Constitution du 31 janvier 1850

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Constitution du 31 janvier 1850
Les Constitutions modernesChallamel AinéTome premier (p. 161-178).
PRUSSE

Notice historique

Le premier document constitutionnel relatif à l’organisation d’une représentation nationale dans les États prussiens est un décret du 22 mai 1815. Ce décret annonçait la reconstitution des États provinciaux et l’élection dans le sein de ces États de délégués devant siéger à Berlin. Mais ce fut seulement en 1823 et 1824 que parurent huit ordonnances réorganisant les représentations focales dans les différentes provinces de la Prusse ; les États provinciaux devaient être appelés à se prononcer sur les projets de lois générales qui leur seraient soumis. L’ordonnance du 21 juin 1842 créa à Berlin une Diète ou réunion des comités des États provinciaux, composée de délégués des États et appelée à servir au roi de conseil consultatif ; cette Diète devait aussi statuer sur tous les points où les États auraient émis des avis contradictoires. Mais elle ne siégea qu’une fois, en octobre 1842, et sans résultat.

Un pas beaucoup plus considérable fut fait dans la voie constitutionnelle par la patente royale du 3 février 1847. Cette patente créa le Landtag uni (Vereinigte Landtag), composé de deux chambres (Kurien), la première comprenant les députés de la noblesse, la seconde les députés des autres ordres. Le Landtag se réunit le 11 avril, et se sépara le 24 juin suivant, après avoir signalé l’urgence de certaines réformes.

La nouvelle de la révolution française du 24 février 1848 précipita les événements. Les 13, 14, 15 et 16 mars, des émeutes ensanglantèrent Berlin. Le 18, le Landtag fut de nouveau convoqué pour le 2 avril, à l’effet de voter une loi électorale. Cette loi fut rapidement votée (8 avril), et on procéda aussitôt à l’élection d’une Assemblée unique constituante qui se réunit à Berlin le 22 mai. Une commission de 24 membres consacra 29 séances à l’élaboration d’un projet de Constitution. Mais les tendances radicales de la majorité et de nouvelles émeutes obligèrent le gouvernement à transporter à Brandebourg le siège de l’Assemblée (9 nov.). Le 10, l’état de siège fut proclamé à Berlin, et un mois après (5 déc.) un décret prononça la dissolution de la Constituante. Le même jour, le roi octroya une Constitution et convoqua les Chambres pour le 26 février 1849, à l’effet de réviser cette Constitution.

La seconde Chambre ne put s’entendre avec la Chambre haute sur l’adoption de certains points constitutionnels. Elle fut dissoute le 27 avril : Une nouvelle loi électorale fut promulguée (30 mai) par le gouvernement qui remit en vigueur le système des trois classes, et convoqua de nouveau les électeurs. Les deux Chambres se réunirent le 7 août et procédèrent, d’accord cette fois, à la révision de la Constitution, qui fut terminée dans le courant du mois de décembre. Un message royal du 31 janvier 1850 annonça l’heureuse issue de ce travail de révision, et la Constitution fut publiée le même jour dans la feuille officielle. Le 6 février suivant, le roi et tous les corps de l’État prêtèrent le serment constitutionnel.

Depuis cette époque, un assez grand nombre de lois sont venues modifier le texte de la Constitution sur des points de détail. La plus importante est celle du 7 mai 1853, relative à la composition de la Chambre haute ; cette loi a été complétée par une ordonnance du 12 octobre 1854 dont nous résumons les dispositions en note du nouvel art. 65-68 de la Constitution.


CONSTITUTION
du 31 Janvier 1850
TITRE Ier. du territoire de l’état.

1. — Tous les territoires du royaume, dans leur étendue actuelle, forment l’État prussien.

2. — Les frontières de cet État ne peuvent être modifiées

que par une loi.
TITRE II. — des droits des prussiens.

3. — La Constitution et la loi déterminent comment s’acquiert la qualité de Prussien et comment les droits politiques s’acquièrent, s’exercent et se perdent[1].

4. — Tous les Prussiens sont égaux devant la loi. Il n’y a pas entre eux de privilèges. Tous les citoyens sont admissibles aux emplois publics sous les conditions déterminées par la loi.

5. — La liberté individuelle est garantie. La loi détermine sous quelles formes et conditions il peut y être fait des restrictions, spécialement en ce qui concerne le droit d’arrestation[2].

