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Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874

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Chancellerie fédérale suisse
(p. 4-39).
AU NOM DE DIEU TOUT PUISSANT !
LA CONFÉDÉRATION SUISSE,

Voulant, affermir l’alliance des Confédérés, maintenir et accroître l’unité, la force et l’honneur de la Nation suisse, a adopté la Constitution fédérale suivante :

CONSTITUTION FÉDÉRALE
DE LA
CONFÉDÉRATION SUISSE.

Chapitre premier.

Dispositions générales.

Article premier.

Les peuples des vingt-deux Cantons souverains de la Suisse, unis par la présente alliance, savoir : Zurich, Berne, Lucerne, Uri, Schwys, Unterwalder (le Haut et le Bas), Glaris, Zoug, Fribourg, Soleure, Bâle (Ville et Campagne), Schaffhouse, Appenzell (les deux Rhodes), St Gall, Grisons, Argovie, Thurgovie, Tessin, Vaud, Valais, Neuchâtel et Genève, forment dans leur ensemble la Confédération suisse.

Article 2.

La Confédération a pour but d’assurer l’indépendance de la patrie contre l’étranger, de maintenir la tranquillité et l’ordre à l’intérieur, de protéger la liberté et les droits des Confédérés et d’accroître leur prospérité commune.

Article 3.

Les Cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale, et, comme tels, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral.

Article 4.

Tous les Suisses sont égaux devant la loi. Il n’y a en Suisse ni sujets, ni privilèges de lieu, de naissance, de personnes ou de familles.

Article 5.

La Confédération garantit aux Cantons leur territoire, leur souveraineté dans les limites fixées par l’article 3, leurs Constitutions, la liberté et les droits du peuple, les droits constitutionnels des citoyens, ainsi que les droits et les attributions que le peuple a conférés aux autorités.

Article 6.

Les Cantons sont tenus de demander à la Confédération la garantie de leurs Constitutions. Cette garantie est accordée, pourvu :

a. Que ces Constitutions ne renferment rien de contraire aux dispositions de la Constitution fédérale ;

b. Qu’elles assurent l’exercice des droits politiques d’après des formes républicaines, — représentatives ou démocratiques ;

c. Qu’elles aient été acceptées par le peuple et qu’elles puissent être révisées lorsque la majorité absolue des citoyens le demande.

Article 7.

Toute alliance particulière et tout traité d’une nature politique entre Cantons sont interdits.

En revanche, les Cantons ont le droit de conclure entre eux des conventions sur des objets de législation, d’administration ou de justice ; toutefois, ils doivent les porter à la connaissance de l’autorité fédérale, laquelle, si ces conventions renferment quelque chose de contraire à la Confédération ou aux droits des autres Cantons, est autorisée à en empêcher l’exécution. Dans le cas contraire, les Cantons contractants sont autorisés à réclamer pour l’exécution la coopération des autorités fédérales.

Article 8.

La Confédération a seule le droit de déclarer la guerre et de conclure la paix, ainsi que de faire avec les États étrangers des alliances et des traités, notamment des traités de péage (douanes) et de commerce.

Article 9.

Exceptionnellement, les Cantons conservent le droit de conclure avec les États étrangers des traités sur des objets concernant l’économie publique, les rapports de voisinage et de police ; néanmoins ces traités ne doivent rien contenir de contraire à la Confédération ou aux droits d’autres Cantons.

Article 10.

Les rapports officiels entre les Cantons et les Gouvernements étrangers ou leurs représentants ont lieu par l’intermédiaire du Conseil fédéral.

Toutefois, les Cantons peuvent correspondre directement avec les autorités inférieures et les employés d’un État étranger, lorsqu’il s’agit des objets mentionnés à l’article précédent.

Article 11.

Il ne peut être conclu de capitulations militaires.

Article 12.

Les membres des autorités fédérales, les fonctionnaires civils et militaires de la Confédération, et les représentants ou les commissaires fédéraux ne peuvent recevoir d’un Gouvernement étranger ni pensions ou traitements, ni titres, présents ou décorations.

S’ils sont déjà en possession de pensions, de titres ou de décorations, ils devront renoncer à jouir de leurs pensions et à porter leurs titres et leurs décorations pendant la durée de leurs fonctions.

Toutefois les employés inférieurs peuvent être autorisés par le Conseil fédéral à recevoir leurs pensions.

On ne peut, dans l’armée fédérale, porter ni décoration ni titre accordés par un gouvernement étranger.

Il est interdit à tout officier, sous-officier ou soldat d’accepter des distinctions de ce genre.

Article 13.

La Confédération n’a pas le droit d’entretenir des troupes permanentes.

Nul Canton ou demi-Canton ne peut avoir plus de 300 hommes de troupes permanentes, sans l’autorisation du pouvoir fédéral ; la gendarmerie n’est pas comprise dans ce nombre.

Article 14.

Des différends venant à s’élever entre Cantons, les États s’abstiendront de toute voie de fait et de tout armement. Ils se soumettront à la décision qui sera prise sur ces différends conformément aux prescriptions fédérales.

Article 15.

Dans le cas d’un danger subit provenant du dehors, le Gouvernement du Canton menacé doit requérir le secours des États confédérés et en aviser immédiatement l’autorité fédérale, le tout sans préjudice des dispositions qu’elle pourra prendre. Les Cantons requis sont tenus de prêter secours. Les frais sont supportés par la Confédération.

Article 16.

En cas de troubles à l’intérieur, ou lorsque le danger provient d’un autre Canton, le Gouvernement du Canton menacé doit en aviser immédiatement le Conseil fédéral, afin qu’il puisse prendre les mesures nécessaires dans les limites de sa compétence (article 102, chiffres 3, 10 et 11) ou convoquer l’Assemblée fédérale. Lorsqu’il y a urgence, le Gouvernement est autorisé, en avertissant immédiatement le Conseil fédéral, à requérir le secours d’autres États confédérés, qui sont tenus de le prêter.

