Commentaires des Principes de Newton - Exposition abrégée, 2

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CHAPITRE SECOND.

Comment la théorie de M. Newton explique les Phénomenes des planetes principales.

I.

Le premier Phénomene qu’il faut expliquer quand on veut rendre compte des mouvemens céleſtes, c’eſt celui de la circulation perpétuelle des planetes autour du centre de leur révolution.

Par la premiere loi du mouvement, tout corps fuit de lui-même la ligne droite dans laquelle il a commencé à ſe mouvoir, donc. afin qu’une planete ſoit détournée de la petite ligne droite qu’elle tend à décrire à chaque inſtant, il faut qu’une force différente de celle qui la porte à décrire cette petite ligne agiſſe ſans ceſſe fur elle pour l’en détourner, de même que la corde que tient la main de celui qui fait tourner un corps en rond empêche à chaque moment ce corps de s’échapper par la tangente du cercle qu’on lui fait décrire.

Comment Tes anciens Philofo phes & Deſcar- tes en dernier lieu expliquoient

Les Anciens, pour expliquer ce Phénomene, avoient imaginé des cieux ſolides, & Deſcartes des tourbillons ; mais l’une & l’autre de

ces explications étoient de pures hypothèles dénuées de preuves,

33 & ſi celle de Deſcartes étoit plus philoſophique, elle n’en étoit la circulation pas plus ſolidement établie. des planetes dans leur orbe, II. M. Newton commence par prouver dans la premiere propoſition (a), que les aires qu’un corps décrit autour d’un centre immobile auquel il tend continuellement, font proportionnelles au tems ; & réciproquement dans la ſeconde, que ſi un corps décrit en tournant autour d’un centre des aires proportionnelles au tems, ce corps eſt attiré par une force qui le porte vers ce centre : donc, puiſque ſelon la découverte de Kepler les planetes décrivent autour du Soleil des aires proportionnelles au tems, elles ont une force empêche les placentripéte qui les fait tendre vers le Soleil, & qui les retient dans per par la tanleur orbe. C’eſt la for ce netes de s’échapgente. M. Newton a fait voir, de plus, (Cor. 1. Prop. z.) que ſi la force qui agit ſur le corps le faifoit tendre vers divers points, elle accéleroit ou retarderoit la deſcription des aires qui ne feroient plus alors proportionnelles au tems : donc, ſi les aires ſont proportionelles au tems, non-ſeulement le corps eſt animé par une force centripéte qui le porte vers le corps central, mais cette force le fait tendre à un ſeul & même point. II I. De même que la révolution des planetes dans leur orbe prouve une force centripéte qui les retire de la tangente, ainſi de ce qu’elles ne tombent pas en ligne droite vers le centre de leur révolution, on peut conclure qu’une force, antre que la force centripéte, agit ſur elles. M. Newton a cherché (6) quel tems chaque planete, placée à la diſtance où elle eſt, employeroit à tomber fur le Soleil ſi elle n’obéiffoit qu’à l’action du Soleil ſur elle, (4) Quand on cite des propoſitions, ſans citer le Livre, ce font des propoſitions du Livre premier. (b) De Syftemate mundi, pag. 31. édition de 1737, 34

il a trouvé que les différentes planetes employeroient à y tomber la moitié du tems périodique qu’un corps mettroit à faire ſa révoEt la force pro— lution autour du même centre à une diſtance deux fois moindre jectile les empêche de tomber vers leur centre que la leur, & que par conſéquent ce tems devoit être à leur tems Prop. 36. périodique comme 1 à 4 V 2 : ainſi Vénus, par éxemple, mettroit environ quarante jours à arriver au Soleil, car 40 : 224 ::1 : 4 2. à peu près ; Jupiter employeroit deux ans & un mois, & la terre & la Lune ſoixante-ſix jours & dix-neuf heures, &c. Donc, puiſque les planetes ne tombent pas dans le Soleil, il faut que quelque force s’oppoſe à la force qui les fait tendre vers leur centre, & cette force eſt ce qu’on appelle la force projectile. I V. De la force centrifuge des planetes. L’effort que font les planetes en vertu de cette force pour s’éloigner du centre de leur mouvement, eſt ce qu’on appelle leur force centrifuge ; ainſi dans les planetes, la force centrifuge eſt la partie de la force projectile qui les éloigne directement du centre de leur révolution. V. La force projectile a la même direction dans toutes les planetes, car elles tournent toutes autour du Soleil d’Occident en Orient. En ſuppoſant que la réſiſtance du milieu dans lequel les planetes ſe meuvent ſoit nulle, on trouve la raiſon de la conſervation du mouvement projectile des planetes dans l’inertie de la matiere, & dans la premiere loi du mouvement, mais ſa cauſe phyſique & la raiſon de ſa direction font encore cachées pour nous. V I. Après avoir prouvé que les planetes font retenues dans leur M. Newton eſt orbite par une force qui tend vers le Soleil, M. Newton démontre parvenu à découvrir que la force prop. 4. que les forces centripétes des corps qui décrivent des cerqui porte les planetes vers le So— cles, font entr’elles comme les quarrés des arcs de ces cercles parfuit la portion inverſe courus en tems égal, & diviſés par leurs rayons ; d’où il tire, que fi 35 tances, par celle qui leurs périodiques. les tems périodiques des corps révoluans dans des cercles font en doublée des difraifon fefquiplée de leurs rayons, la force centripéte qui les porte distances au so vers le centre de ces cercles, eſt en raiſon réciproque des quarrés leil & leurs tems de ces mêmes rayons, c’eſt-à-dire des diſtances de ces corps all Prop. 4. Cor. 6. centre : or, par la ſeconde regle de Kepler, que toutes les planetes Et en ſuppoſant obſervent, les tems de leurs révolutions font entr’eux en raiſon bes circulaires. fefquiplée de leurs diſtances à leur centre, donc, la force qui porte les planetes vers le Soleil décroit en raiſon inverſe du quarré de leurs diſtances à cet aſtre, en ſuppoſant qu’elles tournent dans des cercles concentriques au Soleil. d’abord leurs orVII. L’idée qui ſe préſente le plus naturellement à l’eſprit, quant aux orbes des planetes, c’eſt qu’elles font leurs révolutions dans des cercles concentriques ; mais leurs différens diamétres apparens, & plus d’éxactitude dans les obſervations, avoient fait connoître depuis longtems que leurs orbes ne pouvoient être concentriques au Soleil : on expliquoit donc leurs cours avant Kepler par des cercles les planetes tour excentriques qui fatisfaiſoient aſſez bien aux obſervations pour le soleil dans des Soleil & les planetes, ſi on en excepte Mercure & Mars. On croyoit avant Kepler que noient autour du cercles excentriques. fait voir qu’elles des ellipſes. Ce fut le cours de cette derniere planete qui fit ſoupçonner à Kepler que l’orbe des planetes pourroit bien être une ellipſe dont Mais Kepler a le Soleil occupe un des foyers, & cette courbe s’accorde ſi par— tournent dans faitement avec les Phénomenes, qu’il eſt à préſent reconnu de tous les Aftronomes, que c’eſt dans des ellipſes que les planetes tournent autour du Soleil, & que cet aſtre occupe un des foyers de ces ellipſes. VIII. En partant de cette découverte, M. Newton a cherché quelle eſt la loi de force centripéte néceſſaire pour faire décrire une ellipſe aux planetes, & il a trouvé dans la prop. 11. que cette force doit ſuivre la proportion inverſe du quarré des diſtances du corps au foyer de cette ellipſe ; mais on vient de voir qu’il avoit 36

