Collection complète des œuvres de M. de Florian/Fables/4/La Fauvette et le Rossignol
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FABLE XIII
La Fauvette & le Rossignol
Une fauvette, dont la voix
Enchantoit les échos par sa douceur extrême,
Espéra surpasser le rossignol lui-même,
Et lui fit un défi. L’on choisit dans le bois
Un lieu propre au combat : les juges se placèrent ;
C’étoient le linot, le serin,
Le rouge-gorge & le tarin.
Tous les autres oiseaux derrière eux se perchèrent.
Deux vieux chardonnerets & deux jeunes pinsons
Furent gardes du camp ; le merle étoit trompette,
Il donne le signal. Aussitôt la fauvette
Fait entendre les plus doux sons ;
Avec adresse elle varie
De ses accents filés la touchante harmonie,
Et ravit tous les cœurs par ses tendres chansons.
L’assemblée applaudit. Bientôt on fait silence ;
Alors le rossignol commence :
Trois accords purs, égaux, brillants,
Que termine une juste & parfaite cadence,
Sont le prélude de ses chants.
Ensuite son gosier flexible,
Parcourant sans effort tous les tons de sa voix,
Tantôt vif & pressé, tantôt lent sensible,
Étonne & ravit à la fois.
Les juges cependant demeuroient en balance.
Le linot, le serin, de la fauvette amis,
Ne vouloient point donner le prix ;
Les autres disputoient. L’assemblée, en silence,
Écoutoit leurs doctes avis,
Lorsqu’un geai s’écria : Victoire à la fauvettel
Ce mot décida sa défaite :
Pour le rossignol aussitôt
L’aréopage ailé tout d’une voix s’explique.
Ainsi le suffrage d’un sot
Fait plus de mal que sa critique.