6. — Le domicile est inviolable. L’entrée dans le domicile, les perquisitions domiciliaires, ainsi que la saisie des lettres ou papiers, ne peuvent avoir lieu que dans les cas et dans les formes déterminées par la loi.

7. — Nul ne peut être distrait de ses juges naturels. Il ne peut être établi de tribunaux d’exception ni de commissions extraordinaires[3].

8. — Des poursuites ne peuvent être ordonnées et des peines appliquées qu’en vertu de la loi.

9. — La propriété est inviolable. L’expropriation totale ou partielle ne peut avoir lieu que pour cause d’utilité publique légalement constatée et moyennant le paiement préalable d’une indemnité ou tout au moins l’évaluation préalable de cette indemnité en cas d’urgence.

10. — La mort civile et la peine de la confiscation des biens ne peuvent être appliquées.

11. — La liberté d’émigration ne peut être restreinte par l’État qu’à raison des obligations du service militaire. — Son exercice ne peut être subordonné au paiement d’aucune taxe.

12. — La liberté des cultes est garantie, ainsi que le droit de former des associations religieuses et de célébrer les cérémonies du culte dans un édifice privé ou public. La jouissance des droits civils et politiques est indépendante de la religion pratiquée par le citoyen. L’exercice de la liberté religieuse ne doit pas nuire à l’accomplissement des obligations civiles et politiques.

13. — Les associations religieuses et les sociétés ecclésiastiques qui n’ont pas les droits de corporation ne peuvent les obtenir qu’en vertu de lois spéciales.

14. — La religion chrétienne sert de base aux institutions de l’État qui présentent un caractère religieux, sans qu’il soit dérogé toutefois à la liberté garantie par l’art. 12.

15 et 16. — [Abrogés[4]].

17. — Il sera statué par une loi spéciale sur le droit de patronage (Kirchenpatronat) et les conditions à exiger pour sa suppression.

18. — [Abrogé[5]].

19. — L’institution du mariage civil sera réglée par une loi spéciale qui établira en même temps les registres de l’état civil[6].

20. — La science et son enseignement sont libres.

21. — Il sera ouvert des écoles publiques pour l’instruction de la jeunesse. — Les parents et tuteurs ne peuvent laisser leurs enfants et pupilles manquer de l’instruction prescrite pour les écoles publiques.

22. — Le droit d’enseigner, de fonder et diriger des instituts est libre, sous la seule condition de justifier devant les autorités compétentes d’une capacité morale, scientifique et technique.

23. — Tous les instituts publics ou privés et les établissements d’éducation sont soumis à la surveillance des autorités désignées par le gouvernement[7]. — Les professeurs des écoles publiques ont les droits et devoirs des fonctionnaires de l’État.

24. — Pour l’établissement des écoles publiques, on doit, autant que possible, respecter le principe de la confessionalité. — L’instruction religieuse est donnée dans ces écoles par les sociétés religieuses fondées à cet effet. — La direction des affaires extérieures des écoles publiques appartient à la commune ; l’État nomme, parmi les individus dont la capacité a été reconnue, les instituteurs de ces écoles, avec la participation légale des autorités communales.

25. — La commune, et, dans le cas où les ressources de la commune sont reconnues insuffisantes, l’État pourvoient à l’établissement, à l’entretien et à l’amélioration des écoles publiques. Les obligations qui incombent à des tiers, en vertu de titres particuliers, subsistent. — L’État garantit aux instituteurs publics un revenu fixe, suivant les ressources et l’importance des localités. — L’enseignement des écoles publiques est gratuit.

26. — Une loi spéciale règle la matière de l’instruction publique.

27. — Tout Prussien a le droit de manifester sa pensée librement, par la parole, l’écriture, l’impression et le dessin. — La censure ne peut être établie. Toute autre restriction à la liberté de la presse ne peut avoir lieu que par mesure législative[8].

28. — Les délits commis par la parole, l’écriture, l’impression ou le dessin sont réprimés par les lois pénales ordinaires.

29. — Tous les Prussiens ont le droit sans autorisation préalable des autorités, de se réunir paisiblement et sans armes, dans un local clos. — Cette faculté ne comprend pas le droit de former des assemblées en plein air, lesquelles sont soumises à l’autorisation préalable des autorités.