Lorsque le Gouvernement est hors d’état d’invoquer le secours, l’autorité fédérale compétente peut intervenir sans réquisition ; elle est tenue de le faire lorsque les troubles compromettent la sûreté de la Suisse.

En cas d’intervention, les autorités fédérales veillent à l’observation des dispositions prescrites à l’article 5.

Les frais sont supportés par le Canton qui a requis l’assistance ou occasionné l’intervention, à moins que l’Assemblée fédérale n’en décide autrement, en considération de circonstances particulières.

Article 17.

Dans les cas mentionnés aux deux articles précédents, chaque Canton est tenu d’accorder libre passage aux troupes. Celles-ci seront immédiatement placées sous le commandement fédéral.

Article 18.

Tout Suisse est tenu au service militaire.

Les militaires qui, par le fait du service fédéral, perdent la vie ou voient leur santé altérée d’une manière permanente, ont droit à des secours de la Confédération, pour eux ou pour leur famille, s’ils sont dans le besoin.

Chaque soldat reçoit gratuitement ses premiers effets d’armement, d’équipement et d’habillement. L’arme reste en mains du soldat aux conditions qui seront fixées par la législation fédérale.

La Confédération édictera des prescriptions uniformes sur la taxe d’exemption du service militaire.

Article 19.

L’armée fédérale est composée :

a. des corps de troupes des Cantons ;

b. de tous les Suisses qui, n’appartenant pas à ces corps, sont néanmoins astreints au service militaire.

Le droit de disposer de l’armée, ainsi que du matériel de guerre prévu par la loi, appartient à la Confédération.

En cas de danger, la Confédération a aussi le droit de disposer exclusivement et directement des hommes non incorporés dans l’armée fédérale et de toutes les autres ressources militaires des Cantons.

Les Cantons disposent des forces militaires de leur territoire, pour autant que ce droit n’est pas limité par la Constitution ou les lois fédérales.

Article 20.

Les lois sur l’organisation de l’armée émanent de la Confédération. L’exécution des lois militaires dans les Cantons a lieu par les autorités cantonales, dans les limites qui seront fixées par la législation fédérale et sous la surveillance de la Confédération.

L’instruction militaire dans son ensemble appartient à la Confédération, il en est de même de l’armement.

La fourniture et l’entretien de l’habillement et de l’équipement restent dans la compétence cantonale ; toutefois, les dépenses qui en résultent sont bonifiées aux Cantons par la Confédération, d’après une règle à établir par la législation fédérale.

Article 21.

À moins que des considérations militaires ne s’y opposent, les corps doivent être formes de troupes d’un même Canton.

La composition de ces corps de troupes, le soin du maintien de leur effectif, la nomination et la promotion des officiers de ces corps appartiennent aux Cantons sous réserve des prescriptions générales qui leur seront transmises par la Confédération.

Article 22.

Moyennant une indemnité équitable, la Confédération a le droit de se servir ou de devenir propriétaire des places d’armes et des bâtiments ayant une destination militaire qui existent dans les Cantons, ainsi que de leurs accessoires.

Les conditions de l’indemnité seront réglées par la législation fédérale.

Article 23.

La Confédération peut ordonner à ses frais ou encourager par des subsides les travaux publics qui intéressent la Suisse ou une partie considérable du pays.

Dans ce but, elle peut ordonner l’expropriation moyennant une juste indemnité. La législation fédérale statuera les dispositions ultérieures sur cette matière.

L’Assemblée fédérale peut interdire les constructions publiques qui porteraient atteinte aux intérêts militaires de la Confédération.

Article 24.

La Confédération a le droit de haute surveillance sur la police des endiguements et des forêts dans les régions élevées.

Elle concourra à la correction et à l’endiguement des torrents, ainsi qu’au reboisement des régions où ils prennent leur source. Elle décrétera les mesures nécessaires pour assurer l’entretien de ces ouvrages et la conservation des forêts existantes.

Article 25.

La Confédération a le droit de statuer des dispositions législatives pour régler l’exercice de la pêche et de la chasse, principalement en vue de la conservation du gros gibier dans les montagnes, ainsi que pour protéger les oiseaux utiles à l’agriculture et à la sylviculture.

Article 26.

La législation sur la construction et l’exploitation des chemins de fer est du domaine de la Confédération.

Article 27.

La Confédération a le droit de créer, outre l’École polytechnique existante, une Université fédérale et d’autres établissements d’instruction supérieure ou de subventionner des établissements de ce genre.

Les Cantons pourvoient à l’instruction primaire, qui doit être suffisante et placée exclusivement sous la direction de l’autorité civile. Elle est obligatoire et, dans les écoles publiques, gratuite.

Les écoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les adhérents de toutes les confessions, sans qu’ils aient à souffrir d’aucune façon dans leur liberté de conscience ou de croyance.

La Confédération prendra les mesures nécessaires contre les Cantons qui ne satisferaient pas à ces obligations.

Article 28.

Ce qui concerne les péages relève de la Confédération. Celle-ci peut percevoir des droits d’entrée et des droits de sortie.

Article 29.

La perception des péages fédéraux sera réglée conformément aux principes suivants :

1. Droits sur l’importation :

a. Les matières nécessaires à l’industrie et à l’agriculture du pays seront taxées aussi bas que possible.

b. Il en sera de même des objets nécessaires à la vie.

c. Les objets de luxe seront soumis aux taxes les plus élevées.

À moins d’obstacles majeurs, ces principes devront aussi être observés lors de la conclusion de traités de commerce avec l’étranger.

2. Les droits sur l’exportation seront aussi modérés que possible.

3. La législation des péages contiendra des dispositions propres à assurer le commerce frontière et sur les marchés.

Les dispositions ci-dessus n’empêchent point la Confédération de prendre temporairement des mesures exceptionnelles dans les circonstances extraordinaires.

Article 30.

Le produit des péages appartient à la Confédération.

