Constitution du Grand-Duché de Luxembourg de 1848

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Luxembourg
(p. 1-26).
MÉMORIAL
LÉGISLATIF ET ADMINISTRATIF
DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG.

Actes Législatifs.

ORDONNANCE

CONSTITUTION DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG.

Nous GUILLAUME II, par la grâce de Dieu, Roi des Pays-Bas, Prince d’Orange-Nassau, Duc de Luxembourg, etc., etc., etc.,

Avons, de commun accord avec l’Assemblée des Etats, réunis en nombre double, conformément à l’article 52 de la Constitution d’États, du 12 octobre 1841, arrêté et arrêtons les dispositions suivantes qui formeront la Constitution du Grand-Duché de Luxembourg.

CHAPITRE Ier.

Art. 1er.

Le Grand-Duché de Luxembourg forme un État indépendant, indivisible et inaliénable ; il fait partie de la Confédération Germanique, d’après les traités existants ; les changements qui pourraient être faits à ces traités seront soumis à l’approbation de la Chambre.

Art. 2.

Les limites et chefs-lieux des arrondissements judiciaires ou administratifs, des cantons et des communes ne peuvent être changés qu’en vertu d’une loi.

Art. 3.

Les pouvoirs constitutionnels du Roi Grand-Duc sont héréditaires dans la famille de Sa Majesté GUILLAUME II, Frédéric-Georges-Louis, Prince d’Orange-Nassau, Roi des Pays-Bas, Grand-Duc de Luxembourg, conformément au pacte de la Maison de Nassau du 30 juin 1783, et à l’art. 71 du traité de Vienne du 9 juin 1815.

Art. 4.

La personne du Roi Grand-Duc est inviolable ; les membres du Gouvernement sont responsables.

Art. 5.

Le Grand-Duc de Luxembourg est majeur a l’âge de dix-huit ans accomplis.

Il ne prend possession du trône qu’après avoir solennellement prêté, dans le sein de la Chambre, ou entre les mains d’une députation nommée par elle, je serment suivant :

« Je jure d’observer la Constitution et les lois du Grand-Duché de Luxembourg, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire. »

Art. 6.

Si, à la mort du Roi Grand-Duc, son successeur est mineur, la Chambre se réunit au plus tard le vingtième jour à l’effet de pourvoir à la régence, et s’il y a lien, à la tutelle.

Art. 7.

Si le Roi Grand-Duc se trouve dans l’impossibilité de régner, le Gouvernement, après avoir fait constater cette impossibilité, convoque immédiatement la Chambre, qui pourvoit à la tutelle et à la régence.

Art. 8.

La régence ne peut être conférée qu’à une seule personne.

Le régent n’entre en fonctions qu’après avoir prêté le serment prescrit par l’article 5.

Art. 9.

En cas de vacance du trône, la Chambre pourvoit provisoirement à la régence.

Une nouvelle Chambre, convoquée eu nombre double dans le délai de trente jours, pourvoit définitivement à la vacance.

CHAPITRE II.

Des Luxembourgeois et de leurs Droits.

Art. 10.

La qualité de Luxembourgeois s’acquiert, se conserve et se perd d’après les règles déterminées par la loi civile. — La présente Constitution et les autres lois relatives aux droits politiques, déterminent quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l’exercice de ces droits.

Art. 11.

La naturalisation este accordée par le pouvoir législatif. Elle seule assimile l’étranger au Luxembourgeois, pour L’exercice des droits politiques.

La naturalisation accordée au père profite à son enfant mineur, si celui-ci déclare, dans les deux années de sa majorité, vouloir revendiquer ce bénéfice.

Art. 12.

Il n’y a dans l’État aucune distinction d’ordres, — Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi, pour des cas particuliers.

Art. 15.

La liberté individuelle est garantie. — Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu’elle prescrit. — Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu’en vertu de l’ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l’arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.

Art. 14.

Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne.

Art. 15.

Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi.

Art. 16.

