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Comme quoi Napoléon n’a jamais existé/Notes

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L’Édition bibliographique (p. 37-61).


NOTES
Bio-Bibliographiques
par Gustave DAVOIS




Le “ Journal du département de Lot-et-Garonne ” du 2 février 1836, donne dans ce sens l’Horoscope des destinées futures de l’erratum : « Ce petit livre ne sera pas un écrit éphémère ; il subsistera, parce qu’il sera utile, tant que l’ouvrage de M. Dupuis sera nuisible, c’est-à-dire jusqu’à ce que sa méthode soit entièrement discréditée, ce à quoi le petit livre ne cessera de contribuer ; et il pourra fort bien arriver qu’enfin le pygmée en volume renversera le géant. »

Si cet horoscope a été tiré par M. Dupuis ou un de ses disciples, il y a tout lieu de croire que cette fois les astres lui furent favorables.

Et alors que va-t-il se passer ?

Feu M. Pérès s’étant servi des mêmes principes, nos deux adversaires vont se trouver d’accord ; et voilà notre grand homme, notre NAPOLÉON, qui disparaît comme par enchantement ; voilà tout un monde bouleversé, un chambardement général dans les idées des peuples, l’histoire démolie et archi-fausse.

N’envoyons plus nos enfants à l’école, on les trompe !..

Que s’est-il donc passé à la place de nos grandes victoires militaires dont nous sommes si fiers ?

Qui étiez-vous : Austerlitz, Iéna, Wagram ; et vous Waterloo ?…

Waterloo !!! nom lugubre.

Des morts, encore des morts ; puis des mourants, des fous, au regard froid et hagard, quelques vieux de la vieille bravant la “ Camarde ”, puis enfin le dernier soubresaut de l’agonie de l’“ Aigle ”.

Des morts, encore des morts ; puis des braves et c’est tout.

Levez-vous, les héros, et malgré de longues années dans la tombe, répondez de vos voix mâles…

Présent !

Ne semble-t-il pas que l’on entend encore siffler les balles ?

Et vus les Berthier, Murat, Masséna, Brune, Lannes, Ney, Davout, Grouchy et autres, que l’on voit encore sur nos places publiques, descendez de votre piédestal, vous n’avez jamais existé, vous avez tout simplement volé la place des autres.

Ces Français qui se vantent d’avoir conquis le monde !

Ah ! ah ! quelle blague.

Sacrés farceurs, est-ce possible ?

Mais non, voyons !

Et au fait ! sommes-nous Français ?

Il aurait sans doute été nécessaire de consulter à ce sujet M. Dupuis !

Peut-être nous aurait-il appris que l’invasion jaune que l’on nous promet (j’ignore si les astres furent consultés) s’est justement passée à cette fameuse période Napoléonienne, et que nous sommes tout simplement des descendants des « fils du ciel ».

Ne vaut-il pas mieux croire que toutes ces histoires sont dans les nuages ?

Si le « pygmée en volume a renversé le géant » c’est simplement que toute idée fausse, si elle peut entraîner quelques admirateurs, ne dure pas longtemps.

Il se trouve toujours des hommes assez énergiques pour terrasser le mal et répandre la clarté parmi de pauvres égarés, qui s’enfoncent d’autant plus dans les ténèbres, qu’ils ne veulent pas démordre de leurs bêtises. Si nos anciens croyaient aux astres, c’est qu’ils en avaient peur ; ignorant ce qui se passait là-haut, le ciel était pour eux un dieu surnaturel.

Mais heureusement nous avons appris, et nous n’avons plus peur.

Celui qui a si justement prédit que « ce petit livre ne sera pas un écrit éphémère » ne croyait sûrement pas à ces erreurs ; et ma foi je crois qu’il vaut encore mieux ne pas y croire et avoir notre “ Napoléon ”.



Pour pouvoir expliquer la raison qui fit faire le travail qui précède à M. Pérès J.-B., oratorien, professeur de mathématiques et de physique à Lyon, qui devint ensuite substitut du procureur général près la cour royale d’Agen, bibliothécaire de cette ville, et qui mourut à Agen en 1840 ; il faut auparavant faire la connaissance de son adversaire Monsieur Dupuis.

Monsieur Dupuis Charles François, érudit et philosophe, naquit à Trie-Château, près Chaumont, dans l’Oise, le 16 octobre 1742 et mourut à Is-sur-Tille (Côte-d’Or) le 29 septembre 1809.

Issu d’une famille plutôt pauvre, qui plus tard alla s’établir à la Roche-Guyon, il rentra sous la protection du duc de Larochefoucault au collège d’Harcourt. À vingt-quatre ans, le jeune Dupuis était professeur de rhétorique au collège de Lisieux.

