Connaissance de l’Est/Libation au jour futur

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Larousse (p. 197).

LIBATION AU JOUR FUTUR


Je suis monté au plus haut de la montagne pour porter mon toast au jour futur — (au jour nouveau, à celui qui viendra, il succède à cette nuit même peut-être). Jusqu’au plus haut de la montagne, avec cette coupe de glace qu’elle porte aux lèvres de l’Aurore ! Je suis dedans tout nu ; elle était si pleine qu’en y entrant j’ai fait crouler l’eau comme une cataracte. Je danse dans l’ébullition de la source comme un grain de raisin dans une coupe de Champagne. Je ne distingue pas cette couche jaillissante que je pétris du ventre et des genoux du gouffre d’air dont me sépare le bord mince : au-dessous de moi surgit l’aigle criard. Belle Aurore ! d’un trait tu es ici de la mer là-bas entre les îles ! Bois, que je ressente jusqu’aux plantes dans le sein de cette liqueur où je suis enfoncé l’ébranlement de ta lèvre qui s’y trempe. Que le soleil se lève ! que je voie l’ombre légère de mon corps suspendu se peindre sous moi sur le sable de la piscine entouré de l’iris aux sept couleurs !