trouvé dans le cor. 6. de la prop. 4. que dans les cercles, les tems périodiques des corps révoluans étant en raiſon fefquiplée des diſtances, la force étoit inverſement comme le quarré de ces mêmes diſtances ; il ne reftoit plus, pour être entierement für que la force centripéte qui dirige les corps céleſtes dans leurs cours fuit la proportion inverſe du quarré des diſtances, qu’à éxaminer ſi les tems périodiques ſuivent la même proportion dans les ellipſes que dans les cercles. M. Newton a Or, M. Newton fait voir dans la prop. 15. que les tems périodiſait voir que dans les ellipſes les ques dans les ellipſes font en raiſon fefquiplée de leurs grands font dans la mê— axes ; c’eſt-à-dire, que ces tems font dans la même proportion dans me que dans les cer— les ellipſes, & dans les cercles dont les diamétres feroient égaux aux grands axes des ellipſes. cles, Cette courbe que les planetes décrivent dans leur révolution a cette propriété, que ſi l’on en prend de petits arcs parcourus en tems égal, l’eſpace compris entre la ligne tirée de l’une des extrémités de cet arc & la tangente à l’autre extrémité croit à meſure que le quarré de la diſtance au foyer diminue, & cela dans la même proportion ; d’où il fuit, que le pouvoir attractif qui eſt proportionnel à cet eſpace, fuit auſſi la même proportion. I X. Et que par conſéquent la force M. Newton ne s’eſt pas contenté d’examiner la loi qui fait décrire centripéte qui re— des ellipſes aux planetes, mais il a examiné ſi cette même loi ne tient les planetes dans leur orbe, pouvoit pas faire décrire d’autres courbes aux corps, & il a trouvé décroit comme le quarré de la (Cor. 1. prop. 13.) qu’elle ne leur feroit jamais décrire qu’une des diſtance. Sections coniques dont le centre des forces feroit le foyer, & cela quelque fût la viteſſe projectile. Les autres loix qui feroient décrire des Sections coniques, les La force centripéte étant dans cette propor— feroient décrire autour d’autres points que le foyer ; M. Newton a tion, les planetes ne peuvent trouvé P. E. que ſi la puiſſance eſt comme la diſtance au centre, décrire des coni— elle fera décrire au corps une Section conique dont le centre ſera leil occupe un le centre des forces, ainſi M. Newton a non-feulement trouvé la Sections ques dont le Sodes foyers. 37 loi que fuit la force centripéte dans notre fiftême planétaire, mais il a fait voir qu’une autre loi ne pouvoit avoir lieu dans notre monde tel qu’il eſt. X. terminer l’orbe M. Newton a cherché enſuite prop. 17. la courbe que doit dé— Maniere de dé crire un corps dont la force centripéte décroit en raiſon inverſe d’une planete, en du quarré des diſtances, en ſuppoſant que ce corps parte d’un point de la force cendonné avec une viteſſe & une direction priſes à volonté. ſuppoſant la loi tripéte donnée. Il est parti pour la ſolution de ce problême, de la remarque qu’il avoit fait prop. 16. que les viteſſes des corps qui décrivent des Sections coniques, font à chaque point de ces courbes, inverſement comme les perpendiculaires abaiſſées du foyer ſur les tangentes, & directement comme les racines quarrées des paramétres. Outre que cette propoſition fait un problême intéreſſant pour la feule Géométrie, il eſt encore très-utile dans l’Aſtronomie ; car en découvrant par quelques obſervations la viteſſe & la direction d’une planete dans quelque partie de ſon orbite, on peut, à l’aide de cette propoſition, trouver le reſte de l’orbite, & la détermination de l’orbite des cométes peut être en grande partie fondée ſur la même propoſition. Prop. 10 : XI. d’autres loix de feroient décrire. entre la force Il eſt aiſé de s’appercevoir que d’autres loix de force centripéte Quelles courbes que celle du quarré des diſtances feroient décrire d’autres courbes, forces centripétes & il y auroit telle loi dans laquelle les planetes, malgré la force La proportion projectile, defcendroient vers le Soleil, & telle autre dans laquelle, centripéte & la malgré leur force centripéte, elles s’en iroient à l’infini dans les eſpaces céleſtes ; telle autre leur feroit décrire des ſpiralles, &c. & M. Newton cherche dans la prop. 42. quelles feroient les courbes netes dans leur décrites dans toutes fortes d’hypotèfes de force centripéte. force projectile eſt la cauſe de la circulation perpétuelle des plaorbe, XII. On voit par tout ce qu’on vient de dire que la circulation perpétuelle des planetes dans leur orbe, dépendoit de la proportion 38