Le domicile est inviolable. Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit.

Art. 17.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité.

Art. 18.

La peine de la confiscation des biens ne peut être établie.

Art. 19.

La peine de mort en matière politique, la mort civile et la flétrissure sont abolies.

Art. 20.

La liberté des cultes, celle de leur exercice public ainsi que la liberté de manifester ses opinions religieuses, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés.

Art. 21.

Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte ni d’en observer les jours de repos.

Art. 22.

Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale.

Art. 23.

L’intervention de l’État dans la nomination et l’installation des chefs des cultes, le mode de nomination et de révocation des autres ministres des cultes, la faculté pour les uns et les autres de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, ainsi que les rapports de l’Église avec l’État, font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre pour les dispositions qui nécessitent son intervention.

Art. 24.

L’État veille à ce que tout Luxembourgeois reçoive l’instruction primaire.

Il crée des établissements d’instruction moyenne et les cours d’enseignement supérieur nécessaires.

La loi détermine les moyens de subvenir à l’instruction publique, ainsi que les conditions de surveillance par le Gouvernement et les communes ; elle règle pour le surplus tout ce qui est relatif à renseignement.

Tout Luxembourgeois est libre de faire ses études dans le Grand-Duché ou à l’étranger et de fréquenter les universités de son choix, sauf les dispositions de la Foi sur les conditions d’admission aux emplois ou à l’exercice de certaines professions.

Art. 25.

La liberté de manifester ses opinons par la parole en toutes matières, et la liberté de la presse sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’exercice de ces libertés. — La censure ne pourra jamais être établie. Il ne peut être exigé de cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs. — Le droit de timbre des journaux et écrits périodiques indigènes est aboli. — L’éditeur, l’imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi si l’auteur est connu, s’il est Luxembourgeois et domicilié dans le Grand-Duché.

Art. 26.

Les Luxembourgeois ont le droit de s’assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui règlent l’exercice de ce droit, sans pouvoir le soumettre à une autorisation préalable. Cette disposition ne s’applique pas aux rassemblements en plein air, politiques, religieux ou autres ; ces rassemblements restent entièrement soumis aux lois et règlements de police.

Art. 27.

Les Luxembourgeois ont le droit de s’associer. Ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive.

L’établissement de toute corporation religieuse doit être autorisé par une loi.

Art. 28.

Chacun a le droit d’adresser aux autorités publiques, des pétitions signées par une ou plusieurs personnes. Les autorités constituées ont seules droit d’adresser des pétitions en nom collectif.

Art. 29.

Le secret des lettres est inviolable. — La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste.

Art. 30.

L’emploi des langues allemande et française est facultatif. L’usage n’en peut être faute.

Art. 31.

Nulle autorisation préalable n’est requise pour exercer des poursuites confite les fonctionnaires publics, pour faits de leur administration, sauf ce qui est statué à l’égard des membres du Gouvernement.

Art. 32.

Les fonctionnaires publics, à quelque ordre qu’ils appartiennent, les membres du Gouvernement exceptés, ne peuvent être privés de leurs fonctions, honneurs et pensions que de la manière déterminée par la loi.

CHAPITRE III.

Des Pouvoirs.

§ 1er. Pouvoirs du Roi Grand-Duc,

Art. 33.

Au Roi Grand-Duc appartient le pouvoir exécutif, tel qu’il est réglé par la Constitution.

Art. 34.

Le Roi Grand-Duc sanctionne et promulgue les lois ; il fait connaître sa résolution dans les trois mois du vote de la Chambre.

Art. 35.

Le Roi Grand-Duc nomme aux emplois civils et militaires, conformément à la loi, et sauf les exceptions établies par elle.

Aucune fonction salariée par l’État ne peut être créée qu’en vertu d’une disposition législative.

Art. 36.

Le Roi Grand-Duc fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution.

Art. 37.

