Constitution tunisienne de 2022

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Préambule[modifier]

Au nom du peuple,

Sur la base du décret Présidentiel n° 2022-506 du 25 mai 2022, relatif à la convocation des électeurs pour le référendum sur un projet d’une nouvelle Constitution de la République tunisienne le 25 juillet 2022,

Vu la décision de l’Instance supérieure indépendante pour les élections n° 2022-22 du 16 août 2022, relative à la proclamation des résultats définitifs du référendum sur un projet d’une nouvelle Constitution de la République tunisienne le lundi 25 juillet 2022,

Kaïs Saïed, le Président de la République tunisienne, promulgue la Constitution de la République tunisienne dont la teneur suit :

Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux

Nous, le peuple tunisien, détenteur de la souveraineté, avons réalisé, à compter du 17 décembre 2010, une ascension sans précédent dans l'histoire, nous nous sommes révoltés contre l'injustice, la tyrannie, l’affamement et les abus dans tous les aspects de la vie.

Nous, le peuple tunisien, qui avons pâti et enduré pendant plus d'une décennie suite à cette révolution bénie, n'avons cessé de soulever nos revendications légitimes de travail, de liberté et de dignité nationale, mais en retour nous n’avons reçu que de fallacieux slogans et promesses, la corruption n’a fait que s’aggraver, la spoliation de nos richesses naturelles et de nos deniers publics n’a fait que s’accentuer en l’absence de toute redevabilité. Profondément animés par la responsabilité historique, nous étions, alors, dans l’obligation de redresser le cours de la révolution, voire même le cours de l'histoire, mission accomplie le 25 juillet 2021, date de la commémoration de la proclamation de la République.

Nous, le peuple tunisien, qui avons sacrifiés des légions de martyrs pour l’affranchissement et la liberté, leur sang pur et auréolé s'est mêlé à cette terre bénie pour peindre les couleurs de la bannière nationale.

Nous avons exprimé notre volonté et nos choix majeurs à travers la consultation nationale à laquelle ont participé des centaines de milliers de citoyens et citoyennes en Tunisie et à l'étranger, et après examen des résultats du dialogue national et ce pour que personne n’impose son avis et qu’aucune partie n’édicte son choix.

Nous, le peuple tunisien,

Approuvons cette nouvelle Constitution pour une nouvelle République, avec en toile de fond notre histoire pleine de gloires, de sacrifices, d’affres et d'héroïsme.

Notre cher pays a connu divers mouvements de libération, dont, et non des moindres le mouvement de libération intellectuelle au milieu du XIXe siècle, suivi d'un mouvement de libération nationale depuis le début du XXe siècle jusqu'à l’indépendance et la libération de l’hégémonie étrangère.

Un mouvement de libération intellectuelle a commencé, s’en est suivi un mouvement de libération nationale, puis l'explosion révolutionnaire du 17 décembre 2010, suite à laquelle a été lancé le mouvement de redressement à l'occasion du soixante-quatrième anniversaire de la proclamation de la République, pour franchir vers une nouvelle étape de notre histoire, pour passer du désespoir et de la déception à l'espoir, au travail et aux vœux pour que le citoyen soit libre dans une patrie libre et totalement souveraine, pour que règne la justice, la liberté et la dignité nationale.

Nous adoptons la présente Constitution, en s’inspirant des gloires et des affres du passé en aspirant à un avenir meilleur pour nous et pour les générations futures, pour hisser de plus en plus haut le drapeau national dans tous les forums et sous tous les cieux.

Nous consentant la présente Constitution, en ayant à l’esprit notre patrimoine constitutionnel profondément enracinée dans l'histoire, de la Constitution de Carthage, au Pacte Fondamental, à la Déclaration des droits du souverain et de ses sujets, à la loi de l'Etat tunisien de 1861, ainsi que dans tous les textes constitutionnels que la Tunisie a connus depuis son indépendance.

Un certain nombre de ces textes a relativement atteint le succès, mais un nombre non négligeable a été détourné afin de conférer une légitimité formelle et captieuse aux dirigeants.