entre la force centripéte & la force projectile, & que ceux qui demandent pourquoi, lorſque les planetes font arrivées à leur périhélie, elles remontent à leur aphélie, ne connoiffent pas cette proportion ; car dans la plus haute apſide, la force centripéte ſurpaſſe la force centrifuge, puiſqu’alors le corps s’approche du centre, & dans l’apſide la plus baffe, la force centrifuge ſurpaſſe à ſon tour la force centripéte, puiſqu’en remontant le corps s’éloigne du centre, donc il falloit une certaine combinaiſon entre la force centripéte & la force centrifuge, pour que ces forces ſe ſurpaſſaſſent alternativement l’une & l’autre, & qu’elles fiſſent aller perpétuellement le corps de l’apſide la plus haute à la plus baffe, & de la plus baffe à la plus haute. que la réſiſtance On fait encore une objection ſur la continuation des mouvemens céleſtes, tirée de la réſiſtance qu’ils doivent éprouver dans le milieu dans lequel ils ſe meuvent. M. Newton a répondu à cette objection dans la Prop. 1o. du Liv. où il fait voir 3. des milieux diminue en raiſon de leurs poids & de leur denſité ; or, il avoit fait voir dans le Scholie de la Prop. 22. Liv. 2. qu’à la hauteur de 200 milles au-deſſus de la ſurface de la terre, l’air Y eſt plus rare qu’à ſa ſurface dans la raiſon de 30000, 0000000000003998 ou de 75000000000000 à 1. environ ; d’où il conclut (Prop. 10. Liv. 3.) que ſuppoſant de cette denſité le milieu dans lequel ſe meut Jupiter, cette planete parcourant en 30 jours 5 de ſes demi diamétres, elle perdroit à peine en 1000000 ans, par la réſiſtance d’un tel milieu, la 1000000 me partie de ſon mouvement. On voit donc que le milieu dans lequel ſe meuvent les planetes peut être fi ſubtil, que ſa réfiſtance ſoit regardée comme nulle, & la proportionnalité obſervée conſtamment entre les aires & les tems, nous affure qu’en effet cette réſiſtance eſt inſenſible. XIII. Puifqu’on a vti ci-deſſus que la proportionnalité des tems & des aires que les planetes décrivent autour du Soleil, prouve qu’elles Comment les planetes peuvent leur conſerver mouvement malmilieu dans 39 tendent à cet aſtre comme à leur centre, & que la raiſon qui eſt entre leurs tems périodiques & leurs diſtances, fait connoître que cette force agit en raiſon doublée inverſe des diſtances ; ſi les pla— gré la réſiſtance netes qui font leur révolution autour du Soleil ſe trouvent envi— lequel elles ſe ronnées d’autres corps qui tournent autour d’elles, & qui ſuivent dans leurs révolutions ces mêmes proportions, il fera prouvé que ces corps révoluans éprouvent une force centripéte qui les porte vers ces planetes, & que cette force décroît comme celle du Soleil en raiſon du quarré de la diſtance. meuvent. Nous ne connoiffons que trois planetes qui ayent des corps révoluans autour d’elles, Jupiter, la Terre & Saturne ; on fçait que les ſatellites de ces 3 planetes décrivent autour d’elles des aires proportionnelles au tems, & que par conſéquent ils font animés par une force qui tend vers ces planetes. XIV. Jupiter & Saturne ayant chacun pluſieurs ſatellites dont on conLa comparairiodiques & des diſtances des ſatellites de Jupiter fait voir que la les noît les tems périodiques & les diſtances, il eſt aiſé de connoître ſi ſon des rems péles tems de leur révolution autour de leur planete font à leur diſtance dans la proportion découverte par Kepler ; & les obſervations & de Saturne font voir que les ſatellites de Jupiter & de Saturne obſervent auſſi force qui pone cette ſeconde loi de Kepler en tournant autour de leur planete, & ces planetes vers que par conſéquent la force centripéte dans Jupiter & dans Satur— cipale, fuit auſſi la ne, décroît en raiſon inverſe du quarré de la diſtance des corps au diſtances. centre de ces planetes. Ieur prinproportion doublée inverſe des X V. La terre n’ayant qu’un ſatellite, qui eſt la Lune, il paroît d’abord difficile de connoître la proportion dans laquelle agit la force qui fait tourner la Lune autour de la terre, puiſqu’on manque pour cela de terme de comparaiſon. M. Newton a trouvé le moyen d’y ſuppléer, & voici comment il y eſt parvenu.

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Comment W. Tous les corps qui tombent ici-bas parcoitrent, félon la pro2fc& Newton est par— ^ ^ , r • r , ®

venu k décou— fion découverte par Gahlee y dos espaces qui font comme les quatre^ vrir que la force, * , v,

aitraàivc de la dcs tems emploves a tomber© terre fuit la inê »

meproforaon. On Gonnoît la distance moyenne de la Lune à la terre qui est de 60 demi diamètres de la terre en nombres ronds, & tous les corps d’ici— bas font cenſés à un demi diamètre du centre de la terre ; donc fî la même force fait tomber les corps & circuler la Lime dans son orbite, & ſi cette force décroît comme le quarré de la distance, elle doit agir 3600 fois plus sur les corps placés à la furkce de la terre que for la Lune, puisque la Lune est <îo fois plus éloignée qu’eux du centre de la terre ; on connoît l’orbe de la Lune puisqu’on connoît à présent la mesure de la terre, ou Içait que la Lune employé 27 jours 7 heures 43’à parcourir cet orbe, ou connoît par conséquent l’arc qu’elle parcourt en une minute 5 or par le Cor. 9, de la Prop. 4. on voit que l’arc décrit en un tems donné par un corps qui tourne d’un mouvement uniforme & avec une force centripète donnée dans un cercle est moyen proportionnel entre le diamètre de ce cercle Sc la ligne dont ce corps est descendu vers le centre dans le même tems.

Il est vrai que la Lune ne décrit pas éxaâement un cercle autour de la terre, mais on peutle foppolêr dans le cas dont il s’agit sans erreur sensible, Sc cette supposition faite, on trouve alors que la ligne qui exprime la quantité dont la Lnne est tombée vers la terre en une minute par la force centripète est de quinze pieds en nombres ronds.

Or la Lune, lèlon la progressionde Galilée, parcoureroit dans le lieu où elle est, 3 600 fois moins d’efyace en une seconde qu’en une minute, & les corps qui font à la surface de la terre parcourent, félon les expériences des pendules qu’on doit à M. Hughens, z 3. pieds environ en une lèconde, c’est-à-dire, 5^00 fois plus d’eſpace que la Lune, donc la force qui les fait tomber agit 3600 fois plus sur eux que sur la Lnne, ce qui est précisément la proportion des quarrés de leurs distances.

On 41 On voit par cet exemple de quelle utilité eſt la meſure de la terre ; car pour pouvoir comparer cette flêche qui exprime la quantité dont la Lune s’eſt approchée de la terre, à l’eſpace contemporain dont la peſanteur fait tomber les corps près de la ſurface de la terre dans le même tems, il faut avoir la diſtance abſolue de la Lune à la terre, réduite en pieds, ainſi que la longueur du pendule, car il ne ſuffit pas dans ce cas d’avoir des rapports, mais il faut des grandeurs abſolues. X V I. terre étoit néccldécouverte. porte à conclure Jupiter, Saturne & notre Terre attirent donc les corps dans la Lamelure de la même proportion que le Soleil les attire eux-mêmes, & l’induction faire pour cette nous porte à conclure, que la gravité fuit les mêmes proportions L’analogie nous dans Mars, Vénus & Mercurc : car partout ce que nous connoif— que l’auraction ſons de ces trois planetes, elles nous paroiffent des corps de la propertion dans même eſpéce que la Terre, Jupiter & Saturne ; ainſi on peut con— n’ont pas de faclure, avec beaucoup de vraiſemblance, qu’elles ont la force attractive, & que cette force décroît comme le quarré des diſtances. la méme les planetes qui tellites, XVII. Puiſqu’il eſt prouvé par les obſervations & par l’induction que toutes les planetes ont la force attractive en raiſon inverſe du quarré des diſtances, & que par la ſeconde loi du mouvement l’action eſt toujours égale à la réaction, on doit conclure, avec M. Newton, que toutes les planetes gravitent les unes vers les autres, & que de même que le Soleil attire les planetes, il eſt réciproquement attiré par elles ; car puiſque la Terre, Jupiter & gravitation muSaturne agiſſent ſur leurs ſatellites en raiſon inverſe du quarré des corps céleſtes. diſtances, il n’y a aucune raiſon qui puiſſe faire croire que cette action ne s’exerce pas à toutes les diſtances dans la même proportion ; ainſi les planetes doivent s’attirer mutuellement, & on voit ſenſiblement les effets de cette attraction mutuelle dans la conjonction de Jupiter & de Saturne. ton a conclu la tuelle de tous les Prop. 5. Liv. 37 De quel raiſonnement M.New4.2