30. — Tous les Prussiens ont le droit de former des associations dont le but n’est pas contraire aux lois pénales. — La loi règle, au point de vue du maintien de la sûreté publique, l’exercice du droit garanti par cet article et par l’article 29[9]. — Des associations politiques peuvent être soumises à des restrictions ou à des prohibitions temporaires par mesure législative.

31. — Les conditions sous lesquelles les droits de corporation sont accordés ou refusés sont déterminées par la loi.

32. – Tout Prussien jouit du droit de pétition. Des pétitions collectives ne peuvent être présentées que par les autorités ou les corporations.

33. — Le secret des lettres est inviolable. Les restrictions nécessaires pour des instructions criminelles ou pour le cas de guerre seront établies par la loi.

34. — Le service militaire est obligatoire pour tous les Prussiens. L’étendue et la forme de ce service sont réglées par la loi[10].

35. — L’armée comprend toutes les portions de l’armée permanente et de la landwehr[11]. — En cas de guerre, le Roi peut convoquer la landsturm, conformément à la loi.

36. — La force armée ne peut être employée pour la répression de troubles intérieurs et pour l’exécution des lois que dans les cas et suivant les formes déterminées par la loi et sur la réquisition des autorités civiles.

37. – La juridiction militaire s’applique exclusivement aux infractions à la discipline ; elle sera organisée par une loi[12]. Des ordonnances particulières règlent cette discipline.

38. — La force armée ne peut délibérer ni dans le service, ni hors du service, ni se rassembler sans ordre. Sont prohibées toutes assemblées ou réunions de la landwehr pour délibérer sur l’organisation militaire, les ordres ou les questions de service, alors même que la landwehr ne serait pas sous les armes.

39. – Les art. 5, 6, 29, 30 et 32 ne s’appliquent à l’armée qu’autant que les lois militaires et les ordonnances disciplinaires n’y dérogent pas.

40 (modifié par la loi du 5 juin 1852). — L’institution des fiefs est abolie. — Les liens féodaux encore existants seront dissous par dispositions légales.

41 (modifié par la loi du 5 juin 1852). – Les dispositions de l’article 40 ne s’appliquent ni aux fiefs de la couronne ni à ceux existant hors de l’État.

42 (modifié par la loi du 14 avril 1856). — Sont abrogés sans indemnité, conformément aux lois particulières déjà publiées : — 1) le droit transmissible de juridiction, attaché à la possession de certains territoires, ainsi que toutes exemptions ou impositions dérivant de ce droit ; 2) les obligations naissant du lien seigneurial de juridiction et de patronage, de l’ancienne sujétion héréditaire et de l’ancienne organisation des métiers. — L’annulation de ces droits entraîne l’extinction des obligations corrélatives imposées à leurs anciens titulaires.

TITRE III. — du roi.

43. — La personne du Roi est inviolable.

44. — Les ministres du Roi sont responsables[13]. Tous les actes du gouvernement du Roi doivent, pour être valables, être contresignés par un ministre qui en accepte la responsabilité.

45. — Le pouvoir exécutif appartient au Roi seul. Il nomme et révoque les ministres. Il ordonne la publication des lois et rend les ordonnances nécessaires à leur exécution.

46. — Le Roi a le commandement suprême de l’armée[14].

47. — Le Roi nomme à tous les emplois dans l’armée et les autres branches du service de l’État, à moins d’exception prévue par la loi.

48. — Le Roi a le droit de déclarer la guerre, de conclure la paix et de signer des traités avec des gouvernements étrangers. Les traités de commerce et ceux d’où résultent des charges pour l’État ou les particuliers, doivent, pour être valables, recevoir l’approbation des Chambres.

49. — Le Roi a le droit de faire grâce et de réduire les peines. — Toutefois, ce droit ne peut être exercé en faveur d’un ministre condamné pour faits de son administration que sur la proposition de la Chambre qui a prononcé la mise en accusation. — Le Roi ne peut arrêter des informations judiciaires pendantes qu’en vertu d’une loi spéciale.

50. — Le Roi a le droit de conférer des décorations et autres distinctions auxquelles ne sont pas attachés de privilèges. — Il a le droit de frapper monnaie, conformément à la loi[15].