Il parvint à force de travail continu à se faire recevoir avocat, et, dans ses moments perdus, se livra avec acharnement à l’étude des mathématiques et surtout de l’antiquité.

En 1775, ce fut à M. Dupuis que l’on confia le soin de composer le discours latin qui devait être prononcé à la distribution des prix de l’Université. Ce discours fut fort applaudi, et quelques années plus tard, M. Dupuis obtint un nouveau succès lorsqu’il prononça, au nom de l’Université, l’oraison funèbre de Marie-Thérèse.

À l’étude des mathématiques, il joignit celle de l’astronomie, et eut pour maître Lalande, qui devint son ami.

Il fut beaucoup parlé de lui lorsqu’il publia son « Mémoire sur l’origine des constellations et sur l’explication de la fable par le moyen de l’astronomie », à cause de la hardiesse de ce mémoire, qui lui attira quelques admirateurs.

Après avoir été professeur d’éloquence latine au collège de France (1787), il rentra à l’académie des inscriptions (1788).

Ensuite, il fut élu par le département de Seine-et-Oise, député à la Convention Nationale. Là, tout à fait indifférent aux luttes des partis, qu’il avait constamment sous les yeux, il travailla dans le comité d’instruction publique, dont il était un des membres, puis il fit partie du conseil des Cinq-Cents et s’occupa énergiquement de l’organisation des écoles centrales. Il termina sa vie politique au Tribunat, où il eut un siège du 18 brumaire jusqu’en 1802, puis se retira complètement.

M. Dupuis a laissé comme écrits :

L’Origine de tous les cultes ou religion universelle, 3 volumes in-4o avec atlas et en 12 volumes in-8o, 1794.

Plusieurs fragments de cet ouvrage furent publiés dans le “ Journal des Savants ” et dédiés à l’académie des inscriptions.

Plus tard ces fragments furent réunis dans l’“ Astronomie de Lalande ” et donnés séparément en un volume in-4o sous le titre : — Mémoire sur l’origine des constellations et sur l’explication de la fable par l’astronomie.

On raconte que dans la crainte de blesser les âmes religieuses et de s’attirer la haine des dévots, M. Dupuis fut sur le point de détruire le manuscrit de ce grand travail. C’est sa femme qui aurait caché le fruit de tant de veilles, pour le soustraire aux flammes, et ne l’aurait rendu que sous la promesse formelle de sa publication prochaine.

En effet, son apparition excita une vive curiosité ; les louanges et les critiques affluèrent à son auteur avec un entrain formidable. Il y eut même de vives controverses, car s’il y eut des admirateurs pour son talent littéraire, ceux-ci ne partageaient pas du tout ses idées.

Il est incontestable que cette œuvre, remplie de données les plus hardies, a coûté à M. Dupuis un travail énorme qu’il sut présenter avec une intelligence supérieure.

« Ce n’est plus par des raisonnements que nous chercherons à prouver que l’univers et ses parties, considérées comme autant de portions de la grande cause ou du grand être, ont dû attirer les regards et les hommages des mortels. C’est par des faits et par un précis de l’histoire religieuse de tous les peuples, que nous pouvons démontrer que ce qui a dû être a été effectivement, et que tous les hommes de tous les pays, dès la plus haute antiquité, n’ont eu d’autres dieux que les dieux naturels, c’est-à-dire le monde et ses parties les plus actives et les plus brillantes, le ciel, la terre, le soleil, la lune, les planètes, les astres fixes, les éléments, et en général tout ce qui porte le caractère de cause et de perpétuité dans la nature. Peindre et chanter le monde et ses opérations, c’était autrefois peindre et chanter la divinité. »

Voilà ce que l’auteur de l’Origine des Cultes s’est efforcé de nous démontrer dans son travail colossal.

En 1798, il fit de l’Origine de tous les Cultes un “ abrégé ” qui devint sous la Restauration un des principaux ouvrages de la propagande anti-religieuse, et qui lui attira une quantité de partisans. Cet “ abrégé ” eut plusieurs éditions et réimpressions sous le titre :

— Origine de tous les cultes ou religions universelle. Édition nouvelle soigneusement revue et corrigée d’après l’édition publiée sous les yeux de l’auteur, augmentée de ses observations sur le zodiaque de Denderha, etc., par M. Augis. 13 vol. in-8o, avec atlas in-4o, 1835-1837. Paris, Rozier.

— De l’origine de tous les cultes. Nouvelle édition, 1 vol. in-12, 1869. Décembre-Alonnier.

3 fr. 50

— Abrégé de l’origine de tous les cultes. 3 vol. in-32, 1879. Librairie de la Bibliothèque Nationale. Forme les tomes 240 et 242 de la Bibliothèque Nationale.

