chauve-souris, nous-autres.

— Possible que cela puisse nous servir d’ici quelques heures…

— À quoi songes-tu, ma caillou ?… Nous nous trouverons si bien au Trou-Punais que nous y serons encore au lever du soleil. Oublies-tu que la Borgnotte elle a un faible pour toi et que tu pourrais bien trouver la nuit trop courte. Pour ce qui me regarde, elle ne sera jamais assez longue tant que j’aurai à boire.

Bientôt ils atteignirent l’auberge, dont la porte était grande ouverte, inondant le chemin de lumière. Un peu plus loin, les deux fenêtres étroites et grillées du cabaret de Crèvepanse semblaient deux yeux rouges et sanglants, ouverts sur les mystères de la nuit.

Le Gascon vint encadrer sa longue silhouette dans le vide de la porte et se tournant vers son compagnon :

— As pas pur ! fit-il d’une voix tonnante. Entre, mon bon, nous sommes au port.

Puis, faisant un pas à l’intérieur, il ajouta en agitant son feutre au bout de son bras osseux :

— Salut ! belles dames ! amitiés, mes gentilshommes !

Frère Passepoil se tenait un pas en arrière. Puisqu’on était au port, il ne demandait qu’à jeter l’ancre, mais son œil cherchait en vain le regard fuyant de la Paillarde pour se rendre compte s’il ne faudrait pas essuyer dès l’entrée quelque gros orage.

— Vivadiou ! reprit son compagnon, Cocardasse junior et son petit prévôt ils présentent leurs hommages au sexe et personne ne bouge. Quiès à co ?

La compagnie ne se composait, en dehors de l’hôtelière et de ses servantes, que d’Yves de Jugan et de Raphaël Pinto, qui échangèrent un regard de satisfaction.

— Cocardasse ! Passepoil ! s’écria-t-on de toutes parts.

— Enfin, vous voilà, dit la Paillarde en se précipitant à leur rencontre ; et sains et saufs, à ce que je vois.

— Ver ?… Pourquoi n’en serait-il pas ainsi ?

— Vous n’êtes blessés ni l’un ni l’autre ? À cette question, les deux maîtres d’armes se regardèrent, et Passepoil crut devoir déclamer sur un mode tendre, en se touchant la poitrine :

— Blessé au cœur, si fait, ô Vénus !

— Caramba ! gronda Cocardasse avec amertume ; cette fougasse, il ne saura jamais commander à ses passions !

Qui donc se serait permis de faire un accroc à notre basane ? ajouta-t-il en s’adressant à l’hôtelière.

— Ne vous défendez pas… fit celle-ci. Nous savons que vous vous êtes battus comme des lions, pas plus tard qu’hier soir, et que vous avez sauvé la vie à de jolies dames.

— Pécaïré !… c’ta couquin de Passepoil et moi nous n’avons jamais permis qu’on manque de respect au sexe en notre présence… Mais cela ne nous dit pas comment vous avez su la chose. La Paillarde attira sur son giron le tendre Passepoil qui n’eut garde de protester :

— C’est bien, mon poulet, ce que tu as fait là, lui dit-elle d’une voix qu’elle s’efforçait de rendre câline. Mais j’ai eu une belle peur pour toi et pour ton camarade.

— À propos de quoi ? demanda le Normand, vaguement inquiet de voir la femme au courant des événements de la veille.

— On nous avait dit que vous étiez blessés… peut-être tués, et nous sommes partis aussitôt à votre recherche pour vous porter secours. Tout est pour le mieux, puisque vous voilà bien portants.

— Cornébiou !… quel est le bélître qui vous avait annoncé cette bagasse de nouvelle ? Il ne savait donc pas, celui-là, que Pétronille elle est fée ?

— Vous avez donc fait un pacte avec le diable ? demanda Yves de Jugan, sur le front duquel se creusa un pli d’inquiétude.

— Té !… nous ne le connaissons pas, mais nous envoyons tellement de gredins à sa chaudière que le malin il ne songe guère à se priver de nos services.

— Vous en avez déjà tué beaucoup ? questionna Pinto à son tour.

— Pas encore tant que nous en tuerons, mon péquiou.

— Nous ne les comptons plus, c’était trop fatigant, ajouta négligemment Passepoil qui voulait se mettre au diapason de son ami et gagner dans l’estime de celle qu’en son for intérieur il qualifiait de « reine des amours ».

— Et ce qu’il y a de plaisant, reprit le Gascon, c’est que les couquins ils viennent d’eux-mêmes se mettre au bout de notre épée, comme des bestioles autour d’une lumière. M’est avis même qu’il y en a quelques-uns pour le moment qui sont tout prêts à y venir et qui y perdront plus que leurs ailes. Cette allusion jeta un certain trouble dans l’esprit des deux jeunes gens dont les regards se croisèrent.