51. — Le Roi convoque les deux Chambres du Landtag et prononce la clôture de leurs sessions. Il peut les dissoudre ensemble ou isolément[16]. Dans ce cas, il doit convoquer les électeurs dans les soixante jours qui suivent la dissolution, et les Chambres dans les quatre-vingt-dix jours.

52. — Le Roi peut proroger les Chambres. Cette prorogation ne peut pas dépasser la durée de trente jours sans leur consentement, et ne peut se renouveler pendant la même session.

53. — La couronne est, en conformité des lois royales de famille, héréditaire dans la descendance mâle, par ordre de primogéniture et suivant la succession agnate directe.

54. — Le Roi est majeur à dix-huit ans accomplis. — Il prête serment, en présence des Chambres réunies, de main tenir ferme et inviolable la Constitution du royaume et de gouverner d’accord avec elle et les lois.

55. — Le Roi ne peut, sans le consentement des Chambres, être en même temps souverain de pays étrangers.

56. — Si le Roi est mineur ou empêché pour longtemps de gouverner lui-même, l’agnat majeur le plus proche exerce la régence. Il doit convoquer aussitôt le Landtag qui, en séance plénière des deux Chambres, décrète la nécessité de la régence.

57. — S’il n’y a pas d’agnat majeur et s’il n’a pas été pourvu légalement à ce cas, le ministère doit convoquer les Chambres qui élisent un régent en séance plénière. Jusqu’à l’installation de ce dernier, le ministère est chargé du gouvernement.

58. — Le régent exerce le pouvoir royal au nom du Roi. Après l’installation de la régence, il prête serment, devant les Chambres réunies, de maintenir ferme et inviolable la Constitution du royaume et de gouverner d’accord avec elle et les lois. — Jusqu’à la prestation de ce serment, le ministère reste en tous les cas responsable des actes du gouvernement.

59. — Au fonds de la dotation de la couronne appartient la rente assignée par la loi du 17 janvier 1820 sur les revenus des domaines et des forêts.

TITRE IV. — des ministres.

60. — Les ministres, ainsi que les fonctionnaires d’État qui les représentent, ont entrée dans chacune des deux Chambres et doivent être entendus toutes les fois qu’ils le demandent. — Chaque Chambre peut réclamer la présence des ministres. — Les ministres n’ont le droit de voter que s’ils sont membres d’une Chambre.

61. — Les ministres peuvent être accusés par une Chambre du crime de violation de la Constitution, de corruption ou de trahison. Le tribunal suprême du royaume décide en Chambres réunies sur la validité de l’accusation. — Une loi spéciale statuera ultérieurement sur les cas de responsabilité, sur la procédure et les peines[17].

TITRE V. — des deux chambres du landtag.

62. — Le pouvoir législatif est exercé conjointement par le Roi et les deux Chambres du Landtag[18]. — L’accord du Roi et des deux Chambres est indispensable pour la confection des lois. — Les projets de lois de finance et les états budgétaires seront soumis d’abord à la Chambre des députés ; ces derniers seront acceptés ou refusés en entier par la Chambre des seigneurs.

63. — Si des mesures d’urgence doivent être prises, soit pour le maintien de la sécurité publique, soit à raison de calamité nationale imprévue, et si les Chambres ne sont pas réunies, des ordonnances ayant force de loi peuvent être rendues sous la responsabilité collective du ministère, pourvu qu’elles ne soient pas contraires à la Constitution. Seulement elles doivent être soumises à l’approbation des deux Chambres à leur prochaine réunion.

64. — Le droit d’initiative des lois appartient au Roi et à chacune des deux Chambres. — Les projets de loi rejetés par une des deux Chambres ou par le Roi, ne peuvent être repris dans le cours de la même session.

65-68[19]. — La Chambre des seigneurs est formée par ordonnance royale, qui ne peut être modifiée que par une loi avec le consentement des deux Chambres. — La Chambre des seigneurs est composée de membres que le Roi nomme à vie ou avec droit héréditaire[20].

69 (modifié par la loi du 30 avril 1851 et la loi du 17 mai 1867). — La Chambre des députés est composée de 432 membres. Les circonscriptions électorales sont déterminées par la loi. Elles peuvent comprendre un ou plusieurs cercles, une ou plusieurs villes.

70. — Tout Prussien qui a accompli sa vingt-cinquième année et qui jouit de l’électorat municipal dans la commune où il est domicilié, est électeur du premier degré. Celui qui possède l’électorat municipal dans plusieurs communes ne peut exercer son droit d’électeur du premier degré que dans une seule commune.