X VIII. L’analogie nous portant à croire que les planetes ſecondaires font en tout des corps de la même eſpéce que leurs planetes principales, il eſt très-vraiſemblable qu’elles ont auſſi la force attractive, & que par conſéquent elles attirent leur planete principale de même qu’elles en font attirées, & qu’elles s’attirent auſſi mutuellement l’une l’autre, ce qui eſt confirmé encore par l’attraction de la Lune fur la terre, dont les effets deviennent ſenſibles dans les marées & dans la préceſſion des équinoxes, comme on le verra dans la fuite. On peut donc conclure que la force attractive appartient à tous les corps céleſtes, & qu’elle agit dans tout notre fyftême planétaire ſelon la proportion doublée inverſe des diſtances. XIX. Quelle eſt la Mais quelle eſt la raiſon qui fait tourner un corps autour d’un cauſe pour laquelle un corps autre ? Pourquoi, par exemple, ſi la Lune & la terre s’attirent rétourne autour d’un autre 1 aulieu de le forcer à ciproquement en raiſon inverſe du quarré de leurs diſtances, la tourner autour de terre ne tourne-t’elle pas autour de la Lune, au lieu de faire tourner la Lune autour d’elle ; il faut certainement que la loi que fuit l’attraction ne dépende pas ſeulement de la diſtance, & qu’il y entre quelque autre élément par lequel on puiſſe rendre raiſon de cette détermination, car la diſtance eſt ici inſuffiſante, puiſqu’elle eſt la même pour l’un & l’autre globe. Il eſt aiſé, en examinant les corps qui compoſent notre fyftême du corps central. planétaire, de ſoupçonner que cette loi eſt celle des maſſes ; le SoCette cauſe paroît être la maſſe leil autour duquel tournent tous les corps céleſtes Lous paroît beaucoup plus gros qu’aucun d’eux, Saturne & Jupiter font beaucoup plus gros que leurs ſatellites, & notre terre l’eſt plus que la Lune qui tourne autour d’elle. Mais pour s’en affurer, il falOr, comme la groſſeur & la maſſe font deux choſes différentes, loir connoftre les pour être affuré que la gravité des corps céleſtes fuit la loi des mafles des différentes planetes. maſſes, il étoit donc néceſſaire de connoître ces maſſes. 43 Mais comment connoître la maſſe des différentes planetes, c’eſt ce que la théorie de M. Newton nous apprend. X X. Voici le chemin qu’il a ſuivi pour parvenir à cette découverte. Puifque l’attraction de tous les corps céleſtes ſur les corps qui les environnent fuit la proportion inverſe du quarré des diſtances, il eſt bien vraiſemblable que les parties dont ils ſont compoſés s’attirent dans la même proportion. Chemin que M. Newton a lui. vi pour parvenir cette La force attractive totale d’une planete eſt compoſée de la force attractive de ſes parties ; car ſi l’on conçoit que pluſieurs petites planetes s’uniſſent pour en former une groſſe, la force de verte. cette groſſe planete fera compoſée des forces de toutes ces petites planetes, & M. Newton a prouvé dans les Prop. 74, 75 & 76. que fi les particules dont une ſphére eſt compoſée s’attirent mutuellement en raiſon inverſe du quarré des diſtances, ces ſphéres entieres attireront les corps qui leur font extérieurs, à quelque diſtance qu’ils ſoient placés, dans cette même raiſon inverſe du quarré de leurs diſtances ; & de toutes les loix d’attraction examinées par M. Newton, il n’a trouvé que celle en raiſon inverſe du quarré des diſtances, & celle qui ſuivroit la raiſon de la ſimple diſtance dans leſquelles les ſphéres entieres attirent les corps qui leur font extérieurs dans la même raiſon que leurs parties s’attirent l’une l’autre. On voit par-là la force du raiſonnement qui a fait conclure à M. Newton (Cor. 3. Prop. 74.) que puiſqu’il eſt prouvé d’un côté par la théorie, que lorſque les particules d’une fphére s’attirent réciproquement dans la raiſon inverſe du quarré des distances, la fphere entiere attire les corps extérieurs dans la même raiſon, & de l’autre les obſervations font voir que les corps céleſtes attirent dans cette proportion les corps qui leur font extérieurs : il eſt bien ſimple de conclure que les parties dont les corps céleſtes ſons compoſés s’attirent réciproquement dans cette même raiſon. que 44