Le Roi Grand-Duc commande la force militaire, déclare la guerre, fait les traités de paix, d’alliance et de commerce. Il en donne connaissance à la Chambre aussitôt que l’intérêt et la sûreté de l’État le permettent, en y joignant les communications convenables. — Les traités de commerce et ceux qui pourraient gréver l’État ou lier individuellement des Luxembourgeois, n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment de la Chambre, Le tout sans préjudice aux rapports du Grand-Duché avec la Confédération germanique. — Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une loi. Dans aucun cas, les articles secrets d’un traité ne peuvent être destructifs des articles patents.

Art. 38.

Le Roi Grand-Duc a le droit de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges, sauf ce qui est statué relativement aux membres du Gouvernement.

Art. 39.

Le Roi Grand-Duc a le droit de battre monnaie, en exécution de la loi.

Art 40.

Le Roi Grand-Duc a le droit de conférer des titres de noblesse, sans pouvoir jamais y attacher aucun privilège.

Art. 41.

Le Roi Grand-Duc confère les ordres civils et militaires en observant à cet égard ce que la loi prescrit.

Art. 42.

Le Roi Grand-Duc peut se faire représenter par un Prince du sang qui aura le titre de Lieutenant du Roi et résidera dans le Grand-Duché.

Ce représentant prêtera serment d’observer la Constitution avant d’exercer ses pouvoirs.

Art. 43.

La liste civile est fixée à cent mille francs par an. Elle peut être changée par la loi au commencement de chaque règne.

Art. 44.

L’Hôtel de Gouvernement à Luxembourg et le château de Walferdange sont affectés à l’habitation du Roi Grand-Duc pendant son séjour dans le pays,

Art. 45.

Le Roi Grand-Duc n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même.

Art. 46.

Aucun acte du Roi Grand-Duc ne peut avoir d’effet, s’il n’est contresigné par un membre du Gouvernement qui, par cela seul, s’en rend responsable.

§ 2e. Du pouvoir législatif.

Art. 47.

Le pouvoir législatif s’exerce collectivement par le Roi Grand-Duc et la Chambre.

Art. 48.

L’initiative appartient à chacune des deux branches du pouvoir législatif.

Art. 49.

L’interprétation des lois par voie d’autorité n’appartient qu’au pouvoir législatif.

§ 3e Pouvoir judiciaire.

Art. 50.

Le pouvoir judiciaire est exercé par les cours et tribunaux. — Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du Roi Grand-Duc.

CHAPITRE IV.

DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Art. 51.

Les membres de la Chambre représentent le pays. — Ils votent sans en référer à leurs commettants et ne peuvent avoir en vue que les intérêts généraux du Grand-Duché.

Art. 52.

La Chambre se compose des députés élus conformément à la loi électorale et dans la proportion d’un député au plus sur 3000 âmes de population.

Art. 53.

Pour être éligible, il faut :

1o Être Luxembourgeois de naissance ou être naturalisé ;

2o Jouir des droits civils et politiques ;

3o Être âgé de 25 ans accomplis ;

4o Être domicilié dans le Grand-Duché.

Pour être électeur il faut réunir aux quatre conditions qui précèdent, celles déterminées par la loi électorale.

Art. 54.

Ne peuvent être ni électeurs ni éligibles :

1o Les condamnés à des peines afflictives ou infamantes ;

2o Ceux qui ont été condamnés pour vol, escroquerie ou abus de confiance ;

3o Ceux qui obtiennent des secours d’un établissement de bienfaisance publique ;

4o Ceux qui sont en état de faillite déclarée, les banqueroutiers et interdits, et ceux auxquels il a été nommé un conseil judiciaire.

Art. 55.

Le mandat de député est incompatible :

1o Avec les fonctions de membre du Gouverment ;

2o Avec celles de magistrat du parquet ;

3o Avec celles de membre de la chambre des comptes ;

4o Avec celles de commissaire de district ;

5o Avec celles de receveur ou agent comptable de l’État ;

6o Avec les fonctions militaires au-dessous du grade de capitaine.