71. — Les électeurs du second degré sont élus à raison d’un par 250 âmes de population. Les électeurs du premier degré sont répartis en trois groupes, suivant leurs impôts directs, de manière à ce que chaque groupe, dans son en semble, paye un tiers de l’impôt total. Cet impôt total est calculé : — a) par commune, si la commune forme à elle seule une circonscription électorale ; — b) par district, si la circonscription est composée de plusieurs communes. — La première section est formée des électeurs les plus imposés payant ensemble le premier tiers de l’impôt. — La seconde section est formée des électeurs qui payent ensuite le plus d’impôts jusqu’à concurrence du second tiers. — La troisième section est formée de ceux qui payent le troisième tiers de l’impôt. — Chaque section élit séparément un tiers des électeurs à choisir. — Plusieurs sections peuvent être réunies en groupes électoraux (Wahlverbände) qui ne doivent pas comprendre plus de 500 électeurs. Les électeurs du second degré peuvent être pris dans chaque section parmi les électeurs du premier degré de toute la circonscription, sans tenir compte des sections.

72. — Les députés sont nommés par les électeurs du second degré. — Les autres dispositions relatives aux élections sont contenues dans la loi électorale[21], qui règle également la situation des villes où une portion de l’impôt direct est prélevée sous forme de droit de mouture et d’abatage.

73. — La durée des pouvoirs de la Chambre des députés est fixée à trois ans.

74. — Tout Prussien qui a accompli sa trentième année, qui n’a pas perdu ses droits civiques par suite d’un jugement et qui appartient depuis trois ans à la nationalité prussienne, est éligible à la Chambre des députés. — (Loi du 27 mars 1872) Le président et les membres de la Cour supérieure des comptes ne peuvent être membres d’aucune des deux Chambres du Landtag.

75. — Après les trois années de la période législative, il est procédé à de nouvelles élections ; de même en cas de dissolution. — Dans les deux cas, les membres sortants sont rééligibles.

76 (modifié par la loi du 18 mai 1857). — Les deux Chambres du royaume seront convoquées régulièrement par le Roi, pendant la période comprise entre le commencement du mois de novembre de chaque année et le milieu du mois de janvier de l’année suivante, et en outre toutes les fois que les circonstances l’exigeront.

77. — L’ouverture et la clôture des Chambres sont prononcées par le Roi en personne ou par un ministre délégué à cet effet, dans une séance plénière du Landtag. — Les deux Chambres sont convoquées, ouvertes, prorogées et clôturées en même temps. — La dissolution d’une des deux Chambres entraîne la prorogation de l’autre[22].

78. — Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et prononce sur la validité de l’élection. Elle règle l’ordre de ses travaux et sa discipline, elle choisit ses président, vice-présidents et secrétaires. — Les fonctionnaires n’ont pas besoin de congé pour entrer dans les Chambres. — Si un député accepte une fonction du gouvernement, ou s’il obtient au service de l’État un emploi supérieur ou une augmentation de traitement, il perd son siège et sa voix à la Chambre, et ne peut les recouvrer que par une nouvelle élection. — Personne ne peut être à la fois membre des deux Chambres.

79. — Les séances des deux Chambres sont publiques. Chaque Chambre se réunit en séance secrète sur la proposition de son président ou de dix membres : il doit y être statué tout d’abord sur cette proposition.

80. — La Chambre des députés ne peut délibérer valablement que si la majorité du nombre légal de ses membres est présente. — (Loi du 30 mai 1855) La Chambre des seigneurs ne peut valablement délibérer qu’avec la présence de soixante des membres appelés à siéger et à voter par l’ordonnance du 12 octobre 1854. — Chaque Chambre prend ses décisions à la majorité absolue des voix, sauf quelques exceptions déterminées par le règlement intérieur.

81. — Chaque Chambre a séparément le droit de présenter des adresses au Roi. — Nul ne peut remettre en personne une pétition ou adresse soit au Landtag, soit à l’une des deux Chambres. — Chaque Chambre peut renvoyer aux ministres les pétitions dont elle est saisie et leur demander des explications sur les griefs que ces pétitions contiennent.

82. — Chaque Chambre a droit de nommer des commissions d’enquête pour s’éclairer sur certains faits.