Il a commencé par trouver les M. Newton cherche dans la Prop. 8. du Liv. 3. ce que peferoit poids du même le même corps ſur les différentes planetes, & il le trouve en faicorps ſur les différentes planetes, fant uſage du Cor. 2. de la Prop. 4. dans lequel il a fait voir que à égale les poids des corps égaux qui circulent dans des cercles, font comme les diamérres de ces cercles directement, & comme le quarré de leurs tems périodiques inverſement ; donc connoiffant les tems périodiques de Vénus autour du Soleil, des ſatellites de Jupiter autour de cette planete, des Lunes de Saturne autour de Saturne, & de la Lune autour de la Terre, & la diſtance de ces corps aux centres autour deſquels ils tournent ; & ſuppoſant que ces corps décrivent des cercles dans leur révolution, ce qui peut ſe ſuppoſer dans le cas dont il s’agit, on trouve quel feroit le poids du même corps tranſporté ſucceſſivement à la même diſtance du centre du Soleil, de Jupiter, de Saturne & de la Terre. Le poids du même corps ſur les différentes planetes, à égale difquantité de ma— tance de leur centre, étant connu, M. Newton en conclut la quanEt il a fait voir enſuite la rere eſt proportionnelle aux itité de matiere que chacune d’elles contient, car l’attraction dépoids du même corps ſur les dif— pendant de la maſſe & de la diſtance, à égale diſtance les forces férentes planetes, à égale diſtance attractives font comme les quantités de matiere des corps qui attidu centre, D’où il a tiré Icur denſité, rent ; donc les maſſes des différentes planetes font comme les poids du même corps ſuppoſé à égale diſtance de leurs centres, X X I. On peut connoître par le même moyen la denſité du Soleil & des planetes qui ont des ſatellites, c’eſt-à-dire, la proportion qui eſt entre leur diametre & la quantité de matiere qu’elles contiennent, car M. Newton (Prop. 72. Liv. 1.) a prouvé que les poids des corps égaux placés ſur les ſurfaces des ſphéres homogénes & inégales, font comme les diamétres de ces fphéres ; donc ſi ces fphéres étoient hétérogénes & égales, les poids des corps à leurs. ſurfaces feroient comme leur denſité, en ſuppoſant qu’il n’entre dans la loi d’attraction que la diſtance & la maſſe du corps attirant ; donc aux ſurfaces des fphéres hétérogénes & inégales, les 45 poids des corps égaux feront en raiſon compoſée de la denſité de ces fphéres & de leur diamétre ; donc les denſités feront comme les poids des corps diviſés par les diamétres. X XII. les plus petites & font les plus voiOn connoît par-là que les plus petites planetes font les plus Les planetes denſes, & qu’elles font placées le plus près du Soleil ; car on vû les plus denſes, dans le Chap. I. où l’on a donné toutes les proportions de notre fines du Soleil, fyftême, que la terre qui eſt plus petite & plus près du Soleil que Jupiter & Saturne, eſt plus denſe que ces planetes. XXIII. Quelle en ett la raiſon ſuivant M. Newton tire de-là la raiſon de l’arrangement des corps céleſtes de notre ſyſtême planétaire, qui eſt tel que le requéroit la denſité M. Newton. de leur matiere, afin que chacun fut plus ou moins échauffé du Soleil à proportion de ſa denſité & de ſon éloignement ; car on ſçait que plus un corps eſt denſe, & plus il s’échauffe difficilement, d’où M. Newton conclut que la matiere de Mercure doit être ſept fois plus denſe que celle de la terre, afin que la végétation puiſſe y avoir lieu ; car on fçait que l’illumination à laquelle, toutes choſes égales, la chaleur eſt proportionnelle, eſt comme le quarré des approchemens : or, on connoît la proportion de la diſtance de Mercure & de la Terre au Soleil, & par cette proportion on fçait que Mercure eſt ſept fois plus éclairé & par conſéquent ſept fois plus échauffé que la Terre ; & M. Newton dit avoir trouvé par ſes expériences que la chaleur de notre été, augmentée ſept fois, fait bouillir l’eau ; donc ſi la terre étoit placée où eſt Mercure, toute notre eau s’évaporeroit : ſi elle l’étoit où eſt Saturne, elle feroit toujours gelée, dans l’un & l’autre cas toute végétation cefferoit, & tout le genre animal périroit. X XIV. On voit qu’il n’y a que les planetes qui ont des ſatellites dont 46