Les fonctionnaires se trouvant dans un cas d’incompatibilité ont le droit d’opter entre le mandat leur confié et leurs fonctions.

Art. 56 ;

Les incompatibilités prévues par l’article précédent ne font pas obstacle a ce que la loi n’en établisse d’autres dans l’avenir.

Art. 57.

Les membres de la Chambre sont élus pour six ans. Ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans, d’après l’ordre des séries déterminé par la loi électorale.

En cas de dissolution, la Chambre est renouvelée intégralement.

Art. 58.

La Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s’élèvent à ce sujet.

Art. 59.

Le membre de la Chambre, nommé par le Gouvernement à un emploi salarié qu’il accepte, cesse. immédiatement de siéger, et ne reprend ses fonctions qu’en vertu d’une nouvelle élection.

Art. 60.

Tout projet de l o i , avant d’être présenté à la Chambre, est soumis, sauf les cas d’urgence, à l’avis préalable d’une commission permanente de législation, composée de neuf membres, dont cinq sont nommés annuellement par la Chambre.

Le projet est adressé aux membres de la Chambre quinze jours au moins avant l’ouverture de la session avec les observations de la commission.

Le règlement de la Chambre détermine le mode d’exercice des attributions de la commission.

La Chambre peut décider, qu’à raison de son importance, une loi sera soumise à un second vote pendant une session subséquente à fixer par elle.

Art. 61.

A chaque session, la Chambre nomme son président, son vice-président et compose son bureau.

Art. 62.

Les séances de la Chambre sont publiques.

Néanmoins, elle se forme en comité secret sur la demande de son président ou de cinq : membres.

Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet.

Art. 63.

Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages. En cas de partage des voix, la proposition mise en délibération est rejetée.

La Chambre ne peut prendre de résolution qu’autant que la majorité de ses membres se trouve réunie.

Art. 64.

Les voles sont émis à haute voix, ou par assis et levé. Sut l’ensemble des lois, il est toujours voté par appel nominal et à haute voix.

Art. 65.

La Chambre a le droit d’enquête.

A cet effet elle peut nommer des commissions, chargées de s’entourer officiellement de renseignements dans l’intervalle des sessions.

Art. 66.

Un projet de loi ne peut être adopté par la Chambre qu’après avoir été voté article par article.

Art. 67.

La Chambre a le droit d’amender et de diviser les articles et les amendements proposés.

Art. 68.

Il est interdit de présenter en personne des pétitions à la Chambre.

La Chambre a le droit de renvoyer aux membres du Gouvernement les pétitions qui lui sont adressées. — Les membres du Gouvernement sont tenus de donner des explications sur leur contenu, chaque fois que la Chambre l’exige.

Art. 69.

Aucun député ne peut être poursuivi ou recherché à l’occasion des opinions et votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Art. 70.

Aucun député ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté en matière de répression, qu’avec l’autorisation de la Chambre, sauf le cas de flagrant délit. — Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un de ses membres, durant la session, qu’avec la même autorisation. — La détention ou la poursuite d’un député est suspendue pendant la session et pour toute sa durée, si la Chambre le requiert.

Art. 71.

La Chambre détermine, par son règlement, le mode suivant lequel elle exerce ses attributions.

Art. 72. Les séances de la Chambre sont tenues dans le lieu de la résidence de l’administration du Grand-Duché.

Art. 73.

La Chambre se réunit de plein droit, chaque année, le premier mardi du mois d’octobre, en session ordinaire. La session est ouverte et close par le Roi Grand-Duc en personne, ou bien, en son nom, par un fondé de pouvoirs nommé à cet effet.

Art. 74.

Le Roi Grand-Duc peut convoquer la Chambre, extraordinairement.

Art. 75.

Le Roi Grand-Duc peut ajourner la Chambre. Toutefois, l’ajournement ne peut excéder le terme d’un mois, ni être renouvelé dans la même session, sans l’assentiment de la Chambre.

Art. 76.