83. — Les membres des deux Chambres sont les représentants de tout le peuple. Ils votent d’après leur libre conviction et ne sont liés par aucun mandat impératif.

84. — Aucun compte ne leur est demandé de leurs votes dans les Chambres ; ils ne sont responsables des opinions qu’ils émettent que dans le sein même de la Chambre et dans les limites du règlement. — Aucun membre ne peut, sans le consentement de la Chambre à laquelle il appartient, être poursuivi ou arrêté, pendant la durée de la session, à raison d’un fait réprimé par les lois, à moins qu’il ne soit appréhendé en flagrant délit ou au cours de la journée suivante. — Le consentement des Chambres est également nécessaire pour l’exercice de la contrainte par corps. — Sur la demande de la Chambre, toute poursuite, tout emprisonnement préventif ou civil est suspendu pendant la durée de la session.

85. — Les membres de la Chambre des députés reçoivent du Trésor des indemnités de voyage et de séjour, qui sont réglées par la loi[23]. Ils ne peuvent y renoncer.

TITRE VI. — du pouvoir judiciaire.

86. — Le pouvoir judiciaire est exercé au nom du Roi par des tribunaux indépendants, qui n’obéissent à aucune autre autorité que celle de la loi. — Les jugements sont rendus et exécutés au nom du Roi.

87. — Les juges sont nommés à vie par le Roi ou en son nom. — Les juges ne peuvent être destitués ou suspendus que par un jugement et pour les causes fixées par la loi. La suspension préalable, qui ne résulte pas d’un texte de loi, le déplacement ou la mise à la retraite non volontaires, ne peuvent avoir lieu que pour les causes et suivant les formes fixées par la loi et seulement par suite d’un jugement. — Ces dispositions ne s’appliquent pas aux déplacements qui sont la conséquence de modifications dans l’organisation des tribunaux et de leurs circonscriptions. — a (loi du 19 février 1879). Lors de la création des tribunaux communs à des parties du territoire prussien et à des territoires d’autres États confédérés, des dérogations aux dispositions de l’art. 86 et du 1er alinéa de l’art. 87 sont permises.

88. — [Abrogé par la loi du 30 avril 1856].

89. — L’organisation des tribunaux est fixée par la loi[24].

90. — Ne peut être nommé juge que celui qui remplit les conditions légales d’admission.

91. — Des tribunaux à compétence spéciale, notamment pour le commerce et l’industrie, doivent être créés législativement partout où ils seront nécessaires. — L’organisation et la compétence de ces tribunaux, leur procédure, la nomination de leurs membres, leur rang et la durée de leur emploi, sont déterminés par la loi.

92. — Pour toute la Prusse il n’y a qu’une Cour suprême.

93. — Les audiences des tribunaux doivent être publiques au civil et au criminel. Le huis clos peut cependant être prononcé par jugement public, si les débats portent atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. — En tout autre cas, la publicité de l’audience ne peut être restreinte que par la loi.

94 (modifié par la loi du 21 mai 1852). — En matière criminelle, le verdict de culpabilité de l’accusé appartient au jury, à moins d’exception législativement consacrée par les deux Chambres. — La formation du jury est réglée par la loi[25].

95 (modifié par la loi du 21 mai 1852). — Une loi préalablement votée par les deux Chambres peut autoriser la création d’une Cour spéciale et lui déférer les crimes de haute trahison ou autres crimes déterminés contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État.

96. — La compétence des autorités judiciaires et administratives est fixée par la loi. Une Cour établie par la loi statue sur les conflits de compétence entre les tribunaux et l’administration[26].

97. — Les conditions sous lesquelles des fonctionnaires civils et militaires peuvent être cités judiciairement, pour abus de pouvoir, sont fixées par la loi. Mais aucune autorisation préalable de l’autorité supérieure ne devra être exigée.

TITRE VII. — des fonctionnaires l’ordre extrajudiciaire.

98. — La situation des fonctionnaires qui n’appartiennent pas à l’ordre judiciaire, y compris les membres du ministère public (Staatsanwalte), sera réglée par une loi qui, sans enchaîner l’État dans la liberté de ses choix, protègera les fonctionnaires contre des destitutions ou privations de traitement arbitraires.

TITRE VIII. — des finances.

