Collection complète des œuvres de M. de Florian/Fables/1/Le Vacher et le Garde-Chasse

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Fables de FlorianLouis Fauche-BorelVolume 9 (p. 51-52).


FABLE XI.

Le Vacher & le Garde-chasse.


Colin gardoit un jour les vaches de son pere ;
Colin n’avoit pas de bergere,
Et s’ennuyoit tout seul. Le garde sort du bois :
Depuis l’aube, dit-il, je cours dans cette plaine,
Après un vieux chevreuil que j’ai manqué deux fois,
Et qui m’a mis tout hors d’haleine.
Il vient de passer par là-bas,
Lui répondit Colin ? mais, si vous êtes las,
Reposez-vous, gardez mes vaches à ma place,
Et j’irai faire votre chasse.
Je réponds du chevreuil. — Ma foi, je le veux bien :
Tiens, voilà mon fusil, prends avec toi mon chien ;
Va le tuer. Colin s’apprête,
S’arme, appelle Sultan. Sultan, quoiqu’à regret,
Court avec lui vers la forêt.
Le chien bat les buissons : il va, vient, sent, arrête :

Et voilà le chevreuil… Colin impatient
Tire aussitôt, manque la bête,
Et blesse le pauvre Sultan.
À la suite du chien qui crie,
Colin revient à la prairie.
Il trouve le garde ronflant ;
De vaches, point : elles étoient volées.
Le malheureux Colin, s’arrachant les cheveux,
Parcourt en gémissant les monts & les vallées.
Il ne voit rien. Le soir, sans vaches, tout honteux,
Colin retourne chez son père,
Et lui conte en tremblant l’affaire.
Celui-ci, saisissant un bâton de cormier,
Corrige son cher fils de ses folles idées,
Puis lui dit : Chacun son métier,
Les vaches seront bien gardées.