Colloque Sentimental entre Émile Zola et Fagus/CIX

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Société libre d’édition des gens de lettres (p. 111).

Je n’ai jamais cherché à vous voir — ni vous moi :
À quoi bon ? n’eût-ce pas défloré ce colloque
D’un charme que je veux présumer réciproque ?
Cependant, je dois avouer de bonne foi,

Un souci me tenait — direz-vous juvénile ? —
Les lit-il, ces placets où j’épanche mon cœur
Avec une si pure et sincère candeur ?
D’ailleurs, inquiétude au fond non puérile :

Car un cœur qui s’ouvre et s’offre et n’est point reçu,
C’est une histoire aussi tragique et lamentable
Que celle d’un Léandre expiré sur le sable
Au seuil de sa Héro sans que Héro l’ait su !

Mais le hasard affable a permis que j’apprisse
Que vous avez pris en bienveillance le don
De moi que je faisais avec tant d’abandon
Et sans y préjuger la fin d’un vain caprice :

J’ai lu cela dans le Merci, — bref mais bien clair
Pour qui levant l’écorce aux choses même inanes
En apparence, en découvre les sens arcanes —
Que vous m’avez donné l’unique fois — hier —

Que je vous rencontrai : dans la rue, en plein air.

10 juin 1898.