On ne connoft on puiſſe connoître la maſſe & la denſité, puiſque pour y parvenir, toutes les propor. tions que dans les il faut comparer entr’eux les tems des révolutions des corps qui tournent autour de ces planetes, il faut cependant en excepter la planctes qui ont Il faut cepen dant en excepter Lune dont je parlerai dans la fuite. la Lune, X X V. des ſatellites. On voit par-là pourquoi le SoLa maſſe des planetes étant connue on voit > que Fes corps qui feil eſt le centre ont moins de maſſe tournent autour de ceux qui en ont plus, & des révolutions céleſtes, que plus un corps a de maſſe, plus il a de force attractive, toutes choſes égales ; ainſi toutes les planetes tournent autour du Soleil parce que le Soleil a beaucoup plus de maſſe qu’aucune planete, car la maſſe du Soleil eſt à celles de Jupiter & de Saturne, à peu près comme 1 à 1100, & 3000 reſpectivement ; donc ces deux planetes étant celles de notre ſyſtême qui ont le plus de maſſe, il fuit que le ſoleil doit être le centre des mouvemens de notre ſyſtême.. XXV I. Les altérations Si l’attraction ſe proportionne aux maffès, l’altération cauſée que Saturne &Jupiter ſe cauſent par l’action de Jupiter ſur l’orbe de Saturne dans leur conjoncinutuellement dans leur cours, tion, doit être beaucoup plus grande que celle qui eſt cauſée alors ſuivent Ja raiſon de leurs maſſes. dans l’orbe de Jupiter par l’action de Saturne, puiſque Jupiter a beaucoup plus de maſſe que Saturne, & c’eſt auſſi ce qui arrive ; l’altération de l’orbe de Jupiter dans ſa conjonction avec Saturne, quoique ſenſible, eſt cependant beaucoup moindre que celle qu’on. remarque dans l’orbe de Saturne. XXVII, Mais ſi l’effet de l’attraction, on le chemin que fait le corps attiré, dépend de la maſſe du corps attirant, pourquoi ne dépendrat-il pas auſſi de la maſſe du corps attiré, c’eſt ce qui mérite aſſurément qu’on l’examine. On fçait que tous les corps d’ici-bas tombent également vîte vers la terre, quand on ôte la réſiſtance de l’air ; car dans la machine 47 de Boyle, quand on en a pompé l’air, de l’or & des plumes arrivent en même tems au fond. & Prop. 6.Liv.3. M. Newton a confirmé cette expérience par une autre où les Prop.24. Liv.2. plus petites différences deviennent ſenſibles, même à la groffiereté de nos organes ; il rapporte qu’il a fait pluſieurs pendules de matiere très-différente, comme d’eau, de bois, d’or, de verre, &c. & que les ayant ſuſpendus à des fils d’égale longueur, ils ont fait des oſcillations ſenſiblement yfochrones pendant un très-long tems. XXVIII. Il eſt donc hors de doute que la force attractive de notre terre L’attraction ſe proportionne aux à la forme ni à qui s’attirent, ſe proportionne à la maſſe des corps qu’elle attire, & qu’à la même maſſes ſans égard diſtance elle dépend uniquement de leur maſſe, c’eſt-à-dire, de l’eſpéce des corps leur quantité de matiere. Ainſi ſi on ſuppoſe les corps d’ici-bas tranſportés à l’orbe de la Lune, puiſqu’on a prouvé ci-deſſus que la même force agit ſur la Lune & ſur ces corps & qu’elle décroît comme le quarré des diſtances, les diſtances alors étant égales, il fuit qu’en ſuppoſant que la Lune perdit ſon mouvement projectile, ces corps & le globe de la Lune arriveroient en même tems à la ſurface de la terre & parcoureroient les mêmes eſpaces, en ſuppoſant la réſiſtance de l’air nulle. XXIX. La même choſe eſt prouvée pour les planetes qui ont des ſatellites telles que Jupiter & Saturne. Si l’on fuppofoit que les ſatellites de Jupiter, par exemple, fuffent tous placés à la même diſtance du centre de cette planete, & qu’ils fuffent tous privés de leurs fixes projectiles, ils tomberoient tous vers elle, & arriveroient à la ſurface dans le même tems. Cette propoſition eſt une fuite de la proportion qui eſt entre les diſtances des ſatellites & les tems de leurs révolutions. X X X. On prouve de même, par la raiſon qui eſt entre les tems périodiques 48 PRINCIPES MATHEMATIQUES & les diſtances des planetes principales au Soleil, que cet aſtre agit ſur chacune d’elles proportionnellement à ſa maſſe, car à des diſtances égales leurs tems périodiques feroient égaux, & ſi dans cette ſuppoſition les planetes perdoient toutes leur force projectile, elles arriveroient toutes en même tems au Soleil ; donc le Soleil attire chaque planete en raiſon directe de ſa maſſe. X X X I. La régularité de l’orbe des ſatellites de Jupiter autour de cette planete eſt encore une preuve de cette vérité, car M. Newton a prouvé, Prop. 65. Cor. 3. que lorſqu’un ſyſtème de corps ſe meut dans des cercles ou dans des ellipſes régulieres, il faut que ces corps n’éprouvent d’action ſenſible que de la force attractive qui leur fait décrire ces courbes ; or les ſatellites de Jupiter décrivent autour de cette planete des orbes circulaires ſenſiblement réguliers & concentriques à cette planete, les diſtances des ſatellites de Jupiter, & celle de Jupiter lui-même, au Soleil doivent être regardées comme égales, vû la petite proportion qui eſt entre les différences de leurs diſtances & la diſtance totale ; donc ſi quelqu’un des ſatellites de Jupiter, ou Jupiter lui-même, étoit plus attiré par le Soleil qu’un autre ſatellite à raiſon de ſa maſſe, alors cette attraction plus forte du Soleil dérangeroit l’orbe de ce Satellite ; & M. Newton dit, Prop. 6. Liv. 3. que ſi cette action du Soleil ſur un des ſatellites de Jupiter étoit plus ou moins grande à raiſon de fa maſſe, que celle qu’il exerce ſur Jupiter à raiſon de la ſienne feulement d’un millieme de ſa gravité totale, la diſtance du centre de l’orbe de ce ſatellite au Soleil, feroit plus ou moins— grande que la diſtance du centre de Jupiter au Soleil, de de ſa diſtance totale, c’eſt-à-dire, de la cinquième partie de la diſtance du ſatellite le plus éloigné de Jupiter à Jupiter, ce qui rendroit ſon orbe ſenſiblement excentrique ; donc puiſque ces orbes font ſenſiblement concentriques à Jupiter, les gravités accélératrices du Soleil g 49 Soleil ſur Jupiter & ſur ſes ſatellites font comme leur quantité de matiere. On peut faire le même raiſonnement ſur Saturne & ſur ſes ſatellites dont les orbes font ſenſiblement concentriques à Saturne. Les expériences & les obſervations nous portent donc à conclure que l’attraction des corps céleſtes eſt proportionnelle aux maſſes, tant dans le corps attirant que dans le corps attiré ; que c’eſt la maſſe qui détermine un corps à tourner autour d’un autre ; qu’on peut conſidérer indifféremment tout corps comme attirant & comme attiré ; qu’enfin l’attraction eſt toujours réciproque en— L’attraction eſt tre deux corps, & que c’eſt la proportion qui eſt entre leurs maſſes qui décide ſi cette double attraction peut être ſenſible. XXXII. uniformément & & des acles en tems égal, L’attraction a encore une propriété, c’eſt d’agir également ſur L’attraction agit les corps en mouvement & ſur les corps en repos, & de produire continuellement, des accélérations égales en tems égaux, d’où il fuit que ſon action célérations égaeft continue & uniforme. C’eſt ce que prouve la maniere dont la gravité accélére les corps qui tombent ici-bas, & ce qui fuit du mouvement des planetes qui ne font, comme nous l’avons fait voir, en repos. que de plus grands projećtiles, mais toujours ſoumis aux mêmes ſoit que les corps fur leſquels elle agit ſe meuvent, ſoit qu’ils ſoient loix. XXXII I. toujours réciproque. Puifque la proportion qui eſt entre les maſſes des corps qui s’attirent décide du chemin que l’un fait vers l’autre, on voit que le Soleil ayant beaucoup plus de maſſe que les planetes, l’attraction qu’elles exercent ſur lui ne doit pas être ſenſible. Cependant l’attraction des planetes ſur le Soleil, quoique trop peu conſidérable pour être ſenſible, n’eſt cependant pas nulle ; & en la conſidérant, on voit que le centre autour duquel chaque planete tourne n’eſt pas le centre du Soleil, mais le point où ſe trouve placé le centre commun de gravité du Soleil & de l’aſtre dont on conſidére la Effet de l’at traction des planetes ſur le So leil, so révolution. Ainfi, comme on a vu dans le Chapitre I. §. 19. que la matiere du Soleil cft à celle de Jupiter, par exemple, comme r à 77. & la diſtance de Jupiter au Soleil étant au demi diamétre du Soleil dans une raiſon un peu plus grande, il fuit le centre commun de gravité de Jupiter & du Soleil tombe dans un point fort près de la ſurface du Soleil. que Par le même raiſonnement on trouve que le centre de gravité de Saturne & du Soleil tombe dans la ſuperficie du Soleil, & en Prop. 12. Liv. 3. faiſant le même calcul pour toutes les planetes, M. Newton dit, que fi la terre & toutes les autres planetes étoient placées du même côté, le centre commun de gravité du Soleil & de toutes les planetes feroit à peine éloigné du centre du Soleil d’un de ſes diamétres. Car bien qu’on ne connoiffe pas la maſſe de Vénus, de Mercure ni de Mars, cependant comme ces planetes font beaucoup plus petites que Saturne & que Jupiter, qui ont elles-mêmes infiniment moins de maſſe que le Soleil, on peut conclure que leur maſſe ne dérange pas cette proportion. X X XIV. C’eſt autour de ce centre commun de gravité que les planetes Cet effet eſt de oſciller le faire autour du centre tournent, & le Soleil lui-même oſcille autour de ce centre comcommun de gravité de notre fyf— mun de gravité ſelon les proportions de l’attraction des planetes sême planétaire. ſur lui. Ainfi c’eſt improprement que lorſqu’on confidére le mouvement de deux corps dont l’un tourne autour de l’autre, on regarde le corps central comme fixe. Les deux corps, c’eſt-à-dire, le corps central & celui qui tourne autour de lui, tournent tous deux autour de leur centre de gravité commun, mais le chemin qu’ils font autour de ce centre de gravité étant en raiſon réciproque de leur maſſe, la courbe que décrit le corps qui a beaucoup plus de maſſe eſt preſque inſenſible : c’eſt pourquoi l’on ne confidére que la courbe décrite par le corps dont la révolution eſt ſenſible, & on néglige ce petit mouvement du corps central qu’on regarde comme fixe. DE LA PHILOSOPHIE NATURELLE, X X X V. La Terre & la Lune tournent donc autour de leur centre commun de gravité, & ce centre tourne lui-même autour du centre de gravité de la Terre & du Soleil. Il en eſt de même de Jupiter & de ſes Lunes, de Saturne & de ſes ſatellites, & enfin du Soleil & de toutes les planetes. Ainſi le Soleil, ſelon les différentes poſitions des planetes, doit ſe mouvoir ſucceſſivement de tous les côtés autour du commun centre de gravité de notre ſyſtème planétaire. X X X V I. mun de gravité Ce commun centre de gravité eſt en repos. Car les différentes par— Ce centre come ties de ce fyftême répondent toujours aux mêmes étoiles fixes ; or, ſi eſt en repos. ce centre n’étoit pas en repos, & qu’il ſe mût uniformément en ligne droite, on auroit remarqué, depuis le tems qu’on obſerve, des changemens dans les rapports des différentes parties de notre fyftême planétaire aux étoiles fixes ; or, comme on n’y remarque aucun changement, on doit en conclure que le centre commun de gravité de notre ſyſtème planétaire eſt en repos. Ce centre eſt le point dans lequel tous les corps qui compoſent notre ſyſtême planétaire viendroient ſe réunir s’ils perdoient leur mouvement projectile. Le centre de gravité de notre fyftême planétaire étant en repos, Ainfi ce centre le centre du Soleil ne peut être ce centre commun de gravité, puiſqu’on vient de voir qu’il ſe meut ſelon les différentes poſitions des perpétuellement. ne peut être le centre du Soleil lequel ſe meut planetes, quoiqu’il ne ſe dérange jamais ſenſiblement de ſa place, à cauſe du peu de diſtance qui eſt entre le centre de gravité commun de notre monde planétaire, & le centre du Soleil. XXXVII. Puifque l’attraction ſe proportionne à la maſſe du corps attirant, & à celle du corps attiré, on en doit conclure qu’elle appartient à chaque partie de la matiere, & que toutes les parties dont SI L’attraction ap— un corps eſt compoſé s’attirent mutuellement : car ſi l’attraction partient à chaque particule de la n’appartenoit pas à chaque partie de la matiere, elle ne fuivroit pas la raiſon des maſſes. XXXVIII. Réponſe à l’objection qu’on tire Cette propriété de l’attraction, d’être proportionnelle aux maſſes, de ce que l’at— fournit une réponſe à l’objection qu’on a coutume de faire contre traction des corps d’ici-bas n’eſt pas l’attraction mutuelle des corps. Si tous les corps ont cette propriété ſenſible. de s’attirer mutuellement, pourquoi, dit-on, ne s’apperçoit-on pas de l’attraction qu’ils exercent ici-bas les uns ſur les autres ? mais on ſent aiſément que l’attraction étant proportionnelle aux maſſes des corps qui s’attirent, l’attraction que la terre exerce ſur les corps d’ici-bas, eſt beaucoup plus forte que celle qu’ils exercent mutuellement les uns ſur les autres, & que par conſéquent ces attractions partiales font abſorbées & rendues inſenſibles par celle de la terre. XXXIX Elle le devient dans de certains Les Académiciens qui ont été meſurer un dégré du méridien au cas, comme dans Pérou, ont cru s’appercevoir que l’attraction de la montagne de la déviation du fil à plomb au pied de Chimborace. Chimboraço, la plus haute qu’on connoiffe, cauſoit une déviation ſenſible dans le fil à plomb ; & il eſt certain, par la théorie, que l’attraction de cette montagne doit faire un effet ſur le fil & ſur tous les corps : mais il reſte à fçavoir ſi la quantité de la déviation obſervée, eſt celle qui doit réſulter de la groſſeur de la montagne. Car outre que ces obſervations ne donnent pas exactement la quantité de la déviation, à cauſe des erreurs inévitables dans la pratique, il y a encore cet inconvénient, que la théorie ne donne pas de moyen d’aprétier exactement la quantité dont cette déviation doit être, parce qu’on ignore la figure totale de la montagne, ſa denſité, &c. X L. La même raiſon qui empêche qu’on ne s’apperçoive des attractions des corps d’ici-bas, fait que les attractions mutuelles des corps 55 céleſtes font très-rarement ſenſibles. Car l’attraction beaucoup plus puiſſante que le Soleil exerce für eux, empêche cette attraction mutuelle de paroître. Il y a cependant des cas où l’ón s’en apperçoit, comme dans la conjonction de Saturne & de Jupiter qui dérangent alors réciproquement d’une maniere ſenſible leurs orbes parceque l’attraction de ces deux planetes eſt trop forte pour être abſorbée par celle du Soleil. > XLI. de l’aiman & de des causes difféA l’égard des attractions ſenſibles de quelques corps d’ici-bas, Les attractions telles que celles de l’aiman & de l’électricité, elles ſuivent d’autres l’électricité ont loix, & ont vraiſemblablement d’autres cauſes que l’attraction uni— rentes, & ne fuiverſelle de la matiere dont on parle ici. vent pas les mêmes proponions que l’attra ion corps. M. Newton a prouvé Prop. 66. que les attractions mutuelles de univerſelle des deux corps qui tournent autour d’un troifiéme, troublent moins la régularité de leurs mouvemens lorſque le corps autour duquel ils tournent eſt mû par leurs attractions, que s’il étoit en repos ; ainſi le peu d’altération qu’on remarque dans le mouvement des planeeft encore une preuve de la mutualité de l’attraction. tes, XLII. Les aphélies des planetes, ainſi que leurs nœuds, & les plans Prop. 14.Liv.3. dans leſquels elles ſe meuvent font en repos, en faiſant abſtraction Liv. x. de l’action des planetes les unes ſur les autres. & Prop. 1 & 11. Les aphélies des planetes font en repos. tions les actions mutuelles des aprégle. Mars, Vénus, Mercure & la Terre étant de très-petites planetes, Quelles excepelles ne cauſent aucune altération ſenſible dans leurs mouvemens reſpectifs : ainſi leurs aphélies & leurs nœuds ne peuvent être déran— planetes les unes gés que par l’action de Jupiter & de Saturne. M. Newton conclut portent à cette de ſa théorie que par cette cauſe, les aphélies de ces quatre planetes ſe meuvent un peu en conſéquence par rapport aux étoiles fixes, & il prétend que ces mouvemens ſuivent la proportion feſquiplée des diſtances de ces planetes au Soleil ; d’où il tire, Prop. 14. Liv. 3. qu’en ſuppoſant que l’aphélie de Mars, dans lequel ce mouvement $4