Les indemnités payées jusqu’à présent aux Cantons pour le rachat des péages, des droits de chaussée et de pontonage, des droits de douane et d’autres émoluments semblables, sont supprimées.

Les Cantons d’Uri, des Grisons, du Tessin et du Valais reçoivent, par exception et à raison de leurs routes alpestres internationales, une indemnité annuelle dont, en tenant compte de toutes les circonstances, le chiffre est fixé comme suit :

Uri fr. 80 000
Grisons fr. 200 000
Tessin fr. 200 000
Valais fr. 50 000

Les Cantons d’Uri et du Tessin recevront en outre, pour le déblaiement des neiges sur la route du St-Gothard, une indemnité annuelle totale de fr. 40000, aussi longtemps que cette route ne sera pas remplacée par un chemin de fer.

Article 31.

La liberté de commerce et d’industrie est garantie dans toute l’étendue de la Confédération.

Sont réservés :

a. La régale du sel et de la poudre de guerre, les péages fédéraux, les droits d’entrée sur les vins et les autres boissons spiritueuses, ainsi que les autres droits de consommation formellement reconnus par la Confédération, à teneur de l’article 32.

b. Les mesures de police sanitaire contre les épidémies et les épizooties.

c. Les dispositions touchant l’exercice des professions commerciales et industrielles, les impôts qui s’y rattachent et la police des routes.

Ces dispositions ne peuvent rien renfermer de contraire au principe de la liberté de commerce et d’industrie.

Article 32.

Les Cantons sont autorisés à percevoir les droits d’entrée sur les vins et les autres boissons spiritueuses prévus à l’article 31, lettre a, toutefois sous les restrictions suivantes :

a. La perception de ces droits d’entrée ne doit nullement grever le transit ; elle doit gêner le moins possible le commerce, qui ne peut être frappé d’aucune autre taxe.

b. Si les objets importés pour la consommation sont réexportés du Canton, les droits payés pour l’entrée sont restitués sans qu’il en résulte d’autres charges.

c. Les produits d’origine suisse seront moins imposés que ceux de l’étranger.

d. Les droits actuels d’entrée sur les vins et les autres boissons spiritueuses d’origine suisse ne pourront être haussés par les Cantons où il en existe. Il n’en pourra être établi sur ces produits par les Cantons qui n’en perçoivent pas actuellement.

e. Les lois et les arrêtés des Cantons sur la perception des droits d’entrée sont, avant leur mise à exécution, soumis à l’approbation de l’autorité fédérale, afin qu’elle puisse, au besoin, faire observer les dispositions qui précèdent.

Tous les droits d’entrée perçus actuellement par les Cantons, ainsi que les droits analogues perçus par les communes, doivent disparaître sans indemnité à l’expiration de l’année 1890.

Article 33.

Les Cantons peuvent exiger des preuves de capacité de ceux qui veulent exercer des professions libérales.

La législation fédérale pourvoit à ce que ces derniers puissent obtenir à cet effet des actes de capacité valables dans toute la Confédération.

Article 34.

La Confédération a le droit de statuer des prescriptions uniformes sur le travail des enfants dans les fabriques, sur la durée du travail qui pourra y être imposé aux adultes, ainsi que sur la protection à accorder aux ouvriers contre l’exercice des industries insalubres et dangereuses.

Les opérations des agences d’émigration et des entreprises d’assurance non instituées par l’État sont soumises à la surveillance et à la législation fédérales.

Article 35.

Il est interdit d’ouvrir des maisons de jeu. Celles qui existent actuellement seront fermées le 31 décembre 1877.

Les concessions qui auraient été accordées ou renouvelées depuis le commencement de l’année 1871 sont déclarées nulles.

La Confédération peut aussi prendre les mesures nécessaires concernant les loteries.

Article 36.

Dans toute la Suisse, les postes et les télégraphes sont du domaine fédéral.

Le produit des postes et des télégraphes appartient à la caisse fédérale.

Les tarifs seront fixés d’après les mêmes principes et aussi équitablement que possible dans toutes les parties de la Suisse.

L’inviolabilité du secret des lettres et des télégrammes est garantie.

Article 37.

La Confédération exerce la haute surveillance sur les routes et les ponts dont le maintien l’intéresse.

Les sommes dues aux Cantons désignés à l’article 30, à raison de leurs routes alpestres internationales, seront retenues par l’autorité fédérale si ces routes ne sont pas convenablement entretenues par eux.

Article 38.

La Confédération exerce tous les droits compris dans la régale des monnaies.

Elle a seule le droit de battre monnaie.

Elle fixe le système monétaire et peut édicter, s’il y a lieu, des prescriptions sur la tarification de monnaies étrangères.

Article 39.

La Confédération a le droit de décréter par voie législative des prescriptions générales sur l’émission et le remboursement des billets de banque.

Elle ne peut cependant créer aucun monopole pour l’émission des billets de banque, ni décréter l’acceptation obligatoire de ces billets.

Article 40.

La Confédération détermine le système des poids et mesures.

Les Cantons exécutent, sous la surveillance de la Confédération, les lois concernant cette matière.

Article 41.

La fabrication et la vente de la poudre de guerre dans toute la Suisse appartiennent exclusivement à la Confédération.

Les compositions minières impropres au tir ne sont point comprises dans la régale des poudres.

Article 42.

Les dépenses de la Confédération sont couvertes :

a. Par le produit de la fortune fédérale ;

b. Par le produit des péages fédéraux perçus à la frontière suisse ;

c. Par le produit des postes et des télégraphes ;

d. Par le produit de la régale des poudres ;

e. Par la moitié du produit brut de la taxe sur les exempti ns militaires perçue par les Cantons ;

f. Par les contributions des Cantons, que réglera la législation fédérale, en tenant compte surtout de leur richesse et de leurs ressources imposables.

Article 43.

Tout citoyen d’un Canton est citoyen suisse.

Il peut, à ce titre, prendre part, au lieu de son domicile, à toutes les élections et votations en matière fédérale, après avoir dûment justifié de sa qualité d’électeur.

