Colloque Sentimental entre Émile Zola et Fagus/CI

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Société libre d’édition des gens de lettres (p. 102-103).


CI

DÉCLARATION D’AMOUR À GYP


xxxxxxx Si je vous le disais pourtant que je vous aime,
Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?

A. de Musset.

Si je vous le disais pourtant que je vous aime,
Qui sait, brune aux bas bleus, ce que vous en diriez ?
Que je mens ? Dieu ! ne proférez pas ce blasphème !
Dites, dites-le moi, vous ! que vous me croiriez !

Je vous aime tant, moi ! j’adore, adore, adore,
Votre héroïsme à sans haut de cœur ressasser
L’éternelle anecdote, encore ! encore ! encore !
Toujours la même, et qu’on voit toujours repasser !

Ô souvenus ! je revois tante Apollinaire
Et le bas qu’elle tricotait sans fin… elle mourut
Sans l’avoir achevé, presque nonagénaire :
Que toutes deux, Dieu vous accorde le salut !

J’adore cet esprit qu’adora ma grand’mère,
Cet esprit vénérable, éminemment français
Rappelant Sévigné comme rappelle Homère
Ou les frères Goncourt, ce sémillant Sarcey !


J’adore vos enfants, plus que les grains du sable

Nombreux (qu’ils m’endorment bien quand j’ai mal aux dents !)

Germain, Jean Lorrain, et ces flots intarissables
De vos petits, petits, tout petits Lavedans !

J’adore ce français renouvelé de Scribe
Et d’Edmond About, vos respectables papas…
Et c’est en vain, cruelle ! ô vermicelleux scribe :
Je meurs d’amour pour vous, et vous ne m’aimez pas !

Vous ne pouvez m’aimer puisque tout ce que j’aime
Vous l’abhorrez sans y rien comprendre — (ou si peu !)
L’héroïsme, le beau, l’Art, mon culte suprême,
Cuit, pauvre oiseau plumé, dans votre pot-au-feu !

2 juin 98.

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