Dans cette mémoration de l'histoire constitutionnelle de la Tunisie, l’intégrité nous contraint a invoqué un des textes constitutionnels majeurs de l’époque, la Balance, la Constitution que la Tunisie a connue au début du XVIIe siècle, et connue par la population comme « le Registre rouge » eu égard à sa reliure de couleur rouge. Ayant été rédigée par des tunisiens qui croyaient en la justice en tant que valeur symbolisée par la balance, distribuée à la population, qui pouvait s’en prévaloir si elle craignait l’iniquité de la cour.

Nous, le peuple tunisien,

Veillons au travers de la présente nouvelle Constitution, à instaurer la justice, la liberté et la dignité. Il ne peut y avoir de paix sociale sans justice, de dignité humaine sans liberté réelle, de fierté patriotique sans souveraineté complète et sans indépendance absolue.

Nous établissons là un nouveau système constitutionnel qui repose non seulement sur l'Etat de droit, mais également sur la société de droit afin que les règles juridiques soient l’expression sincère et honnête de la volonté du peuple, qui non seulement l’internalise mais sera l’outil de son implémentation en affrontant quiconque les transgressera ou tentera de les violer.

Nous, tout en approuvant la présente nouvelle Constitution, croyons que la vraie démocratie ne réussira que si la démocratie politique est assortie d’une démocratie économique et sociale, et ce, en donnant au citoyen le droit de choisir librement ses représentants, d’instaurer la redevabilité de ces derniers, et lui donnant le droit à une répartition juste des richesses nationales.

Nous, le peuple tunisien,

Réaffirmons notre appartenance à la nation arabe et notre souci de s’attacher aux dimensions humaines de la religion islamique. Nous affirmons également notre appartenance au continent africain qui porte le nom historique de notre chère patrie.

Nous sommes un peuple qui refuse que notre Etat conclue des alliances à l'étranger, tout comme il refuse toute ingérence dans ses affaires intérieures. Nous nous attachons à la légalité internationale et triomphons pour les droits légitimes des peuples qui, selon cette légitimité, ont le droit de disposer d’eux-mêmes, en premier lieu le droit du peuple palestinien à sa terre spoliée et à l'établissement de son Etat, sur cette terre après libération, avec Al-Quds Al-Sharif pour capitale.

Nous, le peuple tunisien, détenteur de la souveraineté,

Nous renouvelons notre attachement à établir un système politique fondé sur la séparation des fonctions législative, exécutive et judiciaire, et à instaurer un véritable équilibre entre elles.

Nous réaffirmons également que le système républicain est le meilleur garant pour préserver la souveraineté du peuple et répartir équitablement les richesses de notre pays de manière juste entre tous les citoyens et les citoyennes.

Nous œuvrerons avec constance et sincérité pour que le développement économique et social se poursuive sans embuches et sans récession dans un environnement sain qui accroît la splendeur de nôtre belle Tunisie dénommée la verte, et pour que le développement durable se fasse dans un environnement sain exempt de pollution.

Nous, le peuple tunisien, qui, le 17 décembre 2010, avons brandi le slogan historique, Le peuple veut, approuvons cette Constitution comme base de la nouvelle République tunisienne

Chapitre I : Disposition générales[modifier]

Article 1[modifier]

La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain.

Article 2[modifier]

Le régime de l’Etat tunisien est le régime républicain.

Article 3[modifier]

Le peuple tunisien est le détenteur de la souveraineté, il l’exerce dans les conditions fixées par la présente Constitution.

Chapitre II : Des droits et des libertés[modifier]

Article 22[modifier]

L’Etat garantit aux citoyens et aux citoyennes les libertés et les droits individuels et collectifs. Il leur assure les conditions d’une vie digne.

Article 23[modifier]

Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans aucune discrimination.

Chapitre III : La fonction législative[modifier]

Article 56[modifier]

Le peuple, détenteur de la souveraineté, délègue la fonction législative à une première chambre représentative dénommée l’Assemblée des représentants du peuple, et à une seconde chambre représentative dénommée le Conseil des régions et des districts.