99. — Les recettes et dépenses de l’État doivent être évaluées d’avance et inscrites au budget de l’État. — Ce dernier doit être fixé chaque année par une loi.

100. — La perception d’impôts ou de contributions pour le Trésor n’est licite qu’autant qu’elle est autorisée par la loi du budget ou des lois spéciales.

101. — Aucun privilège ne pourra être établi en matière d’impôts. — La législation financière actuelle sera révisée et les privilèges existants supprimés.

102. — Les fonctionnaires de l’État ou des communes ne peuvent prélever des taxes qu’en vertu de la loi.

103. — Tout emprunt effectué pour le compte du Trésor doit être autorisé par une loi. Il en est de même pour toute garantie à la charge de l’État.

104. — L’approbation ultérieure des deux Chambres est nécessaire pour toute dépense excédant les prévisions budgétaires. — Les comptes du budget de l’État sont vérifiés et arrêtés par la Cour supérieure des comptes. Le compte général du budget annuel, ainsi que la situation de la dette publique, seront présentés aux deux Chambres pour la décharge du gouvernement, avec les observations de la Cour supérieure des comptes. — Une loi spéciale règlera la composition et la compétence de la Cour supérieure des comptes[27].

TITRE IX. — des communes, cercles, districts et provinces.

105 (modifié par la loi du 24 mai 1853). — La représentation et l’administration des communes, cercles et provinces de l’État prussien seront fixées par des lois spéciales[28].

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

106. — Les lois et ordonnances promulguées suivant les prescriptions de la loi sont obligatoires. — L’examen de la légalité des ordonnances royales régulièrement publiées n’appartient pas aux autorités, mais aux Chambres seules.

107. — La Constitution peut être modifiée par la voie législative ordinaire. A cet égard, il suffit dans chaque Chambre de la majorité absolue, obtenue dans deux scrutins successifs, à vingt et un jours au moins d’intervalle.

108. — Les membres des deux Chambres et tous les fonctionnaires de l’État prêtent serment de fidélité et d’obéissance au Roi, et jurent d’observer consciencieusement la Constitution. — L’armée ne prête pas serment à la Constitution.

109. — Les impôts et contributions actuellement existants continueront à être perçus. Toutes les dispositions du Code, des lois particulières et ordonnances, qui ne sont pas contraires à la présente Constitution, restent en vigueur, tant qu’elles ne sont pas légalement modifiées.

110. — Toutes les autorités constituées par des lois antérieures restent en fonction jusqu’à la promulgation des lois organiques qui les concernent.

111. — En cas de guerre ou d’insurrection, s’il y a danger pressant pour la sécurité publique, l’application des art. 5 à 7, 27 à 30 et 36 de la Constitution peut être momentanément suspendue dans les localités où cette mesure paraîtra nécessaire. Une loi règle les conditions de cette suspension[29].

DISPOSITIONS TRANSITOIRES.

112. — Les matières relatives à l’enseignement demeurent régies par les dispositions légales actuellement en vigueur, jusqu’à la promulgation de la loi annoncée par l’article 26[30].

113. — [Disposition aujourd’hui sans objet].

114. — [Abrogé].

115. — Jusqu’à ce que la loi électorale annoncée par l’article 72 ait été promulguée, l’ordonnance du 30 mai 1849, concernant l’élection des députés à la seconde Chambre, demeure en vigueur[31].

116 à 119. — [Dispositions aujourd’hui sans objet].


