Congrès international des femmes (Journal des débats 8 juin 1913)

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H. Wz
Journal des débats du 08 juin 1913 (p. 3-6).


Congrès international des femmes


Les quatre dernières sections du Congrès international des femmes ont commencé leurs travaux hier matin. À la section du travail ont été présentés les rapports de Mme Brunschwigg sur « la Protection du travail des enfants » et de Mme Louise Compain sur « les Lois protectrices du travail des femmes » ; à la section des sciences, arts et lettres, présidée de façon remarquable par Mme Cruppi, le rapport de Mlle Sance, directrice du collège Sévigné, sur « les Femmes à l’Université » ; au suffrage, le rapport de Mme de Schlumberger sur « la Nécessité du vote pour les femmes » ; à la paix, celui de Mlle Fakler sur « les Femmes et la Paix ». Ni les sciences, ni le suffrage n’ayant pu venir en discussion dans l’après-midi, faute de temps, la présentation des vœux de ces deux importantes sections a été remise à aujourd’hui samedi.

C’est sur la question du travail qu’a porté tout l’effort de la séance plénière. L’exposé si lucide et si complet de Mme Bruhschwigg a appris ou rappelé à tous, de manière à ce qu’aucun de nous n’ait désormais le droit de l’oublier, les conditions abominables du travail de nuit imposé aux enfants, dans la verrerie et dans la métallurgie en particulier. Les vœux formulés par Mme Brunschwigg et ratifiés par l’assemblée peuvent avoir demain leur sanction : une loi votée par la Chambre le 2 juin 1911 est en ce moment devant le Sénat, loi qui pourrait arracher à cet enfer des centaines d’enfants. Puisse le Sénat la donner à la France, et la France la donner à l’Europe dans la Conférence internationale qui va s’ouvrir à Berne, en septembre prochain, à ce sujet.

Mais si l’unanimité s’est faite sans peine sur ce point, la protection du travail de la femme a soulevé un débat véritablement tragique, pour aboutir à un vœu qui demande à être expliqué.

Il n’y a parmi les congressistes pas une femme qui reste indifférente à la pensée des fatigues, des peines, des difficultés de toute espèce que rencontrent les travailleuses, à l’usine ou ailleurs, et qui ne désire et qui n’essaie d’adoucir leur sort. Les lois de protection des femmes ont été inspirées par une pitié généreuse. Au principe de ces lois, à leur intention tout le monde rend hommage.

En pratique, leur effet n’a pas toujours été heureux. Dans certains pays, en Allemagne par exemple, la réglementation du travail féminin a eu bientôt pour effet la réduction des heures de travail pour les hommes ; mais ailleurs, en France notamment, la réglementation, a chassé et chasse les femmes de nombre d’emplois lucratifs. Les femmes protestent. Puisque le bien qu’on a voulu leur faire se retourne contre elles, elles rejettent ce faux bienfait. Elles veulent braver librement fatigue et maladie. Elles demandent le droit de travailler, jusqu’à la limite de leurs forces et au delà de cette limite, de n’avoir pour règle de leur effort que leur courage… L’assemblée, très hésitante, très partagée, a fini par voter le principe de la liberté, tout en appelant de ses vœux le jour où les conditions du travail seront telles qu’on ne risque plus d’ôter à une femme son gagne-pain en l’empêchant de se tuer.

Sans discussion ont été adoptés les vœux de la section d’assistance, relatifs aux logements ouvriers, et ceux de la section de la paix, présentés par Mlle Julie Toussaint.

Au moment de se séparer, l’assemblée a reçu la douloureuse nouvelle de la mort de Mlle Marie Popelin, présidente du Conseil national belge, et s’est associée avec émotion aux paroles de souvenir et d’hommage prononcées par la déléguée du Conseil de Belgique et par Mme Avril de Sainte-Croix. — H. Wz.