Nul ne peut exercer des droits politiques dans plus d’un Canton.

Le Suisse établi jouit, au lieu de son domicile, de tous les droits des citoyens du Canton et, avec ceux-ci, de tous les droits des bourgeois de la commune. La participation aux biens des bourgeoisies et des corporations et le droit de vote dans les affaires purement bourgeoisiales sont exceptés de ces droits, à moins que la législation cantonale n’en décide autrement.

En matière cantonale et communale il devient électeur après un établissement de trois mois.

Les lois cantonales sur l’établissement et sur les droits électoraux que possèdent en matière communale les citoyens établis sont soumises à la sanction du Conseil fédéral.

Article 44.

Aucun Canton ne peut renvoyer de son territoire un de ses ressortissants, ni le priver du droit d’origine ou de cité.

La législation fédérale déterminera les conditions auxquelles les étrangers peuvent être naturalisés, ainsi que celles auxquelles un Suisse peut renoncer à sa nationalité pour obtenir la naturalisation dans un pays étranger.

Article 45.

Tout citoyen suisse a le droit de s’établir sur un point quelconque du territoire suisse, moyennant la production d’un acte d’origine ou d’une autre pièce analogue.

Exceptionnellement, l’établissement peut être refusé ou retiré à ceux qui, par suite d’un jugement pénal, ne jouissent pas de leurs droits civiques.

L’établissement peut être de plus retiré à ceux qui ont été à réitérées fois punis pour des délits graves, comme aussi à ceux qui tombent d’une manière permanente à la charge de la bienfaisance publique et auxquels leur commune, soit leur Canton d’origine, refuse une assistance suffisante après avoir été invitée officiellement à l’accorder.

Dans les Cantons où existe l’assistance au domicile, l’autorisation de s’établir peut être subordonnée, s’il s’agit de ressortissants du Canton, à la condition qu’ils soient en état de travailler et qu’ils ne soient pas tombés, à leur ancien domicile dans le Canton d’origine, d’une manière permanente à la charge de la bienfaisance publique.

Tout renvoi pour cause d’indigence doit être ratifié par le Gouvernement du Canton du domicile et communiqué préalablement au Gouvernement du Canton d’origine.

Le Canton dans lequel un Suisse établit son domicile ne peut exiger de lui un cautionnement, ni lui imposer aucune charge particulière pour cet établissement. De même, les communes ne peuvent imposer aux Suisses domiciliés sur leur territoire d’autres contributions que celles qu’elles imposent à leurs propres ressortissants.

Une loi fédérale fixera le maximum de l’émolument de chancellerie à payer pour obtenir un permis d’établissement.

Article 46.

Les personnes établies en Suisse sont soumises, dans la règle, à la juridiction et à la législation du lieu de leur domicile en ce qui concerne les rapports de droit civil.

La législation fédérale statuera les dispositions nécessaires en vue de l’application de ce principe, et pour empêcher qu’un citoyen ne soit imposé à double.

Article 47.

Une loi fédérale déterminera la différence entre l’établissement et le séjour et fixera en même temps les règles auxquelles seront soumis les Suisses en séjour quant à leurs droits politiques et à leurs droits civils.

Article 48.

Une loi fédérale statuera les dispositions nécessaires pour régler ce qui concerne les frais de maladie et de sépulture des ressortissants pauvres d’un Canton tombés malades ou décédés dans un autre Canton.

Article 49.

La liberté de conscience et de croyance est inviolable.

Nul ne peut être contraint de faire partie d’une association religieuse, de suivre un enseignement religieux, d’accomplir un acte religieux, ni encourir des peines, de quelque nature qu’elles soient, pour cause d’opinion religieuse.

La personne qui exerce l’autorité paternelle ou tutélaire a le droit de disposer, conformément aux principes ci-dessus, de l’éducation religieuse des enfants jusqu’à l’âge de 16 ans révolus.

L’exercice des droits civils ou politiques ne peut être restreint par des prescriptions ou des conditions de nature ecclésiastique ou religieuse, quelles qu’elles soient.

Nul ne peut, pour cause d’opinion religieuse, s’affranchir de l’accomplissement d’un devoir civique.

Nul n’est tenu de payer des impôts dont le produit est spécialement affecté aux frais proprement dits du culte d’une communauté religieuse à laquelle il n’appartient pas. L’exécution ultérieure de ce principe reste réservée à la législation fédérale.

Article 50.

Le libre exercice des cultes est garanti dans les limites. compatibles avec l’ordre public et les bonnes mœurs.

Les Cantons et la Confédération peuvent prendre les mesures nécessaires pour le maintien de l’ordre public et de la paix entre les membres des diverses communautés religieuses, ainsi que contre les empiétements des autorités ecclésiastiques sur les droits des citoyens et de l’État.

Les contestations de droit public ou de droit privé auxquelles donne lieu la création de communautés religieuses ou une scission de communautés religieuses existantes, peuvent être portées par voie de recours devant les autorités fédérales compétentes.

Il ne peut être érigé d’évêchés sur le territoire suisse sans l’approbation de la Confédération.

Article 51.

L’ordre des Jésuites et les sociétés qui lui sont affiliées ne peuvent être reçus dans aucune partie de la Suisse, et toute action dans l’Église et dans l’École est interdite à leurs membres.

Cette interdiction peut s’étendre aussi, par voie d’arrêté fédéral, à d’autres ordres religieux dont l’action est dangereuse pour l’État ou trouble la paix entre les confessions.

Article 52.

Il est interdit de fonder de nouveaux couvents on ordres religieux et de rétablir ceux qui ont été supprimés.

Article 53.

L’état civil et la tenue des registres qui s’y rapportent est du ressort des autorités civiles. La législation fédérale statuera à ce sujet les dispositions ultérieures.

Le droit de disposer des lieux de sépulture appartient à l’autorité civile. Elle doit pourvoir à ce que toute personne décédée puisse être enterrée décemment.