Article 57[modifier]

Les sièges de l’Assemblée des représentants du peuple et du Conseil des régions et des districts sont fixés à la capitale, Tunis. Ces assemblées peuvent, dans les circonstances exceptionnelles, tenir leurs séances en tout autre lieu du territoire de la République.

Section I : L'assemblée des représentants du peuple[modifier]

Article 58[modifier]

La candidature à la députation à l’Assemblée des représentants du peuple est un droit reconnu à tout électeur ou électrice, né(e) de père tunisien ou de mère tunisienne et âgé(e) de vingt-trois ans révolus le jour de la présentation de sa candidature, à condition de ne pas faire l’objet d’une quelconque mesure d’interdiction prévue par la loi électorale.

Article 59[modifier]

Est électeur tout citoyen ou citoyenne de nationalité tunisienne, âgé de dix-huit ans révolus et remplissant les conditions fixées par la loi électorale.

Section II : Le Conseil national des régions et des districts[modifier]

Le droit tunisien en libre accès

Article 81[modifier]

Le Conseil national des régions et des districts est constitué de députés élus des régions et des districts.

Les membres de chaque conseil régional élisent parmi eux trois membres pour représenter leurs régions au sein du Conseil national des régions et des districts.

Les membres élus des conseils régionaux de chaque district élisent parmi eux un député pour représenter le district au sein du Conseil national des régions et des districts.

Le député représentant du district est remplacé dans les conditions fixées par la loi électorale.

Article 82[modifier]

Le cumul de mandat de député à l’Assemblée des représentants du peuple avec le mandat de député au Conseil national des régions et des districts est interdit.

Il est interdit de cumuler le mandat au Conseil national des régions et des districts avec toute activité, avec ou sans rémunération.

Article 83[modifier]

Les dispositions relatives à l'immunité parlementaire des membres de l'Assemblée des représentants du peuple s’étendent aux membres du Conseil national des régions et des districts.

Article 84[modifier]

Les projets relatifs au budget de l'Etat et aux plans de développement régionaux, des districts et nationaux sont obligatoirement soumis au Conseil national des régions et des districts pour assurer l’équilibre entre les régions et les districts.

La loi de finances et les plans de développement ne sont approuvés qu'à la majorité des membres présents dans chacune des deux chambres, à condition que cette majorité ne soit inférieure au tiers des membres de chaque chambre.

Article 85[modifier]

Le Conseil des régions et des districts exerce les pouvoirs de contrôle et de redevabilité dans les diverses questions liées à la mise en œuvre du budget et des plans de développement.

Article 86[modifier]

La loi organise les relations entre l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil des régions et des districts.

Chapitre IV : La fonction exécutive[modifier]

Article 87[modifier]

La fonction exécutive est exercée par le Président de la République assisté d’un Gouvernement présidé par un Chef du Gouvernement.

Section première : Le Président de la République[modifier]

Article 88[modifier]

Le Président de la République est le Chef de l'Etat. Sa religion est l’Islam.

Article 89[modifier]

La candidature au poste de Président de la République est un droit reconnu à tout tunisien ou tunisienne, qui n'est pas titulaire d'une autre nationalité, né(e) de père et de mère, de grands-pères paternel et maternel tunisiens, demeurés tous de nationalité tunisienne sans discontinuité.

Le candidat ou la candidate doit être, au jour du dépôt de sa candidature, âgé (e) de quarante ans au moins et jouir de ses droits civils et politiques.

La candidature est présentée à l’Instance supérieure indépendante pour les élections selon les modalités et conditions prévues par la loi électorale.

Article 90[modifier]

Le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans au cours des trois derniers mois du mandat présidentiel au suffrage universel, libre, direct et secret, à la majorité absolue des voix exprimées.

Le candidat ou la candidate doit être présenté(e) par des membres des assemblées représentatives élues, ou par des électeurs, conformément à la loi électorale.

Si aucun des candidats n’obtient la majorité absolue au premier tour du scrutin, il est procédé à un second tour durant les deux semaines suivant la proclamation des résultats définitifs du premier tour. Seuls se présentent au second tour les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix au premier tour.