eſt plus ſenſible, faffe en cent ans 33’20" en conſéquence, les aphélies de la Terre, de Vénus & de Mercure feront 17’40", 10° 5.3 « , & 4′ 16 » reſpectivement dans le même tems. On néglige ces altérations dont Suivant M. Newton les aphélies allant en conſéquence, les nœuds rétrogradent, & en ſuppoſant le plan de l’écliptique en repos, il dit que cette régreſſion eſt au progrès de l’aphélie dans un orbe quelconque, comme 10 à 21 à peu près. (c) A l’égard de Jupiter & de Saturne, ils dérangent l’un l’autre à tout moment le mouvement de leurs aphélies, mais il en réſulte cependant un mouvement dans le même ſens, dont M. Newton n’a point aſſigné la proportion. XLIII. On néglige ces mouvemens inſenſibles des aphélies & des nœuds même pluſieurs qui font ſi peu remarquables, que même pluſieurs Aftronomes en Aftronomes ne conviennent pas. nient l’exiſtence, & on regarde les aphélies, ainſi que les nœuds des Le repos fenfi— planetes, comme en repos ; d’où il fuit une nouvelle preuve de ce ble des aphélies preuve que l’attraction agit en raiſon doublée tances. eme eſt une nouvelle que la gravité qui agit ſur elles fuit la proportion inverſe doublée des diſtances. Car M. Newton a fait voir, Cor. 1. Prop. 45. que fi inverſe des dif la proportion de la force centripéte s’éloignoit de la proportion doublée pour s’approcher de la triplée, feulement d’une 60 partie, les apſides avanceroient au moins de trois dégrés dans une révolution ; donc, puiſque le mouvement des apſides, ſi elles ſe meuvent, eſt preſqu’inſenſible, la gravité fuit ſenſiblement la proportion doublée inverſe des diſtances. XLIV. Les planetes ont encore un mouvement dont je n’ai point parlé dans ce Chapitre, parce qu’il ne paroît pas dépendre de leur gravité, c’eſt leur rotation ſur leur axe. On a vû dans le Chapitre I. qu’on n’eſt affuré de cette rotation que pour le Soleil, la Terre, Mars, Jupiter & Vénus, & que les (c) De mundi Syftemate, pag. 36. édition de 1731. 55 Aftronomes ne font pas même encore d’accord ſur le tems de la révolution de cette derniere planete ſur elle-même, bien qu’ils la raiſon du mouOn ne connoflt point la cauſe ni vement rotatoire conviennent tous qu’elle y tourne. Mais quoiqu’on n’ait pas en— des planetes. core pû s’affurer par les obſervations que Mercure, Saturne & les ſatellites de Jupiter & de Saturne tournent ſur leur centre, il eſt bien vraiſemblable, par l’uniformité que la nature obſerve dans ſes opérations, que ces planetes ont auſſi ce mouvement de rotation autour de leur axe, & que tous les corps céleſtes de notre ſyſtème éprouvent cette révolution. Ce mouvement des planetes autour de leur axe eſt le ſeul des mouvemens céleſtes qui ſoit uniforme ; ce mouvement, comme je l’ai dit, ne paroît pas dépendre de leur gravité, & l’on n’en connoît point encore la cauſe. X L V. tuelle des parties les les dilliper par la ro La gravité mutuelle des parties qui compoſent les planetes les Lagravité muempêche de ſe diſſiper par cette rotation : car on ſçait que tout qui compoſent corps mû en rond acquiert une force centrifuge par laquelle il tend empêche de ſe à s’éloigner du centre de ſa révolution ; ainſi ſans la gravité mu— tation. tuelle des parties de la matiere, la rotation des planetes devroit diſſiper leurs parties. Car ſi la gravité d’une partie quelconque de la ſurface d’un corps qui tourne étoit détruite, cette partie, au lieu de tourner avec le corps, s’échapperoit par la tangente ; donc ſi la gravité ne s’oppofoit pas à l’effort de la force centrifuge que les parties des corps céleſtes acquiérent en tournant ſur leur axe, cette force fépareroit leurs parties. X LV I Si cette tendance des parties des corps céleſtes, les unes vers les autres, s’oppoſe à l’effet de la force centrifuge, elle ne la détruit pas, & l’effet que produit cette force eſt de rendre inégaux les diamétres des corps révoluans ſuppoſés fluides. Car les planetes étant compoſées de matiere dont les parties tendent également vers leur 56