Article 54.

Le droit au mariage est placé sous la protection de la Confédération.

Aucun empêchement au mariage ne peut être fondé sur des motifs confessionnels, sur l’indigence de l’un ou de l’autre des époux, sur leur conduite ou sur quelque autre motif de police que ce soit.

Sera reconnu comme valable dans toute la Confédération le mariage conclu dans un Canton ou à l’étranger, conformément à la législation qui y est en vigueur.

La femme acquiert par le mariage le droit de cité et de bourgeoisie de son mari.

Les enfants nés avant le mariage sont légitimés par le mariage subséquent de leurs parents.

Il ne peut être perçu aucune finance d’admission ni aucune taxe semblable de l’un ou de l’autre époux.

Article 55.

La liberté de la presse est garantie.

Toutefois les lois cantonales statuent les mesures nécessaires à la répression des abus ; ces lois sont soumises à l’approbation du Conseil fédéral.

La Confédération peut aussi statuer des peines pour réprimer les abus dirigés contre elle ou ses autorités.

Article 56.

Les citoyens ont le droit de former des associations, pourvu qu’il n’y ait dans le but de ces associations ou dans les moyens qu’elles emploient rien d’illicite ou de dangereux pour l’État. Les lois cantonales statuent les mesures nécessaires à la répression des abus.

Article 57.

Le droit de pétition est garanti.

Article 58.

Nul ne peut être distrait de son juge naturel. En conséquence, il ne pourra être établi de tribunaux extraordinaires.

La juridiction ecclésiastique est abolie.

Article 59.

Pour réclamations personnelles, le débiteur solvable ayant domicile en Suisse doit être recherche devant le juge de son domicile ; ses biens ne peuvent en conséquence être saisis ou séquestrés hors du Canton où il est domicilié, en vertu de réclamations personnelles.

Demeurent réservées, en ce qui concerne les étrangers, les dispositions des traités internationaux.

La contrainte par corps est abolie.

Article 60.

Tous les Cantons sont obligés de traiter les citoyens des autres États confédérés comme ceux de leur État en matière de législation et pour tout ce qui concerne les voies juridiques.

Article 61.

Les jugements civils définitifs rendus dans un Canton sont exécutoires dans toute la Suisse.

Article 62.

La traite foraine est abolie dans l’intérieur de la Suisse, ainsi que le droit de retrait des citoyens d’un Canton contre ceux d’autres États confédérés.

Article 63.

La traite foraine à l’égard des pays étrangers est abolie sous réserve de réciprocité.

Article 64.

La législation :

sur la capacité civile,
sur toutes les matières du droit se rapportant au commerce et aux transactions mobilières (droit des obligations, y compris le droit commercial et le droit de change),
sur la propriété littéraire et artistique,
sur la poursuite pour dettes et la faillite,

est du ressort de la Confédération.

L’administration de la justice reste aux Cantons, sous réserve des attributions du Tribunal fédéral.

Article 65.

La peine de mort est abolie.

Sont réservées toutefois les dispositions du code pénal militaire, en temps de guerre.

Les peines corporelles sont abolies.

Article 66.

La législation fédérale fixe les limites dans lesquelles un citoyen suisse peut être privé de ses droits politiques.

Article 67.

La législation fédérale statue sur l’extradition des accusés d’un Canton à l’autre ; toutefois l’extradition ne peut être rendue obligatoire pour les délits politiques et ceux de la presse.

Article 68.

Les mesures à prendre pour incorporer les gens sans patrie (Heimathlosen) et pour empêcher de nouveaux cas de ce genre, sont réglées par la loi fédérale.

Article 69.

La législation concernant les mesures de police sanitaire contre les épidémies et les épizooties qui offrent un danger général, est du domaine de la Confédération.

Article 70.

La Confédération a le droit de renvoyer de son territoire les étrangers qui compromettent la sureté intérieure ou extérieure de la Suisse.

Chapitre II.

Autorités fédérales.

I. Assemblée fédérale.

Article 71.

Sous réserve des droits du peuple et des Cantons (articles 89 et 121), l’autorité suprême de la Confédération est exercé par l’Assemblée fédérale, qui se compose de deux Sections ou Conseils, savoir :

A. le Conseil national ;
B. le Conseil des États.

A. Conseil national.

Article 72.

Le Conseil national se compose des députés du peuple suisse, élus à raison d’un membre par 20000 âmes de la population totale. Les fractions en sus de 10 mille âmes sont comptées pour 20 mille.

Chaque Canton et, dans les Cantons partagés, chaque

demi-Canton élit un député au moins.
Article 73.

Les élections pour le Conseil national sont directes. Elles ont lieu dans des collèges électoraux fédéraux, qui ne peuvent toutefois être formes de parties de différents Cantons.

Article 74.

À droit de prendre part aux élections et aux votations tout Suisse âgé de vingt ans révolus et qui n’est du reste point exclu du droit de citoyen actif par la législation du Canton dans lequel il a son domicile.

Toutefois, la législation fédérale pourra régler d’une manière uniforme l’exercice de ce droit.

Article 75.

Est éligible comme membre du Conseil national tout citoyen suisse laïque et ayant droit de voter.

Article 76.

Le Conseil national est élu pour trois ans et renouvelé intégralement chaque fois.

Article 77.

Les députés au Conseil des États, les membres du Conseil fédéral et les fonctionnaires nommés par ce Conseil ne peuvent être simultanément membres du Conseil national.

Article 78.

Le Conseil national choisit dans son sein, pour chaque session ordinaire ou extraordinaire, un Président et un vice-Président.

Le membre qui a été Président pendant une session ordinaire ne peut, à la session ordinaire suivante, revêtir cette charge ni celle de vice-Président. Le même membre ne peut être vice-Président pendant deux sessions ordinaires consécutives.

Lorsque les avis sont également partagés, le Président décide ; dans les élections, il vote comme les autres membres.

Article 79.