  1. Cette matière est réglée aujourd’hui par la loi fédérale (aujourd’hui loi d’empire) du {1er juin 1870 sur l’acquisition et la perte de la nationalité, fédérale et de la nationalité d’État.
  2. Loi du 12 février 1850 sur la protection de la liberté individuelle.
  3. L’a t. 7 ne peut être suspendu que momentanément et en cas de guerre ou d’insurrection. Loi du 4 juin 1851.
  4. Les art. 15, 16 et 18 assuraient à l’Église évangélique et à l’Église catholique romaine une grande indépendance ; ces Églises avaient le droit de se gouverner librement, de disposer de leurs biens, de pourvoir aux nominations ecclésiastiques, et les rapports des sociétés religieuses avec leurs supérieurs étaient autorisés. Une loi du 5 avril 1873 modifia une première fois les art. 15 et 18 dans le sens restrictif. La loi du 18 juin 1875 alla plus loin et abrogea purement et simplement les trois articles (V. Annuaire 1876, p. 308).
  5. V. la note ci-dessus.
  6. Loi prussienne du 9 mars 1874 et loi d’empire du 6 février 1876.
  7. Loi du 11 mars 1872 sur la surveillance des établissements d’instruction et d’éducation.
  8. Loi d’empire du 7 mai 1874 sur la presse.
  9. Loi du 11 mars 1850.
  10. Loi fédérale du 9 novembre 1867 sur le service militaire obligatoire. Loi d’empire du 12 février 1875 sur la landsturm.
  11. Loi d’empire du 2 mai 1874.
  12. Code pénal militaire de l’empire du 20 juin 1872.
  13. Une lettre du Roi à ses ministres, du 4 janvier 1882, revendique les droits de la couronne et établit la responsabilité des ministres à l’égard du souverain. Cette lettre a donné lieu à une discussion théorique au Landtag, le 24 janvier suivant.
  14. La Constitution de l’empire (art. 63 et suiv.) a placé le commandement suprême des armées allemandes entre les mains de l’empereur.
  15. La Constitution de l’empire a transféré ce droit à l’empereur (art. 4, no 3).
  16. Depuis que la Chambre des seigneurs n’est plus issue de l’élection (v. plus loin, art. 65), sa dissolution ne peut plus être prononcée.
  17. Cette loi n’a pas encore été faite.
  18. Sous réserve de la compétence du Reichstag allemand sur certaines matières législatives énumérées dans la Constitution de l’empire (art. 4).
  19. Les art. 65 à 68, relatifs à la composition de la première Chambre, ont été abrogés et remplacés par l’art. 1er de la loi du 7 mai 1853.
  20. Voici les principales dispositions de l’ordonnance du 12 octobre 1854 sur la composition de la première Chambre :

    Font partie de cette Chambre :

    A. Les princes de la maison royale que le Roi appelle à siéger à leur majorité.

    B. Les membres héréditaires. Cette dignité héréditaire appartient par droit de naissance aux chefs de certaines familles princières ou nobles ; elle est parfois aussi conférée à titre spécial par le Roi.

    C. Les membres à vie. Ils sont désignés par le Roi sur la liste des candidats présentés par les six classes suivantes : 1° Les chapitres désignés par l’ordonnance du 3 février 1847 pour être représentés à la Chambre des seigneurs ; – 2° la classe des comtes feudataires ; — 3° les grands propriétaires fonciers investis du droit de présentation ; — 4° les familles de propriété foncière ancienne et fortifiée ; — 5° les Universités ; — 6° les villes ayant le droit de présentation. D’autres membres à vie peuvent être nommés par le Roi en dehors de cette liste. — Pour siéger, les membres autres que les princes de la maison royale doivent être âgés de trente ans.

  21. Cette loi n’a pas encore été votée. Les élections à la Chambre des députés sont régies par l’ordonnance du 30 mai 1849 (v. plus loin, art. 115), mise successivement en vigueur dans les pays annexés depuis lors à la Prusse par diverses lois qui portent toutes cette réserve : « Jusqu’à la promulgation de la loi électorale annoncée par l’art. 72 de la Constitution. »
  22. V. ci-dessus, p. 168. note 3.
  23. Loi du 30 mars 1873.
  24. Le Code fédéral du 27 janvier 1877 sur l’organisation judiciaire (Reichsgerichtsverfassungsgesetz) a posé les bases d’une organisation commune à tout l’empire. Une loi prussienne du 24 avril 1878 (Ausführungsgesetz) a réglé l’application de ce Code à la Prusse (V. Annuaire 1879, p. 171).
  25. Code pénal de l’empire du 1er février 1877.
  26. Ordonnance du 1er août 1879 sur les conflits (Annuaire 1880, p. 190.)
  27. Loi du 27 mars 1872.
  28. Loi du 13 décembre 1872 sur l’organisation des cercles pour les provinces orientales. — Lois des 26 juin 1875 et 22 mars 1881 sur l’organisation provinciale dans les mêmes provinces. — Loi du 26 juillet 1880 sur l’organisation de l’administration générale, etc.
  29. Loi du 4 juin 1851 sur l’état de siège.
  30. Cette loi n’a pas encore été faite.
  31. V. p. 172, note 1.