En cas de décès de l’un des candidats au cours du premier tour, ou de l’un des deux candidats au cours du second tour du scrutin, il est procédé à la réouverture des candidatures; une nouvelle date des élections est fixée dans un délai ne dépassant pas quarante-cinq jours. Les retraits de candidatures du premier ou du deuxième tour ne sont pas pris en compte.

Si les élections ne peuvent avoir lieu à la date prévue, en raison d’une guerre ou d’un danger imminent, le mandat présidentiel est prorogé par une loi, jusqu’à ce que les causes qui ont engendré le report des élections cessent d’exister.

Il est interdit d’exercer les fonctions de Président de la République pour plus de deux mandats entiers, successifs ou séparés.

En cas de démission, le mandat en cours est considéré comme un mandat présidentiel entier.

Article 91[modifier]

Le Président de la République est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, du respect de la Constitution et de la loi ainsi que de l'exécution des traités. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l'Etat. Le Président de la République préside le Conseil de sécurité national.

Article 92[modifier]

Le Président de la République élu, prête devant l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts en séance commune, le serment suivant:

« Je jure par Dieu Tout-Puissant de préserver l’indépendance de la patrie et son intégrité, de respecter la Constitution et la législation de l'Etat, et de veiller scrupuleusement sur les intérêts de la patrie ».

Si ce serment ne peut être prêté devant l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts, quelle qu’en soit la raison, le Président de la République le prête devant la Cour constitutionnelle.

Le Président de la République ne peut cumuler ses fonctions avec aucune autre responsabilité partisane.

Article 93[modifier]

Le siège officiel de la Présidence de la République est fixé à la capitale, Tunis. Il peut être transféré provisoirement, dans les circonstances exceptionnelles, en tout autre lieu du territoire de la République.

Article 94[modifier]

Le Président de la République est le chef suprême des forces armées.

Article 95[modifier]

Le Président de la République accrédite les représentants diplomatiques auprès des puissances étrangères. Les représentants diplomatiques des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui.

Article 96[modifier]

En cas de péril imminent menaçant les institutions de la République, la sécurité et l'indépendance du pays, et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, le Président de la République peut prendre les mesures exceptionnelles nécessitées par les circonstances, après consultation du Chef du Gouvernement, du Président de l'Assemblée des représentants du peuple et du Président du Conseil national des régions et des districts. Il adresse à ce sujet un message au peuple.

Dans ce cas, le Président de la République ne peut ni dissoudre l’une ou les deux assemblées, ni déposer une motion de censure contre le Gouvernement.

Ces mesures cessent d'avoir effet dès qu'auront pris fin les circonstances qui les ont engendrées. Le Président de la République adresse, à ce sujet, un message au peuple, à l'Assemblée des représentants du peuple et au Conseil national des régions et des districts.

Article 97[modifier]

Le Président de la République peut soumettre au référendum tout projet de loi relatif à l'organisation des pouvoirs publics ou à la ratification d'un traité susceptible d'avoir une incidence sur le fonctionnement des institutions, sans que ces projets ne soient contraires à la Constitution.

Article 98[modifier]

Le Président de la République déclare la guerre et conclut la paix avec l'approbation de la majorité absolue des membres de l'Assemblée des représentants du peuple.

Article 99[modifier]

Le Président de la République dispose du droit de grâce.

Article 100[modifier]

Le Président de la République détermine la politique générale de l'Etat, en définit les options fondamentales et en informe l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts. Il peut s’adresser à eux conjointement, soit directement, soit par message.

Article 101[modifier]

Le Président de la République nomme le Chef du Gouvernement et, sur proposition de celui-ci, les autres membres du Gouvernement.

Article 102[modifier]

Le Président de la République met fin aux fonctions du Gouvernement ou de l'un de ses membres de sa propre initiative ou sur proposition du Chef du Gouvernement.

Article 103[modifier]

Le Président de la République promulgue les lois constitutionnelles, organiques et ordinaires et en assure la publication au Journal officiel de la République tunisienne dans un délai maximum de quinze jours à compter de leur réception.

Le Président de la République peut, pendant ce délai, renvoyer le projet de loi à l'Assemblée des représentants du peuple ou au Conseil national des régions et des districts, ou aux deux, pour une seconde lecture. Si le projet de loi est adopté à la majorité des deux tiers, la loi est promulguée et publiée dans un nouveau délai n’excédant pas quinze jours.