Les membres du Conseil national sont indemnisés par la Caisse fédérale.

B. Conseil des États.

Article 80.

Le Conseil des États se compose de quarante-quatre députés des Cantons. Chaque Canton nomme deux députés ; dans les Cantons partagés, chaque demi-État en élit un.

Article 81.

Les membres du Conseil national et ceux du Conseil fédéral ne peuvent être députés au Conseil des États.

Article 82.

Le Conseil des États choisit dans son sein, pour chaque session ordinaire ou extraordinaire, un Président et un vice-Président.

Le Président ni le vice-Président ne peuvent être élus parmi les députés du Canton dans lequel a été choisi le Président pour la session ordinaire qui a immédiatement précédé.

Les députés du même Canton ne peuvent revêtir la charge de vice-Président pendant deux sessions ordinaires consécutives.

Lorsque les avis sont également partagés, le Président décide ; dans les élections, il vote comme les autres membres.

Article 83.

Les députés au Conseil des États sont indemnisés par les Cantons.

C. Attributions de l’Assemblée fédérale.

Article 84.

Le Conseil national et le Conseil des États délibèrent sur tous les objets que la présente Constitution place dans le ressort de la Confédération et qui ne sont pas attribués à une autre autorité fédérale.

Article 85.

Les affaires de la compétence des deux Conseils sont notamment les suivantes :

1. Les lois sur l’organisation et le mode d’élection des autorités fédérales ;

2. Les lois et arrêtes sur les matières que la Constitution place dans la compétence fédérale ;

3. Le traitement et les indemnités des membres des autorités de la Confédération et de la Chancellerie fédérale ; la création de fonctions fédérales permanentes et la fixation des traitements ;

4. L’élection du Conseil fédéral, du Tribunal fédéral et du Chancelier, ainsi que du Général en chef de l’armée fédérale ;

La législation fédérale pourra attribuer à l’Assemblée fédérale d’autres droits d’élection ou de confirmation ;

5. Les alliances et les traités avec les États étrangers, ainsi que l’approbation des traités des Cantons entre eux ou avec les États étrangers ; toutefois les traités des Cantons ne sont portés à l’Assemblée fédérale que lorsque le Conseil fédéral ou un autre Canton élève des réclamations ;

6. Les mesures pour la sûreté extérieure ainsi que pour le maintien de l’indépendance et de la neutralité de la Suisse ; les déclarations de guerre et la conclusion de la paix ;

7. La garantie des Constitutions et du territoire des Cantons ; l’intervention par suite de cette garantie ; les mesures pour la sûreté intérieure de la Suisse, pour le maintien de la tranquillité et de l’ordre ; l’amnistie et le droit de grâce ;

8. Les mesures pour faire respecter la Constitution fédérale et assurer la garantie des Constitutions cantonales, ainsi que celles qui ont pour but d’obtenir l’accomplissement des devoirs fédéraux ;

9. Le droit de disposer de l’armée fédérale ;

10. L’établissement du budget annuel, l’approbation des comptes de l’État et les arrêtés autorisant des emprunts ;

11. La haute surveillance de l’administration et de la justice fédérales ;

12. Les réclamations contre les décisions du Conseil fédéral relatives à des contestations administratives (art. 113) :

13. Les conflits de compétence entre autorités fédérales ;

14. La révision de la Constitution fédérale.

Article 86.

Les deux Conseils s’assemblent, chaque année une fois, en session ordinaire, le jour fixé par le règlement.

Ils sont extraordinairement convoqués par le Conseil fédéral, ou sur la demande du quart des membres du Conseil national ou sur celle de cinq Cantons.

Article 87.

Un Conseil ne peut délibérer qu’autant que les députés présents forment la majorité absolue du nombre total de ses membres.

Article 88.

Dans le Conseil national et dans le Conseil des États les délibérations sont prises à la majorité absolue des votants.

Article 89.

Les lois fédérales, les décrets et les arrêtés fédéraux ne peuvent être rendus qu’avec l’accord des deux Conseils.

Les lois fédérales sont soumises à l’adoption ou au rejet du peuple, si la demande en est faite par 30000 citoyens actifs ou par huit Cantons. Il en est de même des arrêtés fédéraux qui sont d’une portée générale et qui n’ont pas un caractère d’urgence.

Article 90.

La législation fédérale déterminera les formes et les délais à observer pour les votations populaires.

Article 91.

Les membres des deux Conseils votent sans instructions.

Article 92.

Chaque Conseil délibère séparément. Toutefois, lorsqu’il s’agit des élections mentionnées à l’article 85, chiffre 4, d’exercer le droit de grâce ou de prononcer sur un conflit de compétence (article 85, chiffre 13), les deux Conseils se réunissent pour délibérer en commun sous la direction du Président du Conseil national, et c’est la majorité des membres votants des deux Conseils qui décide.

Article 93.

L’initiative appartient à chacun des deux Conseils et à chacun de leurs membres.

Les Cantons peuvent exercer le même droit par correspondance.
Article 94.

Dans la règle, les séances des Conseils sont publiques.

II. Conseil fédéral.

Article 95.

L’autorité directoriale et exécutive supérieure de la Confédération est exercée par un Conseil fédéral composé de sept membres.

Article 96.

Les membres du Conseil fédéral sont nommés pour trois ans, par les Conseils réunis, et choisis parmi tous les citoyens suisses éligibles au Conseil national. On ne pourra toutefois choisir plus d’un membre du Conseil fédéral dans le même Canton.

Le Conseil fédéral est renouvelé intégralement après chaque renouvellement du Conseil national.

Les membres qui font vacance dans l’intervalle des trois ans sont remplacés, à la première session de l’Assemblée fédérale, pour le reste de la durée de leurs fonctions.

Article 97.

Les membres du Conseil fédéral ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, revêtir aucun autre emploi, soit au service de la Confédération, soit dans un Canton, ni suivre d’autre carrière ou exercer de profession.

Article 98.