0 fr. 75

— Abrégé de l’origine de tous les cultes, suivi du christianisme par Benjamin Constant, avec une notice et des notes critiques par B. Saint-Marc. In-12, 1881. Garnier.

3 fr.

— L’Origine de tous les cultes. Édition populaire complète, in-12, 1883. Librairie anticléricale.

1 fr. 50

On a également de M. Dupuis :

— Dissertation sur le zodiaque de Denderah. 1806.

Et deux

— Mémoires sur les Pélasges, dans le “ Recueil de l’Institut ” 1798.

— Mémoire sur le Phénix, inscrit dans la collection des Mémoires de l’Académie.

— Lettres sur l’origine astronomique de l’idolâtrie et de la fable, in-4o.

— Lettres sur le Dieu Soleil, in-4o.

— Lettres sur Janus, in-4o.

En 1805, Dupuis publia dans l’Almanach des Muses, un Fragment en vers du Poëme astronomique de Nonnus. Il laissa comme manuscrit, un travail fort étendu sur les Hiéroglyphes égyptiens, des Lettres sur la mythologie, et une traduction des Discours choisis de Cicéron.




Maintenant voyons pour quel motif Monsieur Pérès fit : “ Comme quoi Napoléon n’a jamais existé ”.

Se trouvant en villégiature à la campagne chez un de ses amis, M. Pérès fit au bout de quelques jours la connaissance d’un jeune étudiant, admirateur des ouvrages de M. Dupuis, qui s’en était fait un partisan des plus convaincus.

Un jour la conversation roula justement sur l’Origine des cultes, notre jeune homme, tout feu tout flamme pour cet ouvrage, ne voulut rien admettre qui fût contraire à ses idées. Après une forte discussion, M. Pérès voulut convaincre le jeune fervent, lui prouver la fausseté, et par conséquent l’inutilité des systèmes de M. Dupuis. Rien n’ébranla la conviction de son partenaire. C’est alors que l’idée lui vint, qu’en utilisant les mêmes principes admis par M. Dupuis, c’est-à-dire en ne se servant que de rapprochements astronomiques et mythologiques qui sont ses moyens de prédilection, il pourrait prouver que “ Napoléon n’a jamais existé ”.

C’était hardi au plus haut point et plutôt risible.

Autant chercher à démontrer que le soleil n’a jamais existé.

Néanmoins, le jeune homme accepta, et c’est de la sorte que M. Pérès, qui avait jeté ce défi si vivement, se mit à l’œuvre pour composer cet écrit, qu’il eut le plaisir de lire lui-même à son jeune adversaire quelques jours après.

Cet opuscule eut les éditions suivantes :

— Comme quoi Napoléon n’a jamais existé, grand erratum, source d’un nombre infini d’errata à noter dans l’histoire du XIXe siècle. Paris, 1827.

La 1re édition est anonyme.

— Comme quoi Napoléon n’a jamais existé, grand erratum, source d’un nombre infini d’errata à noter dans l’histoire du XIXe siècle, par feu M. J.-B. Pérès, A. O. A. M. Bibliothécaire de la ville d’Agen. 5e édition, in-16 de 32 pages. L. R. Delay, 1842.

Contient une observation de l’éditeur.

— Comme quoi Napoléon n’a jamais existé, grand erratum, source d’un nombre infini d’errata à noter dans l’histoire du XIXe siècle, par feu M. J.-B. Pérès, 10e édition, publiée par Frédéric Monod, in-32, Meyrueis et Cie, 1864.

0 fr. 30

Se trouve également dans :

— Histoires drôlatiques de l’empereur Napoléon Ier, racontées par H. de Balzac, A. Tonsez et F. Soulié ; suivies de : Comme quoi Napoléon n’a jamais existé, etc. Recueillies par Arthur Delanoue. In-32, 1854, Passard.

1 fr. 50
Arthur Delanoue, (ainsi que Louis Delanoue) est le pseudonyme de Passard. (François Lubin), libraire-éditeur et écrivain, né à Champrond-en-Gâtine (Eure-et-Loir) en 1817.

— Un million de curiosités napoléoniennes, histoire drôlatique de Napoléon Ier, Comme quoi Napoléon Ier n’a jamais existé, etc. par Balzac, A. Tonsez, F. Soulié, J.-B. Pérès, etc. In-32, 1863, Passard.

1 fr. 50
Anonyme.
MM. Quérard et Bourquetot dans « la Littérature française contemporaine » signalent à tort l’ouvrage de M. Pérès comme étant de Borel Pétrus, écrivain, né à Lyon le 28 juin 1809.
Erreur qu’ils reconnaissent eux-mêmes.