Le droit de renvoi ne porte pas sur les lois relatives à la révision de la Constitution. En cas de recours en inconstitutionnalité de la loi devant la Cour constitutionnelle, les délais de promulgation sont suspendus. Le Président de la République procède soit à la promulgation de la loi si la Cour constitutionnelle prononce sa constitutionnalité, soit au renvoi de celle-ci à l'Assemblée des représentants du peuple ou au Conseil national des régions et des districts, ou aux deux, chacun selon ses compétences.

Article 104[modifier]

Le Président de la République veille à l'exécution des lois, exerce le pouvoir réglementaire général et peut en déléguer tout ou partie au Chef du Gouvernement.

Article 105[modifier]

Les projets de loi et de décret à caractère réglementaire font l’objet de délibération au Conseil des ministres. Les décrets à caractère réglementaire sont contresignés par le Chef du Gouvernement et le membre du Gouvernement intéressé.

Article 106[modifier]

Le Président de la République nomme aux emplois supérieurs civils et militaires, sur proposition du Chef du Gouvernement

Article 107[modifier]

En cas d'empêchement provisoire, le Président de la République peut déléguer par décret ses attributions au Chef du Gouvernement, à l'exclusion du pouvoir de dissolution de l'Assemblée des représentants du peuple ou du Conseil national des régions et des districts.

Article 108[modifier]

Pendant la durée de l'empêchement, le Gouvernement est maintenu jusqu'à la fin de l’empêchement, même s'il est l'objet d'une motion de censure. Le Président de la République informe l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts de la délégation provisoire de ses pouvoirs.

Article 109[modifier]

En cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission, d'empêchement absolu ou pour toute autre cause, le Président de la Cour constitutionnelle est alors immédiatement investi provisoirement des fonctions de Président de l’Etat pour une période allant de quarante-cinq jours au moins à quatre-vingt-dix jours au plus. Le Président de la République par intérim prête le serment constitutionnel devant l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts réunis en séance commune et, le cas échéant, devant la Cour constitutionnelle.

Le Président de la République par intérim ne peut présenter sa candidature à la Présidence de la République même en cas de démission.

Le Président de la République par intérim exerce provisoirement les fonctions présidentielles. Il ne lui est pas permis de recourir au référendum, de démettre le Gouvernement, de dissoudre l'Assemblée des représentants du peuple ou le Conseil national des régions et des districts ou de prendre les mesures exceptionnelles.

Pendant la période de présidence par intérim, l'Assemblée des représentants du peuple ne peut présenter de motion de censure contre le Gouvernement. Pendant la période de présidence par intérim, il est procédé à l’élection d’un nouveau Président de la République pour un mandat de cinq ans.

Le nouveau Président de la République peut dissoudre l'Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts, ou l’un des deux, et organiser des élections législatives anticipées.

Article 110[modifier]

Le Président de la République bénéficie de l’immunité durant son mandat présidentiel, tous les délais de prescription et de forclusion sont suspendus à son égard. Les procédures peuvent reprendre leurs cours après la cessation de ses fonctions. Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.

Section II : Le Gouvernement[modifier]

Article 111[modifier]

Le Gouvernement veille à la mise en œuvre de la politique générale de l'Etat, conformément aux orientations et aux options définies par le Président de la République.

Article 112[modifier]

Le Gouvernement est responsable de sa gestion devant le Président de la République.

Article 113[modifier]

Le Chef du Gouvernement dirige et coordonne l'action du Gouvernement, et dispose de l’administration. Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la Présidence du Conseil des ministres ou dans tout autre conseil.

Article 114[modifier]

Les membres du Gouvernement ont accès à l'Assemblée des représentants du peuple et au Conseil national des régions et des districts, dans le cadre de la séance plénière ou des commissions. Tout membre de l'Assemblée des représentants du peuple ou du Conseil national des régions et des districts, peut adresser aux membres du Gouvernement des questions écrites ou orales. L’Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts peuvent inviter le Gouvernement ou un membre de celui-ci pour débattre de la politique menée, des résultats obtenus ou de ceux en cours de réalisation.