Le Roi Grand-Duc a le droit de dissoudre la Chambre. L’acte de dissolution contient convocation des électeurs dans les trente jours et convocation de la nouvelle Chambre dans les dix jours suivants.

Art. 77.

Il est alloué sur le trésor de l’État, à chaque député, à titre d’indemnité, une somme de cinq francs par jour de présence ou de déplacement. Ceux qui habitent la ville où se tient la session ne jouissent d’aucune indemnité.

CHAPITRE V.

Du Gouvernement du Grand-Duché.

Art. 78.

Le Gouvernement du Grand-Duché est composé de cinq membres au plus, qui prennent le titre d’Administrateurs généraux. Ils administrent le pays en se conformant aux Lois et règlements.

Art. 79.

Le Roi Grand-Duc nomme et révoque les membres du Gouvernement et choisit parmi eux un président.

Art. 80.

Les membres du Gouvernement sont individuellement responsables des actes posés par eux dans les services qui leur sont respectivement assignés. — Un règlement à soumettre à l’approbation de la première assemblée législative, détermine la répartition des services entre les membres du Gouvernement, le mode suivant lequel ils exercent leurs attributions et les cas dans lesquels ils délibèrent en collège.

Art. 81.

Il n’y a entre les membres du Gouverneraient et le Roi Grand-Duc aucune autorité intermédiaire.

Un secrétaire pour les affaires du Grand-Duché de Luxembourg est attaché au cabinet du Roi Grand-Duc.

Les attributions de ce fonctionnaire sont de contresigner les décisions royales et d’expédier les affaires du Grand-Duché.

Les décisions du Roi Grand-Duc sont consignées en double minute : l’une est déposée aux archives du Gouvernement à Luxembourg, l’autre reste au secrétariat.

Art. 82.

Les membres du Gouvernement ont leur entrée dans la Chambre, et doivent être entendus quand ils le demandent. La Chambre peut requérir leur présence.

Art. 83.

En aucun cas, l’ordre verbal ou écrit du Roi Grand-Duc ne peut soustraire un membre du Gouvernement à la responsabilité.

Art. 84.

La Chambre a le droit d’accuser les membres du Gouvernement. — Une loi déterminera les cas de responsabilité, les peines à infliger et le mode de procéder, soit sur l’accusation admise par la Chambre, soit sur la poursuite des parties lésées.

Art. 85.

Le Roi Grand-Duc ne peut faire grâce au membre du Gouvernement condamné, que sur la demande de la Chambre.

CHAPITRE VI.

De la Justice.

Art. 86.

Les contestations qui ont pour objet des droits civils, sont exclusivement du ressort des tribunaux.

Art. 87.

Les contestations qui ont pour objet des droits politiques, sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi.

Art. 88.

Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu’en vertu d’une loi. Il ne peut être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit.

Art. 89.

Il est pourvu par une loi à l’organisation d’une cour supérieure de justice.

Art. 90.

Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs, et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugeaient. — En matière de délits politiques et de presse, le huis-clos ne peut être prononcé qu’à l’unanimité.

Art. 91.

Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique.

Art. 92.

Le jury est établi au moins pour les crimes et délits politiques et pour délits de presse.

Art. 93.

Les juges de paix et les juges des tribunaux sont directement nommés par le Roi Grand-Duc. — Les conseillers de la cour et les présidents et vice-présidents des tribunaux d’arrondissements sont nommés le Roi Grand-Duc, sur l’avis de la Cour supérieure de justice.

Art. 94.

Les juges des tribunaux d’arrondissements et le conseillers sont nommés à vie. — Aucun d’eux ne peut être privé de sa place n i suspendu que par un jugement. — Le déplacement d’un de ces juges ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de son consentement.

Toutefois, en cas d’infirmité ou d’inconduite, il peut être suspendu, révoqué ou déplacé, suivant les conditions déterminées par la loi.

Art. 95.

Les traitements des membres de l’ordre judiciaire sont fixés par la loi.

Art. 96.