— Vous savez où les trouver, ceux-là ? demanda Yves de Jugan.

— Hé ! mon bon, si nous le savions, il y a longtemps qu’ils auraient fini de rire. D’ailleurs, cela nous est égal, nous sommes certains qu’ils y viendront bien tout seuls. On n’évite pas son sort. Tenez, je ne donnerais pas quatre sols du temps qu’il leur reste à vivre.

Cette vantardise produisit un singulier effet sur les interlocuteurs du Gascon. Ils s’empressèrent de changer le cours de la conversation.

— Si nous buvions à votre santé ? dirent-ils avec ensemble.

— Asseyez-vous, appuya l’hôtelière, on vous contera tout à l’heure ce qui s’est passé ici hier.

— Ver ! la petite mère a raison. On va vous montrer, les pitchouns, que personne encore il n’a fait de trou au gosier de Cocardasse et que celui qu’il a depuis sa naissance il n’est pas affligé d’une fuite.

Bientôt le choc des gobelets et des verres se mêla aux glouglous du vin dans les gorges, aux clappements de langues. Frère Passepoil, blotti sur le sein de la Paillarde, qui lui faisait un collier de ses deux bras nus jusqu’aux coudes, ne s’était jamais senti mieux à son aise.

Yves de Jugan ne voulait pas laisser à d’autres le soin de conter aux prévôts ce qui s’était passé la veille au soir à l’auberge du Trou-Punais, ce qui lui permettait de le faire à sa fantaisie, en passant certaines choses sous silence.

Aussi, c’est à croire qu’il oublia bien volontairement de parler des deux hommes qui s’étaient joints à eux pour les aider dans leurs recherches. Si quelqu’un eût relevé cette omission, il lui eût été loisible de dire qu’il ne les connaissait pas. L’hôtelière était bien trop à la joie d’avoir retrouvé les deux nigauds qu’elle voulait plumer pour prêter une attention quelconque aux paroles du jeune homme.

— Caramba ! s’écria le Gascon ému de sollicitude, nous sommes ici tous camarades. Embrasse ta voisine pour toi et pour moi, mon petit prévôt, si toutefois elle le permet.

Amable ne se le fit pas dire deux fois et la Paillarde permit si bien que pour un baiser elle en rendit quatre.

— Je vous avais fait préparer de bons lits bien doux, roucoula-t-elle, des lits où je vous aurais si bien soignés et dorlotés, si seulement vous aviez été un tout petit peu blessés.

— Cornebiou ! rien ne nous empêchera de faire comme si nous l’étions et, au lieu de drogues, de nous administrer quelques pintes de bon vin. De rencontrer une si aimable hôtesse, hé donc ! ce serait à me faire adorer les femmes tout comme mon ami Passepoil.

— Il les aime donc bien, le cher petit ?

— Ah ! le pôvre ! Il cède tant et tant au torrent tumultueux de ses passions qu’il en sèche sur tige !… Demandez-lui plutôt si hier soir…

Il reçut un grand coup de pied sous la table, mais cet avertissement arriva trop tard à destination. Les quelques mots prononcés avaient mis la Paillarde en éveil.

— À propos, dit-elle en plantant son regard torve dans les yeux de sa victime, où avez-vous terminé votre nuit ? Puisque vous n’étiez pas blessés, pourquoi n’êtes-vous pas venus ?

À certains moments, le normand était pris de court et la plus simple question provoquait de sa part une réponse tellement ridicule qu’on voyait aussitôt qu’il voulait mentir. Si on lui reprochait de n’avoir pas fait une chose convenue, il avait une réponse invariable qui pourtant ne lui avait jamais réussi.

Cela ne l’empêcha pas de la sortir en cette occasion, tout comme il l’avait sortie le matin même à Chaverny :

— Nous… n’avons pas eu le temps.

— Comment… pas le temps ? se récria l’hôtelière. Il était à peine dix heures quand a eu lieu ce combat et, en admettant qu’il ait duré un quart d’heure…

— Bien moins que cela, se hâta d’interrompre Cocardasse ; le temps de coucher cinq hommes sur le carreau, une minute pour chacun… Ah ! pécaïre ! nous ne faisons pas les choses à moitié, nous autres ; parlez-en un peu à mon petit prévôt…

— Non, pas à moitié… avec nous, c’est tout ou rien… opina Passepoil, lequel avait conscience que Cocardasse allait s’enferrer dans une histoire dont ils auraient ensuite à eux deux toutes les peines à sortir.

Ce lui fut une occasion d’envoyer un nouveau coup de pied dans les mollets du Gascon, pour l’inviter à retenir sa langue.