Article 115[modifier]

L’Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts peuvent conjointement s’opposer à la poursuite de l’activité du Gouvernement en déposant une motion de censure à son encontre, s’ils constatent que les actions qu’il entreprend ne sont pas conformes à la politique générale de l'Etat et aux choix fondamentaux prévus par la Constitution.

La motion de censure n'est recevable que si elle est motivée et signée par le tiers des membres de l’Assemblée des représentants du peuple et le tiers des membres du Conseil national des régions et des districts. Le vote ne peut se tenir que quarante-huit heures après son dépôt.

Lorsqu'une motion de censure est adoptée à la majorité des deux tiers des membres des deux assemblées réunies, le Président de la République accepte la démission du Gouvernement présentée par le Chef du Gouvernement.

Article 116[modifier]

En cas de dépôt d'une deuxième motion de censure contre le Gouvernement pendant la même législature, le Président de la République peut soit accepter la démission du Gouvernement soit dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple et le Conseil national des régions et des districts, soit dissoudre l’un d’entre eux.

Le décret relatif à la dissolution doit prévoir la convocation des électeurs pour de nouvelles élections des membres de l’Assemblée des représentants du peuple et des membres du Conseil national des régions et des districts, ou de l’un d’entre eux, dans un délai n’excédant pas trente jours.

En cas de dissolution des deux assemblées ou de l’une d’entre elles, le Président de la République peut prendre des décrets-lois qu’il soumet à la ratification de l’Assemblée des représentants du peuple et du Conseil national des régions et des districts, ou à l’un d’entre eux uniquement, selon les compétences dévolues à chacune des deux assemblées.

Chapitre V : La fonction juridictionnelle[modifier]

Article 117[modifier]

La magistrature est une fonction indépendante exercée par des magistrats qui ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à l’autorité de la loi.

Article 118[modifier]

Les jugements sont rendus au nom du peuple et exécutés au nom du Président de la République.

Article 119[modifier]

La magistrature est composée de la justice judiciaire, administrative et financière. Chacune de ces catégories est supervisée par un conseil supérieur. La loi organise chacun des trois conseils susmentionnés.

Article 120[modifier]

Les magistrats sont nommés par décret du Président de la République, sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature intéressé.

Article 121[modifier]

Le magistrat ne peut être muté sans son accord. Il ne peut être révoqué ni suspendu ou démis de ses fonctions ni subir une sanction que dans les cas fixés par la loi. Le magistrat bénéficie de l’immunité pénale et ne peut être poursuivi ou arrêté tant que cette immunité n’a pas été levée.

En cas de crime ou délit flagrant, il peut être arrêté et le Conseil de la magistrature dont il relève en est informé. Celui-ci se prononce sur la demande de levée de l’immunité. Les dispositions du premier alinéa du présent article ne font pas obstacle à la mutation du magistrat pour nécessité de service.

On entend par nécessité de service la nécessité de combler des vacances ou la nomination dans de nouvelles fonctions juridictionnelles ou pour faire face à une augmentation manifeste du volume de travail.

Les magistrats sont égaux pour répondre à la nécessité de service. Le magistrat ne peut être appelé à changer son poste de travail pour nécessité de service qu’en l'absence de magistrats désirant rejoindre le poste de travail en question. A cet effet, les magistrats exerçant dans la plus proche circonscription juridictionnelle sont appelés à rejoindre le poste tout en adoptant la rotation, et, le cas échéant, il est fait recours au tirage au sort. Dans ce cas, la période d’exercice en réponse à la nécessité de service, ne peut dépasser un an sauf si le magistrat intéressé exprime explicitement sa volonté de rester au poste dans lequel il est muté ou nommé.

Article 122[modifier]

Le magistrat doit être compétent. Il doit faire preuve d’impartialité et d’intégrité. Tout manquement de sa part engage sa responsabilité.

Article 123[modifier]

L’Etat œuvre à garantir le droit au double degré de juridiction.