Le Conseil fédéral est présidé par le Président de la Confédération. Il a un vice-Président.

Le Président de la Confédération et le vice-Président du Conseil fédéral sont nommés pour une année, par l’Assemblée fédérale, entre les membres du Conseil.

Le Président sortant de charge ne peut être élu Président ou vice-Président pour l’année qui suit.

Le même membre ne peut revêtir la charge de vice-Président pendant deux années de suite.

Article 99.

Le Président de la Confédération et les autres membres du Conseil fédéral reçoivent un traitement annuel de la Caisse fédérale.

Article 100.

Le Conseil fédéral ne peut délibérer que lorsqu’il y a. au moins quatre membres présents.

Article 101.

Les membres du Conseil fédéral ont voix consultative dans les deux Sections de l’Assemblée fédérale, ainsi que le droit d’y faire des propositions sur les objets en délibération.

Article 102.

Les attributions et les obligations du Conseil fédéral, dans les limites de la présente Constitution, sont notamment les suivantes :

1. Il dirige les affaires fédérales, conformément aux lois et arrêtés de la Confédération.

2. Il veille à l’observation de la Constitution, des lois et des arrêtés de la Confédération, ainsi que des prescriptions des concordats fédéraux ; il prend, de son chef ou sur plainte, les mesures nécessaires pour les faire observer, lorsque le recours n’est pas du nombre de ceux qui doivent être portés devant le Tribunal fédéral à teneur de l’art. 113.

3. Il veille à la garantie des Constitutions cantonales.

4. Il présente des projets de lois ou d’arrêtés à l’Assemblée fédérale et donne son préavis sur les propositions qui lui sont adressées par les Conseils ou par les Cantons.

5. Il pourvoit à l’exécution des lois et des arrêtés de la Confédération et à celle des jugements du Tribunal fédéral, ainsi que des transactions ou des sentences arbitrales sur des différends entre Cantons.

6. Il fait les nominations qui ne sont pas attribuées au l’Assemblée fédérale ou au Tribunal fédéral ou à une autre autorité.

7. Il examine les traités des Cantons entre eux ou avec l’étranger, et il les approuve, s’il y a lieu (article 85, chiffre 5.)

8. Il veille aux intérêts de la Confédération au dehors, notamment à l’observation de ses rapports internationaux, et il est, en général, chargé des relations extérieures.

9. Il veille à la sûreté extérieure de la Suisse, au maintien de son indépendance et de sa neutralité.

10. Il veille à la sureté intérieure de la Confédération, au maintien de la tranquillité et de l’ordre.

11. En cas d’urgence et lorsque l’Assemblée fédérale n’est pas réunie, le Conseil fédéral est autorisé à lever les troupes nécessaires et à en disposer, sous réserve de convoquer immédiatement les Conseils, si le nombre des troupes levées dépasse deux mille hommes ou si elles restent sur pied au delà de trois semaines.

12. Il est chargé de ce qui a rapport au militaire fédéral, ainsi que de toutes les autres branches de l’administration qui appartiennent à la Confédération.

13. Il examine les lois et les ordonnances des Cantons qui doivent être soumises à son approbation ; exerce la surveillance sur les branches de l’administration cantonale qui sont placées sous son contrôle.

14. Il administre les finances de la Confédération, propose le budget et rend les comptes des recettes et des dépenses.

15. Il surveille la gestion de tous les fonctionnaires et employés de l’administration fédérale.

16. Il rend compte de sa gestion à l’Assemblée fédérale, à chaque session ordinaire, lui présente un rapport sur la situation de la Confédération tant à l’intérieur qu’au dehors, et recommande à son attention les mesures qu’il croit utiles à l’accroissement de la prospérité commune.

Il fait aussi des rapports spéciaux lorsque l’Assemblée fédérale ou une de ses Sections le demande.

Article 103.

Les affaires du Conseil fédéral sont réparties par départements entre ses membres. Cette répartition a uniquement pour but de faciliter l’examen et l’expédition des affaires ; les décisions émanent du Conseil fédéral comme autorité.

Article 104.

Le Conseil fédéral et ses départements sont autorisés à appeler des experts pour des objets spéciaux.

III. Chancellerie fédérale.

Article 105.

Une chancellerie fédérale, à la tête de laquelle se trouve le Chancelier de la Confédération, est chargée du secrétariat de l’Assemblée fédérale et de celui du Conseil fédéral.

Le Chancelier est élu par l’Assemblée fédérale pour le terme de trois ans, en même temps que le Conseil fédéral.

La chancellerie est sous la surveillance spéciale du Conseil fédéral.

Une loi fédérale détermine ce qui a rapport à l’organisation de la chancellerie.

IV. Tribunal fédéral.

Article 106.

Il y a un Tribunal fédéral pour l’administration de la justice en matière fédérale.

Il y a, de plus, un Jury pour les affaires pénales (article 112).

Article 107.

Les membres et les suppléants du Tribunal fédéral sont nommés par l’Assemblée fédérale, qui aura égard à ce que les trois langues nationales y soient représentées.

La loi détermine l’organisation du Tribunal fédéral et de ses sections, le nombre de ses membres et des suppléants, la durée de leurs fonctions et leur traitement.

Article 108.

Peut être nommé au Tribunal fédéral tout citoyen suisse éligible au Conseil national.

Les membres de l’Assemblée fédérale et du Conseil fédéral et les fonctionnaires nommés par ces autorités ne peuvent en même temps faire partie du Tribunal fédéral.

Les membres du Tribunal fédéral ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, revêtir aucun autre emploi, soit au service de la Confédération, soit dans un Canton, ni suivre d’autre carrière ou exercer de profession.

Article 109.

Le Tribunal fédéral organise sa chancellerie et en nomme le personnel.

Article 110.