Aucun juge ne peut accepter du Gouvernement des fonctions salariées, à moins qu’il ne les exerce gratuitement, et sauf les cas d’incompatibilité déterminés par la loi.

Art. 97.

Des lois particulières règlent l’organisation de« tribunaux militaires, leurs attributions, les droits et obligations des membres de ces tribunaux, et la durée de leurs fonctions. — Il peut y avoir des tribunaux de commerce dans les lieux déterminés par la loi. Elle règle leur organisation, leurs attributions, le mode de nomination de leurs membres, et la durée des fonctions de ces derniers.

Art. 98.

La Cour supérieure de justice prononce sur les conflits d’attributions d’après le mode réglé par la loi.

Art. 99.

Les Cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois.

CHAPITRE VII.

De la Force publique.

Art. 100.

Tout ce qui concerne la force armée est réglé par la loi, sauf les obligations fédérales.

Art. 101.

L’organisation et les attributions de la gendarmerie font l’objet d’une loi.

Art. 102.

Il peut être formé une garde civique, dont l’organisation est réglée par la loi.

CHAPITRE VIII

Des finances.

Art. 103.

Aucun impôt au profit de l’État ne peut être établi que par une loi. — Aucune charge, aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal. — La loi détermine les exceptions dont l’expérience démontrera la nécessité, relativement aux impositions communales.

Art. 104.

Les impôts au profit de l’État sont votés annuellement. — Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an si elles ne sont renouvelées.

Art. 105.

Il ne peut être établi de privilége en matière d’impôts. Nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi.

Art. 106.

Hors les cas formellement exceptés par la loi, aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens ou des établissements publics qu’à titre d’impôt au profit de l’État ou de la commune.

Art. 107.

Aucune pension, aucun traitement d’attente, aucune gratification à la charge du trésor ne peuvent être accordés qu’en vertu de la loi.

Art. 108.

Chaque année, la Chambre arrête la loi des comptes et vote le budget. — Toutes les recettes et dépenses de l’État doivent être portées au budget et dans les comptes.

Art. 109.

Une Chambre des comptes est chargée de l’examen et de la liquidation des comptes de l’administration générale et de tous les comptables envers le trésor public.

La loi règle son organisation, l’exercice de ses attributions et le mode de nomination de ses membres.

La chambre des comptes veille à ce qu’aucun article de dépenses du budget ne soit dépassé.

Aucun transfert d’une section du (…) l’autre ne peut être effectué qu’en vertu d’(…)

Cependant les membres du Gouvernement peuvent opérer, dans leurs services, des transferts d’excédants d’un article à l’autre dans la même section, à charge d’en justifier devant la Chambre.

La chambre des comptes arrête les comptes des différentes administrations de l’État et est chargée de recueillir à cet effet tout renseignement et toute pièce comptable nécessaire. Le compte général de l’État est soumis à la Chambre des députés avec les observations de la chambre des comptes.

Art. 110.

Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à charge de l’État et réglés par la loi.

CHAPITRE IX.

Des communes.

Art. 111.

Les institutions communales sont réglées par la loi. — Cette loi consacre l’application des principes suivants : — 1o l’élection directe, sauf les exceptions que la loi peut établir à l’égard des chefs des administrations communales ; — 2o l’attribution aux conseils communaux de tout ce qui est d’intérêt communal, sans préjudice de l’approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine ; — 3o la publicité des séances des conseils communaux dans les limites établies par la loi ; — 4o la publicité des budgets et des comptes ; — 5o l’intervention du Roi Grand-Duc ou du pouvoir législatif, pour empêcher que les conseils communaux ne sortent de leurs attributions et ne blessent l’intérêt général.

Art. 112.

La rédaction des actes de l’état civil et la tenue des registres sont exclusivement dans les attributions des autorités communales.

CHAPITRE X.

Dispositions générales.

Art. 113.

La ville de Luxembourg est la capitale du Grand-Duché et le siége du Gouvernement. — Le siége du Gouvernement ne peut être déplacé que momentanément pour des raisons graves.