centre à égale diſtance, elles ſeroient ſphériques ſi elles étoient en repos. Mais le mouvement rotatoire fait que leurs parties tendent par ver l’équateur des leur force centrifuge, à s’éloigner de leur centre avec d’autant plus Le mouvement rotatoire doit éleplanetes, de force, qu’elles ſont placées plus près de l’équateur de la ſphére révoluante : car on ſçait par la théorie des forces centrifuges, que cette force, en ſuppoſant les tems égaux, augmente en même raiſon que le rayon du cercle que le corps décrit ; donc, en ſuppoſant fluide la matiere dont les corps céleſtes ſont compoſés, la rotation augmentera le diamétre de leur équateur, & diminuera par conſéquent celui de leurs pôles. XLVII. On s’apperçoit, par le moyen des téleſcopes, de cette différence des diamétres dans Jupiter, & on en a déterminé la quantité pour la terre par la meſure des dégrés. On va voir dans le Chapitre ſuivant comment M. Newton s’y eſt M. Newton a tiré de ces principes la propor— pris pour déduire la figure de la terre de ſa théorie, & ce que les tion des axes de obſervations ont enſeigné ſur cette matiere. la terre. CHAPITRE TROISIÉME. De la détermination de la figure de la Terre, ſelon les principes de M. Newton. I. La force centrifuge éleve les Puifque la force centrifuge des corps qui circulent augmente ségions de l’é— en raiſon du cercle décrit lorſque le tems de la révolution eſt le quateur dans la rotation diurne. même, le mouvement rotatoire doit élever les régions de l’équateur. Car en ſuppoſant que la terre ait été ſphérique & compoſée de matiere homogéne & fluide, avant d’avoir acquis le mouvement rotatoire,