Le Tribunal fédéral connaît des différends de droit civil :

1. entre la Confédération et les Cantons ;

2. entre la Confédération d’une part et des corporations ou des particuliers d’autre part, quand ces corporations ou ces particuliers sont demandeurs et quand le litige atteint le degré d’importance que déterminera la législation fédérale ;

3. entre Cantons ;

4. entre des Cantons d’une part et des corporations ou des particuliers d’autre part, quand une des parties le requiert et que le litige atteint le degré d’importance que déterminera la législation fédérale.

Il connaît de plus des différends concernant le heimatlosat, ainsi que des contestations qui surgissent entre communes de différents Cantons, touchant le droit de cité.

Article 111.

Le Tribunal fédéral est tenu de juger d’autres causes, lorsque les parties s’accordent à le nantir et que l’objet en litige atteint degré d’importance que déterminera la législation fédérale.

Article 112.

Le Tribunal fédéral assisté du Jury, lequel statue sur les faits, connaît en matière pénale :

1. des cas de haute trahison envers la Confédération, de révolte ou de violence contre les autorités fédérales ;

2. des crimes et des délits contre le droit des gens

3. des crimes et des délits politiques qui sont la cause ou la suite de troubles par lesquels une intervention fédérale armée est occasionnée ;

4. des faits relevés à la charge de fonctionnaires nommés par une autorité fédérale, quand cette autorité en saisit Tribunal fédéral.

Article 113.

Le Tribunal fédéral connaît, en outre :

1. des conflits de compétence entre les autorités fédérales, d’une part, et les autorités cantonales, d’autre part ;

2. des différends entre Cantons, lorsque ces différends sont du domaine du droit public ;

3. des réclamations pour violation de droits constitutionnels des citoyens ainsi que des réclamations de particuliers pour violation de concordats ou de traités.

Sont réservées les contestations administratives, à déterminer par la législation fédérale.

Dans tous les cas prémentionnés, le Tribunal fédéral appliquera les lois votées par l’Assemblée fédérale et les arrêtés de cette Assemblée qui ont une portée générale. Il se conformera également aux traités que l’Assemblée fédérale aura ratifiés.

Article 114.

Outre les cas mentionnés aux articles 110, 112 et 113, la législation fédérale peut placer d’autres affaires dans la compétence du Tribunal fédéral ; elle peut, en particulier, donner à ce Tribunal des attributions ayant pour but d’assurer l’application uniforme des lois prévues à l’article 64.

V. Dispositions diverses.

Article 115.

Tout ce qui concerne le siège des autorités de la Confédération est l’objet de la législation fédérale.

Article 116.

Les trois principales langues parlées en Suisse, l’allemand, le français et l’italien, sont langues nationales de la Confédération.

Article 117.

Les fonctionnaires de la Confédération sont responsables de leur gestion. Une loi fédérale détermine ce qui tient à cette responsabilité.

Chapitre III.

Révision de la Constitution fédérale.

Article 118.

La Constitution fédérale peut être révisée en tout temps.

Article 119.

La révision a lieu dans les formes statuées pour la législation fédérale.

Article 120.

Lorsqu’une section de l’Assemblée fédérale décrète la révision de la Constitution fédérale et que l’autre section n’y consent pas, ou bien lorsque cinquante mille citoyens suisses ayant droit de voter demandent la révision, la question de savoir si la Constitution fédérale doit être révisée est, dans l’un comme dans l’autre cas, soumise à la votation du peuple suisse, par oui ou par non.

Si, dans l’un ou l’autre de ces cas, la majorité des citoyens suisses prenant part à la votation se prononce pour l’affirmative, les deux Conseils seront renouvelés pour travailler à la révision.

Article 121.

La Constitution fédérale révisée entre en vigueur lorsqu’elle a été acceptée par la majorité des citoyens suisses prenant part à la votation et par la majorité des États.

Pour établir la majorité des États, le vote d’un demi-Canton est compté pour une demi-voix.

Le résultat de la votation populaire dans chaque Canton est considéré comme le vote de l’État.

Dispositions transitoires.

Article premier.

Le produit des postes et des péages sera réparti sur les bases actuelles jusqu’à l’époque où la Confédération prendra effectivement à sa charge les dépenses militaires supportées jusqu’à ce jour par les Cantons.

La législation fédérale pourvoira en outre à ce que la perte que pourraient entraîner dans leur ensemble les modifications résultant des articles 20, 30, 36, 2e alinéa, et 42 e, pour le fisc de certains Cantons, ne frappe ceux-ci que graduellement et n’atteigne son chiffre total qu’après une période transitoire de quelques années.

Les Cantons qui n’auraient pas rempli, au moment où l’article 20 de la Constitution entrera en vigueur, les obligations militaires qui leur sont imposées par l’ancienne Constitution et les lois fédérales seront tenus de les exécuter à leurs propres frais.

Article 2.

Les dispositions des lois fédérales, des concordats et des Constitutions ou des lois cantonales contraires à la présente Constitution cessent d’être en vigueur par le fait de l’adoption de celle-ci, ou de la promulgation des lois qu’elle prévoit.

Article 3.

Les nouvelles dispositions concernant l’organisation et la compétence du Tribunal fédéral n’entrent en vigueur

qu’après la promulgation des lois fédérales y relatives.
Article 4.

Un délai de cinq ans est accordé aux Cantons pour introduire la gratuité de l’enseignement public primaire (article 27).

Article 5.

Les personnes qui exercent une profession libérale et qui, avant la promulgation de la loi fédérale prévue à l’article 33, ont obtenu un certificat de capacité d’un Canton ou d’une autorité concordataire représentant plusieurs Cantons, peuvent exercer cette profession sur tout le territoire de la Confédération.

Ainsi arrêté par le Conseil national, pour être soumis à la votation du peuple suisse et des Cantons.

Berne, le 31 janvier 1874.

Le Président : ZIEGLER.
Le Secrétaire : Schiess.

Ainsi arrêté par le Conseil des États, pour être soumis à la votation du peuple suisse et des Cantons.

Berne, le 31 janvier 1874,

Le Président : A. KOPP.
Le Secrétaire : J.-L. Lütscher.