Art. 114.

Aucun serment ne peut être imposé qu’en vertu de la loi ; elle en détermine la formule.

Cependant les membres de la Chambre et tout fonctionnaire public, civil ou militaire, prêtent serment à la Constitution.

Art. 115.

Tout étranger qui se trouve sur le territoire du Grand-Duché, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi.

Art. 116.

Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration générale ou communale, n’est obligatoire, qu’après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi.

Art. 117.

La Constitution ne peut être suspendue en tout ni en partie.

Art. 118.

Le pouvoir législatif a le droit de déclarer qu’il y a lieu à la révision de telle disposition constitution elle qu’il désigne. — Après celte déclaration, la Chambre est dissoute de plein droit. — Il en sera convoqué une nouvelle, conformément à l’art. 76. Cette Chambre statue, de commun accord avec le Roi Grand-Duc, sur les points soumis à la révision. — Dans ce cas la Chambre ne pourra délibérer, si trois quarts au moins des membres qui composent, ne sont présents ; et nul changement ne sera adopté, s’il ne réunit au moins les deux tiers des suffrages.

Art. 119.

Aucun changement à la Constitution ne peut être fait pendant une régence.

CHAPITRE XI.

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET SUPPLÉMENTAIRES.

Art. 120.

Jusqu’à ce qu’il y soit pourvu par une loi, la Chambre aura un pouvoir discrétionnaire, pour accuser un membre du Gouvernement, et la Cour supérieure, en assemblée générale, le jugera, en caractérisant le délit et en déterminant la peine. — Néanmoins, la peine ne pourra excéder celle de la réclusion, sans préjudice des cas expressément prévus par les lois pénales.

Les conseillers de la Cour faisant partie de la Chambre, s’abstiendront de toute participation à la procédure et au jugement.

Art. 121.

A compter du jour où la Constitution sera exécutoire, toutes les lois, tous les décrets, arrêtés, règlements et autres actes qui y sont contraires, sont abrogés.

Art. 122.

La peine de mort, abolie en matière politique, est remplacée par la peine immédiatement inférieure, jusqu’à ce qu’il y soit statué par la loi nouvelle.

Art. 123.

En attendant la conclusion des conventions prévues à l’art. 25, les dispositions actuelles relatives aux cultes restent en vigueur.

Art. 124.

Jusqu’à la promulgation des lois et règlements prévus aux art. 32, 60, 92 et 109, les lois et règlements actuellement en vigueur, continuent à être appliqués.

Art. 125.

Dans les trois mois de la promulgation de la présente Constitution, tous les conseils communaux du Grand-Duché seront renouvelés conformément à la loi électorale nouvelle.

Art. 126.

La Constitution d’États du 12 octobre 4841 est abolie.

Toutes les autorités conservent et exercent leurs attributions, jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, conformément à la Constitution.

Art. 127.

Les États déclarent qu’il est nécessaire de pourvoir, par des lois séparées, et dans le plus court délai possible, aux objets suivants ;

I. Révision du système des impôts ;

II. Révision de la loi sur les chemins vicinaux, de celle de l’instruction primaire, de la loi Communal ; de la loi sur les pensions, de la liste des pensions et des traitements d’attente ;

III. Législation militaire ;

IV. La presse ;

V. Le jury ;

VI. Responsabilité des membres du Gouvernement ;

VII. Code forestier et rural ;

VIII. Le notariat ;

IX. Le cumul ;

X. Expropriation pour cause d’utilité publique ;

XI. Faillite et sursis ; XII. Révision des dispositions sur les collectes à domicile.

Signé en double et scellé de Notre sceau Royal Grand-Ducal.

À La Haye, le 9 juillet 1800 quarante-huit.

GUILLAUME.

Par le Roi Grand-Duc :

Le Conseiller à la Cour supérieure de justice, chargé de la direction intérimaire de la chancellerie d’État,

WURTH-PAQUET.