— Vivadiou ! s’écria celui-ci, il nous fallut bien reconduire ces dames jusqu’à l’intérieur des fortifications, ou nous leur souhaitâmes le bonsoir. Par exemple, pour une raison ou pour une autre, lorsque nous voulûmes revenir sur nos pas, on nous ferma la porte au nez. M. le lieutenant de police il avait donné l’ordre de laisser entrer dans Paris tous ceux qui voudraient et de ne laisser sortir personne. Sans doute qu’il avait pour cela ses raisons, d’autant plus que c’est lui le plus fort.

Cette histoire ne tenait pas debout, mais elle pouvait paraître vraisemblable à cette époque où le seul moyen de s’emparer d’un gredin de haute volée était de lui empêcher d’abord de prendre la clef des champs.

— J’accepte cette excuse, dit la Paillarde en regardant Passepoil qui venait de pousser un grand soupir de soulagement. Tu sais que je suis jalouse et que tu as à choisir entre les dames d’hier et moi. Gare à toi, mon agneau, si ce n’était pas moi que tu choisisses.

— Mon choix est fait, répondit le Normand sans enthousiasme, car il songeait que Cidalise était moins exigeante.

Du moment où celle-ci n’était pas là, il pouvait bien donner ce soir la préférence à la Paillarde, sauf à la donner le lendemain à Cidalise si l’occasion s’en présentait de nouveau. Dans la vie, il faut savoir se plier aux circonstances.

— Eh bien ! mes gentilshommes, s’écria l’hôtelière, ce soir je vous tiens et je vous garde. Nous allons rire et jouer jusqu’à ce que le sommeil nous gagne. Libre à ceux qui voudront de rester à jouer, mais libre aussi à d’autres d’aller se coucher quand le cœur leur en dira ; les lits sont prêts.

Une forte pression du genou, pleine de sous-entendus, fit comprendre à frère Passepoil ce que cela voulait dire, et, moitié parce qu’il entrevoyait des joies auxquelles il ne se refusait jamais, il y répondit par la même voie.

— Baissez les contrevents et fermez les portes, ordonna la Paillarde à ses servantes. Il faut que nous soyons chez nous, que personne ne vienne nous déranger.

— Un instant, intervint Yves de Jugan. Préparez les dés et les cartes ; je suis à vous dans quelques minutes.

La grosse femme le regarda de travers.

— Où vas-tu ?

— Déterrer une vieille bouteille que j’ai enfouie non loin d’ici, pour la déguster en l’honneur de nos nouveaux amis. Elle vient en droite ligne des caves du Régent et vous vous en lécherez les lèvres.

— Vivadiou ! s’écria le Gascon, elle sera la bienvenue. Nous la viderons à la santé de Son Altesse. Va vite, mon pitchoun, et reviens plus vite encore.

Yves de Jugan demeura près d’un quart d’heure absent et s’en revint la mine confuse. Il prétendit que la bouteille avait été volée et que, bien mieux, on avait mis une grosse pierre à la place.

— Pourtant, dit Pinto, il n’y avait personne là quand nous l’avons si bien cachée.

— Personne, j’en suis certain, tempêta Jugan. Par le diable ; si jamais je trouve trace du voleur, je lui ferai une telle entaille à l’estomac qu’il lui faudra bien rendre le vin qu’il m’a bu.

Inutile de dire que cette histoire de bouteille dérobée était fausse d’un bout à l’autre. Yves de Jugan s’était tout simplement rendu derrière le cabaret de Crèvepanse pour s’y entretenir avec Gauthier Gendry.

— Ils sont là, lui avait-il dit, mais ils ne paraissent pas disposés le moins du monde à quitter la place avant le lever du jour.

— Corbleu ? cela ne fait pas notre affaire, s’était écrié l’ex-sergent. Trouve un moyen pour les faire jeter dehors vers les deux heures du matin.

— Je ne crois pas la chose possible. La Paillarde a des vues sur Passepoil et ne le lâchera pas avant demain. Une querelle n’aurait d’autre résultat que de nous obliger à dégainer dans la salle même, où nous ne serions pas les plus forts, car les femmes se tourneraient contre nous.

— Tu ne vois pas d’autre moyen ?

— Aucun.

— J’aviserai de mon côté. Retourne là-bas et toi et Pinto, tenez-vous sur vos gardes. Il faut que nous ayons ce soir la peau des deux prévôts.

Yves de Jugan s’était hâté de regagner le Trou Punais, trop hâté même, car dans sa précipitation il n’avait pas remarqué que quelqu’un qui avait sans doute surpris son colloque avec Gendry s’était attaché à ses pas.