Article 124[modifier]

Toute personne a droit à un procès équitable dans un délai raisonnable. Les justiciables sont égaux devant la justice. Le droit d’ester en justice et le droit à la défense sont garantis. La loi facilite l’accès à la justice et assure l’aide juridictionnelle aux démunis. Les audiences devant les tribunaux sont publiques, sauf si la loi prévoit le huis-clos. Le jugement est impérativement prononcé en séance publique.

Chapitre VI : La Cour constitutionnelle[modifier]

Article 125[modifier]

La Cour constitutionnelle est une instance juridictionnelle indépendante, composée de neuf membres nommés par décret. Le premier tiers des membres est composé des plus anciens présidents de chambres à la Cour de cassation, le deuxième tiers est composé des plus anciens présidents de chambres de cassation ou de chambres consultatives du Tribunal administratif et le dernier tiers est composé des plus anciens membres de la Cour des comptes.

Les membres de la Cour constitutionnelle élisent parmi eux un président et un vice-président, dans les conditions fixées par la loi.

Lorsqu’un membre atteint l'âge de la retraite, il est systématiquement remplacé par le membre qui le suit en ancienneté, à condition que le mandat ne soit, dans tous les cas, inférieur à un an.

Article 126[modifier]

Le cumul de la qualité de membre de la Cour constitutionnelle avec l’exercice de toute autre fonction ou mission est interdit.

Article 127[modifier]

La Cour constitutionnelle est exclusivement compétente en matière de contrôle de constitutionnalité :

des lois, sur demande du Président de la République, de trente membres de l’Assemblée des représentants du peuple ou de la moitié des membres du Conseil national des régions et des districts. La Cour est saisie dans un délai de sept jours à compter de la date de l’adoption du projet de loi ou de la date de l’adoption du projet de loi amendé après renvoi par le Président de la République,

des traités que lui soumet le Président de la République avant la promulgation de la loi portant adoption de ces traités,

des lois que lui renvoient les tribunaux, suite à une exception d’inconstitutionnalité soulevée dans les cas et selon les procédures prévus par la loi,

des règlements intérieurs de l’Assemblée des représentants du peuple et du Conseil national des régions et des districts qui lui sont soumis par le Président de chacune des deux assemblées,

de la procédure de révision de la Constitution,

des projets de révision de la Constitution pour dire qu’ils ne concernent pas, d’après les termes de la présente Constitution, les dispositions qui ne peuvent faire l’objet de révision.

Article 128[modifier]

La Cour rend sa décision à la majorité des deux tiers de ses membres, dans un délai de trente jours à compter de la date de dépôt du recours.

Article 129[modifier]

La décision de la Cour énonce que les dispositions faisant l’objet de recours sont constitutionnelles ou inconstitutionnelles. Les décisions de la Cour sont motivées et s’imposent à tous. Elles sont publiées au Journal officiel de la République tunisienne.

Article 130[modifier]

La loi jugée inconstitutionnelle par la Cour, est renvoyée au Président de la République qui la transmet à l’Assemblée des représentants du peuple et au Conseil national des régions et des districts, ou à l’un d’entre eux selon le cas, pour en délibérer de nouveau conformément à la décision de la Cour Constitutionnelle.

Le Président de la République renvoie la loi, avant sa promulgation, devant la Cour constitutionnelle pour un nouvel examen de sa conformité ou compatibilité à la Constitution. En cas d’adoption d’un projet de loi amendé suite à son renvoi et dont la Cour a confirmé la constitutionnalité auparavant, le Président de la République le renvoie obligatoirement à la Cour constitutionnelle avant sa promulgation.

Article 131[modifier]

Lorsque la Cour constitutionnelle est saisie d’un recours en inconstitutionnalité, elle se limite à examiner les griefs invoqués, sur lesquels elle statue dans un délai de deux mois renouvelable pour un mois par décision motivée. Lorsque la Cour constitutionnelle prononce l’inconstitutionnalité d’une loi, son application est suspendue, dans les limites de sa décision.

Article 132[modifier]

La loi détermine l’organisation de la Cour constitutionnelle, les procédures applicables devant elle ainsi que les garanties dont bénéficient ses membres.

Chapitre VII : Les collectivités locales et régionales[modifier]

Article 133[modifier]

Les conseils municipaux et régionaux, les conseils des districts et les organismes que la loi leur confère le statut de collectivité locale, veillent aux intérêts locaux et régionaux dans les conditions fixées par la loi.

Chapitre VIII - L'Instance supérieure indépendante pour les élections[modifier]

Article 134[modifier]

L’Instance supérieure indépendante pour les élections est chargée de la gestion des élections et des référendums, de leur organisation et de leur supervision dans leurs différentes phases. L’Instance garantit la régularité, l’intégrité et la transparence du processus électoral et proclame les résultats.

L’Instance est dotée du pouvoir réglementaire dans son domaine de compétence. L’Instance se compose de neuf membres indépendants, neutres, compétents et intègres. Ils exercent leur mission pour un mandat de six ans non renouvelable. Le renouvellement du tiers de ses membres intervient tous les deux ans.

Chapitre IX - Le Conseil supérieur de l’éducation et de l’enseignement[modifier]

Article 135[modifier]

Le Conseil supérieur de l'éducation et de l’enseignement émet son avis sur les grands plans nationaux dans le domaine de l'éducation, de l’enseignement et de la recherche scientifique, de la formation professionnelle et des perspectives d'emploi.

La loi fixe la composition de ce Conseil, ses attributions et les modalités de son fonctionnement.

Chapitre X : La révision de la Constitution[modifier]

Article 136[modifier]

Le Président de la République ou le tiers au moins des membres de l’Assemblée des représentants du peuple sont habilités à proposer la révision de la Constitution. La révision ne peut porter atteinte à la forme républicaine de l’Etat ni porter à la hausse le nombre ou la durée des mandats présidentiels.

Le Président de la République peut soumettre au référendum les projets de révision de la Constitution.

Toute initiative de révision de la Constitution est soumise obligatoirement par la partie initiatrice du projet de révision à la Cour constitutionnelle, afin de vérifier que celle-ci ne porte pas sur les matières qui ne peuvent faire l’objet de révision conformément à la présente Constitution.

Article 137[modifier]

L’Assemblée des représentants du peuple délibère sur la révision proposée après résolution prise à la majorité absolue, et après la détermination et l’examen de son objet par une commission ad-hoc.

En cas de non-recours au référendum, le projet de révision de la constitution est approuvé par l'Assemblée des représentants du peuple à la majorité des deux tiers de ses membres en deux lectures, la seconde lecture intervenant trois mois au moins après la première.

Article 138[modifier]

Le Président de la République soumet le projet de révision de la Constitution pour statuer sur la régularité de la procédure de sa révision. Si la Cour valide la procédure, le Président de la République promulgue, sous forme de loi constitutionnelle, la loi portant révision de la Constitution conformément à son article 103.

Le Président de la République promulgue sous forme de loi constitutionnelle la loi portant révision de la Constitution, dans un délai n’excédant pas quinze jours à compter de la date de proclamation des résultats du référendum.

Chapitre XI : Dispositions transitoires et finales[modifier]

Article 139[modifier]

Le décret Présidentiel n°2021-117 du 22 septembre 2021, relatif aux mesures exceptionnelles, continu à s’appliquer dans le domaine législatif, jusqu’à ce que l'Assemblée des représentants du peuple prenne ses fonctions après l’élection de ses membres.

Article 140[modifier]

Les dispositions relatives au Conseil national des régions et des districts entrent en vigueur après l’élection de ses membres et l’adoption de tous les textes y afférents.

Article 141[modifier]

La présente Constitution porte la date officielle du 25 juillet 2022, date du référendum, concrétisant la volonté du peuple à son attachement au régime républicain.

Article 142[modifier]

La présente Constitution entre en vigueur à compter de la date à laquelle l’Instance supérieure indépendante pour les élections proclame le résultat définitif du référendum, et après que le Président de la République le promulgue et ordonne sa publication dans un numéro spécial du Journal officiel de la République tunisienne. Elle sera exécutée comme Constitution de la République tunisienne.

Fait au palais de Carthage, le mercredi 19 moharem alharam 1444 / 17 août 2022.

Kaïs Saïed Le Président de la République